Présente-toi ?
Je m’appelle José-Louis Baldomero Ortas, mais Baldo c’est plus simple, moitié Corse moitié Majorquin, Parisien d’adoption, je joue dans des groupes de rock. Je suis aussi dessinateur bricoleur…
Raconte-nous un peu ton parcours musical ?
J’ai découvert la musique rock quand j’étais môme ! Mes parents écoutaient plutôt de la chanson réaliste comme Damia, Juliette Gréco, Germaine Montero…. Il faut dire qu’ils étaient plutôt originaux dans leurs goûts : mon père était artiste et ma mère psychiatre, quand elle était étudiante en psychiatrie, elle a rencontré quelques beatniks et hippies autour de Pierre Sias, de la librairie Actualités. En France au début des années 60, l’underground était principalement orienté vers le jazz : Coltrane (qui était le grand truc…), le Modern Jazz Quartet …Le rock et la pop était principalement dans les boums pour les ados. Avec mes sœurs, on avait un Teppaz et on passait des disques dans les boums que nous organisions.
Vous passiez quoi ?
Oh des trucs de l’époque, des disques que l’on pouvait trouver pas trop loin de l’hôpital psychiatrique où nous étions logés. Pas des disques rares ou underground, non, des 45 tours que l’on trouvait à cette époque au magasin de disque du coin : les Who, les Yardbirds, mais aussi les Beatles, les Rolling Stones, Otis Redding ou Henri Salvador (quand il faisait encore du jerk) et autres des trucs YéYé… (C’est bien plus tard, vers 1974, que j’ai connu le rock underground, notamment grâce à Pierre Sias)
Super !
Fin d’été 1966, catastrophe, ma mère laisse tous nos 45 tours à nos cousines de Corse. J’ai depuis retrouvé une trentaine de ces disques, Mes racines viennent de ces disques que l’on écoutait dans les boums et aussi je m’étais fait acheter par ma mère à Prisunic une série de 33 tours sur les pionniers du rock ’n’roll : Gene Vincent, Bo Didlley, Bill Haley…
Et tu commences quand à jouer et à monter sur scène ?
Avec le punk ! Avant je jouais de la guitare mais mal, j’étais très complexé parce que à l’époque les groupes étaient très fort techniquement ! Quand le punk arrive, cela a été plus facile, ce qui comptait c’était l’envie et l’énergie ! DO IT YOURSELF !
Ça a changé ta vie ?
Oui, vraiment ! Les premiers trucs que j’ai joués c’était du punk-rock minimaliste. J’ai monté mon premier groupe : PEGGY SAGE PRODUCTION avec ma sœur Rachel et mon beau-frère Éric Tabuchi (futurs Tokow Boys et Luna Parker).
En 1978, il a eu l’after-Punk et beaucoup de groupes sont partis vers la New Wave, je ne me sentais pas à l’aise avec ça : le côté branché… Je me suis dirigé alors vers le rock des racines quelque chose qui me semblait plus authentique à la Link Wray ou Hasil Hadkins
Le rock primaire donc avec les compils Nuggets, la scène Garage bands des années 60…
On ne connaissait pas tout ça ! La première fois que j’ai entendu le mot Garage pour définir un groupe c’est quand Rascal (grand manager de la scène Parisienne Ndlr) l’a employé dans un article sur les Daltons et le mot m’avait amusé !
Pourtant en France à l’époque il y a une première sène Garage qui fonctionne (Les Dogs, les Coronados, les Snipers …) ?
Elle existe cette scène, c’est vrai mais à l’époque c’était confidentiel …. Ce qui marchait c’était Téléphone, Bijoux, Starshooter…
Ensuite tu fondes les Rouquins ?
Je jouais depuis quelques temps de la batterie avec mon voisin, un petit gars guitariste, que l’on surnommait Petit Louis ! Un jour en 82 mon beau-frère, Éric donc, qui avait un studio me propose d’enregistrer trois titres. Comme nous n’avions pas de bassiste c’est le Franz des okow Boys (Franz Weigerr alias Walter Shorkell) qui est venu. On a fait un truc construit et on a dû trouver un nom, Petit Louis a choisi « les Rouquins » c’était pour le vin hein ! Il n’y avait pas de rouquins dans le groupe !
Les Rouquins ont a assez peu enregistré ou du moins peu de titres sont sortis mais ils ont beaucoup marqué la scène parisienne
On a beaucoup joué ! J’ai encore pleins de bandes magnétiques, si j’avais un peu de moyens je pourrais sortir des trucs… Pour en revenir à notre histoire, on a sorti une cassette 2 titres et on a commencé à la diffuser ! Petit Louis habitait au squat des Vilains à Belleville et là il a rencontré le fameux Rackam qui venait d’arriver d’Avignon. Ça lui a plu et on a fait notre premier concert en trio au Gibus en 1983 avec un groupe qui s’appelait les Blinos dans lequel jouait Jean-Marie Chappey, futur Spanish Meatballs ! (Ou c’était peut-être à notre 2e concert je ne sais plus.)
Tu as joué avec eux ?
Bien après, en 1984 je me suis intéressé à la trompette et environ un an après on a monté une petite section de cuivre pour les Spanish Meatballs.
Ces groupes ont vraiment marqué la scène Parisienne, comment tu définirais le son de ces groupes ?
Avec les Spanish Meatballs on disait que nous faisions du « sixties punk », on dirait du garage aujourd’hui !
Tu définirais ça comment le Garage alors ?
Une musique d’adolescents, jouée par des adolescents, un peu sauvage, un peu incontrôlable…
Mais cela reste une musique basique ? Guitare, basse, batterie avec parfois un clavier ou des cuivres
Une musique brute de décoffrage mais qui doit être enthousiasmante, excitante par ce côté-là … Marc Police (énorme guitariste notamment des Wampas e qui décédé en 1992 Ndlr) avait une très bonne définition de ce devait être un guitariste de rock : il devait « faire crier les filles et faire se rouler par terre les garçons ». C’est un peu une boutade, mais cela résume bien ce que doit être un groupe de garage : il faut être sur le fil du rasoir, on peut même accélérer… Ce n’est pas une musique qui est jouée au métronome, c’est impossible ! Il y a trop d’urgence.
Sur la vidéos ci dessus Marc Police et les Pasadenas : Marc Police à la guitare et au chant, Rackam (ex Rouquins et Blutt) à la basse, Berko (ex Coronados et Spanish Meatballs) à la batterie et Marc Delamotte (ex Rouquins) au saxo.
Quelles sont tes influences ?
Je n’en ai pas beaucoup changé, Gene Vincent, Bo Didley, Eddy Cochran, Bill Haley, Fats Domino… J’ai beaucoup écouté ça et aujourd’hui encore je suis toujours dans ces fondamentaux : c’est la base ce mixe de rhythm & blues et de country !
Je te voyais beaucoup plus sur les Who, les Yardbirds, les Small Faces…
J’adore tout ça, ces groupes anglais s’inspirent aussi du rhythm & blues et du blues américain, mais mon groupe anglais favoris ce sont les Troggs (les interprètes de « Wild Things »), ils sont tout ce que j’aime, vraiment primitifs et brutaux. Prend les Who, j’aime la première version du groupe quand il s’appelait les « High Numbers », après ils sont devenus agaçants avec leurs shows spectaculaires ! Par exemple j’adorais les Coronados, sur scène ils étaient à la limite de l’autisme, ils ne regardaient pas le public, ils ne cherchaient pas à le charmer… j’ai du mal avec les groupes qui veulent à tout prix faire passer le plaisir qu’ils ont à jouer en public ! J’aime le côté sauvage du rock, le côté on s’éclate ensemble, très peu pour moi !
Il y a un aller-retour entre les USA et l’Angleterre, des jeunes anglais s’inspirent de Muddy Waters, Bo Diddley ou Willie Dixon, évidement ça donne un truc complètement différent qui fascine les jeunes américains qui du coup imitent ces jeunes anglais…
C’est la base des garage band’s ?
Oui, c’est ça : l’urgence et la sauvagerie tout en gardant le coté formel du rock ’n’roll
Que se passe t’il quand tes groupes s’arrêtent ?
Dans un premier temps, les Rouquins s’arrêtent en plein enregistrement de notre 1er album, à cause d’un différend idiot entre Petit Louis et Rackam ! Et quand Antoine (Chappey Ndlr) commence à faire beaucoup de cinéma, Jean Marie, son frère me demande de faire venir mes potes pour faire survivre les Spanish Meatballs. Je continuais à jouer avec pleins de copains et je ramène Rackam à la basse et un mec de Cherbourg qui vient d’arriver et qui jouait là-bas dans un groupe mods : les Monocles ! On essaye de continuer comme ça mais bon la sauce n’a pas pris, on s’est séparé. Et là on monte avec John, le guitariste de Cherbourg, et Rackam, un nouveau groupe : Blutt !
On va parler de ce groupe qui a fait parler de lui ?
Blutt a eu un succès d’estime, on a notamment participé à la compilation « le Nouveau Rock Français » (compilation mythique de l’ensemble de la scène rock et garage en France en 2005 Ndlr) et deux 45 t. C’est aussi l’époque où on rejoint quelque chose d’important pour cette scène : la Happy Family ! (L’association « We Are A Happy Family ! » Ndlr)
https://www.discogs.com/fr/master/5...
https://www.discogs.com/fr/release/...
https://www.discogs.com/label/10744...
Explique ce que c’est ?
Aujourd’hui on appellerait cela la mafia Born Bad (Rires) « le magasin » ! Des gens qui s’intéressaient autant à la mécanique que à la musique et cela a été un bon vivier de garage band.
C’était qui ?
Tout se passait autours d’Iwan (Lozach) du magasin Born Bad et de Laurent Bigot des Steve & the jerks. Je connaissais certains de leurs groupes, notamment Les Splash Four ou les Teckels (devenus Frustration) avec qui on a partagé des scènes, ils nous ont proposé de participer à une de leur compilation. A titre personnel je connaissais Iwan depuis longtemps, on faisait de la figuration ensemble et je le croisais dans les concerts.
C’est à ce moment que cette scène commence à se structurer ?
A peu près oui, c’était des gens qui se connaissaient depuis longtemps et qui partageaient la même passion musicale !
Tout le monde avait les mêmes influences ?
Oui plus ou moins, mais après cela pouvait prendre l’aspect du punk Américain, du jerk, du yéye, de la cold wave ou du post punk… avant tout un groupe doit avoir un style bien précis. Rien de pire qu’un groupe qui n’a pas de style, il faut un style quitte à l’inventer.
Quelles sont vos rapports avec la province ?
Les Rouquins ont joué beaucoup dans l’Est et en Bretagne ! Malheureusement les Spanish ne sont pas souvent sortis de Paris. Blutt a fait quelques sauts vers Poitier, Tours, La Rochelle, Bordeaux et notre album est sur un label de Nice Avec Les Carpet Sellers a peu près les mêmes villes et une merveilleuse tournée en Ecosse, et Os Noctambulos fait pas mal de concerts un peu partout en France, en Belgique et en Angleterre.
Suite de l’Interview : Interview de Baldo : Une histoire Française des Garage’s Bands - 2e partie