Comment as-tu eu l’idée de monter un label en 2021 ?
L’idée est venue pendant le premier confinement en discutant avec deux groupes avec qui je devais travailler pour la promotion de leurs albums. On ne savait pas quand cela allait sortir. On a beaucoup discuté et suite à ça on a décidé de s’associer et de se monter en collectif pour faire au mieux les choses. On a réuni un certain nombre de compétence et quand la crise sanitaire s’arrêtera on sera prêt et même si elle ne s’arrête pas, on sera prêt !
C’est un label collectif où chacun qui y participe peut s’exprimer et en plus il est très engagé sur les grandes causes actuelles : l’environnement et l’égalité homme/femme ?
A la base c’est l’égalité totale entre nous qui compte ! Je ne suis que le label manager et je n’ai qu’une voix au conseil d’administration. On est tous égalitaire ! Moi j’ai une voix, la chargée de com a une voix et chacun des groupes a une voix, tout est voté en commun.
Tu en rêvé depuis longtemps de monter ton label ?
Oui, cela fait dix ans que je suis dans le milieu musical, et depuis tout ce temps j’ai fait beaucoup de choses : attachée de presse, manager de groupes… J’y réfléchissais depuis longtemps et quand je me suis lancé comme attachée de presse, il y a trois ans, un ami m’a dit que j’avais une vision de label. Cela a mis trois ans mais c’est arrivé.
C’est une coopérative de groupes et de compétences ou un vrai label ?
C’est un vrai label ! On est en association pour que cela ne soit pas trop lourd à porter d’un point de vue administratif : il n’y pas les charges liées aux Sarl et aux SA mais cela pourra le devenir si cela se passe bien. C’est un vrai label qui produit et qui sort des albums. On a un distributeur, des éditeurs… C’est vraiment un label !
Il y a une direction artistique ?
On va essayer de garder une direction « rock » que j’aime. C’est aussi pourquoi je travaille qu’avec des gens que j’apprécie, avec qui j’ai déjà travaillé, pour certains, et qui ont cette direction musicale. On va naviguer dans le large spectre du « rock’n roll ».
Dans la présentation de « Tamdam Records » il est annoncé que le label est écocitoyen avec des filières courtes et des matières recyclées ?
On va travailler avec des sociétés qui fabriquent et produisent en France. On ne va pas abandonner le plastique comme ça : les CDs sont en plastique et le vinyle est un dérivé du pétrole. On va donc travailler avec des sociétés responsables et qui ne produisent pas en masse. Il nous faut une vraie relation de proximité avec nos prestataires.
Il y a donc une vraie éthique dans le label ?
Exactement, on veut faire travailler des gens qui ont souffert autant que nous de la crise dans le milieu musical.
Il y a aussi la cause féministe : quelle va être son importance dans un label de musique ?
Je ne vais pas expliquer la cause féministe mais à la base on veut une égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Attention, cela ne se joue pas en termes de quotas mais en termes de traitement et de respect de chacun. Ce sont des choses que on ne voit pas assez dans notre milieu : c’est une large majorité d’hommes aux postes à responsabilité dans les salles de concerts, dans les labels… Les femmes ne sont pas mises en avant, pas pour ce qu’elles font mais pour ce qu’elles sont ! On a envie de faire évoluer les mentalités. On condamne vertement toutes les affaires actuelles qui sont dénoncées dans le milieu de la musique. La purge ne fait que commencer.
Tu t’occuperas de la presse ?
Eh bien pas totalement ! Ce sera partagé : j’aurai une partie des médias et Eloa Mionzé l’autre partie !
Vous allez aussi mutualiser les compétences : dans les groupes il y a des gens qui savent faire de l’image, du « community management » ou de l’internet…
Bien sûr, la grosse majorité des gens du label a entre trente et quarante ans. Nous faisons partie d’une génération qui sait faire pleins de choses. On a demandé à notre génération Y de faire les choses tout seul, nous allons au contraire faire les choses ensemble et mettre en commun toutes nos compétences.
Tu es rédacteur en chef de « la Grosse Radio » : tu ne risques pas d’être un juge et parti ?
Je ne le suis plus depuis la fin d’année, pour me consacrer essentiellement à la promo et à Tadam Records. Je reste tout de même dans le comité de rédaction que nous venons de mettre en place. Quasiment pour les mêmes raisons évoquées avant, pour que chacun soit responsable d’un pôle précis, nous passons du principe de « chef » à celui de « responsables ». De manière générale, il faut en finir avec les chefs.
On parle des premiers artistes ?
La première sortie c’est l’Ambulancier avec un EP du même nom le 26 mars. C’est le prochain projet de Palem Candellier qui était le chanteur de So Was The Sun. Je le connais depuis 10 ans et il était normal qu’il rejoigne le label par ses convictions personnels mais aussi sa manière d’appréhender le monde de la musique. Et aussi car nous nous kiffons.
C’est le seul de ton catalogue qui chante en Français ?
Et oui, c’est nouveau pour lui aussi…
Ensuite il y a Captain Obvious : un groupe psyché !
C’est presque du « Punk Hardcore », c’est fait un peu pour choquer. Leur prochain EP qui arrivera au printemps s’intitulera « Let’s Do Porn ». Je les connais depuis longtemps. J’avais fait la promo de leur premier Ep et on avait bien sympathisé.
SheWolf ?
Un trio féminin qui fait du grunge. Ça joue vite, bien et fort ! Leur album sera probablement une des grandes découvertes du printemps. J’attends la version finale avec impatience, j’ai pour l’instant pu écouter 2-3 mixs, ça va péter ! En sus, Alice Adjutor, la chanteuse du groupe est la vice-présidente du label, on se complète bien ! Elle a notamment rédigé la Charte du label, à lire et à suivre avec soin.
Steve Amber ?
C’est avec Greg, qui est le batteur du groupe, que l’idée du label est apparue. Je devais travailler la presse pour eux, cela a évolué en l’idée de monter un label. Greg est très impliqué dans le label : il est le trésorier de l’association. C’est du rock psyché, super bien fait et super bien produit…. C’est un album très attendu pour l’automne.
Après il y a Shoefiti ?
C’est un groupe qui pourrait être assimilé à la scène underground du nord Est des USA. C’est du rock garage assez psyché, c’est d’une classe folle. Le leader du groupe, Henri d’Armancourt, est réalisateur/ingé son, son oreille sera fortement précieuse pour Tadam. Sa rigueur et son esprit m’ont séduit d’emblée.
Cinq sorties pour une première année : c’est beaucoup !
Oui, mais comme je te le disais tout à l’heure on s’est préparé toute l’année 2020 pour être au point. Cela va nous demander beaucoup de travail et c’est pour ça que on s’est entouré de gens compétents pour répondre à tous les besoins : une bookeuse ne va pas tarder à nous rejoindre, on a un distributeur qui est prêt… On va lancer la machine !
Quel est ton ambition par rapport à ce label ?
Déjà nous serons heureux au premier centime gagné (rires) ! Mon ambition c’est déjà que tout le monde soit satisfait durant notre phase de lancement, qui va durer deux ans. J’aimerais qu’on arrive à bien se lancer et que l’on tienne le plus longtemps possible.
Est-ce que la solution que tu proposes n’était pas la seule : se réunir pour créer une vraie force ?
Si, on attend juste que les concerts puissent reprendre pour montrer ce que on sait faire… Je discute beaucoup avec les autres « jeunes » labels en ce moment, notamment Wita Records. Beaucoup d’initiatives fleurissent en cette période de crise. Nous ne sommes pas morts, loin de là, on attend juste de pouvoir travailler comme on le devrait.
Tu as vraiment besoins d’un distributeur ?
Oui, pour travailler les morceaux sur les plateformes et avoir les disques dans certains magasins. Il s’agit juste d’avoir une distribution logique dans les Cultura ou les disquaires indépendants.
Oui, mais aujourd’hui peu d’artistes sont distribués en magasins, la plupart vendent en direct sur Internet et se débrouillent avec une promotion indépendante.
Pour nous la distribution, c’est juste un outil en plus. Parce que nous avons un statut associatif nous allons lancer dès le mois de février une campagne d’adhésion au label via Helloasso. Quelqu’un qui mettra entre 50 ou 100 euros par an pourra recevoir toutes les sorties du label. Cela nous permettra de financer certaines opérations du label. On veut vraiment être au plus proche de notre public et pour ça c’est important d’être en association.
On pourra donc adhérer à votre association mais il y aura des crowdfunding pour chaque sortie ?
Il y aura des crowdfundings quand ce sera nécessaire. Il y a aussi une boutique sur le site du label pour pouvoir commander les disques à l’année.
La plupart des labels ont souvent une identité assez forte, tu veux mettre en avant plutôt le label ou les artistes qui seront dessus ?
Le label a déjà une identité assez forte : le logo est vraiment DIY et l’écriture c’est moi qui l’ai créée à la souris sur Photoshop. On est là, on crée la surprise ! On est l’enfant tragique et optimiste du confinement du printemps 2020 !
Le label s’est lancé le 11 janvier pourquoi ?
Il fallait laisser le temps aux gens de revenir des fêtes (rires) pour bien se préparer.
Vous avez déjà réfléchi à d’autres artistes ?
On y a réfléchi mais pour l’instant c’est prématuré. Lançons d’abord le label avec les cinq groupes et après on verra. Je me dois d’ajouter que chez Tadam Records, nous fonctionnons avec une charte très précise et claire de ce que nous voulons faire, et comment nous voulons le faire, qui risque de ne pas plaire à tout le monde : une organisation horizontale, coopérative et écoresponsable.
Pourquoi « Tadam » ?
Tadam, c’est l’effet de surprise ! Sinon, on retrouve le T, le D et le A de la Tête de l’Artiste. Ma boîte depuis 10 ans.
Penses-tu que ce système éthique peut vous amener plus de public ?
Pourquoi pas ? C’est possible… Mais ce n’est pas ce qu’on recherche : on est dans l’underground et notre but, c’est vraiment que nos musiciens soient intermittents du spectacle et que les gens viennent à nos concerts. Si le public adhère tant mieux, c’est un plus mais on espère juste que à notre échelle on va faire bouger les lignes.
Il y aura-t-il des compilations « Tadam Records » ?
Je pense, on va même essayer de produire un Split Ep avec tous les artistes du label.
Ce serait qui ton rêve absolu comme artiste chez « Tadam Records » ?
Déjà il faudrait que le conseil d’administration de l’association soit d’accord mais je dirais très certainement Georgia Knight, une artiste australienne que j’ai découvert l’an dernier, un condensé d’émotions, de fragilité et de grâce.
Tu vas continuer ton activité d’attaché de presse ?
Oui bien sûr, même si je risque d’avoir un peu plus de travail mais je serai avec Eloa pour travailler les sorties d’album.