A quelle occasion, vous êtes-vous reformés ?
En 2006, pour les 20 ans du CEM, l’école de musiques actuelles du Havre, les responsables nous ont invité à reformer City Kids pour l’occasion. On avait très envie d’être de l’évènement ! On s’est donc revu tous les quatre et on a préparé le concert !
Ça a été tout de suite ?
Ce qui était très étonnant, c’est que même si nous n’avions pas joué ensemble depuis longtemps, c’est revenu à toute vitesse. Dès que Pascal attaquait un riff de guitare, je savais juste que c’était un titre à nous. Je ne me rappelais pas des thèmes, ni de la musique mais aussitôt mes mains allaient où il fallait sur le clavier et trente secondes après je chantais. Ça peut paraître un peu magique mais c’est vrai. Comme ça fonctionnait, on a décidé de faire ce concert, qui s’est très bien passé.
Vous avez beaucoup joué depuis 2007 ?
Pas beaucoup, depuis ce premier concert on s’était dit « si on nous demande, on accepte ! » mais le groupe n’était pas reparti réellement. On jouait juste pour faire plaisir aux gens qui nous le demandaient. On n’était pas comme aujourd’hui, où tout est devenu plus « sérieux ».
Ce sont les mêmes musiciens ?
Absolument !
Vous avez surtout joué en Normandie ?
Oui, on a peut-être fait quelques exceptions mais on a plutôt joué dans notre région.
Vous jouiez quoi ? Des nouveaux titres ?
Non, des anciens titres. On a testé les nouveaux sur scène plus récemment !
Alors que s’est-il passé pour que vous construisez un nouveau répertoire ?
Laurent Cadinot, un type qu’on connaît depuis longtemps et qu’on aime beaucoup, a monté un petit label, Kizza Me Records. Il travaillait sur un projet global. Il voulait que les groupes du Havre des années 80, comme les Croaks, les Roadrunners et autres soient présents sur le net. On a donné notre accord pour être présent sur les plateformes sachant qu’il avait la capacité de le faire. Avec son collègue, Gérald Guignot, ils voulaient ressortir « The Orphans Parade », notre troisième album. Ça nous a un peu… bousculé ! On a préparé correctement la sortie, notamment on a repris contact avec William Klein pour la pochette, parce que c’était une de ses photos. A ce moment-là Gérald nous a parlé de Dominique Blanc-Francard. C’est un de ses grands copains et il nous a proposé que DBF remixe le disque. On le connaissait de réputation mais sans plus, mais on lui a fait confiance !
Il vous a remixé ?
Plutôt remasterisé ! On avait la bande deux pistes, il l’a mise dans un four ( !!!!) à une certaine température pendant très peu de temps, peut-être une minute et il a passé une seule fois la bande. Il a pu faire une prise immédiatement en l’enregistrant. Comme il l’a numérisée, ii pouvait alors travailler dessus.
Tu penses que cela a changé le disque ?
Ça nous a bluffé : On connaissait le disque mais là c’était autre chose. Quand on a reçu les Tests Pressings, on était chez Pascal, tous ensemble et à un moment j’ai regardé les autres, Pascal et Pax (le batteur, NDLR) : ils pleuraient ! On a redécouvert notre disque. Il y avait des choses que l’on entendait plus ou que l’on ne soupçonnait même pas. Ça nous a vraiment fait quelque chose, c’était 30 à 35% de mieux… même si le disque avait été très bien produit et masterisé antérieurement.
Vous avez vos pochettes par William Klein, vous aviez eu comme producteur Rob Younger et Alan Thorne, maintenant Dominique Blanc-Francard. Vous travaillez qu’avec des pointures ?
C’est ça ! Ça nous a bouleversé. On essaye toujours de faire les choses sérieusement mais là on bossait avec quelqu’un qui a travaillé avec les plus grands comme Tony Visconti (réalisateur notamment pour David Bowie ou T Rex, NDLR). En plus, il a fallu que l’on recontacte William Klein. J’avais toujours son numéro. On devait le recontacter pour la ressortie. C’était normal et courtois de le prévenir, puisque c’était une nouvelle utilisation de sa photo. J’appelle là-bas et je tombe sur un de ses collaborateurs, Pierre-Louis, qui me dit qu’il va en parler à William, qui était déjà très fatigué. Quand il lui en parle, Klein devient tout content : il se rappelait très bien de nous. Comme le cliché n’était pas super, selon lui, il nous en renvoie un tout neuf, numérisé et pour ça il nous a demandé 200 euros, ce qui est un vrai cadeau.
Et là vous rencontrez Dominique Blanc-Francard ?
C’est de là qu’est venu l’idée de refaire un album ! Gérald et Laurent nous ont d’abord proposé d’enregistrer au Havre avec Tonio au Rockin’record studio, un copain à nous, avec qui on avait enregistré une reprise Rocky Erickson pour une compilation. On voulait faire masteriser par Dominique. On lui a envoyé les premiers morceaux. Ç’est parti d’abord à New York chez Florent Barbier, l’ancien batteur des Roadrunners, qui a un studio là-bas pour un premier mix. Il a fait un super boulot et le premier résultat est sorti sur cette compilation. Dominique a entendu le résultat. Suite à ça, il a discuté avec Gérald et il a lui dit « il est hors de question que le disque des Kids ne se fasse pas chez moi. C’est un bain de jouvence pour moi, ces mecs ! ». Et voilà, on s’est retrouvé à Paris au Labomatic chez DBF.
C’était quand ?
Ça a commencé en 2020 pour une première session de trois titres.
Qui compose et qui écrit ?
Cette fois Pascal, Christophe et moi ont composé. Cette fois Pax, n’a pas composé et les textes c’est plutôt moi.
Et après ?
On avait remis la machine en route : on répétait plusieurs fois par semaine. Il nous fallait une dizaine de titres et nous voulions que la reprise d’Erickson soit sur le disque. On a composé une dizaine de titres. On en a supprimé un peu. Chacun amenait des choses. On savait qu’il y aurait une deuxième session mais le Covid nous est tombé dessus et on n’a pu enregistrer la suite qu’un an après. On a tout fini d’enregistrer en mai 2021.
Vous avez tout fait à Paris ?
On avait fait la pré-production chez Tonio au Havre. Quand on est arrivé à Paris chez Dominique, on lui a laissé « carte blanche ». Il a vraiment joué le rôle de directeur artistique ! On pourrait dire que c’était une co-production entre lui et nous mais il avait un vrai pouvoir artistique.
Sur le disque il y a deux reprises, une de Rocky Erickson, pour Erikson, « Okay » et une de Pavlov’s Dog, ce qui est plus étonnant pour un groupe comme vous !
On a toujours été fan de ce groupe, depuis les années 70 mais c’est la fille de Pascal, Manon, qui adorait cette chanson « Songs Dance » et qui nous a proposé de la faire. On a essayé et ça a marché !
Vous donc totalement remis en marche ?
Absolument, on répète régulièrement maintenant !
Votre son a un peu évolué, vous n’aviez pas peur que DBF vous emmène vers autre chose ?
Non, on lui a fait totalement confiance ! C’est quelqu’un qui a une culture musicale incroyable. Il a fait tellement de choses et beaucoup de rock : T Rex, Bowie… On avait l’expérience du mastering de « The Orphans Parade ». Il a parfaitement compris ce que nous étions. On joue vraiment en studio et pour lui c’est vraiment super !
C’est quoi sa méthode ?
On a joué tous les quatre ensemble et quand la basse/batterie est au point, on refait les guitares, les claviers et les voix. On a enregistré les trois premiers titres en deux jours et demie et les sept autres en six jours. Tout dans son studio à Paris, au Labomatic.
Pourquoi ce titre « Leader of the world » ,
On n’avait pas de titre pour le disque et tous on a fait des propositions mais il y a eu un truc qui nous a touché. J’avais trouvé une photo de William Klein pour le disque. Les autres étaient un peu réticents, la photo était un peu « Dark » pour eux. J’en avais parlé à Pierre-Louis, l’assistant de Klein et il devait lui en parler. Quand j’ai rappelé trois jours après, William était décédé. Tout le monde était effondré ! On a attendu un peu, ce qui est normal, et quand j’ai rappelé, Pierre Louis m’a dit « maintenant tu devras voir avec les avocats… ». On était ses chouchous, William nous a toujours soutenu en nous faisant payer par principe parce qu’il nous aimait beaucoup. Suite à son décès, on n’avait plus son accord et on rentrait dans des considérations vraiment…compliquées !
Vous avez fait comment ?
On a cherché une autre image. J’ai pris des photos. On a cherché un peu partout mais on n’a pas vraiment trouvé quelque chose qui nous plaisait et c’est ma compagne Florence , qui travaille dans un organisme qui s’occupe du théâtre en Normandie, qui me dit qu’elle a travaillé avec un type à Rouen, Gauthier qui fait de très belles photos ! Je l’appelle et, au même moment, on avait un concert à Rouen au 106 avec les Fleshtones. Il est venu et tout de suite on s’est entendu : c’est un mec charmant. Il nous a fait une série de photos en concert qui étaient splendides. On lui a demandé s’il avait des photos en stock pour la pochette. Il nous en a envoyé une série et on a, tout de suite, repéré celle-là ! C’est un petit garçon qui pousse une sculpture qui représente un globe terrestre. C’est une petite partie d’une immense sculpture qui est à Saragosse, qui couvre une place entière.
C’est très beau !
Surtout qu’il y a une deuxième photo avec le même petit garçon qui s’en va ! On s’est dit « on prend les deux photos de Gauthier et ça nous fait le recto et le verso ». Si tu déplies la pochette, tu as les deux entités : le garçon qui pousse la terre et qui ensuite s’en va !
C’est une de vos caractéristiques : proposer des vrais objets artistiques autant que musicaux ?
Il faut essayer de rendre attractives les pochettes. Les grands disques ont souvent de belles pochettes ! Le titre vient de ce petit garçon qui pousse la terre. C’est drôle de penser que ce le chef du monde (The leader of the world) c’est ce petit garçon qui pousse la terre ! Ça matchait plutôt bien, c’est le titre d’une de nos chansons.
Tu as gardé le même clavier qu’avant, pour le disque, qui était tellement représentatif de votre son ?
Oui, on a toujours le même son mais on l’a amélioré avec le temps. Mon piano est celui que j’ai utilisé chez Dominique. En fait on ne se pose pas ce genre de questions : on joue ! On a jamais arrêté de jouer, même si le groupe n’était plus là : on a tous, en tant que musiciens, continuer à jouer ! On était tous enseignants dans la musique, personne n’a décroché ! Christophe, en plus des City Kids, joue dans les François Premiers depuis + d’un an.
Tu définirais comment ce disque par rapport aux anciens ?
C’est une continuité naturelle ! C’est aussi ce qui nous fait continuer. On avait l’impression de conserver notre « magie ». Ça fait tellement longtemps que l’on joue ensemble, que beaucoup de choses se font assez naturellement, même si parfois on peine un peu, mais en règle générale les choses se font assez vite ! Tout le monde est très créatif !
Et là c’est toujours chanté en anglais ?
Oui, c’est une des règles de base du groupe. On a toujours été d’accord là-dessus et ce serait bizarre pour nous de faire des titres en français, ça nous semblerait même un peu déplacé…
Il sort quand l’album ?
C’est long avec le vinyle pour la fabrication. On devrait l’avoir début juin. On a pris du temps pour trouver un distributeur. Finalement on a trouvé PIAS grâce à Gérald. Ils sont un peu partout en Europe et c’est super !
En participant au crowdfunding on peut acquérir « The Orphans Parade » en plus de l’album. Cette opération vous permet vraiment de revenir au premier plan ?
… De l’underground ! C’est ce qu’on espère !
Il y aura une tournée ?
Je suis allé rencontrer des tourneurs à Nantes sur un salon professionnel. J’ai rencontré des gens et on est en discussion avec certains. Ça s’est très bien passé mais rien n’est fait. Je suis en train de monter un fichier pour la France et pour d’autres pays d’Europe comme l’Allemagne, la Belgique, l’Italie ou l’Espagne …
Mais avez-vous encore des contacts ?
Bien sûr mais on est face à une réalité : avant il y avait moins de groupes et avec le Covid et les conditions sociales dégueulasses font qu’il y a de moins en moins de monde dans les salles. C’est très dur mais je ne renonce pas. Je risque de faire du booking moi-même !
Il y aura une date au Havre ?
On est en discussion avec le représentant du service culturel de la ville du Havre pour un concert de sortie d’album le samedi 22 juillet dans le cadre du festival « Mosaïques ». On aura des invités sur scène, probablement des chanteuses lead. Nous en avons plusieurs comme amies !
Et Paris ?
On va essayer de monter une date pour la rentrée. On va tenter jouer un peu partout même si on ne fera pas de longues tournées comme avant. Personnellement, j’aimerais que City Kids puisse jouer dans différents pays d’Europe. Je suis très volontaire et je vais essayer de décrocher au moins 30 dates en France et en Europe pour la sortie de l’album !
Et l’Australie ?
Ce serait superbe mais le coût est vraiment très important, bien sûr celui du voyage en avion mais je crois que tous les kids adoreraient ! Pour ça, il nous faudrait séduire un label là-bas !
Les City Kids sont enfin de retour !
(Rires) Absolument !
https://city-kids.fr/
https://fr.ulule.com/citykids-theleaderoftheworld
https://www.facebook.com/citykidslehavre