Vendredi 13 novembre 2015, une bande d’allumés éteint les lumières de la ville.
Je ne suis pas parisien de cœur ou d’adoption, provincial monté à la Capitale, paysan de Paris ou artiste de passage… Né dans le 14ᵉ arrondissement, comme mon père avant moi, ainsi que son père et son père à son tour, depuis quatre-vingts ans ma famille est parisienne. Je vis à trente mètres de mon lieu de naissance.
Paris est ma ville, ma peau et j’arbore en façade l’arrogance des natifs, cette armure de morgue et de prétention, tissée de la certitude d’être un survivant dans un monde absurde. J’ai passé mes nuits et mes jours, marchant dans ces ruelles et ces boulevards pour en dresser une carte intime et personnelle… dans les recoins, derrière les portes cochères, les arrière-cours hésitantes entre jardin et béton… J’aime cette ville comme on aime une vieille dame. Élégante, ses rues sont autant de rides. Et dans ces rides, Paris apprend l’art de vieillir.
Jusqu’à cette nuit, où, touchée en pleine poitrine par la psychose des fous de Dieu, ma ville se réveille ensanglantée.
Terroriste je te hais et tu ne me fais pas peur ! J’irais acheter mon pain ce matin et les autres matins. Je prendrai mon café serré, un coude sur le zinc, au bar du coin. Je ferai la bise à ma gardienne et j’irai me promener ce soir. Je gueulerai contre les voitures qui ne s’arrêtent pas au passage piéton, ma voisine qui écoute de la soupe jusqu’à point d’heure et les petites vieilles qui laissent pisser leurs chiens sur le pas de ma porte…
Terroriste, tu sais où je vis… à Paris !
Yan Pradeau.