Peux-tu te présenter ?
Je suis Sergio, je suis italien, né en Belgique, j’ai créé le label Hot Puma en 2013 parce qu’avant j’avais déjà un label avec des potes mais je voulais vraiment faire ce que je voulais et avoir toute liberté dans mes choix artistiques sans devoir se mettre d’accord à trois. Je voulais défendre la musique que j’aime et c’est plus facile pour travailler pour moi d’être seul.
Quelle est ta première sortie ?
C’est le projet de groupe de Julien Bouchard, Coco Business Plan et tout de suite après il y a eu Kidsaredead, un groupe de Nancy.
Pourquoi monter un label en 2013, quand tout devenait compliqué ?
On était conscient, avec mon ancien label, que c’était compliqué. On avait vécu de bonnes années et ce n’était plus la même chose. Je voulais juste faire un label avec des gens que j’aimais bien musicalement et humainement, en leur expliquant bien que cela allait être compliqué pour tout le monde y compris le label. C’est une passion, à la base, la musique, donc rien n’empêche de créer un label même si c’est compliqué.
Ton label est très marqué par la pop ?
Oui, c’est la musique que j’aime. Je suis vraiment dans la musique avec couplet, refrain et des consonances Anglo saxonnes. C’est un label de pop pure. C’est vraiment ce que j’aime et que je veux défendre.
Tu avais des modèles de labels quand tu as commencé ?
Évidemment, quand j’étais plus jeune j’adorais un label comme Factory qui était vraiment le modèle pour nous : une musique aventureuse, un graphisme incroyable…
Pourtant il y avait des labels belges comme Crammed Discs ou les Disques du Crépuscules qui étaient très forts musicalement avec une image vraiment incroyable. Ils ne t’ont pas inspiré ?
Si bien sûr, je connaissais ces labels. J’ai même récupéré Hugo, qui avait été signé chez Crammed. Il y avait des artistes dessus comme Minimal Compact que j’adorais. J’adorais ces labels mais ils n’étaient pas totalement dans ce que j’attendais musicalement. Mais ils pouvaient être des modèles : ils étaient très droits et ne faisaient pas de concessions.
Toi, non plus tu ne fais pas beaucoup de concessions ?
Je pense qu’à l’heure actuelle, je fais ce que j’aime. Par exemple, je ne sors aucun artiste belge. Je trouve que le travail et l’aide apportés par le ministère de la culture belge est lamentable et je ne veux en aucun cas cautionner ces gens.
Il y a de très bons artistes belges !
Les artistes indés belges travaillent seuls : le territoire est tellement petit. Il y a des labels comme Freaksville qui font le boulot. Comme je suis un peu têtu, je ne bougerais pas de ma position (rires).
Est-ce qu’aujourd’hui un label, comme le tient, est viable ?
Pas du tout ! A la base c’est une sous structure du label que j’avais avec mes associés au début de ma carrière. C’est une association à but non lucratif. On a un comptable pour les dépenses et les maigres recettes mais comme il y a peu de ventes, on espère juste récupérer un peu de sous avec les éditions, ce genre de choses. Ce n’est pas mon métier, ce n’est pas avec le label que je peux espérer remplir mon frigo.
La plupart des labels font de la production, de l’édition, du management, ils organisent les concerts… Aujourd’hui il faut tout faire pour espérer gagner un peu d’argent ?
Oui, mais ces labels ont souvent deux ou trois personnes en interne et chacun connaît son rôle : un gère l’édition, l’autre la tournée, la production… Moi, je suis seul et je gère tout. Il y a des choses que je ne peux pas faire, comme la tournée. Je me concentre sur la production, l’édition et la promotion.
On a l’impression que tu as un label de fan. On est fan de tes artistes comme tu dois être fan d’eux. Tu dois forcément avoir un noyau dur de personnes qui achètent systématiquement toutes tes productions, parce qu’ils savent que ce qui vient de chez toi est bien ?
Tout à fait, je vends des Cds et des vinyles via Bandcamp mais la majorité des écoutes, et donc des revenus, viennent du streaming puisque c’est de plus en plus difficile d’avoir des ventes en magasin puisque les rayons de disques sont de plus en plus petits. Je vois bien un retour avec un noyau dur des fans de pop qui viennent écouter et qui parfois achètent. Comme j’ai une couleur très pop, je dois avoir des gens qui aiment plusieurs artistes du label. Ce n’est pas énorme comme chiffre d’affaires mais j’ai ce noyau dur qui me suit et qui m’aide.
Mais on peut être fan de ton label ?
C’est l’idée ! Je suis fan des artistes de mon label mais on est dans une « niche ». Si tu prends un artiste comme Boris Maurussane, c’est super. J’adore, mais ce n’est pas évident de fédérer beaucoup de monde tellement sa musique est pointue, mais c’est l’idée même du label.
On va parler de tes artistes : tu as un groupe assez connu avec Tahiti 80.
Oui, mais c’est du copinage parce qu’à la base ce sont des potes. Je les ai rencontré il y a super longtemps quand je faisais moi-même de la musique. Je ne fais pas leur production : quand ils enregistrent un disque, ils me contactent en me proposant de le sortir. Il n’y a pas de contrats : juste on se tape dans les mains.
Tu es leur seul label ?
Ils ont leur propre label et un distributeur en France, moi je m’occupe de la Belgique. J’ai travaillé sur l’album solo de Med, ceux de Xavier mais c’est plus parce que ça colle humainement entre nous et avec le label. C’est une belle référence pour Hot Puma, ils amènent du monde.
Il y a Orwell, un autre groupe qui est là depuis longtemps.
Oui, Jérôme le chanteur est aussi un vieux pote que je connais depuis très longtemps, avant le groupe. Ca fait trois albums et un EP que nous faisons ensemble. Le dernier album a été fait en coproduction avec des labels japonais, anglais et américains. J’ai mis un peu d’argent dessus. J’aime beaucoup travailler avec des labels étrangers. Chacun met en fonction de ce qu’il va vendre.
François - Olivier Nolorgues alias Frantic ?
Je le connais depuis longtemps, à l’époque il était journaliste. C’est vraiment un gros truc de réseau. Quand il m’a amené son disque, j’ai aimé. Il est venu chez moi, on a bu et mangé (rires), c’était très bien et ça m’a plu : je l’ai sorti ! J’aime son état d’esprit et ce qu’il est !
Boris Maurussane ?
Il m’a envoyé des morceaux. Il cherchait un label pour la Belgique puisqu’il avait un label en France. On s’est parlé à trois avec Boris et le label Français. Je crois que c’est moi qui ai bidouillé sa première vidéo sur mon ordinateur (rires). Sa musique est tellement bien que je trouvais ça un peu bête de ne pas sortir le truc. C’est mon principe : si c’est bien ça doit sortir !
Et il y a Alexandr, les petits nouveaux ?
Ils collent parfaitement à mon label. Ils m’avaient envoyé des trucs il y a quelques années mais ça ne s’était pas fait. Ils m’ont proposé l’album. J’ai d’abord bossé sur un titre en radio, juste comme ça, pour voir, sans rien leur promettre… J’ai vu que ça prenait et ils sont super motivés avec des attachés de presse en France et en Angleterre. Tout le monde était motivé, donc j’ai proposé de le sortir. Leur musique me rappelle des choses que j’écoutais plus jeune…
Tu fais la promotion en Belgique ?
Oui, même si j’ai un carnet d’adresse pour la France mais si le groupe ou l’artiste a un attaché de presse en France et bien c’est lui qui fait le boulot, même si dans mes envois promo, j’envoie à quelques webzines en France ou des radios.
Une partie du public est resté fan, c’est celui qui attache du physique et qui sait que lorsqu’on achète un disque, on n’achète pas un fichier informatique : on achète un vrai objet culturel. Ton label est assez représentatif de cet état d’esprit.
Le problème est qu’il y a peu de disquaires et c’est compliqué à gérer tout ça. Ça coûte cher d’envoyer des disques et, comme la France est grande, il faudrait, presque, des relais dans toutes les régions pour aller voir les disquaires et en placer. C’est compliqué à mettre en place et je n’ai pas encore trouvé la solution.
Quand les artistes signent chez toi, ils savent que c’est compliqué ?
Bien sûr, on travaille sur le nouvel album de Julien Bouchard et on met tous les deux de l’argent parce qu’on veut que le projet soit parfait mais on investit à la hauteur de ce que cela peut rapporter.
On fait comment pour te contacter ?
En passant par le site du label. Je viens de recevoir des trucs par ce biais qui sont biens. Je ne reçois pas beaucoup de sollicitations. C’est plus par rencontre, par des petits concerts ou du copinage. Aujourd’hui beaucoup d’artistes indépendants préfèrent tout gérer eux-mêmes et je respecte leur démarche.
On peut espérer un festival ou une compilation qui labelliserait encore plus Hot Puma ?
Là, en Belgique, je vais faire dans ma campagne, le 18 novembre une petite soirée pour les 10 ans du label avec Hugo, Orwell et Julien Bouchard dans un lieu indépendant. Comme j’ai un partenariat avec la radio nationale Belge ça devrait être bien. Ca va rester confidentiel, comme je voulais le faire, et c’est tant mieux. Une compilation, non, c’est trop compliqué ou alors en digital mais là encore c’est compliqué !
Est-ce que parfois tu te sens un peu seul à continuer comme ça ton label ?
Si, mais ça me plait comme position. On me demande comment je peux continuer en y mettant autant d’énergie. Je pense qu’il faut un être un peu cinglé pour le faire et comme ce n’est pas mon gagne-pain, Le label ne s’arrêtera jamais pour des raisons financières et je pense que certains artistes méritent vraiment d’être écoutés, même par une minorité !
Quels sont tes projets ?
Un nouvel extrait d’Alexandr à la rentrée, après j’ai l’album de Julien Bouchard en 2024 et voilà.
Le mot de la fin ?
Merci pour ce focus sur le label et il est important de soutenir la musique indépendante.
Quel disque tu conseillerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?
« Pet Sounds » des Beach Boys
https://linktr.ee/hotpumarecords
http://hotpumarecords.com/fr