Comment t’es-tu intéressé à la musique ?
Un peu comme tout le monde : un gamin de 12 ou 13 ans qui, avec ses petites économies s’achète ses premiers disques. Je n’ai pas vraiment arrêté… A quinze ans, je suis parti dans un lycée militaire. Toute ma famille était dans l’armée et, à cause de ça, j’ai beaucoup bougé jusqu’à arriver dans le Morvan où j’ai fait mon collège. Puis j’ai atterri à Nevers. Juste avant, au lycée militaire, que j’ai arrêté au bout de deux ans, il y avait des élèves qui avaient monté un groupe pour la fête de fin d’année. Aucun souvenir de ce qu’ils ont joué, mais j’ai eu un choc, comme dans les Blues Brothers quand ils voient la lumière dans l’église. Je me suis dit “Putain, c’est là que ça se passe !”. A partir de là je suis vraiment rentré là-dedans à fond. J’ai quitté ce lycée militaire pour “légère” incompatiblité d’humeur et, retourné dans le monde normal, j’ai monté mes premiers groupes avec les copains.
C’est quoi ton premier groupe important ?
Je ne peux oublier les quatre ou cinq groupes qui ont fait des concerts locaux ou régionaux. Puis, et en 1987, avec les potes, je monte deux groupes en même temps : les Tambours du Bronx et The Chasmbrats qui, eux, ont fait un disque chez Closer Records à l’époque. J’étais le bassiste. Et, en 1989, j’ai réussi à sortir deux disques avec mes groupes la même année (rires).
On va parler des Tambours du Bronx, qui ont été une véritable attraction !
(Rires) C’est né d’une bande, des “blousons noirs”, comme dans les années soixante, qui était “la bande de Vauzelles”, de Varennes-Vauzelles, une ville ouvrière à côté de Nevers où il y avait les ateliers de réparation de la SNCF. C’est une ville qui existe depuis la fin du XIXéme siècle, un peu comme le Bronx aux USA avec des petites maisons alignées. Et il y avait un bar où traînaient les rockers dans le centre de Nevers qui s’appelait le Broadway. Le nom des Tambours du Bronx s’est imposé de lui-même. C’était l’opposition entre Broadway et notre Bronx à nous.
C’était quand ?
L’idée est née en 1987 du premier chef des Tambours du Bronx, Jojo, qui avait vu les Tambours du Burundi aux Transmusicales de Rennes où il était en fac. Il voulait le faire avec nous, la bande. Il a passé l’été 1987 à faire le tour de tous les membres, chacun plus ou moins à son job d’été, en trouvant les plus musiciens mais pas seulement. Il nous a proposé l’idée en nous disant qu’on allait cartonner et “faire un plan mondial avant un an”. Comme tous les autres membres de la bande étaient dedans, j’ai dit oui ; en réalité, dès qu’il y avait une connerie à faire ensemble, on était à fond. Le “plan mondial”, on l’a fait en 1989 avec le défilé du Bicentenaire Goude sur les Champs Elysée en Mondiovision (rires). On tapait sur nos bidons autour de la locomotive du défilé sur le rythme que nous avions créé à notre première répétition reproduisant une accélération de machine à vapeur. Pour l’anecdote on a longtemps chambré Jojo parce qu’on avait mis deux ans au lieu d’un an pour son plan mondial, genre “toi et ton plan pourri…” (rires).
Vous avez fait des disques ?
Très vite on a enregistré un premier mini-album qu’on a plutôt bien vendu, 15000 exemplaire, je crois, puis le second, “Monostress 225L”, à 60.000, des chiffres vertigineux en 2024. A la base pour nous le groupe était une blague entre super potes. C’était juste l’idée d’être ensemble, de voyager… rien de plus ! Mais on s’est retrouvé “à la mode”, à jouer dans les grosses émissions de télé : “Nulle Part Ailleurs”, “Champs-Elysée” de Drucker, un Sabatier, un Frédéric Mitterand, etc, etc. Mais on restait franchement décalé, toujours à contresens, parce qu’on s’en foutait malgré tout, juste des occasions de se marrer avec les potes. Je suis parti du groupe en 1995 après le troisième album, comme pratiquement tous les fondateurs.
Ça existe toujours ?
Oui, oui… Il y a encore quelques musiciens qui ont tourné avec moi dedans, un ou deux, je crois, mais tous les fondateurs sont partis. Ils ont deux spectacles : un normal avec les bidons et un plus métal avec des mecs de Lofofora et autres métalleux. Je vois ça de loin. J’en croise quelques uns quand je passe à Nevers. J’achète toujours les disques à l’occasion, par curiosité, mais c’est leur histoire maintenant, plus la mienne, et tout va bien comme ça, c’est cool.
Et donc il y avait cet autre groupe : The Chamsbrats ?
Oui, dans le groupe il avait Pogo à la batterie qui est aussi un des fondateurs des Tambours. On avait eu plein de groupes en parallèle, on a fini par jouer ensemble, comme une évidence. On a monté le groupe quand Pogo a rencontré Johnny, un guitariste, surnommé ainsi à cause du Johnny Guitar du film puisque, plus jeune, il se promenait avec sa six-cordes dans le dos. On a monté le groupe tous les trois et puis très vite Johnny a intégré aussi les Tambours, en 1988. Lui y est resté jusqu’au début des années 2000.
Mais les Tambours du Bronx ont été une vraie aventure humaine et musicale unique ?
Unique c’est le terme ! On a été partout en Europe, on vivait des Tambours ! On a fait jusqu’à 120 concerts par an. On partait en tournée pendant des semaines parfois. Mais, le noyau des fondateurs était fait d’amis de longue date, on avait vécu ensemble les bastons du rock’n’roll des 80’s, une autre époque. Juste pour dire que l’aventure est antérieure aux Tambours et que les amitiés des membres de la bande sont toujours là.
Après tu vas faire plein de petits groupes !
Non, pas tant que ça, un autre en parallèle des Tambours, mais je vais surtout faire Münch après. J’ai monté ce trio plutôt Experimental Hardcore avec des morceaux qui pouvaient durer 8 ou 10 minutes. Je jouais de la basse, bien sûr, dans une grosse gestion du bruit avec plein de pédales d’effet, un archet et un énorme triple-corps, c’était assez arty, très bruitiste et très bruyant… On a sorti une bonne demi-douzaine de titres sur différentes compilations du genre et un split 45tours avec nos amis de Kill The Thrill de Marseille. Il y a eu aussi, en 1997, un projet que j’ai adoré. J’ai été invité à jouer sur “Project M-13”, le quatrième album de Milk Cult, le side-project de Steel Pole Bath Tub, un des groupe américains fondateur du mouvement hardcore. Cet album a été enregistré à Marseille avec des musiciens de toute la France : des membres de Condense, de Kill The Thrill, de Sisygambis, etc. J’y ai été invité à faire des bruits de basse sur ce disque. J’en suis super fier. Aussi, dans le même genre, en 2003, j’ai participé à un album expérimental, un Cadavre Exquis musical, pour le label suisse Bruit(s)/Noise Product. J’aime les choses très cérébrales aussi (rires)
A côté tu vas développer des activités pour faire avancer les choses comme les labels, la distribution, la radio…
En fait, je ne me définis pas comme musicien : je suis un rocker. C’est la seule étiquette que je revendique, aussi prétentieux que ce soit, parce que tu peux être rocker sans faire de la musique. Je ne suis pas un bon musicien, juste assez bon pour faire les disques que j’avais à faire. Je dois apparaître sur une vingtaine d’albums, ce qui est énorme pour moi. J’avais un gros succès avec les Tambours et j’avais un peu de ce syndrome de l’imposteur : il fallait donc que je rende ce que je recevais ! Monter sur scène ne me suffisait pas. J’ai commencé par faire de la radio en faisant une émission qui s’appelait “Bruits Parallèles”. Elle faisait deux heures et demie toutes les semaines. Avant les longues tournées avec les Tambours, ça m’obligeait à préparer et enregistrer beaucoup d’émissions d’avance, acrobatique parfois. Ça a duré 7 ou 8 ans, jusqu’à mon départ de Nevers fin 1994. C’était vraiment dans l’esprit Do It Yourself ! L’idée commune à tous les activistes de ma génération : plutôt que de se plaindre que ça n’existe pas, on le faisait.
Et à côté ?
Grâce à la radio, les Tambours, les Chasmbrats et ma grande gueule, j’ai intégré l’équipe du festival Nevers à Vif, aussi jusqu’au milieu des 90’s et mon départ à Paris. Quelques autres membres des Tambours ont fait partie de l’équipe aussi pendant quelques années.
Tu as arrêté les Tambours ?
Déjà, fin 1994, je fais une pause de six mois, en me disant que je n’allais pas faire le guignol avec des bouts de bois au bout des bras pendant cinquante ans. J’avais la trentaine et je voulais rebondir. Je voulais aller à Paris pour travailler dans les maisons de disques. Je suis depuis toujours un infernal collectionneur de disques. J’en ai quelques milliers chez moi. J’en suis arrivé au stade où quand je ne trouve pas un disque je vais le racheter pour perdre le moins de temps qu’à le chercher. Je suis passionné de l’objet disque. J’en recevais beaucoup pour mon émission de radio et avec les Tambours on m’en donnait beaucoup. Je suis donc parti à Paris pour faire l’I.C.COM., une école de management culturel, avec l’idée de rentrer dans une maison de disques. Je me suis fait payer ma formation et à la fin, c’est-à-dire au bout de six mois, je suis devenu prof dans l’école (rires).
Comment ça ?
Eh oui, au cours de l’année, pour le diplôme, j’ai fait un exposé sur l’Histoire du Rock, un peu long, un peu chargé, un peu bavard, et le directeur pédagogique est venu me voir pour savoir si je voulais rentrer dans son équipe pour le refaire à chaque session. Sur le plan personnel, hors cet enseignement, mon projet était précis : à la fin il y avait un stage de deux mois en entreprise. Je suis allé voir les maisons de disques et il y avait deux boîtes de distribution qui se montaient : PIAS et Tripsichord. Je suis rentré chez Tripsichord Distribution en octobre 1995. J’ai la fiche de paie numéro 4 de la boîte où je suis resté six ans. J’ai été responsable du catalogue français. J’ai récupéré pleins de groupes : des rééditions des Thugs, les premiers Dionysos, des label comme Pandemonium, FBWL, Prohibited, Records et tellement de labels, d’artistes.
Et ensuite ?
Au printemps 95, je suis revenu à Nevers, comme j’avais négocié que mon embauche ne commence qu’en octobre et j’ai fait ma “tournée d’adieu” avec les Tambours du Bronx, le grand luxe. On est resté potes avec tous les fondateurs partis en même temps que moi, il n’y a aucun problème. On se croise et se retrouve de temps en temps avec plaisir avec Pogo, Box, Rascal, Plog, Stéphane, Cribston…
Et après ?
Après six ans chez Tripsichord, je bosse un temps pour la rédaction de France MP3, un des premiers sites de téléchargements de musique puis je pars deux ans travailler au festival de Montreux, en Suisse, grâce au contact du boss de Noise Product, le label de Genève. Ensuite, j’ai été cadre chez Cultura pour ouvrir le plus gros rayon disque de la chaîne, pas ma meilleure expérience. Puis j’intègre Rue Stendhal, ex-Mélodie Distribution, la boîte de Gibert Castro, pendant sept ou huit ans et, après la fermeture, je me retrouve quelques temps chez DOM Disques, autre distributeur. Plus tard, je ferai aussi un passage chez Gibert Disques.
Tu commences aussi en parallèle les chroniques ?
J’ai commencé à participer à des fanzines comme Titi Flambi assez vite, au moment des Tambours. Ensuite j’ai intégré l’équipe d’Abus Dangereux que je connaissais bien, ils avaient interviewé Les Tambours du Bronx, The Chasmbrats comme Münch, et surtout, je lisais ça avec gourmandise. J’adore écrire et j’adore donner mon avis sur la musique même quand on me le demande pas (rires), alors j’ai adoré participer à cette aventure, je ne sais plus si c’est Eric de Vicious Circle ou Cathimini, piliers fondateurs du journal, qui m’ont invité. J’ai aussi écrit plus de douze ans pour Fanz’Yo, un journal culturel du sud-est mais le journal s’est lentement recroquevillé sur le régional alors je n’avais plus grand chose à y faire. J’ai aussi commencé à participer à l’édition française de Mojo, le journal anglais, qui a duré quatre numéros, je n’ai eu le temps d’écrire que dans le dernier. Quand Belkacem, le rédac’chef prend ensuite en main Rolling Stone, il m’invite à reprendre le travail où je l’avais laissé. Je l’avais rencontré chez France MP3. Rolling Stone, ça dure depuis sept ou huit ans. J’ai créé une rubrique dans l’Hebdo en ligne du journal qui, lui, a été créé pendant le Covid : “Le Frenchie de la Semaine” qui semble être installé vus les retours que j’en ai. J’ai aussi participé au numéro, décidé comme unique, du retour de Punk Rawk ou à des numéros de Dig It ! ou du très beau journal Persona qu’à créé mon ami Frédéric Lemaître avec Isabelle Dalle. J’aimerais tellement avoir plus de temps pour eux.
Tu continues à travailler avec des labels comme Twisted Soul ou Nineteen Something ?
Eh oui, ça a commencé parce que je travaillais pour Rue Stendhal, le distributeur. Thierry Baron, qui allait monter Twisted Soul Records, voulait rééditer les deux albums de Wild Child dont j’étais fan dans les 80’s. Et on s’est rencontré comme ça. Quand je suis parti de Rue Stendhal, Thierry m’a proposé de l’aider et de le conseiller. Il a la direction artistique, c’est son bébé, je n’interviens pas dans cette partie. Je suis plutôt le couteau suisse hypersociable qui met des liens et participe à la comm.
Tu travailles aussi pour Nineteen Something, le label qui est codirigé par Éric Sourice, l’ex-Thugs ?
(Rires) Et oui ! Éric est un ami depuis longtemps ! Tout a commencé à Nevers à Vif, le festival où les Thugs avaient été programmés en 1989. Il y avait une personne qui était dédiée à chaque groupe pour les accompagner dans le festival, les aider à trouver leur hôtel, les gérer dans la ville… Moi, j’avais pris les Thugs forcément. Ce qui était compliqué parce que je devais jouer avec The Chamsbrats et Les Tambours du Bronx cette année-là. J’étais très occupé (rires). Tout de suite ça a fonctionné entre nous. On s’est recroisé quand j’ai signé une réédition des Thugs chez Tripsichord et quand j’ai fait une très longue interview du groupe pour feu-le journal Velvet, entre autres. Et quand il a commencé le label avec Franck (ex-Rock Sound, ex-Punk Rawk et toujours du label Slow Death), ils m’ont appelé pour m’occuper d’une partie plus commerciale. Je suis arrivé avec mon carnet d’adresses. On essaye de faire vivre ce label en sortant les disques qui nous excitent. Je n’interviens pas pour la partie artistique, à part quelques échanges informels entre nous trois sur nos goûts et nos contacts. Mais j’essaye d’informer les derniers magasins indés actifs de ce qui se passe chez Nineteen Something pour les rééditions et Twenty Something pour les nouveautés.
Autre de tes particularités : tu es un spécialiste des réseaux sociaux et d’internet en général !
Si on veut. Avec mon passage chez France MP3 dès 2000, internet est vite devenu facile. Je suis un nase en technique, mais, à la base j’aime profondément les gens : je suis hyper sociable, très bavard et j’ai toujours du contact partout. Je me suis inscrit sur Facebook en 1999, quand j’étais chez France MP3. C’était encore en anglais à l’époque puisque la version français apparait en 2008. Je fais le Community Manager pour les labels que tu as cité, surtout TSR et les relais pour NS et TS. Grâce à ça et ce long historique, j’ai un réseau un peu plus important que la moyenne et j’adore connecter les gens entre eux. Quand tu as besoin de quelqu’un pour faire quelque chose dans et autour de la musique, généralement je connais une personne pour t’aider. C’est le boulot que m’a confié Thierry Baron pour son label, par exemple.
Comment juges-tu la scène actuelle ?
Il y a du haut niveau actuellement avec Johnny Mafia, Howlin’ Jaws, We Hate You Please Die, After Geography, The Not, etc. Et pleins d’autres qui assurent et qui ne m’en voudront pas de ne pas faire une liste de cent groupes ! Il y a du déchet, bien sûr, mais il ne faut pas oublier que lorsqu’on parle du rock anglais ou américain, ils ont aussi pleins de mauvais groupes que l’on ne voit pas parce qu’ils ne sortent pas des frontières de leur état ou de leur pays. On voit du déchet chez les groupes français simplement parce qu’on est à côté d’eux. Mais vraiment, le niveau technique comme la qualité de ce qui sort s’est franchement élevé. Il y a toujours eu de très bons groupes dans tous les genres dans l’héxagone, mais ils commencent à être très nombreux et on ne va pas s’en plaindre. Je suis le contraire d’un passéiste : j’adore collectionner les disques passés mais chaque jour j’attends avec impatience ce que ma “boîte à lettres magique”, comme je l’appelle, va me livrer d’excitant. Pour moi, le meilleur album de rock’n’roll est à venir et chaque année, presque chaque mois, j’ai une bonne surprise.
Est-ce qu’en France, le niveau ne va pas baisser puisqu’on aura des gens qui feront la musique que le weekend, une sorte de nivellement par le bas ?
J’ai une autre vision. Je pense qu’il n’y a plus d’argent à gagner avec la musique, et avec le rock en particulier, du moins pas avant cinq ou dix ans. La mode reviendra, elle revient toujours, on avait déjà enterré le rock en ‘58 et cent fois après, il s’en est toujours sorti. Et tant que le rock reste ouvert et capable d’intégrer tous les apports des autres musiques, il reste vivant. Ceux qui continuent à en faire ont une vraie énergie même s’ils savent qu’un jour ça va financièrement coincer. Ils ne font pas assez de concerts et ne vendent pas assez de disques. En Bretagne, c’est simple de faire des concerts, mais si tu vas dans le sud-est c’est beaucoup plus compliqué. Pourtant il y a des groupes là-bas. Je crois que l’absence de ventes va resserrer les rangs mais c’est devenu tellement facile de faire un disque à la maison et beaucoup moins d’avoir une distribution pro-active que le seul moyen de vendre un peu est de tourner. Et puis, la qualité de la musique ne dépend pas des ventes ; j’ai quelques exemples de disques énormes qui ont vendu moins de cent exemplaires. Au hasard, le CD posthume de Hydrolic System, pour ne citer qu’un Français. Quand les planètes ne s’alignent pas pour un groupe, ça ne tue pas tout le genre musical. Le niveau ne baisse pas, le niveau de ceux qui sortent du lot est même énorme, non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan artistique. Après, on ne changera pas l’avis de ceux qui sont coincés dans le “c’était mieux avant”. On s’en fout. Je reste, moi, sincèrement optimiste quand j’entends ce qui sort en ce moment.
Mais aujourd’hui on ne voit que des rééditions partout !
Je n’ai rien contre les rééditions si cela permet aux auditeurs de gagner des parts de l’histoire, de la culture du genre. Si les rééditions de majors occupent le terrain, c’est peut-être par manque de curiosité de leur part comme de l’âge de beaucoup de ceux qui achètent les disques. Les jeunes n’achètent plus de disques, cela ne les empêche pas d’écouter de la musique. Je ne suis pas un fan de streaming, loin de là, mais j’aime ce que ma fille me fait découvrir, même quand ce n’est pas à mon goût : c’est original, c’est nouveau, c’est de qualité et ça circule entre elle et ses amis comme nous échangions nos copies cassettes avec nos amis. La musique est là, le support a changé, est-ce le plus important ? Je déteste les fichiers jetables mais est-ce plus intelligent d’empiler des milliers de disques collectors ? L’important reste la musique et les jeunes n’écoutent pas de rééditions, pas plus que nous en écoutions dans la cour du lycée.
Mais les jeunes achètent des vinyles !
Oui, ma fille a une platine vinyle et elle s’éclate, l’objet lui plait ! Le seul souci est le prix des vinyles qui est beaucoup trop cher. Cette remontée du vinyle est déjà tuée dans l’oeuf par l’explosion des prix pour un bénéfice immédiat. Les jeunes achètent un petit peu de vinyle mais ça ne va pas très loin, ce n’est pas leur support.
Mais on a plus le côté prescripteur de la musique qui ne sert plus qu’à vendre des produits alors qu’avant c’était une vraie ouverture culturelle !
Je suis d’accord avec ça. Mais il y a encore des gens qui restent curieux et qui sauvent l’histoire. Quand j’étais gamin, au lycée dans la cour on était une quinzaine à défendre le rock, aujourd’hui les gamins ils défendent des fichiers. Mais ont-il tort ? Le disque, et la musique, ont perdu de leur importance culturelle. Les jeunes écoutent la musique sur leur téléphone avec des abonnements, ils se privent sûrement d’une qualité de son, mais, soyons honnêtes, nous n’étions pas mille non plus au lycée à éplucher les disques d’un bout à l’autre et nos chaînes hifi n’étaient pas top non plus. Nous nous croyions nombreux parce qu’on étaient entre nous mais la majorité écoutait déjà ce que la télé proposait. Je ne crois pas que le moment soit pire, je crois que la musique est juste moins centrale parce que d’autres sujets vident les économies et prennent le temps : jeux vidéos, internet, réseaux sociaux. L’important est qu’il y a toujours de très bons groupes pour ceux que ça intéresse.
Le rock ne fait plus peur et plus rêver !
Oui et non, en fait les gens ne sont plus dans la découverte. Ils ne veulent plus rentrer dans ce truc-là. Je suis content que ça ne fasse plus peur parce que je suis content que ma fille sorte sans se sentir en danger mais il n’y a plus d’engagement non plus, sauf sur des trucs bateau et évident comme contre le RN. Ce qui est quand même le minimum basique. Aujourd’hui, même si on est dans un creux, je pense que ça va repartir : il y a pleins de bons groupes et ce creux va passer. Je regrette juste que les groupes ne tournent pas plus !
Le mot de la fin !
Allez écouter des disques quels qu’ils soient, faites-vous votre propre avis, découvrez, aller voir des concerts, gavez-vous de musique et, surtout, restez curieux et ouverts. J’ai vu des fans de Led Zep ou des Stones détester les Pistols ou le Clash, on les traitaient de vieux cons. Essayons d’éviter le piège et réjouissons-nous de voir des gens de vingt ou trente ans reprendre l’histoire à leur compte et à leur manière. Il y a de la place pour tout le monde. Et puis savourons les nouveaux arrivants.
Quel disque tu donnerais à un enfant entre 6 et 14 ans pour l’emmener vers la musique ?
Quand ma fille était toute petite je lui ai donné une cassette des Thugs et elle a adoré. Je paierais plutôt, ce que j’ai fait, un abonnement de streaming, pour piocher partout. Et puis je propose des découvertes “tu devrais écouter ça”, et je reçois autant de “que penses-tu de ça ?” en retour. Pour un adolescent je dirais “va aux concerts avec tes potes, tu pourras ramener un disque comme souvenir et tu verras de la sueur et de l’énergie”. Après, tout le monde doit avoir un disque de Motörhead chez soi, c’est le minimum vital (rires)