Mélanie Gaudry ou comment analyser la perversion narcissique !

vendredi 23 juillet 2021, par Franco Onweb

Écrivain, essayiste, romancière, Mélanie Gaudry est une femme de lettres ! Depuis plusieurs années elle publie des textes qui sont remarquables et remarqués ! Après un roman sur la première guerre mondiale, elle vient de publier un essai passionnant sur les pervers narcissiques !

Les pervers narcissiques sont une catégorie de population dont on parle très peu, pourtant ils sont présents dans notre société où ils font des ravages. C’est après avoir été victime de l’un d’entre eux, que cette jeune auteur s’est intéressée à cette population et a réussi à montrer le fonctionnement et la perversion de ceux-ci. Ajoutons que Mélanie Gaudry a , durant le premier confinement, écrit un lettre ouverte à Emmanuel Macron sur le Rivotril et vous obtenez une jeune femme au discours passionnant qui a un avis concerné sur notre société actuelle 

Peux-tu te présenter ?

Je suis écrivain depuis huit ans. J’ai touché à beaucoup de choses dans ce domaine : j’ai travaillé pour la presse web et écrite, j’ai écrit un roman historique « avec le temps » sur la première guerre mondiale. J’ai travaillé dans la mode comme « retail manager ».

Mélanie Gaudry
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Quand on suit ton parcours, ce qui compte semble être l’écriture. C’est venu comment tout ça ?

Je viens d’un milieu familial assez proche de ce monde. On était très axés sur la création, quand j’étais enfant j’entendais beaucoup parler de livres ou d’œuvres.

Tu as d’abord écrit un premier roman « Avec le temps », un livre sur la première guerre mondiale qui rentre dans une histoire familiale.

J’ai voulu montrer la première guerre mondiale avec un angle différent. Je l’ai écrit pour le centenaire de la grande guerre. Je voulais montrer que la tragédie a eu lieu sur le front mais aussi à l’arrière avec le départ à la guerre, les séparations… C’est une histoire qui se déroule dans un huis clos avec une famille qui est un peu excentrée et que le drame familial découle du départ de certains et des personnes qui restent. Il y a un frère qui ne peut pas partir parce qu’il a un problème à la jambe et qui voit son frère partir au front. Un mécanisme se met en jeu dans cette histoire.

C’est un sujet qui a été peu abordé ?

C’est vrai, la seconde guerre mondiale est plus populaire… Il y a eu « Un long dimanche de fiançailles » mais elle a été peu abordée sauf pour les livres de jeunesse, c’est assez paradoxal !

Tu viens de sortir un essai « Pervers narcissique » : comment est-il né et comment tu définirais un pervers narcissique ?

Le livre est né de beaucoup de recherches. J’ai commencé par lire sur le sujet et puis je me suis rapproché de spécialistes et de thérapeutes pour avoir une vision globale parce que je n’avais pas de formation en psychologie. C’est parti aussi de l’engouement populaire pour le film de Maïwenn « Mon roi ». J’ai trouvé le film excellent mais peu représentatif. Je préfère le film de Claude Sautet « un cœur en hiver » qui était pour moi plus proche de la réalité. J’ai aussi rencontré un pervers narcissique.

Couverture du livre «  Narcisse perverti  »
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Mais c’est quoi ?

C’est un personne dysfonctionnelle, qui est coupée de ses émotions, qui n’a aucune empathie, aucuns affect et qui, pour combler ce vide intérieur, cherche une proie qui a une grande intelligence morale et émotionnelle pour lui transférer son mal être. Quand le transfert a été fait et qu’il a tout pris à sa victime, il change de victime et il reproduit ça ailleurs. Souvent ce sont des gens qui ont connu des pervers narcissique très jeune, avant quatre ans et qui ont choisis de se renfermer, de se couper du monde et de ses émotions. En grandissant il devient de plus en plus dangereux parce qu’il a de l’expérience.

Ce sont des gens dangereux ?

Très dangereux ! Pas dans le sens du sociopathe, parce qu’ils savent où est le bien et le mal. Mais ils ont peu de sens moral. Ils sont dangereux parce que leurs victimes peuvent aller jusqu’au suicide, se faire du mal ou encore tomber des addictions. C’est quelqu’un qui est heureux de la souffrance de l’autre : plus sa victime est en bas, mieux il se porte.

Il a besoin de la souffrance ?

Il se nourrit de ça. Quand sa proie principale va mal, il est aux anges.

Il a plusieurs proies ?

Souvent, il a une proie principale, des proies secondaires et des proies éphémères. Il mise beaucoup sur la proie principale qui peut lui apporter pleins de choses, comme de l’argent … Quand cette proie est en souffrance il a beaucoup plus d’énergie pour aller chercher d’autres proies. Plus la personne en face de lui va mal, plus il a de la puissance. Il peut influer sur son comportement donc il se sent fort. Il va chercher alors d’autres proies et se lancer dans des projets. Comme il est narcissique et mégalomane, il va se sentir à sa juste place.

Il peut y avoir des femmes ?

Oui, il y a des femmes qui sont des perverses narcissiques mais on en parle moins parce que les hommes sont plus discrets sur le sujet. J’ai été dans beaucoup d’associations pour témoigner et rencontrer des victimes et j’y ai vu très peu d’hommes. Ceux qui étaient là ne racontaient pas leurs expériences. Chez les pervers narcissiques la femme est plus dangereuse parce qu’elle peut jouer de sa faiblesse féminine.

Est-ce une forme de violence conjugale ?

C’est une violence conjugale parce que le pervers narcissique peu amener sa proie à faire des actions qu’elle ne veut pas comme le viol… Quand on se sert de l’affectif pour faire des choses dans un couple cela peut amener une forme de viol avec une violence à part entière. Il peut menacer de se suicider, de partir du jour au lendemain, de partir pour une autre proie… Il y a pleins de manières différentes de faire du mal à l’autre. Par contre c’est rare qu’il y ait de la violence physique. Il peut être violent mais il prétendra toujours qu’il n’a pas fait exprès. Il peut faire tomber quelque chose par terre, renverser des meubles mais il prétendra que ce n’est pas lui. Ce seront des choses sournoises mais pas de grands gestes violents … Par contre répéter à quelqu’un tous les jours des reproches ou des insultes est une forme de violence. C’est de la dévalorisation constante. Rabaisser les gens c’est le quotidien du pervers narcissique ! Il veut lui faire comprendre que sa victime lui est inférieur. Il peut y avoir de la violence sexuelle aussi mais c’est plus sournois. Il va monter en pression petit à petit en menaçant, par exemple de s’en aller, donc oui c’est une forme de violence conjugale.

Affiche du film «  Un coeur en hiver  » de Claude Sautet
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On peut penser que les dictateurs ou les gourous de sectes sont des pervers narcissiques ?

Pour les gourous, il y a une forme d’emprise. Un pervers narcissique ne sait pas toujours ce qu’il fait comme il a été coupé de ses émotions quand il était enfant, il est dans sa vérité, les autres sont anormaux. Le gourou, lui, est un manipulateur pour avoir de la puissance ou de l’argent. Il y a peu de temps j’ai fait un article dessus qui s’intitulait « les pervers narcissiques et leurs plaggieurs ». Ce sont des gens qui sont fascinés par les pervers narcissiques et qui s’approprient les fonctionnements pour gagner en puissance. Le gourou est plus un manipulateur.

Et les dictateurs ?

Si on prend Hitler, c’est quelqu’un qui avait une aura hors du commun. Il réussissait à amasser des foules dans ses déplacements et je pense qu’il était un pervers narcissique.

Staline ?

Bien sûr ! Si on regarde son culte de la personnalité, il est totalement pervers narcissique. Pour en revenir à Hitler je pensais à son comportement vis-à-vis de Eva Braun et toutes les violences qu’il lui a fait subir. Staline était mégalomane, il voulait se donner une image parfaite alors que derrière il savait la vérité.

Est-ce qu’aujourd’hui dans les médias tu vois des faits ou on voit des pervers narcissiques ?

Il y a l’affaire de la femme qui a été jugée pour avoir tuée son compagnon qui la prostituait alors que avant il était son beau-père. On est face à un pervers narcissique, parce que depuis des années il lui faisait subir des horreurs et elle était sous son emprise. Il avait changé de proie puisque avant il était avec la mère, il y a des concordances avec le pervers narcissique. C’est aussi le cas de l’affaire de Jacqueline Sauvage qui a tué son mari, alors qu’il l’a battée, au moment où il voulait la quitter. C’est le cas précis où une personne est tellement sous la coupe qu’il l’a totalement isolé. Il avait réussi à la mettre sous sa coupe et à penser comme lui. Pour elle, le fait de perdre son pervers narcissique, c’était perdre sa vie : il la faisait penser comme lui, il dirigeait sa vie… Il faut beaucoup d’énergie pour pouvoir rester à côté d’un pervers narcissique. Donc si il part c’est perdre sa vie et tout ce qu’on a construit. Ça veut dire qu’il a trouvé mieux, une proie plus intéressante et c’est un discours que le pervers narcissique adore ! Ça use sa victime au fil des années et quand il lui a dit qu’il allait partir, elle a vu sa propre mort : elle avait tout construit autour de lui.

Comment tu les repère ?

Il faut étudier la personne sur plusieurs années : il change de ville et de quartiers souvent, il change de partenaire aussi très souvent … Il fait des coupures très régulièrement. Il est fâché avec sa famille, il y a une instabilité constante … Il faut voir aussi comment il incorpore toujours une troisième personne à la relation.

C’est-à-dire ?

C’est quelqu’un qui veut séduire une personne et qui demande des conseils à sa victime principale. C’est l’inverse de la morale, il ne va pas cacher son adultère, il va la mettre en évidence pour rabaisser sa victime et la mettre en compétition. Il y a aussi chez lui un fort esprit de contradiction. Il va constamment dire ses vérités, en affichant ses idées et ses convictions et ensuite il va faire l’inverse sans se dissimuler. Il prend parti sur une position et change radicalement. Sa victime ne sait plus quoi penser et il la domine encore plus. Ce sont ces trois points qui font le pervers narcissique.

Tu as fait parler de toi sur les réseaux sociaux avec une lettre écrite au président de la république pendant le confinement. Qu’as-tu pensé de la situation ?

Cette lettre, qui a été lue plus de 500 000 fois, a été écrite pendant le premier confinement. J’ai voulu dénoncer le problème de gestion de la crise sanitaire mais aussi le décret sur le Rivotril qui a été voté en avril 2020 pour administrer ce caché, qui n’avait rien à voir avec le Covid 19 et qui euthanasié des gens pour libérer des lits d’hôpitaux. Il a permis de faire des choix, les fameux choix. Il a été donné pendant deux mois dans les Ehpad et les hôpitaux. Pourquoi détourner son autorisation alors qu’ on a bloqué la Chloroquine ? Je voulais dire que c’était les laboratoires qui gouvernaient notre pays à l’époque.

Tu as eu des retours ?

Pas du président mais beaucoup de maires et d’élus locaux. Une personne proche de Macron m’a écrit, et a voulu ensuite me parler au téléphone, pour me demander d’écrire une contre-lettre pour dire que ce n’était pas vrai et présenter mes excuses au président. Je n’ai pas voulu le faire et le lendemain c’était censuré !

Pardon ?

Oui, j’ai reçu un mail d’un proche d’ Emmanuel Macron qui ne parlait que de la Chloroquine. Il ne parlait pas du Rivotril. Il ne parlait pas du fait que la belle-fille de Macron avait été soignée à la Chloroquine ainsi que les militaires qui en avaient un stock énorme. On m’a juste dit que c’était inefficace. Il fallait écrire au président pour admettre qu’il faisait tout ce qu’il pouvait et que c’était pas bien d’avoir été méchant avec lui. C’était presque puéril ! Le président aurait été très content de lire ma lettre d’excuse. J’ai répondu très poliment que non et le lendemain matin ma lettre était censurée partout : réseaux sociaux, journaux, blogs … Partout on ne pouvait plus la lire !

Quel est ton sentiment sur cette génération qui est en train de passer à côté de la littérature ?

Je pense que la génération actuelle est une génération perdue. Elle a perdu les codes moraux et sociétaux. Elle a perdu les codes de l’art comme la peinture ou la littérature, qui est un art majeur. Les arts sont écartés au profit de l’éphémère. La loi de Jospin de 1989 a été terrible pour l’éducation, le bac est devenu une coutume et n’est plus valorisant : plus de notes, plus de matières ... Les diplômes et l’éducation ont perdu leurs valeurs. C’est dommage que les enfants et les adolescents ne soient plus poussés. Au lieu de se servir des nouvelles technologies pour développer des savoirs, on les rend dépendants de ces outils et la génération qui arrive après eux va encore plus en souffrir parce que nous, on est encore capable d’expliquer un beau livre ou un beau film, pour eux ce sera terrible puisque plus personne ne sera capable de leur expliquer Victor Hugo ou Balzac. Il faut montrer aux enfants des films, de la vraie littérature, les amener dans les galeries d’art… Sinon on n’aura plus que le téléphone ou la tablette et ce sera terrible 

Que veux-tu dire pour la fin ?

Mon parcours c’est d’abord de la littérature : décrire par des mots des messages et des situations. J’encourage tout le monde à le faire. Il faut faire sauter les barrières pour écrire parce que c’est libérateur.

Narcisse perverti - Essais sur la manipulation perverse narcissique de Mélanie Gaudry - Le Lys bleu Éditions