« La grosse difficulté était de trouver quelqu’un qui puisse chanter dans l’esprit de Guillaume avec ce type d’intonation mais aussi de vraiment chanter ! Ça plaira à des gens, ça ne plaira pas à d’autres …. Mais nous sommes ravis que Thierry Lafayette nous accompagne », c’est par ces termes que Yann Le Ker nous a annoncé que la place de chanteur de GYP allait être occupé par Thierry Lafayette.
Pour les connaisseurs et les amoureux du rock Parisien, Lafayette n’est pas un inconnu : auteur d’un splendide album solo « le monde merveilleux de Lafayette », sur lequel joue Yann Le Ker, il reprenait sur scène « Toi et moi à Rome » un des morceaux de l’album de GYP. Mais surtout il avait vu sur scène « Modern Guy » et « Suicide Roméo », il avait participé à bon nombres de groupes et il avait accompagné pendant quelques temps Patrick Eudeline.
Pour nous évoquer le projet GYP, il a nous adressé un texte que nous publions. Merci à lui d’avoir passé du temps pour le rédiger.
Ça y est, aujourd’hui je suis coiffé comme un vrai jeune homme moderne. C’est Jean-Claude qui m’a coupé les cheveux. Je lui ai montré une photo de Howard Devoto le chanteur de Magazine et lui ai dit : "C’est ça qu’j’ veux ". Jean-Claude a certes reçu une formation de coiffeur mais il était encore récemment le chanteur de « Smiler », un groupe aux fortes influences des Faces de Rod Stewart, mais maintenant il entame une carrière solo sous le nom de BONO qui l’amènera à sortir deux albums un chez RCA et l’autre chez CBS dans une veine new-wave proche des albums solo de Peter Gabriel. Mais Jean-Claude fût surtout au milieu des années 70 le batteur de Alain Kan au moment de sa période « glitter ». En fait depuis deux mois, depuis janvier 79 j’ai rencontré Frédéric Noyé grâce à une petite annonce dans Rock n Folk auquel j’avais répondu pour postuler au rôle de chanteur. Lui, guitariste, cherchait des musiciens pour former un groupe dans le style qu’on appelait encore à l’époque, new-wave ou Afterpunk puis après, Növö sous l’impulsion sémantique d’Yves Adrien pour finalement des années plus tard être reconnu sous le terme de Post Punk. A cette occasion nous nous sommes rencontrés chez Music Box le magasin de disques de la rue Saint-Sulpice et le courant est immédiatement passé entre nous. Notre formation n’est pas au complet, ils nous manquent un bassiste et un autre guitariste. Ce pour quoi pendant les premières répétitions Christophe Boutin et Laurent Perez de « Edith Nylon » viennent nous donner un coup de main, car Frédéric a fait ses études aux Arts Déco avec Christophe. Or n’ayant à cette époque-là aucun groupe sous la main pour pouvoir la jouer, il avait déjà composé la musique de la chanson "Edith Nylon" et l’avait offerte au groupe. Notre batteur est un jeune fan de punk rock qui s’appelle Jean-François Juvanon qui sera connu par la suite sous le surnom de Cambouis. Il deviendra batteur des groupes « Prop Sack » et « Wunderbach » et il est à l’heure actuelle celui de La Souris Déglinguée.
https://www.youtube.com/watch?v=rU-X10toEdQ
Bon alors ce soir, nous allons à RTL Frédéric, Christophe, Mylène (la chanteuse de Edith Nylon) et moi voir jouer dans les studios de la radio et en avant-première de la nuit Néo Romantik qui aura lieu à l’Olympia quelques jours plus tard, « Suicide Roméo », « Modern Guy » et « Mistral ». Bien sûr à ce moment-là sauf peut-être Mistral, ces groupes n’ont pas encore fait de disque, donc pour moi ça sera une grande découverte. Ça commence par « Suicide Roméo » et immédiatement leur style me séduit. Leur mise en place est parfaite, leurs chansons sont des petites boissons rafraîchissantes, bref c’est le coup de foudre. Idem pour « Modern Guy » qui malgré un son un peu bancal laisse apparaitre sur le devant de la scène deux fortes personnalités : Yann le guitariste et bien sûr Guillaume le chanteur qui, chaussé ce soir-là de bottes en croco rouge flashant, projette l’image d’un angelot pervers et décadent. « Suicide Roméo » au style déjà bien affirmé, « Modern Guy » avec deux membres charismatiques, que demander de plus quand on espère tant de la new wave française, moderne, chic et européenne. Je reverrais en concert les deux groupes dans le cours des deux années suivantes, dont un, épique et mémorable, en ce qui concerne « Modern Guy », qui faisait alors la première partie des « Cramps » à Bobino, où leur son avec l’ajout d’un clavier avait pris plus de volume et grâce à l’apport d’Hervé Zénouda à la batterie, plus d’assise. Et puis bien sûr, j’achète leur disque dès leur sortie. Le soir de la nuit Néo-Romantik, Frédéric est mis en relation avec celui qui deviendra notre bassiste Fred Lemarchand ex Warm Gun dont le frère Patrick remplacera Jean-François Juvanon un peu plus tard. Moi ensuite, je me fais virer du groupe pour être remplacé par l’ex chanteur d’Angel Face et futur chanteur d ’ « Octobre » Eric Lanz. Plus tard Frédéric intégrera Edith Nylon en tant que claviers pour leur deuxième album, partira juste après sa sortie pour faire un single chez Dorian avec Alexandre Maldoror comme chanteur sous le nom « Kamikaze » et puis finalement nous nous retrouverons à la fin de l’année 81 pour une aventure qui bien qu’en dent de scie durera des années.
(Thierry Lafayette en 2016 - Droit réservé)
En 1994, ça fait près de 3 ans que le groupe que nous avons formé avec Frédéric, « Les Jeunes Lafayette », s’est étoffé de deux autres membres un bassiste Jean-Yves Millaire nancéien d’origine que j’avais connu lors de mes nombreux séjours là-bas et un batteur, Jean-Louis Viale qui a joué avec « Rita Mitsouko » pendant la tournée « Marcia Bailia » et c’est à cette époque aussi que je commence à jouer avec Patrick Eudeline et Myriam comme guitariste et bassiste. Ça fait aussi 3 ans que je travaille comme factotum chez Sony Music une des grosses majors du disque. Un jour je repère sur un palier d’ascenseur du grand bâtiment de l’avenue de Wagram une tête qui me semble familière. En effet c’est Pierre Goddard chanteur guitariste de « Suicide Roméo » accompagné par un grand type avec une queue de cheval qui s’avéra être Yann Le Ker que sur le moment je reconnais pas. Curieux de savoir par qui ils ont été reçu, je demande l’information à l’accueil. Coup de chance, ils avaient rendez-vous avec Hugues de Portzamparc chef de produit du back catalogue CBS et ancien bassiste des Dogs avec lequel je suis très pote. Il m’explique qu’ils sont venus lui proposer une bande enregistrée il y a presque quinze ans qui au départ était prévue pour être l’album solo de Pierre après la séparation de « Suicide Roméo ». Alléché je lui demande de me faire écouter la K7 et la, surprise, ce que j’entends me sidère littéralement par sa qualité. Du coup je lui demande de me la prêter et pendant 3 mois je l’écoute presque tous les jours. Comment à l’époque une maison de disque a-t-elle pu passer à côté de cela ? Quand tu connais le show-biz de l’intérieur, ce n’est pas très étonnant. Toutes les promesses contenues dans les premiers albums de la vague des jeunes gens modernes qui avaient toujours laissé un goût d’inachevé se concrétisaient dans ces superbes chansons. Les mélodies, l’harmonisation, le choix des timbres, la production, le chant de Guillaume, tout ça coulait sans entrave, sans écueil, sans faute de goût. Comme j’aurais aimé que le style de musique qu’on nous proposait depuis le milieu des années 80 puisse ressembler à cela, qu’il provienne de France comme d’Angleterre ou même des Etats-Unis.
Nous sommes en 1999 et je m’apprête à faire mon premier album après vingt ans de musique Eh oui ! Ça valait bien la peine d’avoir tant attendu. Mais au fond quelle importance. Bien sûr je m’entoure de Frédéric Noyé bien qu’à la suite de la dissolution de notre groupe depuis trois ans, nous nous voyons peu. Je dois donc alors recruter des musiciens et pour ça j’aimerais aussi disposer des services d’un deuxième guitariste. De fil en aiguille je fais la connaissance de Yann, et ensemble nous faisons une maquette, puis je l’engage à venir à jouer des parties de guitare lead sur l’album. Tout s’étant très bien passé, du coup nous envisageons de faire de la scène. Frédéric qui s’entend parfaitement avec lui tant musicalement qu’humainement sera de la partie. L’ironie de l’histoire sera qu’ils auront joué chacun dans le même groupe, Edith Nylon, à deux ans d’intervalle, sans jamais avoir eu l’occasion de se rencontrer. Yann recrute alors des musiciens de sa connaissance qui pourraient faire l’affaire dont Jean-Paul Beirieu le batteur Occitan et nous répétons notre futur répertoire de scène sur la base de l’album enregistré. Pour étoffer le répertoire nous sélectionnons des reprises « Bowie », « Magazine », une chanson de Eudeline que je réadapte à ma sauce et je demande à Yann si on ne pourrait pas jouer une chanson de cette fameuse bande. Surpris que je la connaisse, il accepte avec enthousiasme. Du coup nous reprenons "Toi et moi à Rome". Ainsi donc la petite histoire qui raconte que j’ai modestement contribué et milité pour qu’enfin cet enregistrement puisse voir le jour.
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