Lors de notre précédent entretien, nous avons abordé le phénomène des Minets. De nombreux lecteurs ont demandé plus de précisions sur cette question, peux-tu nous en dire plus ?
Il est tout d’abord primordial de rappeler que les Minets illustrent une particularité typiquement fran-çaise, tout en soulignant une forte influence de la culture Britannique. De plus, il faut également souligner que, même si la proximité historique de ces deux mouvements est incontestable, le message véhiculé est très différent comme nous allons le voir. Indéniablement, comme je l’ai expliqué précédemment, les Minets français vont largement s’inspirer des Mods anglais.
Malgré cette forte influence, les Minets ne vont pas précisément mettre en forme une culture authen-tique et un corpus identifiable qui vont perdurer dans le temps. En effet, tout en incarnant une véritable particularité Hexagonale, les Minets ne représentent pas un véritable mouvement pourvu d’us et cou-tumes spécifiques qui vont essaimer dans le temps et dans l’espace comme les Mods. Plus exactement, il ne faut pas confondre et amalgamer un phénomène de mode limité dans le temps comme celui des Mi-nets, à un véritable mouvement constitué par près d’un quart de siècle d’existence. D’ailleurs, la déno-mination exacte donnée aux Minets est plutôt celle de la « Bande du Drugstore ». Terme venant du nom du fameux magasin store comportant diverses boutiques, dont un bar devenu légendaire.
Cette dénomination « Bande du Drugstore », tout en marquant une certaine « tribalité », illustre plutôt un phénomène géographiquement et temporellement limité. Les Minets se rassemblent effectivement dans ce bar situé en haut des Champs-Élysées, quartier huppé de Paris, depuis 1958. Les Minets vont certes être les seuls en France à adopter aussi précisément le style vestimentaire des Mods. Mais, cela ne suffit pas à en faire de véritables Mods. Plus exactement, les Minets ne vont pas mettre en forme un véritable mouvement culturel et identifiable. A contrario des Mods, qui vont créer un mouvement cultu-rel très largement identifiable, et surtout reconnu dans le temps à travers le monde par le biais de ses générations successives. Les Mods ont la particularité d’avoir créé une nouvelle tribu urbaine d’avant-garde dont l’essence est de se distinguer du commun des mortels à travers des us et coutumes bien spé-cifiques.
De plus, il est important de comprendre que les Mods font partie d’un mouvement, d’une culture et d’une scène. Les Mods s’identifient à un mouvement, une scène, et à leurs clubs respectifs. Les Mods vont développer une forte sociabilité, et plus particulièrement en « interne » (entre Mods). Une sociabili-té largement entretenue par les nombreux clubs et les rassemblements Mods. L’utilisation des termes Mod/Mods/Modernist représentent toujours un marqueur identitaire et illustre une part importante de l’identité culturelle des Mods de nos jours. En effet, il existe une pléthore de clubs spécifiquement dé-nommé Mod/Mods à travers le monde. A contrario, l’existence de clubs portant spécifiquement la dé-nomination Minets est chimérique. Les Minets s’inscrivent incontestablement dans l’histoire sociale con-temporaine française, mais leur influence reste bien moindre inversement aux Mods.
De la même manière à Tokyo au Japon, en 1964, des bandes de jeunes gens appelées Miyuki-Zoku, vont également avoir cette même envie et posture de se distinguer, de se démarquer, en adoptant une cer-taine élégance vestimentaire. Ces jeunes Miyuki-zoku nippons seront beaucoup plus influencés par la culture de l’Ivy League venu d’outre Atlantique, à la différence des Minets français plus fascinés par la culture venant d’Angleterre. Néanmoins, l’attrait de ces jeunes gens est identique pour cette culture de l’élégance vestimentaire sophistiquée. Cette volonté de se démarquer par l’élégance vestimentaire est donc une posture largement partagée à travers le monde dès le début des années soixante. Toutefois, la culture Mod ne se limite pas à une époque, une période, spécifique. L’authentique culture des Mods s’inscrit dans le temps long à travers des générations successives. Marquant ainsi une pérennité inhabi-tuelle au sein des sous cultures urbaines.
Comme je l’ai largement rappelé lors de nos précédents entretiens, les différentes générations de Mods sont à l’origine de l’émergence de nombreuses autres tribus et cultures urbaines, comme celle des Mi-nets dont nous venons de parler. Ce lien est encore plus fort avec la culture Skinheads/Suedehead, mais il existe également avec la scène Northern Soul, ou encore celle des Scooters Boys. Ces liens filiaux entre ces différentes cultures et les Mods restent forts et pérennes de nos jours, comme l’illustre les nom-breux Disc Jockeys Mod invités à jouer leurs disques vinyles dans des soirées aux publics plus large. Les nombreux témoignages disponibles certifient que ces jeunes Minets Parisiens sont souvent conscients d’adopter un style vestimentaire et une influence musicale venant d’Angleterre. Cette influence de la culture de l’élégance vestimentaire Britannique est prégnante pour les Minets.
Ainsi, ils portent de très nombreux vêtements typiquement anglais comme le Duffle Coat, les pulls She-tlands aux couleurs vives, ou des chemises Oxford. En revanche, en adoptant les mocassins JM Weston, les Minets vont mettre en exergue la qualité de la confection artisanale de la mode française, celle de la jeunesse dorée des quartiers huppés de la capitale. Cette influence de la culture anglaise se retrouve également dans les préférences musicales des Minets qui écoutent des groupes anglais comme les Who. À une époque où la musique est omniprésente et évolue constamment, les minets écoutent de la pop-anglaise et de la musique Soul Afro Américaine. Ces préférences et influences musicales rapprochent encore plus grandement les Minets des Mods. Certains Minets vont d’ailleurs se déclarer eux même des Mods, mais tous n’étaient pas conscients de cet état de fait. Finalement, les Minets ne vont adopter qu’une partie de la culture et des attributs des Mods ; ceux mis en avant par la presse durant la période de massification (1963/68). L’authentique culture des Mods va rester peu connue ou ignorée de nom-breuses années, de nos jours sa véritable richesse est enfin redécouverte.
Tout comme les Minets, les Zazous sont souvent comparés aux Mods, qu’en penses tu ?
En premier lieu, et comme je l’ai souligné auparavant pour les Minets, les Zazous représentent une spéci-ficité Hexagonale, ce qui est plutôt rare dans l’histoire dite des sous cultures urbaines. Je souligne cette spécificité, car c’est une caractéristique importante pour mon club. Effectivement, nous tenons à rappeler la place et l’importance de notre culture française dans la constitution des influences et du corpus culturel originel des Mods. Car, tout en étant issus d’un mouvement qui est née en Angleterre, les Mods français ont un corpus culturel spécifique. Dans cette optique, il est primordial de présenter et expliquer cet ap-port de la culture française dans la culture Mod. Dès la fin des années cinquante, la première génération de Mods (1958/1963) trouve dans notre culture Hexagonale de nombreuses sources d’inspirations. Cette culture spécifiquement française, que nous voulons mettre en avant, va apporter bien plus que les in-fluences les plus familièrement connues de la Nouvelle Vague, des stylistes de mode tels que Coco Cha-nel, Pierre Cardin et Yves Saint Laurent. Cette influence française est effectivement plus profonde, elle s’inscrit dans le temps à travers l’héritage légué par les Zazous et les Minets.
Mais, cet héritage est lui-même indissociable d’autres influences, comme celle de l’Harlem Renaissance et Joséphine Baker à Paris (1910/19020). En outre, il ne faut pas oublier que dans le registre musical l’apport français est important avec le Blues Zydeco et le Jazz du Hot Club de France. Les Zazous ont effec-tivement de nombreux traits communs avec les Minets, tout en étant un mouvement largement anté-rieur historiquement. Il est important de respecter une certaine cohérence historique pour mieux com-prendre les spécificités et les différences entre ces deux cultures. Dans cette perspective, l’environnement historique dans lequel vont s’épanouir ces deux générations de jeunes gens est d’une intensité incomparable. La génération des Zazous va effectivement mettre en forme une posture plus que contestataire et rebelle, en se confrontant directement à la férocité de l’occupant nazi durant les années 1939/1944. A la grande différence de la génération des Minets, qui profite pleinement de la nou-velle opulence permise par les Trente Glorieuses (1945/1973). Malgré ces contextes dissemblables, ces deux générations de jeunes gens vont pourtant adopter des postures similaires. La culture vestimentaire devient un moyen de contestation et un véritable étendard communautaire pour ces jeunes rebelles. Il est important de rappeler que les Zazous vont porter cette posture au plus haut. Dès 1942, ils vont arbo-rer très visiblement une étoile jaune portant l’inscription Zazou. Une très courageuse référence à l’obligation du port de l’étoile jaune en tissus imposée aux Juifs, dès 1942, par le régime de Vichy (1940/1944).
Ce remarquable et courageux engagement des Zazous permet facilement de comprendre le contexte historique et la différence d’intensité dans l’engagement. Les Zazous vont adopter une élégance vesti-mentaire novatrice, largement inspirée par la culture vestimentaire underground des Zoo Suiters, venant des États-Unis. L’extravagant costume appelé Zoo Suit était en vogue depuis les années 1930, grâce au couturier Frederick Scholte. Il va créer une toute nouvelle coupe de costume dite en « rideau » ou « Lon-don ». Contrairement aux coupes structurées des costumes masculins de l’époque, le costume de Frede-rick Scholte était confectionné en tissus légers avec une coupe mettant en avant les épaulettes pour faci-liter la danse. Ce nouveau modèle de costume est très vite adopté aux États-Unis par des Jazzmen Afro Américains, comme l’immense Cab Calloway. C’est de cette façon, que la mode du Zoo Suit va être intro-duite et adoptée par les jeunes gens le plus souvent issus des minorités, comme les Afro Américains et les Hispaniques. Les Zoo Suiters vont devenir un véritable mouvement qui va défrayer les chroniques des faits divers lors d’émeutes raciales en 1943 à Los Angeles.
Les Zazous vont donc en grande partie s’inspirer de cette culture du Zoo Suit, indissociable du Swing Jazz justement écouté par ces jeunes français. En adoptant ce style vestimentaire, les Zazous veulent se dis-tinguer en portant, par exemple, d’une manière ostentatoire des parapluies et des cannes personnalisés. Cet usage de la canne est inscrit dans la culture de l’élégance vestimentaire propre au début du XXe siècle. Plus particulièrement le port de la canne est une pratique typiquement française. Cet usage trouve, en partie, son origine chez les Incroyables et Merveilleuses de la période post Révolutionnaire. Les Incroyables et Merveilleuses représentent un courant de mode qui a traversé la France du Directoire (1795/1799), en réaction à la folie sanguinaire répandue par la Terreur révolutionnaire. Ce courant est caractérisé par son extravagance vestimentaire dont la canne va devenir un symbole. La canne se nom-mait également « Arbre de liberté » par son aspect naturel de branche torsadée, rappelant les arbres plantés dans toute la France durant la Révolution. Cette mode entendait prendre le contre-pied de l’An-cien régime.
C’est donc cette même démarche que vont adopter les Zazous, dans un environnement tout aussi trouble. Puis, bien des années plus tard, les Minets vont également adopter ces usages dans l’opulence de la société de consommation des Trente Glorieuses. C’est bien cet ensemble culturel, incomparable, que nous tenons à rappeler et cultiver. Il fait désormais partie du corpus culturel de l’authentique culture des Mods, plus particulièrement en France.
Nous avons largement abordé précédemment la grande influence du Jazz Afro-Américain dans la culture musicale des Mods. Qu’en est-il du Blues Afro-Américain ?
Lors de nos derniers entretiens, j’ai effectivement souligné la grande influence du Jazz Afro Américain sur l’authentique culture des Mods. Le Jazz Afro Américain va effectivement irriguer et profondément in-fluencer la culture Mod, plus particulièrement la toute première génération de Mods (1958/1963). Une première génération qui va établir les fondements de cette nouvelle tribu urbaine. Tout comme pour le Jazz, le Blues Afro-Américain est introduit par cette toute première génération de Mods durant le milieu des années 1950.
De la même manière que pour le Jazz, l’attrait pour le Blues illustre un très fort attachement des Mods originaux à la culture Afro Américaine. Le puissant son de l’authentique Blues Afro Américain est tout de suite adopté et révéré par ces premiers Mods. Tout en étant aux sources de la musique Afro Américaine, le Jazz et le Blues sont deux styles musicaux qui portent un message distinct, une résonance culturelle particulière. Plus exactement, le Blues Afro Américain, en plus de l’excellence de sa dimension musicale, représente la part sombre de l’héritage musical venu d’Amérique à travers la ségrégation raciale et l’esclavagisme. A la différence du Jazz, qui est une musique Afro Américaine en constante mutation, transformation, diffusant un message artistique novateur et porteur d’espérance. Les Mods vont adop-ter, révérer, et largement participer à la diffusion du Jazz et du Blues.
Des musiques Afro Américaines encore peu écoutées par le grand public Angleterre et sur le Vieux Conti-nent. De nombreux témoignages certifiés soulignent que dès 1958 le Blues est très en vogue dans les soirées Mods. Les disques vinyles de Muddy Waters, Slim Harpo, Little Walter, ou John Lee Hooker, rem-plissent la piste de danse. Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive, notamment au regard de l’incroyable variété de styles dans le Blues Afro Américain. Je pense, par exemple, au Zydeco Blues dont j’ai précédemment parlé. Les Mods vont établir des liens privilégiés avec certains artistes de Blues, comme l’immense harmoniste et chanteur Sonny Boy Williamson II (1899/1965). Pour la petite histoire, Sonny Boy Williamson I (1914/1948) est un autre illustre et légendaire harmoniciste de Blues. Pour sa part, Sonny Boy Williamson II semble être né en 1899, sous le nom d’Aleck « Rice » Miller. Sa date de naissance est incertaine, comme pour de nombreux autres artistes Afro Américains : la tenue des registres d’état civil était souvent négligée pour les noirs.
Sonny Boy Williamson II est un des plus grands virtuoses de l’harmonica, un véritable maestro de Blues Afro-Américain. Sa prestation anthologique, avec le groupe anglais The Yardbirds et Eric Clapton, lors d’un concert au Marquee Club à Londres en 1963, va époustoufler et influencer toute une génération de musi-ciens européens. Durant ce voyage en Angleterre, cet authentique musicien de Blues va rencontrer et côtoyer de nombreux Mods en découvrant avec étonnement la passion de ces jeunes anglais blancs pour une musique pourtant encore peu écoutée même aux USA. Sonny Boy Williamson II va notamment se rendre chez le tailleur dans le quartier de Saville Row, lieu de prédilection des Mods férus d’élégance ves-timentaire. Lors de ses prestations au Marquee Club il va fièrement arborer ses nouveaux costumes, dont un magnifique costume sur mesure en tissu bleu Tonik dans la plus pure tradition des Mods. Le Bluesmen va également se présenter sur scène dans un costume deux tons impeccable, en portant un Bowler Hat et un long et élégant parapluie noir gainé. Le Bowler Hat est un chapeau en feutre, en forme de melon et à coque rigide. En adoptant ces deux accessoires typiquement anglais, indispensable pour tout gentle-man, il fait un clin d’œil malicieux à son public. En adoptant ce look, Sonny Boy Williamson II va d’autant plus séduire son auditoire, en majeure partie composé de Mods. C’est en partie grâce et par le biais de cette passion des Mods pour le Blues, que cette musique Afro Américaine va être introduite auprès du grand public en Angleterre et sur le Vieux Continent. Le Blues Afro Américain va être mis au goût grâce aux tournées de concerts de l’American Folk Blues Festival créée par deux Allemands passionnés de mu-sique Afro Américaine, Horts Lippmann et Fritz Rau. Le tout premier American Folk Blues Festival a lieu en 1963 en tournant en République Fédérale Allemande, en Suisse, Autriche, Grande Bretagne et en France dans la mythique salle de l’Olympia à Paris. Dans cette première tournée de grandes vedettes du Blues sont présentes comme John Lee Hooker, Memphis Slim, Sonny Terry & Brownie McGhee, Magic Sam et T-Bone Walker.
Tous les ans jusqu’en 1970 l’American Folk Blues Festival va irriguer l’Europe de ce Blues authentique. C’est d’ailleurs lors d’une de ces tournées, que le grand Sonny Boy Willialson II va jouer la toute première fois en Europe. Une grande partie des musiciens de la fin des années soixante et des années soixante-dix vont être largement imprégnés par l’irrésistible puissance de ce Blues Afro Américain. A ce propos, je tenais à souligner et rappeler le rôle primordial du grand harmoniciste Cyril Davies (1932/1964) avec sa formation des Rhtyhm ‘n’Blues All Stars. Effectivement, son rôle est plus important que celui donné plus communément à John Mayall (1933/2024) considéré par la presse comme le « Père du British Blues ». Cyril Davies est le véritable initiateur du British Blues, c’est un génie musical et un grand passionné de Blues Afro Américain. Il va développer un impressionnant jeu d’harmonica, largement inspiré par le Blues urbain de la Windy City Chicago.
Accompagné du génial guitariste Alexis Korner et de sa formation des Rhythm’n’Blues All Stars, Cyril Da-vies va former de très nombreux musiciens (dont Mick Jagger et Charlie Watts !) à l’école du Blues. A la différence de nombreux autres groupes estampillés Mods des années plus tard, Cyril Davies va être réel-lement suivi par de nombreux Mods durant ses concerts. Ses deux singles (45Tour vinyles) produits sur le mythique label Pye International, vont être très largement joués dans les clubs Mods entre les mois d’avril et septembre 1963. Des groupes comme les Rolling Stones vont puiser une partie de leurs pre-mières inspirations et influences dans les morceaux et le son très spécifique de Cyril Davies. L’incroyable morceau instrumental intitulé « Country Line Special » illustre parfaitement ce jeu totalement irrésistible, dans lequel l’harmoniciste laisse exploser un talent directement puisé dans l’authentique Blues Afro Américain. Ce Blues va être initialement introduit, puis diffusé, par les Mods et exercer une profonde influence sur toute une génération de musiciens. Pour illustrer musicalement mes propos, voici une pe-tite sélection (non exhaustive bien entendu) de Blasting’ Blues.
Certains morceaux sont d’ailleurs directement disponibles dans cet article :
- Slim Harpo « I’m Your Bread Maker Baby »
Excello Records (45-2282) - 1966
- Little Walter « Up The Line »
Checker Records (1043) - 1963
- Charles Clark « Hiddem Charms »
Artistic Records (1550) - 1958
- Louisiana Red « Sugar Hips »
Glover Records (GP 3002) - 1964
- Sonny Boy Williamson II « Stop Now Baby »
Trumpet Records (45-168) - 1953
- Elmore James « Dust My Blues »
Kent Records (45X33) - 1960
- Billy Boy Arnold « I Wish You Would »
Vivid Records (109) - 1965
- Pee Wee Hugues « I’m A Country Boy »
Deluxe Records (45-3228) - 1959
- John Lee Hooker « Money »
Impulse Records (45 242) - 1966
- Big Mama Thornton « Hount Dog »
Peacock Records (5-1612) – 1953
Peux-tu nous expliquer les caractéristiques de la tendance dite Hard Mods Stylist ?
Comme je l’ai expliqué précédemment, les Mods ne sont pas tous similaires, uniformes. Riche d’une longue histoire initiée au milieu des années 1950, différentes tendances, familles, coexistent au sein des Mods. Parmi ces différentes postures, les Hard Mods Stylists vont développer une posture très particu-lière au milieu des années 1980. Pour ma part, j’ai adopté cette posture car elle reflète le plus fidèlement l’esprit du Paris Real Mod Deal attaché aux valeurs culturelles fondamentales de la culture Mod. Les Hard Mods Stylists trouvent leur origine au sein de la tendance dite Hard Mod qui va apparaître au milieu des années soixante. Ces premiers Hard Mods apparaissent en réaction à la période de « massification » (1964/1968) des Mods.
Plus exactement, les Hard Mods refusent catégoriquement la prédominance de la nouvelle mode en vogue, celle du Flower Pop Power et des Hippies omniprésents dans les innombrables boutiques de Car-naby Street. Il est important de comprendre qu’avant même le milieu des années soixante, certains Mods refusent déjà la popularité naissante de leur mouvement en se déclarant Hard Mod. Cette déno-mination « Hard » (en anglais « dure »), illustre un fort attachement aux fondements initiaux, plus éli-tistes, mis en forme par la toute première génération de Mods. Pour marquer cette véritable opposition au temps présent, les Hard Mods vont adopter un style vestimentaire très différent de celui propagé par l’industrie de la mode ambiante de la fin des années soixante. Le style vestimentaire mis en exergue par les Hard Mods est plus épuré, il s’inspire largement de la fameuse culture de l’Ivy League. Le port des chemises à carreaux en tissus Madras (comme les chemises de la marque Jaytex) tout comme le port de pantalons de la marque Sta Press sont justement directement issus de cette culture de l’Ivy League ve-nue des campus universitaires américains. Les Hard Mods se délestent des ajouts (jabots ...) vestimen-taires et des nouvelles influences de la mode du Flower Power, ils prônent une élégance plus « clanique » et épurée des subterfuges mercantilistes.
Comme je l’ai largement rappelé lors de nos précédents entretiens, ces Hard Mods vont justement être les initiateurs du style et de la culture Skinhead/Suedehead. C’est l’ensemble de cet héritage que les Hard Mods Sylists des années 1980 vont revendiquer, tout en développant de nouvelles postures. Ces nouveaux Hard Mods Stylists recherchent également une élégance spécifique et authentique par le biais d’un savant mélange. Plus exactement l’association de la haute tradition de l’élégance vestimentaire Bri-tannique et Française, agrémenté de détails raffinés et subtiles, comme l’ajout de nombreuses poches/boutons/rabats aux vestes. Il faut noter, que cela n’est pas un hasard si cette tendance refait surface durant le début des années 1980 avec le Mod Revival. Effectivement, comme je l’ai expliqué lors de nos précédents entretiens, il y à une grande similarité entre la génération de la période dite de « mas-sification » des Mods (1964/1968) et celle de la période Mod Recival (1979/1982). Ces deux générations de Mods vont effectivement connaître une notoriété inégalée, d’une part par le biais des articles de la presse tabloïd à partir de 1964. Puis, à partir de 1979, avec la véritable renaissance des Mods durant la déferlante du Mod Revival.
Cette notoriété et omniprésence médiatique, tout en augmentant les cohortes de jeunes Mods, va aussi provoquer la réaction d’une autre frange de Mods. Ces derniers sont moins conciliants envers « The Out-side World » c’est-à-dire le « monde extérieur » aux Mods, celui des néophytes face à l’authentique cul-ture Mod. Il faut comprendre, dans cette posture Hard Mod, une volonté de revendiquer une forte iden-tité Mod et un net refus de la vulgarisation de la culture Mod. Une attitude en opposition au sensationna-lisme de la presse tabloïds, qui va justement provoquer de nombreuses scissions au sein de la véritable scène Mod. Ces différences illustrent la volonté et la détermination de revenir à des fondements plus élitistes, plus « underground ». Ceux qui ont fondé l’authentique culture Mod. Une culture originale et novatrice très éloignée des interprétations mercantilistes et commerciales. Tout en développant cette culture vestimentaire bien particulière, les Hard Mods vont aussi introduire de nouvelles musiques, dont les sons Jamaïcains, mais aussi une forte appétence pour les concerts live. Cette influence des musiques Jamaïcaines vient en grande partie de la proximité de la première génération de Mods avec la commu-nauté Jamaïcaine. Ces premiers Mods vont adopter la musique, mais aussi certaines attitudes de cette communauté Jamaïcaine, véritable nouveau Lumpenprolétariat au sein de la classe ouvrière en Angle-terre.
Les Jamaïcains vont développer une culture qui va largement influencer le monde contemporain. Les dif-férents styles de musiques jamaïcaines, le Calypso et surtout le Ska et le Rock Steady vont largement sé-duire les Mods. Avec l’indépendance de l’île en 1962, cette musique des West Indies représente une part de liberté et de contestation pour l’ensemble du monde. Ce n’est pas un hasard si ces styles musicaux ont particulièrement du succès à la fin des années 1960, ils relaient la contestation et l’envie de liberté qui vont exploser dans de nombreux pays au printemps 1968. De surcroît, la distribution et la diffusion de ces nouveaux sons Jamaïcains en Angleterre est très souvent liées à l’histoire de la culture Mod, comme avec les fantastiques labels Blue Beat ou Island. Au bout du compte, comme je le souligne régulièrement, ce look caractéristique des Hard Mods Stylists, tout comme l’adoption des sons Jamaïcains, donnent une identité très proche de celle de Skinheads et Suedeheads.
Les Mods ont un look particulier en 2024 ?
En 2024, les Mods ne sont pas toujours identifiables car l’uniformité du look des Mods a disparu. Les Mods sont effectivement beaucoup moins reconnaissables, surtout en comparaison des périodes précé-dentes avec l’omniprésence médiatique des périodes 1964/68 et 1979/81. Comme je l’ai souligné précé-demment, tout en se réclamant d’un même mouvement, les Mods adoptent désormais des looks dispa-rates.
Cette profusion d’allures vestimentaires reflète l’histoire des générations successives et les différentes tendances constituant désormais cette tribu urbaine. L’allure vestimentaire exprime chez les Mods une préférence envers une période, une époque, spécifique. Un luxe permis par la profondeur historique du mouvement Mod, initié par une élite d’avant-garde dès la fin des années cinquante (1958/1963), puis devenu un mouvement populaire lors de la période de « massification » (1964/1968). Par la suite, jusqu’à nos jours, plusieurs autres générations de Mods vont se succéder en apportant de nouveaux éléments, en ré interprétant la culture Mod, dont justement le « look » est un élément central. Il est donc difficile pour un néophyte d’identifier ces différentes fratries Mods, sans mieux connaître la richesse et la com-plexité de la culture Modernist. D’autre part, cette identification est brouillée par une représentation minimaliste des Mods à travers l’utilisation récurrente des « Totems Mods » tels que la parka et les scoo-ters surchargés d’accessoires. Cette image réductrice, minimaliste, des Mods va être grandement renfor-cée par le succès planétaire du film « Quadrophenia ». Tout en créant une nouvelle interprétation mytho-logique pertinente de la culture Mod, incompréhensible pour les néophytes, le film « Quadrophenia » va effectivement présenter une image tribale incomprise des Mods. Désormais, à la différence des périodes citées précédemment (1964/68 et 1979/81), le look Mod est beaucoup moins présent dans le paysage médiatique. De nombreuses influences vestimentaires introduites par les Mods, comme par exemple la parka, ne représente plus spécifiquement les Mods dans l’imaginaire du grand public. La parka, ce man-teau militaire initialement porté pour protéger les élégantes tenues des Mods de la pluie, est devenu un banal vêtement très éloigné du « marqueur identitaire ».
La grande variété de looks des Mods en 2024 renvoie justement aux différentes générations qui ont fait vivre ce mouvement durant des précédentes périodes historiques. De nos jours, l’élégance vestimen-taire obsessionnelle des premiers Mods, dont le style de l’Ivy League, côtoie naturellement des styles différents comme celui de la fin des années soixante (Hard Mods/Suedeheads ou Swinging London). La scène Mod a toujours pioché dans sa propre histoire des influences et inspirations pour créer de nou-velles postures et tendances au goût du jour. Certaines tendances, « fratries », reflètent cette préfé-rence pour une période bien particulière. Comme, par exemple, les Mods Trad, plus attirés par la culture originelle de la fin des années 1950, s’inspirant entre autres de l’Ivy League. Bien entendu, le look et la musique différencient clairement ces différentes tendances. De ce fait, une certaine spécialisation est apparue chez les Mods. Une spécialisation tant musicale que vestimentaire. De ce fait, l’acquisition de la culture Mod est devenue malheureusement plus parcellaire en se cantonnant à une période définie.
Tout en amenant une indéniable qualité musicale, cette spécialisation assèche néanmoins la richesse hé-téroclite de la véritable culture des Mods. Cette profondeur de la richesse culturelle indissociable aux Mods est de plus en plus oubliée, perdue, au fil du temps. En somme, l’authentique look Mod n’est plus uniforme, dans le sens qu’elle ne représente plus des éléments tous semblables. Plus qu’un revivalisme vintage esthétique, l’authentique élégance des Mods est le fruit d’une longue tradition. La période de référence est certes une source d’inspiration centrale, mais la touche personnelle est essentielle dans l’ethos des Mods. La véritable élégance Mod n’a pas d’âge, elle s’inspire d’influences diverses reflétant une démarche personnalisée profondément attachée à un ensemble de tradition cultivée par les généra-tions successives depuis le milieu des années 1950.
Quelle est la situation de la scène Mod de nos jours ?
Tout comme pour la posture vestimentaire, la scène Mod est de nos jours très disparate. De nos jours, les scènes Mod sont désormais présentes à travers tous les continents, mais l’Angleterre reste la patrie ori-ginelle des Mods. De ce fait, la culture Mod a toujours subsisté au Royaume Uni, elle est désormais pro-fondément ancrée dans les mœurs et la société anglaise. La cohabitation de différentes générations de Mods au sein de certaines familles anglaises, illustre parfaitement cette persistance au fil du temps. De nos jours la scène est composée par différentes générations reflétant les différentes tendances au sein des Mods et le morcellement de la culture Mod. Certes, il n’y a plus l’euphorie et l’émulation des années précédentes, la scène Mod est néanmoins toujours active.
Depuis leur apparition depuis la fin des années cinquante, la scène Mod existe, même de façon em-bryonnaire. De nos jours, la scène reflète surtout l’existence de différentes tendances, « chapelles », au sein du mouvement Mod. Les grands rassemblements Mods sont désormais plus rares, les soirées sont scindées selon les tendances. De plus, ce morcellement est aussi indissociable d’une culture qui est de-puis ses origines en « mouvement » comme l’illustre les générations successives de Mods depuis le milieu des années 1950. Il y à donc de grandes différences de postures, d’interprétations, au sein de la scène Mod de nos jours. Le trop fameux rendez-vous estival annuel se déroulant à Brighton, sur la côte du Sus-sex en Angleterre, illustre parfaitement cette situation de coexistence entre différentes tendances. Tout en étant un moment effectivement inscrit dans la culture Mod, ce rendez-vous estival à Brighton illustre les dérives engendrées par la commercialisation et l’exposition médiatique outrancière des Mods.
Une grande part des Mods participants arborent des looks paroxystiques en portant des parkas remplies de patchs et cocardes et des scooters ridiculement surchargés. Une image réductrice, symbolisée par les pires accessoires mercantilistes très éloignés de l’authentique l’ethos Modernist. De surcroît, l’âge avancé renforce cette image réductrice faisant plus penser à un rassemblement de fans ou collectionneurs vin-tage. Comme je l’ai largement souligné, ce « vieillissement » est malheureusement général. Parallèle-ment, l’authentique scène Mod célèbre elle aussi cet événement inscrit dans l’histoire. A contrario, cette célébration n’est pas faite autour d’une posture exhibitionniste destinée aux néophytes de cette station balnéaire. La véritable scène célèbre ce moment dans la plus pure tradition Mod, c’est à dire par le biais d’une soirée durant toute la nuit jusqu’au petit matin : un Mod Allnighher. La soirée est un moment cul-minant dans la culture Mod. C’est par ce biais que les Mods mettent en exergue la culture de l’élégance vestimentaire indissociable de leur riche culture musicale et d’une pratique effrénée de la danse. Durant ces soirées, véritables rituels, les Mods portent des costumes sur mesure impeccablement taillés en dan-sant frénétiquement sur de la musique Jazz, du Blues et de la Soul Afro-Américaine.
Malheureusement, comme je l’ai souligné, le point commun entre ces différentes tendances est incon-testablement l’âge avancé de la majorité des participants. Le vieillissement de la scène Mod est effecti-vement devenu général et récurrent. Ce vieillissement n’est pas seulement le résultat de la persistance de certaines générations de Mods, dont celle du post Mod Revival dont je suis justement issu. Il reflète aussi le peu d’attrait et de séduction de la culture Mod pour la jeune génération de nos jours. Pourtant, cette jeune génération vit, en partie, sur des acquis lentement introduits par l’authentique culture des Mods. Les Mods ont largement influencé la société contemporaine dans de nombreux domaines, et plus particulièrement dans la culture dite juvénile, justement celle des « teen-agers ». J’avais rappelé précé-demment certaines influences léguées par les Mods au sein de nos sociétés contemporaines, comme l’usage du port de vêtements de sports, ou la culture dite du « Nightclubbing », sans oublier, bien enten-du, la culture de l’élégance vestimentaire qui est devenue un marqueur identitaire pour les Mods. Malgré ces nombreuses influences et héritages, les Mods demeurent inconnus ou oubliés par la jeune généra-tion. Je tiens à souligner que c’est justement cette situation qui a poussé mon club à s’engager dans une démarche de communication plus didactique et « ouverte », en proposant des événements non exclusi-vement réservés aux seuls Mods.
Il faut effectivement redonner du souffle à la scène Mod qui est désormais recroquevillée sur ses acquis, certes pertinents mais peu productifs. La scène Mod ne souffre pas du manque d’individualités, elle souffre plutôt d’un nombre très limité de nouveaux arrivants. En même temps, l’internationalisation des Mods a redonné un nouveau souffle à cette culture. Le fait que la culture Mod se développe sur d’autres continents, comme en Asie à Tokyo ou en Océanie à Djakarta, lui permet de se renouveler, de se régéné-rer. Tout comme les Mods européens issus du post Mod Revival, ces nouvelles générations de Mods à l’autre bout du monde apportent des éléments novateurs au sein du corpus culturel des Mods. Cette jeunesse du XXIe siècle a une nouvelle interprétation des Mods à donner, cela ouvre largement le champ de nouvelles perspectives. La culture Mod est en gestation continuelle, c’est ce qui explique cette persis-tance dans le temps, dans des territoires très dissemblables ... des rues de Londres, à celle de Tokyo, en passant par celle de Paris, Barcelone, ou dans des petits villages de Lombardie, les Mods sont encore om-niprésents.
Y-a-t-il une résurgence des Mods au XXIe siècle ?
Il n’y a pas de véritable résurgence des Mods au XXIe siècle dans le sens des périodes précédentes. Néanmoins, la culture Mod continue d’essaimer ses influences au fil du temps au sein de nos sociétés. Plus exactement, de nos jours, les Mods sont peu connus, pourtant l’influence de la culture Mod est grande dans de très nombreux domaines au sein des sociétés contemporaines. Une influence prégnante dans la culture musicale, tout comme dans le monde de la mode vestimentaire. Cette résurgence est plus présente actuellement dans le monde de l’édition. En effet, la culture Mod est de plus en plus documen-tée, même si c’est par le biais de publications de diverses qualités.
Après la publication du livre de Richard Barnes « Mods » en 1979 et excepté de très rares travaux, les livres vont effectivement se limiter à des interprétations imprécises ou littéralement erronées des Mods. Les exemples sont malheureusement très nombreux de fausses affirmations reflétant une connaissance limitée de l’authentique culture des Mods. A contrario, ce début de XXIe siècle est marqué par l’apparition de nouvelles études, recherches et témoignages de qualités. De nombreuses études univer-sitaires sont effectivement écrites sur les Mods, ou sur des sujets très parallèles. Pour la petite histoire, j’ai par exemple été récemment contacté par une étudiante de l’université de Melbourne en Australie qui travaille sur une thèse consacrée aux Mods en Europe. Parmi ces différentes études universitaires, les excellents travaux du professeur en sociologie Gildas Lescop proposent une pertinente et éclairante in-terprétation de la véritable culture des Skinheads. De surcroît, de nouveaux témoignages viennent étayer avec pertinence le corpus historique explicatif de la culture Mod, en partie grâce à des autobiographies très documentées de Mods anglais issus de la première génération.
Parmi ces nouveaux ouvrages, l’auteur Mod Paul « Smiller » Anderson donne une définition beaucoup plus claire, précise et aboutie des Mods. Cette résurgence de la culture Mod est en fait constante au fil du temps. Étonnamment, tout en manquant incontestablement d’une nouvelle génération de jeunes con-tingents, la culture Mod demeure subtilement omniprésente dans notre environnement. Cette influence de la culture Mod se manifeste sous de nouvelles formes, toutes indissociables des fondements érigés par la toute première génération de Mods (1958/1963). La résurgence des Mods a toujours été confron-tée à un important obstacle, celui d’une image totalement brouillée et d’un message altéré durant de longues années. L’apparition des « Totems Mods » illustre parfaitement cette situation résultant d’interprétations erronées et vulgarisateurs. Ces « Totems Mods » donnent une image simplifiée et lar-gement formatée d’un mouvement qui est à contrario marqué par le non-conformisme. Paradoxale-ment, tout en véhiculant cette image façonnée par une démarche mercantiliste, les « Totems Mods » portent en eux une grande part de la véritable identité des Mods. Je me permets de rappeler que j’introduis ce nouveau terme de « Totems Mods » dans mon livre « Style de Vie Modernist ».
Cette création terminologique s’inscrit dans la démarche anthropologique de monsieur Claude Levis Strauss (1908/12009). Dans ce sens, je désigne les « Totems Mods » comme des objets rituels pouvant servir d’emblème à un groupe de personnes comme une famille, un clan, ou en l’occurrence la tribu ur-baine des Mods. Je rajoute à cette définition, le fait que ces « Totems Mods » vont être très largement introduits et imposés par les médias, plus précisément par la presse écrite des tabloïds anglais. Parmi les nombreux « Totems Mods » propagés, la cocarde représente un parfait exemple. La cocarde, tout en étant désormais un élément totalement intégré au sein même de la culture Mod, est devenue un sym-bole détourné, et surtout un simple attribut mercantiliste. La cocarde est importante au sein de la tribu des Mods, elle représente un signe identitaire portant des spécificités locales. Dans cet esprit, mon club 75 M.N.S utilise justement une cocarde tricolore française sur un fond de couleurs bleu et rouge, les cou-leurs de la ville de Paris. De cette manière, parallèlement à notre identité Mod, nous marquons un atta-chement à notre pays ainsi qu’à notre magnifique ville de Paris. De la même manière, les Mods des autres grandes capitales européennes utilisent des cocardes flanquées des couleurs locales, d’autant plus dans les pays possédant une forte culture et identité locale comme l’Italie ou l’Espagne.
Nous aurons justement l’opportunité et le grand plaisir de présenter des clubs Mods étrangers avec qui nous sommes associés, lors du prochain Paris 75 M.N.S International Mod Weekend. Cette internationali-sation des Mods est devenue incontournable au XXIe siècle. C’est en partie grâce à cette internationalisa-tion que la culture Mod perdure encore de nos jours. Dès ses origines, la culture Mod est imprégnée d’influences hétéroclites et sans frontières. Mais, c’est surtout à partir de la période post Mod Revival que va se mettre en place une véritable connexion internationale entre les Mods à travers le monde. Les grands rassemblements en Angleterre sont d’ailleurs des vecteurs importants pour cette nouvelle con-nexion internationale, tout en créant un profond sentiment d’unité. C’est pour cette raison que l’Angleterre reste la patrie originelle, celle qui a légué au monde contemporain l’authentique culture des Mods. Une culture toujours vivante, qui reste encore à découvrir au XXIe siècle par une nouvelle généra-tion.
Sources :
- Jason Jules & Graham Marsh « Black Ivy A Revolt in Style »
Éditions Real At Press, London, 2022
- Ray Kinsella « Post-war Britain’s First Youth Subculture : The Bebop Scene in Soho, 1945–1950 »
Éditions University of the Arts, London, 2020
- Stefano Spazzi & Antonio Bacchiocci « Arcipelago Mod : Il Mod Revival in Italia (1979/1985) »
Éditions CRAC, 2020
- Tony Beesley « Sawdust Caesars Original Mod Voices »
Éditions Day Like Tomorrow, Peterborough (U.K), 2014
- Max Horkheimer et Theodor W. Adorno « La dialectique de la Raison »
Éditions Gallimard, Paris, 2013
- Anderson Paul “Smiler”, « Mods The New Religion : The styles and the music of the 60’s Mods » Éditions Omnibus Press, London (U.K), 2013
- Jones LeRoi, « Le Peuple du Blues : La musique Noire dans l’Amérique blanche »
Éditions Gallimard, Paris, 2013 (traduction édition 1968)
- Paolo Hewitt « Mods une anthologie Speed, Vespa & Rhythm’n’Blues »
Éditions Rivage, Paris, 2011
- Jeremy Reed « The King Of Carnaby Street »
Éditions Haus Publishing, London, 2010
- Teruyoshi Hayashida « Take Ivy »
Éditions Power House, New York City, 2010 (1ére édition 1965)
- Gérard Herzhaft « La Grande encyclopédie du blues »
Éditions Fayard, Paris, 2008 (1ére édition 1997)
- Dick Hedbige « Sous-culture, le sens du style »
Éditions La Découverte, Paris, 2008
- Savage Jon « Teenage the creation of Youth »
Éditions Chatto & Windows, London (U.K), 2007
- Sers Philippe « La révolution des avant-garde »
Éditions Hazan, Paris, 2007
- Robert Springer « Fonctions sociales du blues »
Éditions Parenthèses, Paris, 1999
- Le Roi Jones (traduit par Jacqueline Bernard en 1967) « Le Peuple du blues : La musique noire dans l’Amérique blanche », Éditions Gallimard, Paris, 1997
- Guy Debord, « La société du spectacle »
Éditions Lebovici, Paris, 1989
- Bernard Droz et Anthony Rowley « Histoire générale du XXe siècle »
Éditions Seuil, Paris, 1987
- Barnes Richards « The Mods ! »,
Éditions Plexus Publishing Limited, London, 1979
- Malson Lucien, « Histoire du Jazz et de la musique Afro-américaine »
Éditions Seuil (10/18), Paris, 1976
- George Melly « Revolt Into Style »,
Éditions Oxford University Press, London, 1969
Sélection musicale
- Barbara Done « I’m On My Way »
Trey Records (3012) - 1960
- Janet We-Three « Sidewinder »
Music Town (45-503) – 1967
- Vigon « The Spoiler »
Atco Records (FR/650100) – 1968
- Johnny Hess « Ils Sont Zazous »
Pathe Records
- Cab Calloway « Zaz Zuh Zaz »
Columbia Records (345) – 1989 (édition originale 1933)
- Boris Vian « Je Suis Snob »
Warner Records (23456) – 2017 (édition originale 1954)
- Elmore James « Dust My Brown »
Kent Records (45X331) - 1960
- Billy Boy Arnold « I Wish You Would »
Vivid Records (109) - 1965
- Slim Harpo « I’m Your Bread Maker Baby »
Excello Records (45-2282) - 1966
- The Slickers « Nana »
Blue Cat Records (134) - 1968
- The James Taylor Quartet « On Way Street »
Acid Jazz Records - 2009
- The Blues Busters « Soon You’ll Be Gone »
Kentone Records - 1964
- Pasapongas Hammond Quartet « The Griter »
Tweed Jacket Records – 2024
- Jamie and The Numbers « 7 Days Too Long »
Superfly Funk & Soul Records – 2024
- Giulio Campagnolo & The Jazz Funkers « Groove Giallo »
Irma Records – 2024
- Big Boss Man « The Real Bobby Dazzler »
Spinout Nuggets Records – 2024
- Karl And The Aces « Look Who Is Back »
Winston Riley Prod (Blank) - 1969