Franck Headon : Le groupe date de 2013, mais la formation actuelle avec Jean Baptiste Polidoro date de 2015. Le premier album a été enregistré avec un autre guitariste, Gully Therock. La formation de toute façon est simple … BED BUNKER est un Duo même si à la base cette formation est un peu vue comme mon projet « solo ». Je suis batteur depuis plus de 35 ans et officie toujours dans Headon. BED BUNKER a été au début le moyen de jouer mes propres compositions qui n’était pas raccord à l’univers Headon. Je compose donc tous les morceaux, je joue ma partie de guitare, la basse, les voix, les claviers monophoniques et les programmations séquenceurs et drums. Jb qui est bien meilleur poly-instrumentiste que moi gère la deuxième guitare et les pianos et les claviers polyphoniques. Pour la scène on utilise un Multipistes numérique (8) où sont enregistrés la basse, la batterie, les séquences et les claviers. Bien sûr on joue avec les deux guitares et les voix. Ma culture est « Rock » au sens large, mais mon adolescence à été bercé par la New Wave et L’Indus. Ma première volonté était de faire quelque chose d’assez minimaliste avec des guitares et une boîte à rythmes… puis sont arrivées les « machines ».
Et toi Jb peux te présenter ?
Jean-Baptiste Polidoro : Je suis guitariste dans BED BUNKER depuis 2015 et je fais aussi des claviers en studio… et voir plus si besoin.
Quand on parle de vous on vous compare à Dominic Sonic sur son premier album ou Suicide ?
F : Suicide, c’est clairement ma culture ! Pour Sonic le premier album est incontournable et reste une référence dans ce registre mais ce n’est pas pour moi une inspiration.
Mais tu as fait ce groupe parce que tu ne pouvais pas faire tout ce que tu voulais dans Headon ?
Headon est un groupe de Swamp Rock et j’avais envie de quelque chose de plus électronique, plus « noisy »… Je voulais tenter des choses qui n’avaient pas de sens avec mes « Brothers » d’Headon. Et aussi j’avais envie de faire de la guitare … même si pour moi cet exercice n’est pas inné.
Mais c’est aussi une manière de jouer plus souvent parce qu’ à deux c’est plus facile de jouer, de se déplacer et de trouver des concerts ?
F : Au début ce n’était pas l’idée mais maintenant cela l’est devenue. C’est plus facile de trouver trente dates à deux qu’à six. D’un point de vue économique c’est beaucoup plus viable parce qu’on peut jouer dans des petits endroits et avec des « petits » cachets. (rires)
Mais vous ne vous interdisez pas de jouer avec un batteur, un bassiste ou un clavier ?
F : Ce n’est pas l’idée. Ça serait compliqué et surtout on partirait dans un schéma « classic-rock ». Pour les morceaux les plus simples il faudrait un batteur (trigger) , deux claviers … Il faudrait qu’on soit minimum cinq. Un projet minimaliste paraît toujours simple, mais ce qui paraît simple est bien souvent compliqué à mettre en œuvre. On ferait du « Garage » ça serait moins compliqué et ça demanderait moins de travail !… Après c’est pas simple car le public à besoin de repères « classiques ». Il n’y a pas à un concert ou un mec ne me demande si je songe à prendre un batteur ! Je me demande si on posait la même question à Alan Vega ? (rires) !
Jb : Beaucoup de groupes comme Nine Inch Nails ou même Depeche Mode ont un batteur sur scène juste pour le show… Après pour un groupe comme nous , cela nous limiterait à tourner que dans des salles ou des clubs, ce serait beaucoup de boulots pour pas grand-chose en finalité, et on y perdrait en originalité .
Comment s’est fait la connexion entre vous ?
F : J’avais des dates de prévus, le précédent guitariste avait jeté l’éponge. On avait ouvert pour les Supersuckers et Jb était dans le public. Deux semaines plus tard on s’est croisé dans un bar, on a discuté et je lui ai dit que j’allais arrêter parce que je n’avais plus de guitariste. Il m’a répondu « j’ai une Télécaster et des santiags » ça peut le faire ! (rires). On n’a pas le même parcours et j’ai trouvé intéressant nos 15 ans d’écart. Ça a « matché « tout de suite. Deux semaines plus tard on était sur la route !
Vous vous sentez comment à Rennes, la ville de Marquis de Sade ou de Marc Seberg, la ville de la « New Wave » Française ! Vous êtes quand même très rock ?
F : Il faut savoir que même si aujourd’hui on reparle de ces groupes, c’est assez récent. Beaucoup les avaient oubliés et, même, jamais connus. Quand j’ai commencé la musique au milieu des années 80 c’était déjà presque ringard d’aimer Marc Seberg ! Mais c’est toujours la même chose … L’histoire se répète.. Ce qui est ringard un jour devient « branché » un autre … comme le formica (rires) ! Rennes a aussi bien changé, aussi bien dans le public qu’au niveau des groupes. Je me sens parfaitement à l’aise à Rennes, c’est « ma » ville. Je respecte beaucoup tous ces groupes, ces musiciens qui ont fait l’histoire, ce sont un peu nos pères… Marquis, Les Nus, Frakture, Kalashnikov, Gil Riot, … Est-ce qu’on colle à l’image de Rennes ? Peut-être pas ! Mais on est rarement prophète dans sa ville.
Mais votre son est plutôt Américain, alors que cette scène avait un son plutôt Anglais ?
F : Je me sens plus près d’un Stooges, d’un Mudhoney ou de Mark Lanegan par exemple que de la scène pop British, c’est certain … Mais des groupes anglais comme The Sound, Spacemen 3, Sister Of Mercy, Jesus & Marie Chain, Gallon Drunk ou autre Loopsont d’incontournables sources d’inspiration.
Justement c’est quoi vos influences ?
Jb : c’est compliqué comme question, on a tous les deux des milliers de disques chez nous et forcément on écoute beaucoup de choses … disons que j’ai une culture classique de rock anglais : Deep Purple, Led Zep… J’ai même été dans le « Hard rock ». J’ai fait des plans à la guitare de « guitar Hero ». Cela me sert maintenant dans BED BUNKER où je fais un boulot rapide et propre. Ça donne de la couleur au groupe. J’aime aussi l’Indus, je parlais précédemment de Nine Inch Nails. J’aime les sons assez marqués !
F : En tant que guitariste j’aime les guitares qui « gueulent « et qui Fuzz ! Maintenant en tant que musicien au sens large j’écoute beaucoup de Soul ou de rythm’n Blues. Sinon on navigue dans plusieurs univers, un peu comme Killing Joke qui naviguaient sur plusieurs univers, la New Wave, la Cold Wave, un peu d’indus, l’Électro… Un de mes groupes favoris reste les Swans.
Tu dois être fan de Jon Spencer ?
F : L’album Orange à son époque nous a tous « bouleversés » ! Et John Spencer avec Pussy Galore fait partie de la scène new-yorkaise avant-gardiste comme Les Chromes Cranks, les Swans … Ce sont des groupes qui naviguent entre le Dark rock , le Blues et l’Indus.
Pourquoi BED BUNKERS ?
(Rires) Au début je n’avais pas d’idées de nom et puis j’ai vu une pub pour tous ces trucs qui existent pour les américains paranos, les lits qui se déplient et où tu peux cacher des armes, ton fric… Je trouvais le côté absurde, et à la fois inquiétant et triste, assez raccord avec le projet.
Justement vous avez beaucoup joué ?
F : On a joué un peu partout en France et un peu à l’étranger. Pour le premier album on a fait un « release party » avec la reformation de Kas Product. Pour le deuxième album on l’a fait avec la reformation de Jad Wio. C’était assez cohérent avec ce que nous faisions. Et aussi quelques festivals dans l’hexagone (Binic).
Jb : On a fait beaucoup de dates dans des clubs ! Le seul endroit où nous n’avons pas joué c’est Paris !
Pour le premier album Jb n’était pas présent ?
F : Non mais il a fait toutes les dates qui ont suivi la sortie de l’album.
Et sur le deuxième album ?
F : Là c’était différent ! On l’a fait chez Jb, dans son studio « Suppa Soup » sans trop réfléchir. On avait la plupart des morceaux que l’on faisait déjà sur scène pendant la tournée du premier album.
Donc vous êtes vraiment un duo. Ce n’est pas ton projet solo ?
F : Comme déjà évoqué, pour moi c’est un duo. je compose à la base mais cela ne veut pas dire grand-chose : je trouve une mélodie de guitare, je mets une boite à rythme, un séquenceur basse et une mélodie de voix. Ensuite Jb arrive, on travaille à deux et le morceau prend son sens. Et sur scène on se laisse beaucoup de liberté, même si cela ne se voit pas forcément à cause des machines.
JB : On a déjà un côté hyper figé par la machine, donc on essaye avec les guitares d’y ajouter un côté plus improvisé et spontané.
Mais ce n’est pas frustrant d’avoir une boite à rythme qui peut vous « figer » ?
F : Pour pleins de gens c’est le cas, pour moi pas du tout. J’aime ce côté « strict » et « carré ». Mais tu peux avoir une machine derrière toi et, comme le disait Jb, faire preuve d’une certaine improvisation sur les guitares. Et l’interprétation peut être totalement différente entre les shows. Le seul truc c’est qu’il faut être en place et connaître tes morceaux ( rires).
Jb : On a tous les deux travaillé avant avec des boîtes à rythmes et Franck est batteur donc cela ne nous pose pas de problème. Au contraire et c’est jouissif de faire autant de « bordel » a deux !
Vous ne vous refuserez rien, même chanter en Français ?
F : Pourquoi pas, même si le chant en français c’est pas mon truc… cela demande une rigueur d’écriture que je n’ai pas.
Jb : Ce n’est pas du tout la même musicalité que l’Anglais. Pourquoi pas sur une musique d’ambiance et un texte parlé ?
Vous faites des reprises ?
F : Oui deux en ce moment, une de God un groupe Australien et un morceau de Madrugada un groupe norvégien qui sera certainement sur le nouvel album avec une reprise de Roxy Music.
Jb : On a aussi enregistré sur les précédant LP et EP deux reprises des Stooges, une de J. Cash et une de The Sound…
On parle de Beast Records, votre label ?
F : Beast Rcds répond parfaitement à notre besoin actuel. Le label est géré par Boogie le chanteur d’HEADON donc nous sommes forcément proche de celui-ci. Mais il t’en parlera mieux que moi…
Mais c’est important d’être sur un label associatif rennais et pas sur un autre indépendant ?
F : Disons que nous sommes fidèles à ceux qui nous ont soutenus. Beast Rcds a répondu présent dès le début. Donc nous n’avons normalement pas de velléité à aller ailleurs tant que l’on ne nous fout pas dehors ! C’est devenu aujourd’hui un gros label indépendant dans le rock et pas que, avec une image de marque et un catalogue impressionnant. Mais on pourrait aller ailleurs cela avait un réel intérêt et avec l’accord de Beast Rcds.
Jb : Être sur un label Rennais est aussi une fierté et cela ne nous cantonne pas à la ville ou à la région. On se limite qu’à un concert par an à Rennes.
C’est quoi vos gros concerts ?
F : Le festival de Binic sur la scène de la Banche, sinon c’est des clubs comme l’Ubu ou des cafés concerts dans toute la France .Même si nous arrivons à faire une trentaine de dates par an, nous n’avons pas accès aux structures genre SMAC ! A part si tu contactes une boite de RP, tu as peux de chance d’être programmé sur ce genre de salle… mais c’est un vaste sujet …
Vous vivez comment la situation actuelle ?
F : Malheureusement, on se demande si on va rejouer un jour …. Le réseau qu’on avait avec les petits clubs et les Cafés concerts est aujourd’hui moribond !
Jb : J’ai pu jouer avec Jehan en septembre dans un concert en plein air et on avait l’impression que c’était un peu le dernier …
F : Ce qui est compliqué c’est que les mois passent et que ça ne reprend pas, et il faut rester positif... Pendant le confinement, pleins de gens, comme nous, ont profité de cette période pour enregistrer des albums. Mais on se demande si il est pertinent de le sortir, car la promotion de celui-ci passe par le « Live ». Et comme on ne joue pas ... Nous n’avons pas les moyens de se payer des attachés de presse. Je pense d’ailleurs que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas de figure. En plus les seuls revenus d’un groupe aujourd’hui ce sont les concerts. Ce n’est pas avec ce que la Sacem te verse que tu vas bouffer !
Les projets ?
Un troisième album est prêt, il part au mastering dans quelques jours. On espère le sortir en avril ou mai et pouvoir le jouer au moins à la rentrée.
Vous pourrez jouer en plein air quand ça reprendra ? On a l’impression que vous êtes plus à l’aise dans les salles ou les clubs.
F : Ça ne me dérange pas de jouer en plein air si ce n’est pas à 16 h ! Il n’y a rien de pire que de jouer en plein jour ! Le rock donnera toujours ce qu’il y a de mieux dans une salle sous de bons projos .
Ils parlent de quoi vos textes ?
Jb : l’amour (rires)
F : (rires) Oui, c’est ça, l’amour ! Non, ça parle un peu de tout mais on reste dans le côté « sex, drogues and rock’n roll ». C’est assez basique, on n’est pas dans la grande écriture (rires).. La bagarre, l’alcool, le sexe, les femmes … En fait c’est nos vies quoi ! (rires)
Vous avez un son de boîte à rythmes qui est particulier sur votre album très 90 ?
F : Oui, pour le prochain on revient à un son plus 80. C’était un peu une erreur de ma part. Sur scène on a une boite différente. On a fait des choix, pas forcément les meilleurs à l’époque mais je les assume…
Vous pourriez aller vers un son plus blues, plus acoustique avec Jb aux claviers par exemple ?
F : Sur le prochain album il y a un morceau très acoustique … ce n’est pas ma zone de confort. En ce qui concerne les claviers sur scène on y réfléchit, c’est un problème technique plus qu’artistique. On va se remettre à répéter bientôt et il n’est pas impossible que l’on inclut deux claviers (un chacun) . Mais on reviendra au problème très clivant, trop de synthés pour le public Rock et trop de guitare pour les « popeux » !
Parce que là vous êtes un peu à un croisement : soit vous allez vers l’Indus, soit carrément vers le blues ?
F : Tu peux faire du blues avec des machines derrière. Je pense à Tom Waits qui chantait avec des bruits industriels derrière. Donc je n’ai pas vraiment de certitude sur le sujet.
Jb : Notre prochain album ne ressemble pas au précédent, même si ça reste du BED BUNKER. Il propose de nombreuses ambiances très différentes.
F : Déjà c’est le seul disque que nous ayons fait ou les morceaux n’ont pas été joués sur scène. Donc il faudra travailler des versions « lives ». Nous n’utilisons pas les enregistrements studio pour les séquences live. Nous refaisons des versions spécifiques, avec des tempos différents.
Vous avez eu le temps pour le faire avec le confinement
F : Pas vraiment parce que pendant le confinement on ne s’est presque pas vu sauf pour les sessions d’enregistrement guitares. Les albums précédents avaient étés répétés avant. Là c’est beaucoup plus expérimental ! Il y a des morceaux dont Jb a eu la grille d’accords que cinq minutes avant l’enregistrement !
Que pouvez-vous dire pour la fin ?
Jb : Achetez ma maison ! Je viens de la mettre en vente !
F : Take care !
Quels disques donneriez- vous à des enfants pour l’amener vers la musique ?
F : Mes enfants ,comme beaucoup d’ados, écoutent du rap donc je leur ai conseillé un Tone Loc et un Public Enemy, mais quand ils étaient petits ils aimaient les Whites Strypes et les guitares !
Jb : Je travaille avec des enfants et je vois que la guitare électrique fascine encore donc je dirais AC/DC, période Bon Scott.