Peux-tu raconter ton parcours ?
Oui bien sûr, je m’appelle Caesar Spencer, je suis un suédois qui est né au Pérou et j’ai vécu en Angleterre et en France. Je pense que tout ça fait ce bon mélange que l’on entend sur le disque. Je précise que je suis un passionné de musique depuis toujours.
Comment s’est fait ce premier album ?
J’ai démarré ce disque quand j’avais 25 ans à peu près. J’ai encore cette première maquette chez moi. La plupart de ces chansons sont présentes sur l’album aujourd’hui sous forme bien plus « évoluée » on va dire. J’ai vécu une expérience intense à Paris à 23, 24 ans. Je suis ensuite reparti à Londres et il fallait que je raconte cette histoire Parisienne. A l’époque c’était bien plus compliqué de faire un disque. Il fallait surtout avoir une maison de disques avec soi. Ça a été une grosse déception de ne pas pouvoir enregistrer le disque dont je rêvais et avec d’énormes regrets il a fallu que je lâche l’affaire, aussi un peu pour préserver ma santé car faire de la musique peut parfois devenir un peu obsessionnelle. Des années plus tard, j’ai réécouté la maquette. J’ai relu les paroles et je me suis dit que je tenais toujours là le squelette d’un sacré disque et il fallait que je le sorte. En plus je m’étais nourri de plein de choses depuis et j’avais un peu de distance par rapport à ces années vécues à Paris. J’ai pu, avec tout ça, gérer les choses pour que ce soit une expérience plus maîtrisable pour moi on va dire.
Tu avais chanté avant ce disque ?
J’avais chanté dans des groupes, dans des chorales… j’adore chanter. Quand j’étais à Paris par exemple, je chantais dans un chœur qui reprenait le requiem de Gabriel Fauré. Quel plaisir énorme !! A vous mettre les larmes aux yeux !! J’avais bien sûr chanté sur les maquettes.. en fait j’étais vraiment resté sur mon truc, ce que je voulais faire.
Tu as une voix incroyable qui rappelle Nick Cave ou Scott Walker. Est-ce des influences pour toi ?
J’ai beaucoup d’influences. On peut voir ça dans le livret du disque où sont les paroles des chansons, merci Thierry Beaudenon pour les illustrations. J’ai mis des pochettes d’artistes que j’adore. J’aime bien Scott Walker mais Nick Cave ne m’a pas influencé. On a peut-être une ressemblance dans la voix, ce côté grave… je pense qu’il y a plus de lumières dans ce que je fais que ce que fait Nick Cave (ce n’est pas un gothique pour rien après tout !! haha). Je me livre entièrement quand je chante, et ce côté-là je ne le sens pas vraiment chez lui. Quand j’étais ado, j’aimais beaucoup l’univers des Smiths avec Morrissey qui mélange humour noir et lumière (le coté Johnny Marr) et une sincérité absolue. Ces aspects-là sont très importants pour moi.
Quelles seraient tes influences ?
The Smiths, Bowie, Everly Brothers, Edith Piaf, Buzzcocks, Libertines, Nina Hagen, Les Rita… Il y en a beaucoup.
Tu as beaucoup d’invités sur ce disque : Jacqueline Taïeb, Jean Felzine, Jo Wedin, Gilles Tandy et Mareva Galanter. Comment as-tu rencontré ce monde et tu as eu l’idée de les faire venir ?
Houlà, je dis souvent que j’adore la création mais je suis aussi tout simplement un immense fan de musique. J’avais en tête de faire un croisement Anglo-Franco et comme je suis fan de ces artistes, je les ai contactés. J’adore Jacqueline Taïeb et ses titres des années soixante évidemment. J’ai fait un Google et j’ai trouvé son mail, je lui ai écrit et je l’ai rencontré. Elle a été d’accord et c’était génial.
Mareva Galanter ?
C’est par Marc Collin de Nouvelle Vague. Je n’avais pas de réseau mais comme je suis passionné, j’ai rencontré un peu ces gens-là qui me comprenaient et voilà… les choses se sont faites…
Jean Felzine et Jo Wedin ?
J’adore Jean Felzine, sa musique, son univers… j’adore ce qu’il a fait avec Mustang. Un jour j’ai entendu la chanson « Johanna » de ce groupe. J’ai adoré ce titre : la mélodie, la voix, la mélancolie qu’elle dégage… Je connaissais déjà un peu son travail avant mais quand j’ai entendu ce titre, j’ai tout de suite décidé de le contacter. J’ai eu son contact et je lui ai envoyé des titres qui pouvaient coller avec son timbre de voix. Il a aimé et voilà. Il a ensuite fait venir Jo Wedin. J’ai déjeuné avec lui pour lui expliquer le projet. Il est venu avec elle et comme elle est suédoise et moi aussi, c’était très sympa. On a pu parler de la Suède aussi. Elle a pu participer à pleins de titres avec pleins de superbes « backing vocals ».
Et Gilles Tandy !
C’était plus compliqué de le contacter. C’est un personnage passionnant et je considère que « Euthanasie » des Olivensteins est tout simplement la meilleur chanson punk à la française qui existe. J’ai retrouvé une interview de lui. J’ai contacté le journaliste qui avait fait cet entretien et un mois plus tard, il m’a recontacté en me disant qu’il lui avait parlé. Il m’a donné son mail et on a enfin pu échanger un peu. Je voulais qu’il participe et il a été intéressé par l’univers.
Tu l’as fait avec qui ce disque ?
Je l’ai fait avec mon partenaire musical : Gaétan Boudy. C’est un arrangeur, ingénieur du son, entre autres. J’ai commencé avec lui en partant de la maquette. Je cherchais un partenaire pour les mettre en forme et pour les faire évoluer. Il a mis sa patte sur les titres et comme il a énormément de talent, c’est devenu quelque chose d’extraordinaire. On a fait un ping pong entre nous… et ça nous a pris pas mal de temps.
Vous avez fait comment ?
Quand on a terminé notre maquette de 11 titres de qualité, Gaétan l’a envoyé à deux personnes dont Fred Lafage qui est un multi instrumentiste incroyable qui a réussi à faire quasiment tous les instruments sur le disque et aussi le batteur Frantxoa Erreçarret. Ce qui est incroyable avec ce disque, c’est que nous n’avons pas eu besoin d’une très grande équipe ce qui facilite bien les choses.
Tu as une très belle pochette !
Oui, déjà parce qu’il y a Mareva Galanter dessus, (rires) ! J’avais quelques idées en tête, je suis fan de Gene Vincent et de son interprétation du titre « In the Pines ». A un moment il chante, « then I met a woman from New Orleans, man, she was a swinging queen. She took the number from my car and she gave it to me as a name”. Mais quelle idée !!!! Et j’adore tout simplement ce que dégage ces lignes…. un mystère absolu pour moi mais un très, très beau mystère !!!… et je voulais absolument incorporer l’idée de ces lignes sur à ma pochette avec Mareva qui prend la plaque de ma voiture et qui me la donne donc comme nom « Caesar Spencer ». L’autre idée principale, c’est la sculpture de Bernin, « l’agonie de sainte Thérèse ». En fait, je l’ai juste reproduite. J’adore cette œuvre
De quoi parlent tes textes ?
Ça parle de moi, de ma vie… je fais comme John Lennon et pas comme Paul McCartney : je parle de moi, (rires) ! Dans mon cas, il faut que les textes, pour qu’ils aient une résonance, soient très intimes. Attention, pour moi, c’est ma philosophie en tout cas, les textes, mêmes intimes, doivent rester assez simples et sans trop de métaphores ou autres… je dis les choses de manières assez crues, directes car c’est comme ça que je réagis à ces moments vécus. Pour le coup ce n’est pas une approche très à la « française » ou je trouve qu’on tourne un peu plus autour du pot…. ou il y a même une approche un peu intellectuelle et « poétique » ici je trouve….
Mais ton disque avec cette musique, ces textes et ces mélodies, va être dur à vendre en France ?
(Rires) C’est intéressant comme question ! Je crois que c’est important de faire un album qui est à contre-courant de tout ce qui se fait. Beaucoup de gens me disent que c’est assez inhabituel avec de belles mélodies mais aussi avec un côté un peu « alternatif ». Ils ont un peu de mal à placer le disque, de la pop, un peu rock avec des paroles bizarres. Maintenant, ce n’est pas très important la localisation. Aujourd’hui tu publies ton disque au monde entier…. On peut l’écouter partout et c’est déjà le cas que les titres se jouent ailleurs qu’en France, sur les radios en Angleterre comme aux USA, en Scandinavie aussi évidemment ! Et puis petit à petit y a un momentum qui est créé et ça se répand de plus en plus… un peu comme un virus, haha ! C’est pour ça aussi que c’est intéressant d’avoir des artistes français sur ce disque, parce que c’est aussi une belle vitrine pour la musique d’ici, et je voulais vraiment la montrer cette belle vitrine.
Est-il sorti à l’étranger ?
Modulor, mon distributeur, l’a mis sur les plateformes. J’ai fait une promo en Angleterre, comme en France, avec les radios, la presse et sites Web. J’ai de très bons retours et aussi des gens qui ne comprennent pas bien, en se disant « il est plus âgé, il n’a rien fait avant. Ce qu’on entend est assez différent de la production actuelle, ce n’est pas assez Pop ou pas assez Rock etc. etc. »… et ces réflexions finissent par me plaire. Je voulais faire quelque chose d’original et d’authentique et si c’est à contrecourant du reste et ben, c’est formidable ! Maintenant, je veux sortir un deuxième et un troisième album qui seront dans la continuité de celui-là, pour développer encore plus cet univers. Comme ça je peux dire avec beaucoup de prétention que j’ai fait ma « trilogie Franco / Anglo » haha !! Je crois que beaucoup d’artistes rêvent de dire qu’ils ont fait leurs « trilogie » (rires) !!!. En tout cas, plus sérieusement, je sais que cela prend du temps pour s’imposer mais ça joue pour moi.
Quelle est l’importance de l’image pour toi ?
Oui, c’est très important. Il faut déjà bien se connaître et ensuite pouvoir coller ton image à cette personne authentiquement. Avoir son « look » et savoir à quoi cela correspond, même si j’ai horreur du côté « marketing », où il faut travailler pour une image sur l’artiste qui n’a souvent rien à voir avec la personnalité de la personne. Pour ma propre image, j’ai un certain background et une culture qui fait que je me sens à l’aise dans ce côté un peu dandy cosmopolitan à la Brian Ferry. Une image un peu soignée sur laquelle je rajoute des touches un peu alternatives.
Quels ont été les retours sur l’album ?
Ils sont vraiment très, très bons mais ce sont surtout des passionnés de musique qui prennent bien le temps qu’il faut pour vraiment bien comprendre le disque. C’est très difficile pour moi d’atteindre un « grand public » avec la presse spécialisée, surtout avec un premier disque. En même temps, je ne comprends plus trop cette presse aujourd’hui… quand je vois les couvertures j’ai l’impression de me retrouver dans une épisode de « Twilight Zone » (rires) !!
Tu as donné ton premier concert, pour cet album, il y a peu : comment cela s’est passé ?
Ça s’est super bien passé, j’étais un peu stressé parce que je n’avais pas joué live depuis longtemps mais comme mes chansons sont très personnelles c’était finalement aussi très instinctif. Tu te livres naturellement… et avec un minimum de technique quand même ! Cela s’est bien passé parce que j’ai pu me livrer comme je voulais et puis Gaétan à fait un super job pour préparer tout ça avec des super musicos. On cherche à faire de nouveaux concerts : il faut juste que l’on s’occupe pour les organiser.
Tu en attends quoi de ce disque ?
C’est une manière de me présenter, de dire que je suis là et que d’autres choses vont arriver derrière. Je sais que cela prend du temps mais je suis sûr qu’encore plus de gens vont adhérer sur la longueur. Je suis content : je suis arrivé à avoir l’attention des passionnés de musique et ça s’est franchement le plus dur car ils s’en fou complètement du contexte… ils écoutent juste la musique et se prononcent très, très franchement là-dessus. Les gens commencent à en parler et c’est ça le plus important mais oui, ça prend du temps.
Le mot de la fin ?
Faites votre voyage intérieur pour vous connaître (rires) !!
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?
J’hésite entre Abba et Bowie « Hunky Dory », mais je dirais Abba !
C’est parce que tu es suédois ?
(Énorme rires) Pas que, il y a vraiment une idée derrière ce choix. Chez Abba il y a là de très belles mélodies pour les enfants, et puis y a une mélancolie et une profonde intelligence pour les adultes. Donc on les attire déjà dans un premier temps par les belles mélodies… et puis plus tard ils découvrent le reste !