Rogue Records le label en vogue des amoureux du rock

jeudi 18 septembre 2025, par Franco Onweb

Si vous aimez le rock des années soixante et la pop de cette période, alors vous devez connaître Rogue Records. Derrière ce patronyme se cache un amoureux du rock depuis très longtemps : Jean-Marc Varlet ! Fan absolu de cette époque bénie, il a décidé, avec son épouse, de lancer en 2020 un label uniquement de 45t avec des groupes issus de cette scène.

En cinq ans Rogue Records a sorti plus de trente disques et s’apprêtent à en sortir encore une dizaine sur un an. La spécificité de ce label tient à sa qualité artistique mais aussi à la qualité des objets disques qui respectent un vrai esthétisme des années soixante : de belles photos, un pressage parfait mais aussi, et surtout, une qualité d’impression des pochettes incroyable. En cinq ans, le label a vu passer des artistes aussi incroyables que les Anglais de Crystal Teardrop ou les impeccables français de Child Of Panoptes.

C’est en pleine chaleur de l’été que Jean-Marc Varlet a répondu en visio à quelques questions pour en savoir plus sur un label dont vous allez être fan !

Peux-tu te présenter ?

Je suis Jean-Marc Varlet. J’ai commencé à écouter de la musique à mon adolescence en 1970 ou 1971. Au début, j’écoutais ce que les copains me conseillaient. J’étais à Carcassonne, c’était un endroit où la culture anglo-saxonne n’était pas très présente. J’achetais Best ou Extras, les revues de l’époque mais pas Rock and Folk parce qu’il n’y avait pas de posters au milieu (rires). Mes premiers albums c’étaient Creedence, les Bee Gees quand ils ne faisaient pas encore de Disco, les Seeds… Je retiens surtout ça ! Je n’aimais pas le Hard-Rock alors que mes copains écoutaient Deep Purple. Puis, par l’intermédiaire du grand frère d’un copain, j’ai découvert à 14 ans les Beatles et ça a été la révélation ! Aujourd’hui encore je les écoute beaucoup. Il y a eu une époque où je pouvais reconnaître un morceau des Beatles aux deux premières secondes. En fait, j’ai une sensibilité plus pop que rock, donc plus Beatles que Rolling Stones (sourires).

Jean-Marc Varlet, au centre, avec The Night Times au Sant Antoni Pop Festival, janvier 2025
Droits réservés

Comment et pourquoi on monte un label ?

En 1984, grâce au fanzine toulousain Nineteen, j’ai découvert qu’il y avait une scène contemporaine très influencée par les années 60 avec l’énergie de cette époque. En plus de cette scène, grâce à Nineteen, j’ai aussi découvert le support, le 45t. C’est un bel objet. Tous les groupes ont commencé par ça. Ensuite j’ai eu une vie professionnelle dans la banque et durant cette période j’ai continué à écouter de la musique. J’ai été collectionneur de 45t. Je vendais et j’achetais des disques de collection. J’avais le rêve de faire un label de 45t. Quand j’ai été à la retraite en 2020, je me suis lancé et j’ai créé Rogue Records en 2021 avec un EP de reprises des « Jack Cades ». J’ai eu beaucoup de chance parce que le disque s’est vendu assez vite : il a été épuisé en quelques mois. Ça a été un bon encouragement et depuis je n’ai plus arrêté.

Pourquoi Rogue Records ?

C’est pour deux raisons. Tout d’abord il suffit juste de remplacer la lettre R et ça devient Disque Vogue. C’était un label emblématique de la scène française des années 60, dont j’aimais aussi beaucoup le logo. D’autre part, Rogue en anglais a une autre signification (voyou NDLR) qui donne un côté rockeur et mauvais garçon au label (sourire). Ce logo et ce nom avaient une explication et une représentation à l’égard du public international et français.

C’est un label très sixties, psychédélique… qu’est ce qui te plait dedans ?

C’est une époque où la mélodie et les arrangements vocaux étaient encore là avec une vraie énergie du Rock’n Roll. J’ai tout de suite « accroché » à la scène Garage actuelle parce que même si la pop est moins présente dans la scène actuelle, il y a un sens de la mélodie qui existe toujours avec cette énergie. C’est une musique qui m’a toujours intéressée et qui fait partie de mon éducation musicale.

Mais ton label a aussi un vrai esthétisme, avec de belles photos, de belles pochettes, un beau pressage…

Je suis collectionneur et pour moi le contenu vaut autant que le contenant ! Pour moi la pochette a beaucoup d’importance. Je connais des gens qui achètent des disques que pour les pochettes. C’était aussi une façon de se différencier des autres labels et une manière de faire venir des clients sur le label pour qui la pochette compte beaucoup et a une vraie importance dans la décision d’achat.

C’était une vraie volonté à la base de faire de belles pochettes ?

Oui, absolument. On y met tellement d’importance que l’usine de pressage de vinyles n’est pas capable de faire les pochettes, surtout les rabats extérieurs qui sont collés. J’ai un cousin qui est imprimeur à Metz et qui me fait ça.

Comment fais-tu pour vendre autant tes produits ?

Déjà j’avais à la base un réseau de distribution parce que je vendais, et je vends toujours, des disques à des collectionneurs. J’achetais en Europe et aux USA, des disques et au lieu d’en prendre un, j’en prenais cinq, dont un pour moi. Je revendais ensuite à des collectionneurs soit en direct, soit dans les foires. Cela m’a permis de connaître tout un tas de labels qui fonctionnent comme moi. Pour survivre les labels font des échanges en vendant des produits d’autres labels à qui ils confient leurs produits pour qu’ils les vendent aussi. C’est comme ça que ça marche. Je vends au détail 80% et 20% c’est la distribution soit chez les disquaires soit chez des grossistes aux Pays Bas et aux USA.

Jean-Marc Varlet avec The Violet Mindfield, à San Sebastian en février 2025
Droits réservés

Tu ne fais que des formats 45T, tu n’as pas envie de passer au 33T ?

Non (rires), on me l’a souvent demandé (rires). J’ai arrêté les 33T en 1984 et ma femme serait contre si je reprenais. J’aime beaucoup le format 45T. On peut gagner l’argent avec des 33T, c’est plus facile qu’avec des 45T mais pour l’instant je ne perds pas d’argent. Je n’en gagne mais je n’en perds pas et c’est déjà très bien. Disons que c’est avec le projet A, et ce qu’il me rapporte, que j’arrive à financer un projet B et ensuite de suite… La plupart des labels que je connais font la même chose.

Comment trouves-tu les groupes ?

Beaucoup je les écoute depuis longtemps ! Pour certains groupes comme Crystal Teardrop et Child Of Panoptes, qui ont bien marché chez moi, le label était déjà connu. Ils se sont donc adressés à moi. Au début, j’ai contacté les groupes. Ce n’était pas facile parce qu’un Français qui les contactait pour leur proposer la réalisation d’un disque, ce n’était pas évident. Mais quand j’expliquais mon passé et mon parcours professionnel ça passait et ça rassurait. Je n’ai pas eu beaucoup de refus et puis le label est maintenant assez connu pour pouvoir m’assurer des sorties.

Justement, tu as combien de sorties à l’heure actuelle ?

On en est à 34, à la rentrée il y aura 5 ou 6 et il y en a 14 prévues pour 2026. J’en sors une dizaine par an mais il y a des aléas. Je devais en sortir un en juillet mais quand j’ai reçu la palette, il manquait 3 cartons et en plus le plastique était déchiré et j’ai reporté à plus tard.

Quelles ont été tes sorties les plus marquantes ?

Toutes (rires) mais bon certaines sont plus marquantes que d’autres par exemple les Jack Cades ont été importants. La chanteuse est franco-anglaise et elle jouait dans un groupe qui s’appelait Missing Soul à Lyon avec Ian Cage. Maintenant ils jouent dans les Jack Cades. C’est une réunion de plusieurs musiciens de différents groupes anglais. Ils ont pris le nom d’un rebelle qui s’était rebellé contre le roi avant Cromwell. Les autres réussites ce sont les Crystal Teardrop et Child of Panoptes. Les Crystal Teradrop tournent beaucoup, notamment à l’étranger. Je pense que la personnalité de leur chanteuse y est pour beaucoup (rires). Ils sont très présents sur les réseaux sociaux. Quant à Child Of Panoptes, j’ai annoncé à Alexandre Besson (leader du groupe NDLR) que son disque était officiellement épuisé.

Comme beaucoup de tes sorties ?

Il y en a plusieurs mais c’est normal que ton disque soit épuisé au bout de trois ans.

Tu en tires combien à chaque fois ?

500 exemplaires ! Au début, on me conseillait d’en faire que 300 pour ne pas me retrouver avec des stocks énormes mais si tu compares le coût de 500 copies par rapport à 300, les 200 copies supplémentaires me coûtent 200 euros. Pour un euro de plus je pense que cela vaut le coût !

La majorité des groupes que tu sors sont étrangers (Anglais, Américains ou Espagnols). As-tu eu beaucoup de groupes français à part les Child Of Panoptes ?

J’en ai peu parce que le problème vient du fait que la scène garage française est moribonde. C’est une scène vieillissante et assez âgée. Les jeunes préfèrent le punk ou le Post Punk. Mais cette scène est très présente en Angleterre, au nord de l’Europe et beaucoup en Espagne où le public est assez jeune, beaucoup plus que chez nous…. Le problème des groupes français est qu’ils ne jouent qu’en France et je ne vendrais jamais assez de disques parce que personne n’ira acheter leurs disques. Il me faut des groupes qui tournent à l’international. On a le cas avec le Chiffre Organ-Ization ou Child Of Panoptes qui vont en Angleterre et en Espagne. Ils ont un cercle local qui est très présent dans le midi, notamment près d’Avignon et Toulouse. Mais je vais sortir un disque des Wylde Tryfles, un groupe de Bordeaux qui commence à jouer à l’étranger.

Ça se passe comment ? Tu ne produis pas ?

Le processus de fabrication est toujours le même : je demande aux groupes de m’envoyer des bandes pour que j’écoute. Il faut que cela me plaise, ce qui est normal (rires). Je n’aime pas aussi ceux qui t’envoient un super morceau en face A et un morceau de remplissage pour la face B. là, c’est niet ! Si c’est ok je demande à faire le mixage et le mastering. Le groupe m’envoie alors ses fichiers et les photos pour la pochette. Je demande d’organiser une séance de photo originale. Il me faut aussi les crédits qu’ils veulent voir sur la pochette que je traduis en français.

Pourquoi en français ?

Pour que cela ait l’air d’une pochette française bien sûr (rires) ! Le verso est réalisé par un graphiste que j’ai rencontré par hasard qui se trouve dans le Gers. On travaille ensemble par visio. Cela fait trente pochettes que l’on fait ensemble. On s’entend bien. Il est très disponible. Mon gros problème est d’arriver à coordonner l’arrivée de la pochette avec le disque, puisque cela n’est pas fait au même endroit. Il faut que les deux arrivent en même temps. Pour avoir des prix abordables pour la pochette, qui coûte très cher, je dois fournir à l’imprimeur tous les éléments en quantité assez importante, généralement des multiples de 3. Je dois avoir 9 pochettes pour que ce soit intéressant.

C’est compliqué ?

Surtout pour des groupes qui doivent attendre six mois pour leur sortie. C’est sûr que la solution de facilité serait de faire les pochettes à l’usine de pressage et je pourrais les avoir en deux mois mais la qualité ne serait pas la même.

Tu fais comment pour la promotion ?

J’ai un ordre précis. Je lance une pré-commande deux ou trois semaines à l’avance sur Bandcamp et ça permet aux clients que j’ai en direct de payer le disque 10 euros. Le secret de la réussite des labels est de vendre aux particuliers en direct. Pour ça il faut l’exclusivité de la vente pendant un laps de temps et tu peux le faire par la pré-commande. En même temps que la prévente, je lance la promotion : réseaux sociaux, Facebook et Instagram, et j’ai un réseau de 300 bloggeurs, journalistes et radio à qui j’envoie la pochette et les fichiers Mp3 à la demande. J’ai pas mal de chroniques un peu partout : Australie, USA et les pays Européens comme l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, Pays-Bas, Suède… Je fais des vidéos sur YouTube avec la pochette et un fichier son. Ça fait la promotion et ensuite, j’ai tous les clients récurrents à qui j’envoie des mails individuels et qui m’en achètent régulièrement.

Jean-Marc Varlet avec Mooon, au Yé-yé Gijon, en juillet 2025
Droits réservés

Tu l’envoie aussi à des disquaires ?

Oui mais je n’en ai pas beaucoup. C’est moi qui fais tout ça et je peux te dire que sortir un disque c’est très chronophage. A certains moments où tu lances une pré-commande et tu vois que cela ne réagit pas beaucoup tu as le moral assez bas en te demandant comment tu vas rentrer dans tes frais. Bon, maintenant je sais que si tu n’y arrives pas en trois mois, tu y arriveras en douze mois.

Pourrait on imaginer un festival ou des événements Rogue Records ?

Mon problème est que je ne saurais pas l’organiser. Je ne connais pas les tourneurs européens donc ce serait compliqué surtout qu’en plus je ne sais pas non plus organiser un événement en ligne mais ce serait intéressant. J’aurais besoins de l’aide de quelqu’un.

Tu vas évoluer musicalement ?

Je vais peut-être aller vers le power pop parce que je n’ai pas sorti beaucoup de groupe dans ce style ou des groupes beaucoup plus psychédélique.

Quel serait le groupe dont tu rêverais de sortir un 45 t ?

J’ai vu les Lemon Twings à Toulouse il y a peu de temps et c’était exceptionnel ! Si je pouvais le faire je le ferais directement mais ils sont sur un gros label. Il y a deux groupes que j’aimerais faire aussi : les Schizophonics, mais ils sont tellement énormes et les Courettes qui sont plus abordables.

Quel serait le groupe, selon toi, pour découvrir ton label ?

Pour moi ce serait les Embrooks. Ce n’est pas forcément le groupe le plus apprécié par le public parce que c’est du Freak Beat avec beaucoup d’harmonies vocales mais c’est vraiment ce que j’aime : une mélodie, du chant avec des harmonies vocales et une rythmique qui s’impose.

Tu es proche de Pop Superette, autre label toulousain ?

Oui, Pierre a fait les 10 premières pochettes du label et on a des groupes assez similaires musicalement parlant. Il est, quand même, plus éclectique que moi et il a un beau projet avec Gingerella. Son problème est qu’il est beaucoup Franco Français que moi qui ait plus d’étrangers.

Tu n’as pas peur d’être dans une « chapelle » ?

Je sais que je suis dans une chapelle déclinante et pour vendre plus je devrais faire des choses comme le Hip Hop que je n’aime pas. Je continue parce que j’aime ça, j’aime la musique, je fais plaisir à des groupes et à du public. Je ne vis pas du label et donc tant que je le pourrais je continuerai.

Quels sont tes projets ?

Il va y avoir cinq disques à la rentrée et il y a 14 prévisions pour 2026. Entre les prévisions et la réalité, il y a des changements (rires). Il y a un projet qui me tient à cœur c’est la ressortie des deux premiers singles des Crystals Shadows, un groupe garage mythique des années 80.

C’est ta première réédition ?

Oui !

Et des Français  ?

Oui, les Wylde Tryfles de Bordeaux et je pense un nouvel EP des Child Of Panoptes et aussi le Chiffre Organ- Ization.

Le mot de la fin !

Pourvu que ça dure, la récompense de ces quatre années est d’avoir pu rencontrer des musiciens que j’admire et qui sont tous d’une simplicité et d’une modestie étonnantes. Je n’imaginais pas que ces gens étaient aussi heureux quand on leur fait des compliments et c’est révélateur de leur modestie. C’est passionnant de rencontrer ces gens-là !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

« Odessey and Oracle » des Zombies.

https://roguerecords.bandcamp.com/
https://www.youtube.com/@RogueRecords-zv5gb
https://www.facebook.com/roguerecords
https://www.instagram.com/jeanmarcvarlet/