Je m’appelle Seb Blanchais, mes potes m’appellent Boogie, je suis disquaire (depuis 1998) et fondateur du label Beast Records.
Quel est ton parcours ?
J’ai commencé avec des groupes au lycée, continué l’aventure plus sérieusement dans les années 90 avec WITCHERRY WILD puis avec les BORN IN FLAMES avec qui on a enregistré et joué aux USA. Il y a eu aussi NITROBREW, un projet country rockab’ déglingo avec mon pote ORVILLE BRODY, puis DEAD HORSE PROBLEM, un truc très voodoo rock’n’roll, avec le magnifique Tonio Marinecsu. Enfin HEAD ON (né des cendres des Born In Flames), avec ce groupe on est passé à autre chose, en y mixant toutes nos influences, plus swamp, plus australien, tout en gardant une énergie punk.
Il y a beaucoup de blues dans votre musique, notamment dans Headon ?
Le blues est la base de toutes les bonnes musiques de Chuck Berry au GUN CLUB
Comment est né le label Beast Records ?
Comme pour beaucoup de labels cela a démarré en 2003 avec une auto production pour mon groupe de l’époque, Born in Flames, enregistré à Norfolk par Steve Baise des Devil Dogs. Je trouvais plus simple de s’autoproduire que de faire des pipes aux boss des labels indés. Les choses se sont ensuite enchaînées très vite, notamment avec l’opportunité de produire des groupes australiens. On a officialisé le statut associatif du label en 2005.
Vous faites comment pour la distribution ?
On est distribué par Cargo pour toute l’Europe. On a aussi Sonic Rendez-vous pour le Benelux, Dirty Water en Angleterre et un distributeur aux USA. On n’a jamais rien cherché, ce sont eux qui sont venus nous voir. On fait aussi pas mal d’échanges avec d’autres labels.
Il y a combien de groupes sur le label ?
200 à peu près 15 à 20 sorties par an. Mais là avec le confinement et tout ce bordel on s’est calmé. Notre grand projet c’est un « Tribute à Spencer P Jones » avec Violent femmes, Chris Bailey, Kid Congo Power et pleins d’autres… On aura mis cinq ans à arriver à boucler ce projet. Ce sera un beau double album gatefold . C’est l’artiste que je préfère. Pour nous c’est un accomplissement et un devoir de mémoire. On continue aussi de sortir des artistes assez jeunes, sans rester bloqué sur du générationnel. C’est la même idée avec La Nef D Fous, nos potes avec qui on bosse sur le meilleur festival du monde, le Binic Folks Blues Festival, qui reste la meilleure vitrine publicitaire du label (les 2/3 des groupes qui y sont programmés sont sur Beast, 70 000 personnes sur 3 jours de folie). On en profite pour les remercier pour la confiance qu’ils nous accordent depuis les origines du festival (2007).
Ta ligne artistique c’est le rock ?
Yes c’est le rock ! J’enregistrais des centaines de compiles cassettes pour des potes quand j’étais ado, mixant des trucs connus avec des groupes underground qui me paraissaient faire jeu égal avec les classiques rock. C’est ça la philosophie du label : une envie de partager, de faire découvrir des sons qui t’ont remué et qui ne peuvent pas rester dans l’obscurité.
Ton truc c’est l’Australie entre Nick Cave et les Died Pretty ?
Quand tu vois un groupe comme CASH SAVAGE ou, dans un autre genre, SIX FT HICK, tu te dis que c’est impossible de ne pas les importer en France et de partager un plaisir aussi intense. Les Australiens représentent la quasi moitié du catalogue car pour moi, ça joue mieux, ça chante mieux et c’est surtout plus créatif et spontané que nulle part ailleurs. AUSSIES DO IT BETTER !
Tu te sens comment par rapport à Rennes, qui était la capitale de la New Wave Française ?
La New wave ne représente plus trop la ville. On respecte les groupes mythiques rennais, de Marquis de Sade aux Nus, mais ils ne constituent pas l’ADN plutôt rock de la ville. On a sorti une compile Rennes City Rockers (Kaviar Special, Bed Bunker, Druids of The Gué Charette, etc) un peu plus représentative de l’effervescence rennaise.
Être disquaire ça aide pour vendre ses disques ?
Bien sûr ! On peut conseiller ou faire découvrir des groupes. On fait aussi des Samplers qu’on donne aux clients et comme ça ils peuvent rebondir sur des groupes.
Tu es très lié avec le festival de Binic ?
C’est un festival avec des gens curieux et intéressés. Le merchandising représente quasiment un 2e cachet pour les groupes qui sont sur la feuille de match.
Tu viens de sortir un album solo qui m’a fait beaucoup penser à du Nick Cave.
C’est un disque que j’ai fait comme une démo. Ce sont des instants de vie qui sont enregistrés les uns après les autres chez Jibé des Bed Bunker quand tout le monde était disponible. Il n’y a aucune prétention dans ce disque. Je suis content, j’avais des doutes sur le fait de le sortir et finalement il est sold out quatre mois après sa sortie.
Tu es un grand défenseur du vinyle ?
Oh oui, plus jeune je faisais tout pour avoir des vinyles. Avec Franck (Head On, Bed Bunker), on partait à Barcelone avec des réductions grâce à sa mère qui travaillait à la SNCF, pour acheter nos vinyles moins chers. S’il fallait ne pas manger pour ramener des disques, on le faisait ! Sinon pour moi tous les supports sont bons quand tu écoutes de la bonne musique : je ne suis ni anti cd ni anti cassettes, c’est juste que mon support c’est le vinyle.
Tu en sors donc un maximum sur Beast ?
Oui, l’essentiel du catalogue est en vinyle.
Est-ce que tu fais des rééditions ?
Oui, on a fait une réédition de musique cajun des années 70, le premier album de Kim Salmon et on va continuer à sortir des supers albums Français et Australiens qui n’ont été pressés qu’en CD. C’est quelque chose de passionnant à faire.
Quelles sont les conséquences de la situation actuelle sur ton activité ,
Il peut sortir quelque chose de bon de tout ça mais j’ai peur que la culture « Bistrot » soit terminée et qu’il ne reste plus que quelques lieux gérés par des gros portemonnaies qui n’ont pas toujours la fibre underground. Depuis 2000 il y avait un réseau et une communauté qui permettaient à tous de jouer dans de bonnes conditions et j’espère qu’on va retrouver ça. Pour ce qui concerne les musiciens je pense que les vrais auront été créatifs et espérons que ceux qui n’ont rien à dire vont continuer à se taire.
Mais au niveau du label tu es bloqué ?
Le seul problème ce sont les concerts ! Pour le reste, on arrive à sortir des disques. Le truc dur c’est plutôt pour tous les gens qui se sont battus pour ouvrir des lieux pour faire passer des groupes et faire des concerts pour des concerts. Il ne reste que très peu de lieux rock’n’roll en France et ils vont peut-être fermer à cause de tout ce bordel. Pour l’instant on freine les sorties parce que c’est plus facile de vendre des disques d’un groupe qui tourne. Ça entretient une dynamique qui est meilleure que les « lives » sur le net. En live tu ne peux pas tricher.
C’est quoi tes projets ?
Le double album international Tribute à Spencer P Jones. LUMER qui va tout arracher : ce sont des Anglais de 24-25 ans qui ont joué à Rennes et c’était énorme, tout comme leur disque à venir. MAXWELL FARRINGTON, Australien basé à St-Brieuc, crooner pop(et) punk de l’impossible. BELLE PHOENIX, swamp rock de Melbourne. TOP LEFT CLUB, synth-punk de Brighton. Du côté des frenchies, HEAD ON, BED BUNKER, REPTILE, le nouveau groupe de RED (D.E.R.) ou encore le rockab’ de WOLFONI.
Et un Head On ?
C’est en bonne voie, il reste juste quelques voix à mettre en boîte.
Qu’est-ce que tu veux dire pour la fin ?
Ras le cul des lieux genre SMAC qui utilisent des limiteurs. Le rock’n’roll doit rester une expérience physique.
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?
Hank Williams sans hésiter, mon fils, à six ans, l’écoutait en boucle !
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