Tu sors un nouveau livre chez Larousse : « Le club des 27 ». C’est quoi ce club ?
C’est un club qui a été inventé par des journalistes après les morts successives, à la fin des années 60 et au début des années 70, de Jimi Hendrix, Jim Morrison, Brian Jones ou encore Janis Joplin à l’âge de 27 ans. On a alors commencé à imaginer des explications, à créer des mythes autour de cet âge fatidique. On a parlé de la malédiction des J : Jimi, Jones ou Janis (rires). On a aussi étudié leurs signes astrologiques, tout y est passé. Au fil du temps, il y a eu beaucoup de musiciens de blues, de rock, de jazz, et maintenant de rap, qui sont morts à 27 ans. Le premier en date, c’est le bluesman Robert Johnson, ensuite, après ceux déjà cités, c’est l’hécatombe : un membre des Drifters, Dave Alexander des Stooges, Amy Winehouse, ou encore un chanteur russe dissident, Alexandre Bashlachev. Ce qui m’a intéressé ce n’est pas le mythe autours de cet âge, mais plutôt l’histoire de la musique populaire du 20e siècle que ces personnages retracent. De Robert Johnson, avec le blues, à Fredo Santana, un rappeur du 21e siècle, on a toute la palette musicale des cent dernières années : le rhythm’n’blues, le rock’n’roll, le psychédélisme, le krautrock, car je parle aussi d’un musicien allemand dans le livre, et le hip-hop. C’est ce que raconte aussi ce livre : l’évolution de la musique populaire.
Combien de musiciens sont morts à 27 ans ?
J’en ai sélectionné 27 pour la symbolique du chiffre, mais il y en a beaucoup plus. J’ai gardé ceux qui m’intéressaient, autour du blues, du rock et du rhythm’n’blues.
Est-ce que 27 ans, ce n’est pas la fin d’une forme d’adolescence ?
C’est une façon romantique de le dire mais je te répondrais plutôt d’une façon médicale, c’est un peu l’âge où tu ne peux plus vivre d’une certaine manière, où tu ne peux plus boire d’alcool de manière outrancière et te gaver de drogues. C’est un moment où le corps se fatigue et si tu ne lèves pas le pied c’est généralement définitif ! Ça peut paraître très jeune 27 ans, mais, pour la plupart, ce sont des gens qui ont commencé leur carrière très tôt : Hendrix était sur la route depuis l’adolescence.
Tu l’as établi comment ta liste des 27 ?
J’ai fait des recherches, j’ignorais l’existence de certains d’entre eux, dont ce musicien de krautrock allemand, Helmut Köllen, c’était très souvent passionnant. J’ai réécouté leurs disques, regardé des documentaires, j’ai beaucoup lu, surtout en anglais, mais aussi en russe, en espagnol, en allemand, merci Google Traduction !
C’est le premier livre en français sur ce club ?
C’est le premier sous cette forme, en grand format, avec 400 photos, et aussi exhaustif. Il y a eu des documentaires aussi. La liste n’est jamais à jour malheureusement, car le club s’agrandit régulièrement !
C’est toi qui as proposé l’idée à Larousse ?
Non, c’est Larousse qui m’a contacté. Je n’aurais jamais eu l’idée de faire un livre sur ce club que je croyais beaucoup plus limité. Véronique Tahon me l’a proposé, j’ai réfléchi et, assez vite, j’ai répondu oui.
C’est un travail énorme ?
Oui, surtout que j’ai eu peu de temps par rapport à la somme de travail, mais j’ai l’habitude : ce n’est pas un problème pour moi (sourire).
Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas une compilation avec le livre ?
Il faudrait que les maisons de disques se mettent d’accord, il y a des artistes sur tous les labels, et franchement ce n’est pas mon boulot. C’est un business de maisons de disques.
Pour lequel tu as le plus de tendresse chez ces 27 ?
Fredo Santana, que je présente en dernier dans le livre. C’est un petit loser dont le père appartenait à un gang très dur de Chicago. J’ai retrouvé une photo de lui bébé où son père le tient dans une main et dans l’autre il a un automatique. Il est né dans la violence et n’en est jamais vraiment sorti. Son histoire est vraiment émouvante.
Ce ne sont pas des losers la plupart du temps !
Non, ce sont souvent des gens qui ont connu le succès et laissé une œuvre fantastique.
Tu as trouvé des points communs entre tous ?
Ils ont souvent grandi au sein d’une famille à problèmes : il manque un père ou une mère, des parents alcooliques ou suicidaires… Ils ont tous vécu à un rythme infernal, au sein d’un système qui broie les plus faibles : le cycle studio-promo-tournée et on recommence six mois plus tard…
Ils sont souvent morts de manière peu naturelle ?
Oui, sauf quelques-uns, dont Pete de Freitas, le batteur d’Echo and the Bunnymen qui se tue dans un accident de la route. Pour les autres, c’est la drogues, l’alcool, le suicide, voire le meurtre, dans le cas de ce chanteur de rhythm’n’blues, Jesse Belvin, qui donne le premier concert multiracial de la ville de Little Rock, en Arkansas, et décède quelques heures plus tard dans un accident de voiture assez étrange. On a bâclé l’enquête, mais, selon toute vraisemblance, son véhicule avait été saboté.
Il n’y a pas de Français ?
Non, aucun de nos musiciens connus n’est mort à 27 ans.
Tu parles de rock de manière littéraire. Tu restes dans la mythologie du rock que tu aimes.
Pour moi ce n’est pas de la mythologie, ce sont des faits. Une mythologie, c’est une légende librement inspirée de faits réels. Je suis dans le concret : je ne magnifie surtout pas la mort. Il y a une citation d’Alice Cooper au début du livre qui dit : « Aucun de nous ne pensait vivre au-delà de trente ans ». Et une autre de Daniel Darc : « La mort n’est romantique que pour ceux qui survivent ». Ces deux phrases résument mon état d’esprit : je ne trouve rien de romantique à la mort !
Mais la mort a magnifié certains d’entre eux ?
Et je trouve ça très con ! Ce n’est pas pour leur mort mystérieuse ou mythifiée qu’il faut les aimer.
Quels sont tes projets ?
J’écris régulièrement dans Vinyle&Audio, un peu dans Rock&Folk, et j’ai des idées de romans en pagaille.
Aujourd’hui tu es un écrivain assez installé ?
On n’est jamais vraiment installé, tu sais, mais après une quarantaine de livres, je crois que je suis devenu un auteur, ou écrivain, peu importe les mots. Par contre, tu dois écrire beaucoup pour en vivre, c’est pour quoi j’ai publié des livres sur la pop culture ou le cinéma. D’autre part, pour continuer à écrire sur la musique sans se répéter, il faut trouver des angles originaux.
Tu n’es pas un écrivain de la pop culture ?
Je ne sais pas, j’aime la culture populaire comme le polar ou les séries B au cinéma, c’est vrai que cela nourrit mon imaginaire. Et le rock fait partie de la pop culture, même s’il a un peu trop tendance à rentrer les musées, ce qui me désespère !
Le club des 27 par Pierre Mikaïloff
Edition Larousse
https://www.editions-larousse.fr/livre/le-club-des-27-9782036026735