Real Cool Trash : le nouveau disquaire de Nice ou la reconversion d’un musicien

mardi 2 avril 2024, par Franco Onweb

Cet article est la suite de : Bratch : Des Dum Dum Boys aux Zemblas, le parcours d’un enfant du rock !

Il y a 10 jours, j’avais publié le parcours de Olivier Nemejanski, alias Bratch, guitariste, entre autres, des Dum Dum Boys mais aussi de pleins de groupes de la Riviera ! Au cours de la conversion il m’avait confié avoir changé de voie professionnelle pour passer du contrôle de gestion à … disquaire !

C’est en voyant son immense collection de disques et se demandant ce qu’il allait pouvoir en faire que Bratch a décidé d’ouvrir son magasin à Nice. Voici donc un petit traité pour se reconvertir quand on a passé sa vie à écouter, enregistrer ou faire des disques !

Tu viens de changer de vie professionnelle pour ouvrir un disquaire à Nice « Real Cool Trash » ?

Oui, tout est arrivé un peu par hasard. J’étais contrôleur de gestion chez un courtier en assurance à Monaco (« bâillement » ). Et j’ai fait ma crise de la soixantaine (avec 6 mois d’avance)
Une partie de la boite où je travaillais depuis 12 ans a été vendue. Les repreneurs ont proposé un plan de départ. J’ai pas mal réfléchi et au bout d’un an et demi (effectivement, j’ai réfléchi longtemps) j’ai accepté ce plan.
Bien sûr, j’étais à un âge où il est compliqué de trouver du travail. Mais j’avais une idée derrière la tête.

Et donc ?

Je me suis dit « Je suis sans emploi, j’ai des disques, allons-y : ouvrons un magasin de disques ! ». C’était un vieux rêve pour moi : il y a trente-cinq ans j’avais déjà travaillé chez un disquaire niçois (William « Black and White ») pendant sept ou 8 mois et avais adoré l’expérience. Et voilà, en 2024 je me retrouve à la caisse, de l’autre côté du comptoir et c’est génial ! Surtout quand tu as passé autant de temps que moi chez les disquaires à chiner et à mettre les mains dans les bacs. Je suis d’ailleurs toujours encore un peu gêné de voir des gens m’acheter des disques. Je n’ai pas encore tout à fait pris mes marques.

Tu as mis combien de temps à monter ton magasin ?

Pas très longtemps, j’ai eu un préavis de sept mois. Cela m’a servi à trier mes disques, trouver un local, faire les papiers… J’ai eu les clés début novembre et le lieu était en bon état. J’ai demandé à un ami de construire les bacs et voilà j’ai été opérationnel rapidement. Quand tu es motivé ça va vite.

Tu as permis à pleins de musiciens et de labels que tu connais à Nice d’avoir un point de vente ?

Il y avait déjà des disquaires à Nice (Hit import, Sonic import, Electric Monk, Everlast) où l’on pouvait trouver ces disques. Mais la situation dans ce secteur s’est améliorée à Nice. Il y a maintenant cinq ou six excellentes boutiques qui sont ouvertes avec chacune sa spécificité. J’ai pris un angle plus punk, new wave, Soul, 60s… On me dit que l’on trouve chez moi des disques que l’on ne trouve pas ailleurs  C’est bien : ça permet d’étoffer l’offre et plus il y a de musique, mieux c’est ! En plus, on s’entend très bien avec les autres magasins. Il faut que l’offre musicale s’agrandisse dans cette région qui est un peu… sinistrée. Récemment, on a détruit un théâtre et le palais des congrés à Nice. Depuis la fermeture du Volume il n’y a plus de salles de concerts pour les groupes rock … Tous les groupes en tournée évitent Nice ! On ne sait plus où les faire passer.

Bratch devant Real Cool Trash
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Mais quand vous jouez à Nice, vous le faites où ?

A la Station (qui est un atelier d’artistes contemporains) mais ce n’est pas vraiment un endroit dédié à la musique. Avec les Zemblas, on joue dans un bar. On n’a pas de Smac. Il y a quelques salles mais il faut passer par la municipalité et franchement c’est compliqué. On va voir les concerts en Italie ou à Marseille.

Et tu vends tout, ce doit être horrible ?

Non, j’ai 60 ans et mes disques n’intéressent pas mes enfants ; autant que cela me serve à ma reconversion professionnelle ! J’écoute de la musique toute la journée au magasin. Avant quand je rentrais chez moi le soir, il y avait toujours un truc qui m’empêchait d’en écouter : le dîner, les devoirs, de la paperasse… Là je suis dans la musique 6 à 7 heures par jour. En plus j’en rachète, des copains m’en ont confiés en dépôt et voilà j’en ai finalement maintenant plus que j’en avais chez moi ! Je vais juste garder des 45t parce que c’est mon format de prédilection. J’en ai amené au magasin mais j’en ai conservé beaucoup.
Tu ne vends pas de Cds ?

Je ne voulais pas mais finalement j’ai racheté un beau lot avec du Garage et un copain doit m’en donner ! Donc je commence à en vendre.

Le nom du magasin c’est un hommage ?

Oui, au premier 45t des Dum Dum Boys ! Je suis enfin content d’un nom (rires). A la base je voulais faire des T Shirts pour le groupe avec « Real Cool Trash » dessus mais on a abandonné le projet. Quand j’ai cherché un nom pour le magasin, cette idée est revenue et elle semblait évidente. Visiblement tout le monde aime bien. En plus ça correspond bien à ce que je voulais faire : un truc un peu bordélique où je vends aussi des guitares, des Fuzz, des T shirts, des bibelots… Ça collait parfaitement avec l’aventure musicale ! Pour la petite histoire, l’assureur du magasin est Didier « Bruce » Peyrou, le premier batteur des Dum Dum Boys, celui qui joue justement sur le 45t « Real cool trah ».

C’est doit être facile pour toi de vendre des disques : tu connais ton sujet et tu es légitime !

Je ne suis pas plus légitime qu’un autre. A partir du moment où tu fais les choses avec passion, c’est ok. Je m’y connais bien dans des styles rock, soul, pop, mais il y a pleins de domaines que je ne maitrise pas bien comme le jazz. Pareil pour la « new wave » : pour tout te dire j’ai écouté pour la 1re fois, New Order et le 1er Cure la semaine dernière. Je découvre en permanence de nouveaux groupes (car il faut tester les disques avant de les vendre) et c’est vraiment le côté passionnant du métier.

Real Cool Trash
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Comme tu vends plein de choses comme des T-shirts, des guitares, des bibelots, est ce que ton lieu ne serait pas un lieu culturel plutôt ?

Oui, c’est un peu cet état d’esprit ! J’ai aussi des bouquins et l’offre commence à s’étoffer. Tout se vend, tout est légitime. Il y a des gens qui achètent des trucs que je n’aurais jamais achetés et pourquoi pas ? Chacun à son parcours initiatique et tu affines tes goûts. Il y a des groupes que j’ai découvert à quarante ans.

Tu as eu un bon accueil et un bon retour ?

Oui, j’ai commencé en décembre et forcément j’ai fait du monde car il y avait pas mal de curiosité. Ça a été beaucoup plus calme en Janvier et Février mais c’est normal. Parfois, je me suis retrouvé avec une personne dans la journée. A 60 ans je découvre le métier de commerçant. Peut-être qu’un jour je ferai encore autre chose. Je me retourne rarement et je regarde plutôt vers l’avenir. Je suis super content quand je vois des gamins qui arrivent et qui m’achètent des disques… L’autre jour, un garçon de 20 ans m’a acheté le premier Suicide. Ça faisait des mois qu’il le cherchait et tu te dis que l’histoire n’est peut-être pas finie… Le rock, comme on l’a aimé, continue et ça va continuer ! Ça fait plaisir de vendre ce genre de disques à des gamins. C’est une forme de transmission !

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Il y a un côté « passeur » ?

Évidemment et c’est ça qui me plaît : être un passeur ! Comme pour moi quand j’ai vu les Playboys avec leur look et leur son. Il y a eu souvent quelqu’un qui t’a dit « écoute ça » ! C’est le propre de la musique. Nous, quand on était gamin, on faisait des cassettes, on se prêtait des disques… C’étaient des objets précieux (rires). Aujourd’hui ça se passe avec Internet mais il faut garder ce côté passeur.

Tu transmets donc ?

Oui un peu, je donne des conseils, des informations aux plus jeunes quand ils veulent bien écouter un « ancien ».

Mais est ce que le rock, comme nous l’avons aimé, c’est-à-dire avec ce côté social, culturel et autre, a perdu sa magie ?

Nous, on raisonne comme des gens de 50 ou 60 ans, il faudrait poser la question à des gens plus jeunes. C’est vrai que lorsque j’avais 20 ans, le rock représentait quelque chose pour notre génération. On écoutait la musique de notre époque (Gun Club, Dogs, Cramps, Fleshtones…) mais on essayait aussi de découvrir des choses plus anciennes. Il y avait toute une démarche initiatique. On faisait partie d’une bande, d’un clan. Aujourd’hui tout est accessible et policé ! Avant on passait des mois à chercher un disque, maintenant avec Internet tout est facile. Ce qui a changé c’est la consommation et tout s’est uniformisé. Tout est plus ou moins standardisé.

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C’est vraiment ça qui a changé ?

Nous, c’était rare et quand tu dénichais quelque chose c’était un grand moment. Je me rappelle qu’on cherchait dans les années 80 /90 les LP de Lee Hazlewood. Un jour en vacances dans l’Arizona, j’en ai trouvé deux et c’était comme si j’avais trouvé le Graal. Didier (Balducci NDLR) en a parfaitement parlé dans son livre « le Rock’n’Roll est mort ». Je ne vais pas le paraphraser. Mais on a vécu autre chose, mais en ce qui me concerne, je continue à avoir cette soif de découverte, cette curiosité. Ma fille a 18 ans, elle adore la musique. On a la même passion mais elle, c’est la K Pop !

Ce n’est pas la même musique du tout !

Bien sûr mais c’est recevable : c’est la musique de sa génération. Je suis ravi pour elle : elle va à Paris voir des concerts, elle commande des coffrets… Elle fait la même chose que moi mais dans un truc de sa génération et moins underground, parce que ça marche, et je trouve ça génial !

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Tu auras donc peu de nouveautés dans ton magasin ?

Je fais de l’occasion. Quelques labels m’ont branché. Je vais voir. La nouveauté c’est plus compliqué au niveau logistique, administratif. Je n’ai pas trop envie de m’embêter. J’ai bossé dans des boulots sérieux avant et je ne veux plus me prendre la tête. Je veux que ce soit cool et surtout m’amuser !

Real Cool Trash : 1 rue Penchienatt – 06000 Nice
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