Veenus ou la rencontre avec Caroline Hummel, la chanteuse d’un groupe qui va vous subjuguer dans les mois qui viennent.

vendredi 18 juillet 2025, par Franco Onweb

Cela faisait plusieurs mois, et même plusieurs années, que la rumeur montait : il y avait un groupe à Paris qui remplissait les salles en jouant une musique très originale, un croisement entre le psychédélisme, le sixties et le « Stoner ». Ce groupe s’est Veenus, un combo qui existe depuis 2016 sous la houlette de sa chanteuse, Caroline Hummel, mais qui aura connu moults changements de personnels et beaucoup d’aléas, en particulier le Covid.

Quand je demandais autour de moi comment on pouvait écouter la musique de Veenus, personne ne pouvait me répondre puisque le groupe n’avait rien sorti et il a fallu attendre cet été pour enfin écouter des titres de Veenus en numérique.

Pour fêter la sortie de ces titres (uniquement disponible en numérique), j’ai discuté avec Caroline Hummel, la chanteuse d’un groupe qui va compter dans les années à venir.

Comment a commencé ton histoire avec la musique ?

Toute petite, j’écoutais aux portes quand mes frères écoutaient du rock. Ça m’était un peu interdit et donc j’allais écouter aux portes. Un de mes frères écoutait du rock 50s-60s et l’autre était dans un univers plus 70s : Kraftwerk, les Stooges, Bowie, les Beatles, Led Zeppelin, Pink Floyd… C’est comme ça que s’est faite mon entrée dans la musique. Je prenais aussi des cours de piano et j’écoutais beaucoup de classique avec mes parents, notamment de la musique baroque.

Caroline Hummel
Crédit : Gérald Chabaud

Et ensuite ?

Tout de suite, je suis devenue éperdue de musique et ça a été une quête inlassable. Je suis devenue Dj durant un temps, c’est comme ça que j’ai commencé à monter sur scène. J’ai fait une école de théâtre. Je me cherchais un peu artistiquement et comme je devais jouer dans une pièce de théâtre, on m’a conseillé de prendre des cours de chant. Après deux ou trois cours, ma voix est sortie et je me suis mise à chanter. A partir de là j’ai voulu monter un groupe. J’ai cherché des musiciens, et rapidement j’ai trouvé un premier guitariste qui m’a accompagnée quelque temps. Les musiciens se sont alors succédés. On s’appelait Stella says. Ça rappelait le Velvet (rires). Caroline says, Stephanie says etc.

Tu aimais le Velvet ?

C’est le groupe qui m’a vraiment emballée quand je l’ai découvert à 12 ou 13 ans… ça a été une claque immense ! J’avais l’impression d’avoir trouvé ma place, ma tribu…

C’était quel album ?

« White Light », j’ai ensuite commencé à écouter le reste. Tout est bien dans ce groupe. C’est ce qui m’a donné envie de faire de la musique. J’ai aussi fait 15 ans de piano classique. Au bout d’un moment, tout s’est assemblé. J’avais trouvé ma voie : la découverte du Velvet, le piano, les cours de chant.

Le groupe a 9 ans ?

J’ai monté Veenus en 2016. On a eu beaucoup de changements de line-up, des tâtonnements… il y a eu des ruptures, des départs, ça fait partie de la vie d’un groupe et ce n’est pas la partie la plus facile de cette aventure. Ça fait 2 ans que le groupe est stable. En 2022, on a du splitter parce que certains musiciens quittaient Paris. On a mis un peu de temps à retomber sur nos pieds, en 2024. J’ai composé les premiers morceaux en 2016 pour la première formation qui a existé un ou deux ans et ensuite ça n’a pas cessé de tourner jusqu’en 2024. Je suis la seule membre du groupe qui est là depuis le début.

Vous êtes très présents sur la scène parisienne avec un public depuis un bon moment et pourtant vous sortez vos morceaux que maintenant.

C’est vrai, mais c’est dû au fait que dès que le groupe s’est monté, ça a explosé ! On avait des concerts tout le temps, on nous proposait pas mal de choses. Mais comme les membres changeaient beaucoup, c’était compliqué de se poser pour enregistrer.

Veenus en concert au QG à Paris
Droits réservés

Oui mais pour beaucoup le groupe c’est toi ! Tu écris les morceaux, tu joues de la guitare, tu chantes et tu es là depuis le début !

Je l’ai fondé ! C’est mon bébé, mais avec des musiciens qui ont eu envie de s’impliquer, et de superbes collaborations, comme la formation actuelle. Oui je suis la fondatrice, mais je ne pourrais pas faire ça sans eux, ça ne pourrait pas être un projet solo, ce n’est pas l’idée. Je veux que chacun y trouve son compte sinon ce n’est pas la peine.

Ce serait quoi les influences de Veenus ? Ce serait un peu sixties avec la fin des années soixante et du début des années 70 ?

C’est exactement ça, je suis ravie, que tu perçoives ces influences dans notre musique. D’ailleurs on a pas mal de membres des cercles sixties de Paris dans notre audience. Le sixties apparaît vraiment dans notre musique, mais le Velvet aussi est une énorme influence qui était là dès le départ, avec les Stooges. C’est difficile pour moi d’avoir conscience de tous les groupes qui m’influencent. J’aime, par exemple, pas mal de groupes des compilations Nuggets, les Count Five, les Chocolate Watch band, les Seeds ou le 13th Floor Elevator, Jefferson Airplane. Mais j’aime aussi certains aspects de la new wave des années 80, Siouxsie & the Banshees est une influence importante pour moi, The Cure, Bauhaus, et aussi la scène post-punk dont Television, Magazine, Pere Ubu. Dans mes dernières influences c’est le Brian Jonestown Massacre que j’adore ainsi que les Black Angels, les Night Beats, Ufo Club qui n’existe plus, Ty Segall, Thee Oh Sees…

Mais par rapport à la scène sixties parisienne, vous avez un gros son et c’est rare un son pareil aussi psyché.

Il y a une explication à ça : j’ai ce son psyché dans ma tête et j’aime beaucoup les groupes de Stoner Psyché comme Kikagaku Moyo, par exemple ! Ce sont deux choses qui vont bien ensemble. En plus, on aime tous les murs de guitares.

C’est l’influence des Stooges ?

Surement ! C’est lié aussi à Guillaume le bassiste qui adore le Stoner bien violent ! Et Alex le guitariste est très précis dans sa recherche de sons pour le groupe. On est un peu là-dedans.

Ce sont les premiers morceaux que j’entend de vous pourtant vous avez beaucoup joué depuis quelques années. Vous vous êtes cherchés ?

Carrément, je ne comprends pas pourquoi on a mis autant de temps. Au début, on ne cherchait pas de concerts : on nous en proposait tout le temps ! C’était facile de jouer, mais on avait du mal à enregistrer. C’est probablement parce que la formation n’était pas stable ! C’était ultra compliqué pour moi d’enregistrer. Je suis ultra perfectionniste et j’ai été déçue par le premier mixage / mastering. On sort l’EP maintenant parce qu’un ami l’a remasterisé récemment et on est retombés amoureux des morceaux.

Ce sont des morceaux qui datent de 2021 et 2022 ?

Oui, le mixage / mastering m’avait beaucoup déçue et la formation avait changé. Les morceaux étaient là, mais je ne voulais pas les sortir. C’est probablement aussi une forme de syndrome de l’imposteur. En plus on n’avait plus de batteur et il a fallu attendre 2024 pour que l’on soit enfin au complet.

Veenus en concert à la Pointe Lafayette
Crédit : Jean Marc Joannes

Vous n’avez pas voulu jouer avec une boite ?

Non, je ne voulais pas jouer avec une boite, ça aurait beaucoup changé le son du groupe et trouver un batteur c’est compliqué.

Mais il y avait des attentes de la part du public de ne pas avoir de morceaux ?

On se faisait engueuler à chaque fin de concert : « ils sont où les Cds ? ». Maintenant j’ai envie d’enregistrer tout le temps.

Est-ce que le groupe a évolué musicalement depuis le début ? Tu arrives à faire ce que tu voulais ?

Oui, on y arrive même si ce n’est pas parfait, mais ça y est on est dedans, on a trouvé notre univers et on se rapproche de plus en plus du son qu’on voulait. On passe des étapes. Et j’ai eu la chance de tomber sur des musiciens qui sont en accord avec moi, qui ont la même vision que moi.

Quel a été votre plus gros concert ?

Le Bus Palladium en 2018, la Ferme du Buisson en 2022 et une SMAC en Alsace près de Colmar.

Vous avez ouvert pour des groupes ?

On a beaucoup ouvert pour les Smash, ce sont des copains, aussi récemment pour les Soucoupes Violentes. On a aussi ouvert au Supersonic pour une grosse star de New York : Liza Colby Sound, qui n’est pas du tout dans notre style, mais c’était une belle soirée. Sinon non, on n’a pas ouvert pour des grandes vedettes.

Vous faites venir du monde pourtant ?

On a une fanbase qui est très fidèle. Certains sont là depuis le début, mais il y a aussi de nouvelles têtes. Les concerts c’est toujours un plaisir, c’est très chaleureux, c’est une grande fête à chaque fois.

Vous sortez ces morceaux avec une certaine… discrétion. Vous avez peur de présenter ces morceaux ?

Il y a de ça, mais je dois dire que je suis un peu submergée. Je m’occupe de beaucoup de choses. Gérer tous les aspects d’un groupe c’est compliqué ! J’adore composer des morceaux, les jouer, faire des concerts, mais il y a aussi un aspect administratif pour la sortie des morceaux qui me bouffe mon énergie : faire de la promo, gérer les plateformes, les sorties…. Je dois dire que ça n’est pas mon aspect préféré de la vie d’un groupe et c’est vraiment chronophage ! Ça va évoluer tout ça, on vient d’enregistrer et ça sortira à l’automne.

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Ça sortira, enfin, en physique ?

On va essayer de sortir en physique, je n’aime pas les plateformes et ce mode de distribution.

On va parler des membres du groupe ?

Avec plaisir, Alex, le guitariste, est dans Veenus depuis 2018. Il nous a vus au Supersonic, il a flashé sur le groupe et il est venu travailler avec nous. C’est quelqu’un de très talentueux. Il amène un son. Il sait créer des sonorités et ciseler très précisément la couleur des morceaux. C’est ensemble que nous avons trouvé le son de Veenus. Il compose et travaille pour le Théâtre de la Ville et il s’investit beaucoup dans Veenus.

Alex, guitariste
Crédit : Gérald Chabaud

Le bassiste ?

Guillaume a joué avec beaucoup de groupes sixties dont Shupa et il adore le Stoner. Il venait à tous nos concerts avant d’être dans Veenus. Il a un autre groupe qui s’appelle Symphomane, qui est un peu psyché post-rock, un très bon groupe. Il avait les ingrédients que l’on aime : le Stoner, le Psyché, le sixties… Et il aimait vraiment ce qu’on faisait. A la base il est guitariste et il est devenu bassiste pour nous. C’est un excellent musicien. Et c’est parfait pour nous d’avoir un guitariste en tant que bassiste, ça lui permet d’élaborer des lignes complexes qui vont bien avec les morceaux.

Guillaume, bassiste de Veenus
Crédit : Gérald Chabaud

Et le batteur ?

Érik, il est là depuis deux ans. C’est un petit génie qui fabrique des instruments de musique : des synthés modulaires, et toutes sortes de choses. Je ne comprends pas tout ce qu’il fabrique. Il va nous fabriquer des pédales par exemple. Il s’est remis à la batterie pour nous parce qu’il était parti dans un univers électro. Et il tient la baraque. C’est hyper important pour nous d’avoir une section rythmique qui tient la route.

Erik, batteur
Crédit : Gérald Chabaud

Justement tu parles d’électro, je me suis demandé si vous n’aviez pas envie de faire des remix ? Ils s’y prêtent.

Je n’y ai jamais pensé, mais si quelqu’un que j’aime bien, et qui a compris notre univers, veut le faire, j’en serais ravie. En tout cas, je ne le ferai pas moi-même !

Pourquoi chantez-vous en anglais ?

(Énormes rires) Bon, je dirais juste que les chansons me viennent en anglais. Les groupes de rock qui chantent en français et qui s’en sortent bien sont rares. Ça donne une « touche » qui n’est pas la mienne. Je suis une grande lectrice et écrire en français c’est se mesurer à des grands maîtres, je pense que ça me bloque inconsciemment.

Justement, tu ne penses pas qu’en France on a un problème avec la pop. On a cet héritage de la « grande chanson française » et on n’arrive pas à écrire des textes simples. On doit forcément faire des textes concernés. Ne serait-ce pas pour ça que des gens se cachent derrière l’anglais ?

Je ne pense pas que ce soit ça en ce qui me concerne. Dans la musique que j’ai envie de faire, l’anglais me permet de proposer un univers, une vibration. Les gens comprennent les émotions, même s’ils ne parlent pas un mot d’anglais. Les personnes qui écrivent en français, comme les Terribles ou French Boutik, ou encore Jad Wio, Warlus, Les Soucoupes violentes, le font très bien, et ont un univers qui s’y prête. Moi, je ressens ces sons en anglais. J’ai essayé d’écrire en français et ça me paraît très inconfortable. Je ne dis pas qu’on ne le fera jamais, mais pour l’instant ça me vient en anglais.

Est-ce que tu ne regrettes pas de vivre à Paris en 2025 plutôt qu’ à New York en 1976 ou à Los Angeles en 1967 ?

Je suis née nostalgique ! Déjà enfant, je ressentais que je n’étais pas née à la bonne époque parce que mes frères qui étaient beaucoup plus âgés écoutaient de la super musique et ça me faisait regretter d’être née à ce moment-là.

Votre son n’est pas du tout anglais ! C’est rare pour un groupe parisien de sonner plutôt américain avec ce son.

Et pourtant j’ai énormément de références anglaises, mais je pense que je suis tombée toute petite dans ce son américain. C’est très inconscient tout ça, ça infuse, c’est présent et ça ressort dans les morceaux.

Il va y avoir une suite ?

Oui, il fallait sortir ces morceaux qui sont nés pendant le Covid. Ça été un moment douloureux parce que les musiciens étaient confinés et il y a eu quasiment un split dans le groupe. Ils sont nés au cours d’une période très stérile. Il fallait les sortir et enfin passer à autre chose. Les nouveaux morceaux seront très psyché, on affirme notre univers, ça se précise. Mais ce seront des morceaux moins… douloureux.

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Vous les avez faits où ?

Je ne le dirai pas parce que cela s’est mal passé (rires). On a refait le mixage et le mastering.

Vous faites des reprises sur scène ?

Jamais (rires), si une fois à la Ferme du Buisson, on a repris le Velvet lors d’un concert hommage à Andy Warhol !

Ils parlent de quoi tes textes ?

Certains textes racontent des rêves. Deux morceaux de l’Ep racontent des rêves très vivaces que j’ai eus à l’époque du Covid. Il y a aussi des morceaux dont les paroles sont très métaphoriques. Il y a un morceau qui s’appelle « Revolution » qui parle de changement de cycle, de la révolution de la terre. Il est assez mystique et il parle de la manière dont on reprend sa vie en main après une grande douleur. C’est très psyché tout ça !

Tu fais des chansons sur les luttes sociales ou des chansons d’amour ?

Il y a un morceau sur l’Ep qui parle un peu de la manière dont la presse peut parfois maintenir un climat de peur, sur la manière dont les choses ont été gérées en 2020, etc. Je ne vais pas revenir là-dessus car c’était vraiment une sale période. Il y a des chansons d’amour sur le prochain EP. C’est souvent assez métaphorique. Mais aussi, quand je tombe sur des histoires dans la presse ou sur les réseaux sociaux qui m’interpellent, je m’en empare parfois pour écrire des textes. Je parle d’archétypes, et aussi beaucoup de situations que peuvent rencontrer certaines femmes comme les « Trad Wifes ». C’est variable et ça ne parle pas forcément de moi. En revanche, il arrive que ce soit beaucoup plus personnel, et dans ce cas je suis ravie que mes textes soient en anglais !

Quels sont vos projets ?

On voudrait jouer dans des salles un peu plus grandes, en France et à l’étranger. Il faut que l’on franchisse un cap et pour ça, il nous faudrait un entourage professionnel. On voudrait faire aussi des grosses premières parties. On est prêts pour des plus grandes scènes, on ressent tous cet appel ! On vient d’enregistrer un nouvel Ep qu’on va sortir à l’automne et on espère bien que ça va nous mener dans cette direction.

Vous êtes sortis de Paris ?

Un peu en Normandie et aussi un peu en Alsace.

Vous avez des concerts prévus ?

On joue le 27 septembre à la Java.

Vous avez eu des retours de la presse ?

Non aucun retour. C’est notre première interview.

Veenus au Klub à Paris
Crédit : Dom Petit

Le mot de la fin !

Merci pour l’interview, c’est important de se battre pour que ce réseau existe. Merci d’y contribuer.

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?

Quand mes nièces étaient petites, je les faisais danser sur Dead Can Dance, mais aujourd’hui, je choisirais plutôt « Loaded » du Velvet Underground, un album plein de morceaux extrêmement profonds que j’adore. Notamment Rock’n roll, qui est un peu mon histoire et qui m’a beaucoup marquée.

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