Daniel Sani raconte les Disques Tchoc

mardi 10 septembre 2024, par Franco Onweb

Au printemps dernier je vous avais présenté le disque « Daniel Sani chante Jean William Thoury », un disque absolument splendide qui m’avait permis de découvrir les Disques Tchoc, un label orienté sixties basé à Marseille. J’ai commencé à suivre ce label avec un grand intérêt. Sans faire aucunes compromissions, Le fondateur du label, Daniel Sani, sort des disques impeccables tant au niveau de la musique qu’au niveau du graphisme. Même si à la base Daniel avait créé le label pour sortir ses propres titres, il s’est, depuis, largement ouvert à d’autres artistes.

Je voulais en savoir plus, j’ai donc pris mon téléphone pour que Daniel me raconte l’histoire de ce label si précieux.

Quand et comment est né le label ?

Ça faisait des années que je jouais sans trop m’occuper de la réalisation et de la sortie de disques. Quand il a fallu trouver un label pour sortir mes propres productions, j’ai commencé à démarcher. J’avais déjà eu une expérience dans les années 80 avec « les Papillons Noirs » (son premier groupe, NDLR). Ça n’avait pas fonctionné. Donc, après avoir, très mollement cherché, j’ai décidé de créer mon propre label pour être sûr de sortir mes disques, puisque je me signais (rires).

Daniel Sani
Crédit : Gérald Chabaud

C’était quand ?

En 2014 pour la sortie du premier Dan Imposter, ce qui est assez récent. Avant je me laissais porter par un label associatif « Ave The Sound » porté par des amis et moi, j’étais beaucoup moins impliqué.

Tu as dû t’organiser pour créer ton label avec des presseurs, du graphisme… ?

Pour le graphisme, je travaille avec Cyril (Cucumber NDLR). On se connaît bien et je connais la qualité de son travail. Il m’a beaucoup aidé. Il s’occupe de tous les visuels : on est dans le même esprit. J’ai monté une association avec deux, trois copains et j’ai ensuite trouvé un presseur dans les Vosges. Voilà, c’était parti. Le premier Dan Imposter est sorti comme ça. Je voulais faire au début un CD simple et Cyril m’a dit « c’est ton premier disque, ce sera peut-être ton dernier, sors-le au moins en digipack ». Il fallait que ce soit le plus beau possible. J’aurais préféré faire un vinyle mais c’était trop cher.

Et pour tout le côté technique ?

J’ai été aidé pour le mixage, où je débutais aussi, par Patrick Matteis, mon vieux copain des « Papillons Noirs ». Tout cela s’est fait plus facilement que je le craignais.

Et la distribution ?

Je l’ai faite moi-même. Ce sont des petits tirages. J’avais aussi un groupe d’amis qui me l’ont aussitôt acheté parce qu’ils étaient contents que je sorte un premier disque. J’étais tellement heureux que j’étais prêt à arrêter des gens dans la rue pour leur offrir (rires). Bon, j’en ai plus donné que vendu… J’ai été victime de ma générosité aveugle (rires). J’ai eu aussi un partenariat avec un disquaire de Marseille, Lollipop, qui a accepté de mettre des disques chez eux en dépôt. On a fait la « Realised Party » chez eux et ils sont devenus les partenaires privilégiés des Disques Tchoc pour la distribution. On vend aussi forcément par Internet.

Est-ce que ce premier disque a bien fonctionné ?

Au niveau financier non, mais comme il n’avait pas coûté très cher, ce n’était pas grave. Il a été chroniqué dans Jukebox Magazine par Jean-William Thoury, que je ne connaissais pas encore. J’avais appelé le magazine et j’avais proposé le disque et comme ils aimaient les sixties ça avait marché. Je l’avais aussi proposé à Rock’n Folk. Le disque a marché localement : il m’a permis de faire des concerts dans la région.

Tu es très impliqué dans la scène sixties : ça t’a aidé pour développer le label ?

Je ne saurais pas dire ! Le label s’est surtout développé tout seul je pense. J’avais un réseau d’amis dans la scène sixties et rock marseillaise. Les copains me demandaient de les aider à sortir leur disque, je n’avais pas d’argent mais je pouvais les aider pour la fabrication, les mix, le mastering et ça a avancé comme ça… Je ne cherchais pas à avoir des groupes mais tous mes potes venaient me voir et j’ai eu l’opportunité comme ça d’avoir de la visibilité. J’étais la petite marche qui leur permettait de sortir un disque.

Au début, tu étais tout seul ?

Oui, mais rapidement j’ai sorti trois disques parce que j’avais plein de morceaux d’avance. Pour les deux premiers, Patrick Matteis m’a fait les mixes et masterings, mais il faisait ça gratuitement et je voulais me débrouiller seul. Pour le troisième, j’ai pris le risque. Ensuite on a sorti l’album du groupe Mure, le duo dans lequel ma femme chantait avec un copain, j’avais fait les batteries sur le disque. Ça a été le premier album qui n’était pas de Dan Imposter

Tu as une ligne artistique ?

Oui, je fais des choses qui me plaisent.

On a l’impression que tu sors que des disques où tu joues dessus ?

Pas vraiment, mais c’est vrai que j’en suis à l’initiative pour la plupart. Les albums de Dan Imposter c’est normal puisque c’est mon pseudo. Mure, je ne portais pas le projet donc c’était plus reposant. Après j’ai développé des albums à thème.

C’est venu comment ?

Comme je jouais dans plusieurs groupes à la fois et qu’il y avait des musiciens de ces groupes qui sortaient des disques chez moi j’ai proposé des thèmes à tout le monde. J’avais aussi le projet d’enregistrer des disques live chez Lollipop. On a réussi à en sortir certains, celui de Dan Imposter, Doc Vinegar, Big Feet.

On a l’impression qu’avec toi tout est simple !

Oh non, je me prends la tête, c’est compliqué ! Mais c’est avant tout un label d’amis. Au début on faisait des contrats où il y avait plein de bêtises comme « interdit de toucher aux cymbales du batteur ». On marche à la poignée de mains et c’est bien comme ça.

Et là tu as sorti des compilations à thème ?

Oui, ça a commencé avec Kino, un artiste copain qui avait organisé une soirée à « Tribute Lou Reed et le Velvet Underground » à Lollipop. On a sorti le disque du live, c’était la cinquième référence. Je me suis dit que ce serait pas mal de faire des albums à thème. Pour le Noël 2016, j’ai proposé à Lollipop de faire une soirée sur ce thème et de proposer un disque ce jour-là qui aurait été fait pour ça. C’était notre onzième référence.

Et donc ?

J’ai proposé à tout mon réseau de faire des morceaux sur Noël. Il y a eu Mure, Kino, les Spiders from Mars, les Broken Nuts, Phil Pace, moi-même… Il y avait quelques originaux mais surtout des reprises.

Pourquoi ce nom Disques Tchoc ?

Un de mes premiers morceaux qui est sorti sur une compilation Ave The Sound, s’appelait « Le Chocolat ». Je l’avais sorti avec les Mockers et Tchoc c’est le chocolat, d’où le logo qui est une tablette de chocolat à moitié mordue.

Ça se passe comment aujourd’hui ? Tu as un niveau de sorties vraiment énorme.

Eh oui, je suis un peu hyperactif ! Avec l’âge, j’ai une hyperactivité cérébrale mais le corps a du mal à suivre.... J’ai plein de projets mais pas assez de temps et d’énergie pour les réaliser.

Tu joues dans combien de groupes ?

Je n’en sais rien (rires), il faut que je réfléchisse au moins 5 en activité.

Tu joues beaucoup en concert ?

Oui, comme j’ai beaucoup de groupes, je joue beaucoup. En plus il y a pleins d’endroits pour jouer à Marseille. J’essaye juste de ne pas trop jouer pendant les vacances scolaires.

Tu es à Marseille, n’est-ce pas trop compliqué de faire du rock dans une ville qui est beaucoup plus rap et Reggae ?

Je ne pense pas : on est un réseau de vieux briscards. Il y a du monde et il y a une jeune génération (que je connais mal) qui joue et écoute du rock. Ils sont plutôt bons, par exemple Sovox…

Tu pourrais sortir un album qui ne serait pas une référence aux sixties ?

Si tu prends Mure, ils sont plus années 80 que sixties. On a même un gars qui fait de la chanson française. L’important c’est que ce soit bien et que ce soit des copains. Ce qui est sûr c’est qu’à Marseille, les Disques Tchoc sont uniques.

Tu fais très attention à l’image. Tu sors de beaux objets. Quelle est l’importance de l’image pour toi ?

Je suis très content de sortir de beaux objets mais je ne suis pas pleinement satisfait parce que je voudrais sortir des vinyles dont je suis un grand collectionneur. Comme ce n’est pas toujours possible financièrement je fais attention aux Cds et je délègue complètement la responsabilité au graphiste parce que moi, je ne suis vraiment pas bon.

Pochette de l’album "Daniel Sani chante Jean William Thoury
Crédit : Cyril Cucumber

Tu lui donnes des indications ?

Oui, j’ai des idées mais c’est Cyril qui fait la mise en forme : on a la même sensibilité et c’est un très bon professionnel qui connaît son boulot. Il y a aussi des pochettes qui ont été faites par Juliette, ma fille, qui est graphiste et qui a été formée par Cyril. Elle a fait des pochettes des Batmen et de Mûre, mais la grande majorité c’est Cyril dont tout le monde reconnaît le travail. Avoir un bel objet c’est quand même plus agréable !

Tu sors aussi beaucoup de vidéos ?

Ça s’est assez récent, je me suis un peu énervé dernièrement ! J’ai trouvé un logiciel pour ça, mais à la base je connaissais mal. J’ai fait du montage mais ça prend un temps de fou. Ma raison de base c’est de faire la musique : jouer, composer, chanter… Pour le reste je suis un peu…laborieux ! avec ce nouveau logiciel, c’est plus facile. Je pique des images ailleurs et voilà. Là, j’ai 8 vidéos en attente. J’essaye de me retenir un petit peu.

On va parler de tes compilations. Comment ça se passe : tu choisis les thèmes ?

Oui, le plus souvent sauf la dernière qui m’a été soufflée par mes copains Pascal Auzias et Olivier Boutry qui avaient enregistré deux morceaux que je trouvais super. Ça faisait référence au cinéma et donc j’ai décidé de la faire comme ça. La première c’était Noël, ensuite l’été (Summer means Fun) et elle a super bien fonctionné. Il y a eu aussi une compilation Mods & Rockers.

Tu continues à sortir des disques alors que beaucoup disent qu’il ne faut plus sortir de physique mais au contraire que du numérique avec les plates-formes ?

Je le subis, parce que moi je suis un collectionneur de vinyles, même si parfois c’est trop cher à sortir pour les disques Tchoc. Je me ferais surtout plaisir. Le CD c’est la facilité mais je suis aussi obligé de déposer les titres sur les différentes plates-formes. Mais quand je vois les jeunes qui écoutent de la musique au kilomètre sans savoir ce que c’est je vois bien que ça a changé…. Moi, j’ai pris tellement de plaisir à écouter des disques et à lire les paroles et en regardant les objets. En plus c’est long et ennuyeux de diffuser les titres sur les Plates-Formes, mais il faut forcément le faire aussi.

Ça t’apporte quelque chose ?

Pas grand-chose pour ne pas dire rien ! Financièrement, ce n’est pas très intéressant et peu de gens nous écoutent dessus. On essaye de se dire que cela nous amène un peu de visibilité à l’autre bout du monde… s’il tombe dessus ! Il y a une telle avalanche de titres ! Qui peut venir nous écouter à part les personnes qui nous connaissent et les copains ?

Quel est le disque dont tu es le plus fier ?

Le Thoury !

N’est-ce pas celui a tout changé sur ton label ? Il t’a donné une grande visibilité !

Si bien sûr, je me suis surtout retrouvé à faire un album avec une de mes idoles et en plus je trouve le disque très réussi (rires). C’est un peu prétentieux mais c’est vrai (rires).

C’est plutôt sain de bien trouver son disque bien !

J’ai pu rencontrer une de mes idoles qui est devenu, j’espère, un ami ! En plus j’ai l’habitude d’enregistrer très vite, et probablement de m’étendre un peu trop dans les morceaux. Jean-William a rajouté des choses, il a resserré le disque. C’est quelque chose que je n’aurais pas fait.

Mais ton label ne serait pas un label de fans pour fans ?

Peut-être… même si ce n’est pas le but au départ ! Ça veut dire des choses pour des gens comme moi, de mon âge… des gens qui ont écouté du rock dans les années 70 : les Kinks, les Who ou les Ramones… J’adore faire des références à des groupes que j’ai aimés.

Mais est ce que la transmission ne serait pas la démarche ultime d’un label ?

Peut-être mais je ne vais pas aussi loin dans ma réflexion. On a créé ce label pour que l’on s’amuse et sortir nos disques. Si des gens s’y retrouvent tant mieux. Le but est de faire plaisir aux copains et de faire de bons concerts. Bien sûr, j’adore faire découvrir des morceaux à d’autres gens.

Quels sont tes projets ?

Continuer à sortir des disques, faire des concerts… Plus concrètement un deuxième album avec Jean-William Thoury qui devrait sortir pour la fin de l’année. J’ai un autre des Jana’s en cours. C’est un groupe de scène qui a enregistré un disque pour accompagner ses concerts. Il y a aussi les Falken’s Maze, un groupe dans lequel je joue avec Cyril Cucumber, et j’espère sortir un disque. Il y a aussi un groupe les Crackers, où jouent deux de mes filles, ça devrait être très bien.

Tu as combien de références ?

Il y en a 41, c’est pas mal !

C’est quoi le disque absolu que tu aurais aimé sortir ?

L’album de Marie-France avec Jean-William, Dynamite et Vincent Palmer ! Un must absolu !

https://disquestchoc.com/
https://www.facebook.com/DisquesTchoc/?locale=fr_FR