J’ai écouté de la musique très jeune, à la radio : les Beatles, les Stones et puis des trucs de chansons Françaises qu’écoutaient mes parents. Et puis j’ai découvert « Fun House » des Stooges. Ça a été la révélation, j’ai commencé à écouter des trucs comme ça. Ca a démarré avec Doctor Feelgood, les Ramones, les Clash et puis surtout l’album des Sex Pistols « Never mind the bollocks ».
Tu étais où ?
A Lyon, mes parents avaient déménagé là-bas et c’était la bonne période avec tout le rock Lyonnais : Stashooter, Electric Callas, Marie et les Garçons, … Tout se passait autour d’un magasin de disques rue Mercière qui s’appelait "Music Land ". C’était la rue Punk et là-bas j’ai rencontré du monde : Born to Kill, Back, Rimbaud… Tous mes potes avec qui on traînait dans les bars. Il y avait des concerts au Palais d’Hiver et une boite qui s’appelait le West Side (club mythique Lyonnais Ndlr). On traînait tous les soirs là-bas.
Ton premier groupe un peu connu c’est les Wampas ?
Oui, j’étais beaucoup dans les boutiques de disques et le patron d’une ces boutiques, JPC, m’a proposé d’aller travailler dans une boutique qu’il ouvrait aux Halles à Paris. Ça s’appelait « Rock Rendez-Vous ». Là-bas j’ai rencontré Rascal qui s’occupait de « Paris Barrocks » et qui était le manager des Wampas. J’ai commencé à aller à l’Usine à Montreuil,ou le collectif « Rock à L’Usine » organisait des concerts chaque semaine. C’est comme ça que j’ai rencontré tout le monde, en 1986.
Et ensuite ?
Le magasin de disques a fermé. Je suis reparti à Lyon où j’ai fait un stage de « Technique de l’animation ». Il y avait un stage pratique à faire et comme je voulais bien faire les choses, je suis allé au « Vaisseau Publique », un café-concert qui organisait des concerts le weekend. J’ai fait mon stage là-bas. Rascal l’a appris et comme je faisais un peu office de programmateur, j’ai pu faire jouer des groupes comme Kid Pharaon, Los Carayos, les Chihuahuas et les Wampas. Quand ils sont arrivés, il n’y avait plus Alain à la contrebasse et c’était le bassiste de Flytox, Stéphane, qui était à la basse. C’était juste après leur premier mini album. Bref, ils ont fait un bon concert, on a passé une soirée ensemble. Le lendemain je suis parti à Vienne avec Kid Pharaon qui jouait dans un squat de Bikers, « Zone interdite ». Je les branche sur les Wampas. Je monte le concert et ils arrivent avec une fille à la basse, Delphine. J’ai monté un autre concert pour eux dans un bar encore à Vienne et là Rascal me dit que Delphine qui jouait dans Spider X ne reste pas et qu’ils n’ont plus de bassiste. Il m’a proposé la place parce que je connaissais les morceaux. Je me suis mis à bosser les titres et un jour il m’a appelé parce qu’il y avait une tournée qui arrivait et voilà j’ai commencé à répéter avec eux.
Mais tu jouais de la basse ?
J’ai appris et j’ai bossé. Didier (Wampas Ndlr) m’a juste dit : « tu sais faire doum doum doum ? ». Je savais le faire et donc c’était bon ! J’ai appris à jouer assez vite mais c’est surtout en tournée au début que j’ai appris. On a d’abord commencé par enregistrer un morceau pour la compilation « mon grand frère est un rockeur ». J‘ai composé le morceau avec Marc (Police, le guitariste des Wampas, ndlr). On a fait une télé à Rennes juste après alors que je n’avais toujours pas fait de concerts. Ensuite on a fait cette tournée allemande et puis je suis resté avec eux.
C’était en quelle année ?
1987. On a fait ce 45t et on a commencé à bosser sur « Chauds, sale et humides », le premier « vrai » album du groupe.
C’était un groupe assez « installé » à l’époque mais qui avait la réputation d’être un groupe de « psychobilly » ?
J’en écoutais beaucoup à l’époque. J’avais joué avec un groupe à Lyon qui faisait du « white rock » (Red Hot Rousers Ndlr) et qui avait fait la première partie des Cramps en 1984. Mais là on ne jouait vraiment que trois notes. On ne savait pas vraiment jouer. A l’époque j’écoutais les Meteors, les Cramps et les compilations de Psychobilly. Je connaissais le sujet. Les Wampas ont arrêté le psycho juste après mon arrivée : on jouait encore les morceaux du premier album mais comme je jouais de la basse « classique » c’était un peu compliqué..
Après l’album vous commencez à beaucoup tourner, c’est les débuts du rock alternatif mais vous ne serez pas trop dedans ?
On n’était pas dans le punk : on faisait du rock ! On aimait le Glitter. On a été dans l’alterno de fait parce qu’ on jouait avec ces groupes et que Rascal travaillait avec eux. C’est le public qui nous a mis dedans. On n’était pas très orthodoxe dans le rock. On n’était pas dans la scène sixties, ni dans la scène garage ». On se déguisait juste un peu sur scène, on faisait un peu les cons … Le public et les organisateurs nous ont mis dedans. Il y avait d’autres groupes comme nous, qui n’étaient pas vraiment dans cette scène, comme les Hot Pants (Futur Mano Negra Ndlr) .
C’est l’époque où le groupe se lance dans une musique presque sixties et garage mais surtout à cette époque vous étiez incroyable sur scène !
On ne s’en rendait pas compte mais avec Didier qui est un grand showman c’est sûr ! Moi je bougeais beaucoup pour un bassiste, un croisement entre Jean Jacques Burnel et Dee Dee Ramones. Marc il dégageait un truc incroyable sans trop bouger et Nico jouait de la batterie debout. Ensemble on dégageait un vrai truc avec une énorme énergie. On se rendait pas trop compte, pour nous c’était normal !
Vous étiez un vrai groupe de rock, loin de l’alternatif !
On faisait du rock et nous étions un peu à part … Un peu, toutes proportions gardées, comme les Cramps sur la scène punk new yorkaise. On faisait une sorte de Psycho Twist Yéyé avec du surf avec la guitare de Marc. La basse était vraiment à l’intérieur, dans la batterie … Je ne voulais pas avoir la basse devant, ça ne se justifiait pas dans notre musique.
Et il va y avoir un super disque « les Wampas vous aiment » avec « Petite fille » et une actrice pas encore célèbre dans le clip ?
Oui, Marion Cotillard ! je crois même que c’est le premier truc qu’elle a fait ! On avait un tourneur, celui de la Mano Negra qui nous avait un peu pris sous leurs ailes et on a joué un peu partout. On est même allé avec eux au Japon. On a eu une grosse tournée qui s’est arrêtée parce que Nico s’est cassé une vertèbre à Bourges en faisant un slam dans le public. Il s’est fait très mal et la tournée s’est arrêtée ! On a attendu qu’il aille mieux.
Et puis c’est le tournant ?
Oui, on signe chez BMG et puis en décembre 1991 Marc (Police Ndlr) se suicide. Ça a été terrible pour nous. On a fait une cellule de crise pour voir ce que nous allions faire, si on continuait. BMG nous avait signé avec Marc. Moi j’étais déjà un peu ailleurs. C’est l’époque où sont arrivés le Rap ou encore Massive Attack, le Ragga… Moi, je ne trouvais plus trop ma place dans le groupe. J’ai fait rentrer Philippe Almosnino à la guitare en pensant que cela allait aller et il y a eu des dissensions musicales. Il ne m’a pas soutenu. Moi je ne trouvais plus trop ma place et le groupe sans Marc... On a changé de manager aussi. Tout ce qui avait fait que j’étais rentré dans les Wampas, les deux personnes importantes pour moi venaient de partir.
Le groupe était devenu trop sérieux ?
J’en sais rien mais le fait de signer avec BMG, surtout pour Nico, a rendu le groupe sérieux et pro. En même temps, on composait ensemble. Bref j’ai composé les morceaux et je ne les ai pas joués parce que j’ai quitté le groupe !
Tu as fait quoi après ?
Je suis resté dans un groupe qui s’appelle Torpedo avec Benjamin Sportes avec qui je vais faire Sporto Kantes. Ça n’a pas duré longtemps parce que moi ça m’ennuyait de repartir à zéro. Je n’étais pas sûr de la valeur musicale du groupe. Il n’y avait pas la même alchimie qu’avec les Wampas.
Justement c’est là où on découvre une autre facette de toi : tu es super intéressé par d’autres musiques ?
J’ai toujours été sur l’ouverture de la musique sans renier mes racines, mais c’est sur j’ai écouté pleins de choses.
Tu as écouté du Dub, de l’électro ?
J’en ai toujours écouté mais c’est vrai qu’ à ce moment-là il y a plus de trucs qui apparaissent : c’est la deuxième vague du rap par exemple. Au début(du rap) je prenais ça pour une mode qui n’allait pas durer longtemps, j’avais vu au Palais d’Hiver la première nuit du rap avec Futura 2000. Je suis resté dans mon rock’n roll mais j’aimais bien des trucs comme les Beasties Boys . Avant que j’arrive, les Wampas avaient même fait un morceau de rap et puis est arrivée la grosse vague électro. Là je suis tombé dedans et je suis resté cinq ans dans l’underground.
Cinq ans ?
Oui, je suis allé dans les soirées. J’ai écouté les Sounds systems et puis Benjamin (Sportes, ndlr) s’est acheté un sampler parce que il en avait marre du rock. Comme j’avais bossé avec des rappeurs je lui ai proposé que l’on fasse un truc ensemble. Je suis venu avec ma platine et mes disques et on a commencé à sampler. On a fait une démo quatre titres qui est arrivée dans les oreilles de Frédéric Monvoisin qui nous a signé sur le label électro du Village Vert : « Catalogue ». C’était en 1998.
C’était étonnant de penser que l’ex bassiste des Wampas sortait un disque d’électro
Je n’étais pas le seul, Jean Yves Prieur, le patron de Bondage a fait la même chose avec Kid Loco . Il y avait le magazine Combo, qui était hyper rock, qui se met à faire du rap, Tai Luc avec la Souris Déglinguée sort Banzaï… Je ne me suis pas trop posé de questions, j’aimais ça. Je faisais aussi un peu un rejet du rock après les Wampas. Il y avait Didier Lestrade qui écrivait sur la House et aussi l’influence de Patrick Vidal (Ex Marie et les Garçons Ndlr) qui a été importante pour moi. J’avais toutes ces influences et le sampler ça permet de tout mélanger, c’est pratique.
Tu en avais vraiment assez du rock ?
Oui. C’est aussi le moment où le rock alterno se casse bien la gueule !
Tu as vu la limite de tout ça ?
C’est exactement ça !
Sporto Kantes c’est combien de disques ?
Quatre et une compilation et en parallèle je commence William Traffic.
Développe !
Benjamin ne comprenait pas que ça marche aussi vite, il ne jouait pas le jeu. J’ai donc décidé de faire quelque chose avec Franck (Williams Ndlr). Le label cherchait un quatrième groupe après Telepop Music, Avia et Sporto Kantes. J’ai eu le même contrat, c’était mon side project.
Les deux ont très bien marché ?
Sporto Kantes un peu mieux, Benjamin avait mis dedans un côté un peu plus pop.
Quel était ton rôle dans les deux groupes ?
J’étais le mec qui amenait les samples et les idées ! J’étais un peu l’architecte des deux projets. Mais cela été mal perçu par Benjamin, surtout en interview… Il était un peu caractériel. Il faut dire que j’ai eu le tort d’ouvrir ma gueule !
C’est l’époque de la French Touch et vous allez jouer partout !
Ça a été compliqué de monter un live. On nous a tout de suite proposé, après les premiers maxis, la Route du Rock à Saint Malo en première partie de Muse qui débutait à l’époque. J’ai mis Franck à la basse, moi aux platines, le batteur de Torpedo à la batterie et Benjamin aux samples. Je ne te cacherai pas que cela a été très compliqué. J’ai fait ensuite tous les Showcases de la Fnac avec Serdar à la guitare, Junkaz Lou aux platines et moi à la basse.!
Mais tu étais à l’aise avec cette musique parce que tout le monde te rappelait que tu avais été le bassiste des Wampas ?
Avec la musique pas de problème. En ce qui concerne mon passé, les journalistes me le disaient régulièrement, j’ai assumé sans problème. Je me sentais à l’aise.
Tu as vécu de la musique ?
Oui un peu avec les Wampas et aussi avec Sporto Kantes.
Vous avez joué partout ?
Beaucoup en France, un peu en Angleterre, un peu en Europe et c’est tout. En fait on avait un tourneur Français et un label qui nous laissait un peu vivre notre vie. On était un peu ingérable mais on a mal géré c’est sûr !
Sporto Kantes, ça va être compliqué : séparation, reformation …
C’est comme ça ! Benjamin est un mec compliqué. On voulait juste faire un album et vu le succès le label nous en a demandé un deuxième. Bon, vu l’ambiance on l’a fait chacun de notre côté. Le troisième album est venu parce que on a fait une musique de publicité et le label nous a tout de suite demandé un nouvel album. Benjamin avait son album solo et je lui ai proposé de le produire : donc j’ai coupé des trucs, monté des sons, arrangé … et c’est devenu le troisième album de Sporto Kantes. Le quatrième album, c’est le disque de la fin !
Et Williams Traffic ?
On a fait un premier album qui a bien marché. Bon, j’ai une habitude dans la vie c’est de travailler avec des gens un peu « borderline ». On était beaucoup moins mainstream que Sporto Kantes et en plus tout le monde a un peu flippé devant le côté borderline du groupe. Ça s’est arrêté.
Ça a dû te laisser un goût d’inachevé tout ça ?
Surtout William Traffic ! Je ne sais pas et je ne veux pas gérer les gens. Sporto Kantes, par exemple, j’ai été pris en otage de mon propre projet. En tournée c’était vraiment compliqué. Avec le recul je me dis que j’aurais dû être plus dans le « moteur », bon je ne suis pas un leader qu’on met devant et Benjamin s’est mis à chanter ! Pour moi Sporto Kantes ce ne devait être que instrumental.
Pourquoi tu n’as pas fait ton propre album ?
Je ne sais pas ! J’aime travailler avec les gens, je ne sens pas légitime pour en faire un. J’aurais peut-être dû le faire à un moment ! Maintenant je n’en ai pas envie et je n’ai pas l’énergie. En même temps je marche par vague de cinq ans, peut être que dans un an ou deux j’aurais envie. Mais c’est compliqué la musique, j’en fais depuis quarante ans quand même et puis maintenant je mixe comme Dj assez souvent.
Tu es Dj maintenant ?
Oui, je suis beaucoup plus à l’aise avec des platines.
Tu fais quoi comme set ?
Au début, beaucoup de Dub, ensuite de la Funk, de l’électro. J’ai fait un grand mélange de tout ça avec en plus de la Cold Wave et du post punk. J’aimais bien les trucs d’Acid Jazz, Gilles Peterson…
Si tu faisais un disque solo tu ferais quoi ?
Un mélange de plein de choses avec le panorama de mes années : du dub, du punk, de l’éléctro … Ce serait mon « Sandinista » à moi (rires). Bon il faudrait que je démarre et je n’ai plus envie de le faire.
Tu composes encore ?
Pas vraiment, ça fait longtemps que je n’ai pas touché ma basse. Le dernier truc que j’ai fait c’est A Boy Called Vidal, le projet de Patrick Vidal autour de Marie et les Garçons. Quand Gonzai a ressorti l’album de son groupe, on l’a rejoué avec lui ainsi que les titres disco des Garçons . On a répété 6 mois et on a joué à la Maroquinerie avec Blurt. Le truc incroyable c’est que le public était vraiment jeune et nouveau.
Tu peux rejouer avec les Wampas ?
J’y vais de temps en temps en guest. Je l’ai fait pour des concerts à la Maroquinerie et à la Station.
Tu en penses quoi de la situation actuelle au niveau des concerts ?
C’est chiant et aberrant : on s’entasse dans le métro mais on ne peut pas jouer dans les concerts. Je ne comprends pas bien… comme tout le monde !
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?
Les Ramones « Blitzkrieg pop », un U Roy, « Poupée de cire, poupée de sons » et « Requiem pour un con » de Gainsbourg.
Le mot de la fin ?
Que la musique vive ! Et je tiens à remercier la bande du Grenette / Affection place / Raison Pure / Lust Sacrifice/ Hugo Maimone / Pierre Massard / Laurent Lux / Philippe Guillot / Marc Leonard / les sœurs K / les Wampas / Nicolas le Daim/ Patrick Vidal/A man called Adam/ Rock à l’usine / Meteors / Cramps / Snuff / Mix it / Patrick W et MGHZ / Caméléon Records / Eric Still et la raya de la Stass / à mes enfants et leur mère. Et à ceux / celles qui ont cru en moi .