Jean-Emmanuel Deluxe nous raconte les Sparks à travers « This town ain’t big enough for both of us »

jeudi 14 novembre 2024, par Franco Onweb

Les Sparks ! Si un jour on vous demande ce qu’est la pop music ? N’hésitez pas à lui faire écouter un disque du duo californiens. A la base c’est l’histoire de deux frères qui ont grandi à Hollywood, fascinés par le cinéma et la musique. Se moquant des conventions les deux frères montent un groupe basé principalement sur les claviers de Ron, le grand frère, et Russel, le chanteur à la voix si particulière. Devant le manque de succès, le duo s’embarque pour l’Angleterre où ils sortent le titre « This town ain’t big enough for both of us » qui va les amener vers le succès ! Les Sparks, c’est plus de 50 ans de carrière, des albums impeccables et surtout un son et un univers qui en fait des maestros de la Pop Music.

Jean-Emmanuel Deluxe vient de sortir dans l’impeccable collection Seven Inches de l’éditeur « Le Boulon », un livre autours de « This town ain’t big enough for both of us », ce titre emblématique qui a permis aux deux frères de rencontrer un succès incroyable et mérité. A travers ce livre, c’est l’histoire des Sparks qui est racontée mais aussi une formidable description de l’univers d’un groupe hautement recommandé.

Tu es un grand spécialiste de la Pop Culture et là tu sors un dixième livre sur les Sparks qui sont des emblèmes de la Pop Culture. Pourquoi ce livre et pourquoi les Sparks ?

Parce que j’aime les Sparks depuis longtemps ! Je les ai découverts avec « When I’m with you », comme beaucoup et mon éditeur « Le Boulon » avait cette collection Seven Inches qui raconte un titre emblématique d’un artiste, et de son univers. On a discuté ensemble et je lui ai proposé de faire un livre de « This town ain’t big enough for both of us ». En plus on commence à parler pas mal des Sparks, notamment avec le documentaire sur leur carrière et le César qu’ils ont eu pour le film de Leos Carax (Annette, NDLR). Il y avait peu de livres sur eux en France. Ça me semblait bizarre et voilà.

Jean-Emmanuel Deluxe
Crédit : Jeremy Giroux

En lisant ton livre, on s’aperçoit que les Sparks sont, presque, une « Madeleine de Proust » pour toi. Tu les as découvert à 10 ans devant la TV familiale et ensuite tu les as toujours suivis.

Je les avais trouvés étonnants ! Visuellement ils étaient incroyables avec Ron (Maël NDLR) et sa petite moustache, et Russel (Maël, NDLR) avec son élégance. Ils m’avaient marqué, comme beaucoup, et je les ai suivis ensuite. Comme ils n’avaient pas toujours une activité en France, on avait l’impression de faire partie d’un groupe de happy few… Même si on ne parlait pas trop d’eux dans les médias français, ils continuaient à sortir des disques. Je suis content que l’on parle plus d’eux et que l’on puisse enfin sortir du petit cercle d’initiés. C’est un groupe qui a toujours été constant, qui a régulièrement sorti des disques et à enregistré C’est ce que l’on apprend dans le documentaire « The Sparks Brothers », que ce soient les périodes où ça marche pour eux ou les périodes où cela marche moins, ils sortent des choses de qualité. C’est rare un groupe, qui au bout de cinquante ans, continue à sortir des disques. Ils ont une vingtaine d’albums à leur actif et qui, surtout, ont su se renouveler.

Est-ce que les Sparks ne seraient pas une sorte de « mètre étalon » de la Pop Culture ?

Peut-être, ils ont toujours cherché la mélodie et même si leur musique paraît simple, elle est beaucoup plus complexe que l’on ne pourrait le croire. Ils savent se renouveler, ils s‘inspirent de l’air du temps. Ils précèdent, souvent, les modes sans jamais les suivre. Ce n’est pas un groupe figé dans un « style ». L’ADN du groupe, ça reste Ron et Russell. A chaque fois c’est le même groupe mais qui évolue avec la musique de Ron. Ce qui est pop chez eux, ce sont leurs références.

Pour rebondir sur ce sujet, je voudrais que l’on évoque « le Glam Pop » dont parle Olivier Cachin dans son introduction.

Ce terme pourrait définir leur « époque anglaise » avec l’album « Kimono My House ». Il y a du rock dans leur musique mais aussi beaucoup de pop un peu…. Glamour ! D’où ce terme « glam pop ». Ça se justifie chez eux parce qu’ils sont plus pop que rock ce qui fait que certaines personnes ont du mal à les suivre parce qu’ils ont brouillé les pistes : ils ont continué à faire du « glam rock » mais aussi beaucoup de pop et même de l’électro…

Pourquoi ce titre « This Town Ain’t Big Enough For Booth For Us » est aussi important ?

C’est l’un des titres les plus populaires des Sparks, après deux albums assez confidentiels sur le label Bearsville, c’est la signature chez Island et l’installation en Angleterre et c’est à partir de là qu’ils ont explosé avec ce titre. Il a marché un peu partout dans le monde, y compris en France mais il a cartonné au Royaume-Uni. Il synthétise les Sparks avec ce côté mini-opéra et son humour deuxième degré. S’il faut écouter un morceau pour découvrir les Sparks c’est celui-ci.

Mais les Sparks c’est la réunion entre un claviériste fantastique et un chanteur à la voix puissante. Ils vont presque inventer la pop moderne en influençant beaucoup mais alors beaucoup de monde.

Ah oui, quand ils vont passer à « Top Of The Pop », il y a pleins de futurs musiciens qui vont les voir et qui vont monter des groupes par la suite. On évoque toujours de l’influence de David Bowie quand il est passé à cette émission la première fois mais eux ça va être énorme. Tu prends un pays comme la France, ce titre va influencer les Rita Mitsouko avec qui ils vont enregistrer après, Léos Carax, Lio, Arnold Turboust, ils vont produire Bijou… Ils ont, aussi, un vrai lien avec la France !

Ce que tu racontes et qui est incroyable, c’est la tournée qu’ils vont faire après : on a l’impression que ce sont les nouveaux Beatles !

(Rires) Oui, il y avait pleins de filles qui hurlaient, il y avait aussi le public plus âgé composé d’étudiants un peu cultivé. Ce sont deux mondes qui se côtoient.

Tu cites une liste de musiciens influencés par les Sparks : ça va de New Order, à Steve Jones des Sex Pistols en passant par Lio. C’est incroyable le nombre de personnes qu’ils ont influencé. Ne sont-ils pas le groupe ultime de la Pop et de la Pop Culture ?

S’il fallait sélectionner un groupe pour définir la Pop, ils seraient dans le peloton de tête.

Contrairement à Bowie, ils ont beaucoup d’humour !

Complètement, ils ont un côté « Méta » comme on dit aujourd’hui !

Tu les as découvert à 10 ans et ensuite tu vas les suivre tout le temps.

Oui, je les ai suivis même dans les périodes où ils seront moins suivis. Ils n’ont jamais cessé de sortir des disques. Ils ont notamment fait un disque à Ingmar Bergman qui est superbe. Je les ai vu sur scène quand ils sont revenus en force avec « Hello young lovers » et c’était fabuleux.

Tu les as rencontrés ?

Une fois dans une soirée et après je les ai interviewés à trois reprises. Ils ont bien voulu participer au livre. J’avais leurs mails et celui de leur manageuse et ils ont accepté de participer à ce projet en répondant à quelques questions.

Les Sparks en 1974
Droits réservés

Tu penses quoi du texte de la chanson ?

C’est un peu ésotérique avec beaucoup d’humour. Il y a presque un côté sexuel caché par des métaphores. Je recommande vraiment de lire leurs textes et de les traduire.

Sur la pochette du 45t, ils posent avec tout le groupe et pas eux deux ?

C’était un vrai groupe et donc c’est normal qu’ils posent avec tous les musiciens.

La préface est d’Olivier Cachin, que tu as interviewé à la fin, pourquoi lui ?

C’est un fan des Sparks ! Je cherchais quelqu’un pour la préface et lui les a suivis. C’est un énorme fan du groupe qui les a rencontrés et interviewés plusieurs fois. Il pouvait me communiquer des informations sur les Sparks et la France et pour toutes ces raisons il était parfait pour la préface.

On parle du Boulon, ton éditeur ?

Oui, c’est Xavier Belrose, quelqu’un que j’apprécie beaucoup humainement et professionnellement. Je l’ai rencontré parce qu’il travaillait, et travaille, toujours pour les éditions Rock’n Folk. On avait travaillé ensemble pour mon livre sur Polnareff. C’est un très bon éditeur et c’est bien d’augmenter l’offre de livres sur la musique en France.

Si tu devais me conseiller un titre et un album pour découvrir les Sparks, seraient ils cela ?

Bien sûr ! Surtout que « Kimono My House » va être réédité début décembre, une version augmentée pour les cinquante ans de la sortie avec des inédits. C’est une bonne porte d’entrée au groupe.

Vois-tu des groupes ou artistes dans la scène actuelle qui continuent le travail des Sparks ?

A une époque, je trouvais que Pulp faisait des choses intéressantes proches des Sparks, surtout avec leur chanteur Jarvis Cocker. Cela date un peu… Dans les groupes actifs je n’en vois pas beaucoup mais il reste les Sparks (rires). Il y a aussi peut-être Lawrence de Felt qui est dans Mozart Estate et qui a ce décalage et cet humour. Mais leurs filles spirituelles sont celles du groupe, ‘’the last Dinner Party’’. Elles viennent de sortir il y’a quelques mois leur premier album sur Island justement ! Leur reprise de ‘’This Town’’ est dantesque !

Les Sparks continuent avec une belle carrière au cinéma !

Oui, avec « Annette » le film de Léos Carax qui est un film chanté pour lequel ils ont eu un César. C’est un film chanté qui plus est…

Est-ce que les Sparks vont revenir ?

Je sais qu’ils ont des projets de cinéma avec la réalisation d’un film. Ils ont fait des études de cinéma et ils ont failli travailler avec Tati et Tim Burton. J’espère qu’ils vont revenir jouer en France. Ils continuent à travailler avec beaucoup de régularité et c’est ça qui est impressionnant.

Ne seraient-ils le groupe parfait qui a parfaitement incorporé le son et l’image ?

Oui, il suffit juste de voir leurs pochettes avec ces visuels incroyables.

Tu as quelque chose à ajouter ?

Oui, il faut écouter leur dernier album, ‘’the girl is crying on her latte’’. C’est rare les groupes qui ont un niveau artistique aussi important après autant d’existence. Ce qui est incroyable c’est qu’ils ont beaucoup de portes d’entrées.

Quels sont tes projets ?

J’ai des projets de livres et une revue avec « Le Boulon » qui va s’appeler « Panorama Deluxe » (rires). Une revue annuelle qui sera un gros livre et dont le premier thème sera le brutalisme dans l’architecture. C’est-à-dire l’acier, le verre et le béton avec l’importance que cela a eu dans les arts. Je travaille aussi sur mon prochain album avec pas mal d’invités. Je profite aussi de l’occasion pour remercier ma meilleure amie Adélaïde dont le soutien moral m’a beaucoup aidé depuis mon incendie de sinistre mémoire

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