Comment la musique est arrivée dans ta vie ?
Par plusieurs biais : mon père écoutait du jazz et dans ma famille il y avait beaucoup de musiciens et surtout une génération assez jeune du côté de ma mère qui avait des disques comme Bill Haley, Cochran, Rolling Stones, the Animals ou encore Smoke et à l’époque j’écoutais les groupes du moment comme Slade, T.Rex, Alice Cooper, Grand Funk, etc.
Tu te mets à un instrument ?
Pas tout de suite. Il y avait un piano à la maison, on s’en servait surtout pour taper sur les touches avec mes petites sœurs. Un jour j’ai vu une pochette d’Eddie Cochran où il posait avec sa guitare : ça avait l’air cool ! Et comme je croisais des copains à l’école avec des guitares, je voulais moi aussi en avoir une mais il m’a fallu économiser presque deux ans pour l’acheter.
(Grégoire Garrigues en concert en Octobre 2018 - Droit réservé)
Tu montes ensuite ton premier groupe ?
Plus tard au lycée à Rouen où j’ai passé une année en 1976, il y avait quelques camarades qui avaient des instruments et un local. On a monté un groupe totalement informel qui ne menait nul part.
Tu as connu la connexion Rouennaise ?
Non, pourtant j’allais à « Mélodies Massacre » (célèbre magasin de disques de Rouen Ndlr ), c’est même là que j’ai écouté le premier album des Ramones. Mon premier vrai groupe c’est en 1977 pendant mon service militaire (rires). J’ai fait une année dans le nord et j’ai été intégré au groupe de la caserne. C’était amusant et ça m’a donné l’occasion de faire mon premier concert : il y avait des musiciens professionnels qui m’ont montré des plans à la guitare. J’ai ensuite joué ensuite à Paris en 1978 dans un premier groupe puis j’ai rencontré Patrick Eudeline.
Le premier gros dossier : Asphalt Jungle, le groupe de Patrick Eudeline à la fin des années 70 ?
Je suis arrivé à une période transitoire entre la fin d’Asphalt et le début de la période solo de Patrick. Il y avait toujours Riton à la basse et Didier à la batterie. C’était l’Asphalt Jungle dernière version sans Ricky Darling. J’ai rencontré Patrick parce qu’on habitait le même quartier et que j’avais son ex-Rickenbacker. Il est venu chez moi pour voir mes disques, ma guitare, mon matériel … bref si j’avais les bonnes références. On a commencé à travailler ensemble sur ses premiers titres solos comme « Dès demain » ou « Boxeur sonné ». En octobre 1979 nous étions programmés une semaine au Gibus avec Asphalt mais ça ne s’est pas très bien passé : on a fait un seul soir (rires). On a continué à répéter avec Patrick et puis j’ai arrêté avec lui … On s’est beaucoup vu pendant un an et demi entre 1978 et surtout 1979.
(Patrick Eudeline et Grégoire Garrigues sur scène avec Asphalt Jungle au Gibus en novembre 1979 - Photo Emmanuel Garrigues )
Et puis tu as joué avec Vince Taylor ?
Oui, un soir je vais voir Vince Taylor au théâtre Campagne Première avec Patrick, ensuite à trois heures du matin Patrick m’appelle et me dit : « Vous (Asphalt) jouez demain avec Vince Taylor, voici la set list, son groupe n’est pas disponible, vous le remplacez ». Donc j’ai pu jouer un soir avec Vince Taylor dont bien sûr j’étais fan. Je ne remercierais jamais assez Patrick pour ce moment ! Le groupe de Vince, l’équipe du label Big Beat, est revenu le lendemain soir.
Alors que toute cette scène punk plonge dans la new wave avec le Palace et tout ça, toi tu fais un retour au rock ? Tu commences dans le rockabilly ?
Ca s’est fait doucement, après le Punk il se passait des choses qui musicalement me plaisaient de moins en moins et ça manquait de rock. Ce n’était pas vraiment du rockabilly pur et dur, Il y avait bien la coupe de cheveux « la Pompadour », la fameuse banane et le blouson en cuir, mais en 1976 et 1977 j’étais punk, Gibus, Mont de Marsan et tout ça. C’était un truc super important pour moi et quand la mode s’est emparée du Punk je suis revenu à mes premiers amours : Eddie Cochran avec qui il y a une filiation évidente avec les Ramones qui ont juste pris la suite, c’est en fait une génération après mais c’est clair qu’il y a une vraie filiation.
Mais les rockers et les punks s’affrontaient ?
Oui, j’ai même été pris à partie dans les deux camps ! Les rockys comme on disait à l’époque étaient trop dans leur monde qui commençait lentement à disparaitre. Moi sur mon blouson j’avais un badge Ramones et un badge Eddie Cochran et ils ne le comprenaient pas.
Après Asphalt Jungle, tu plonges donc dans le rock pur et dur dans la foulée des Stray Cats ?
Oui, ca a été un raz de marée les Stray Cats ! De 1982 à 1984 j’ai joué dans un groupe de Rockab/Rock’n’roll « the Dan’s », un groupe produit par Guy Lux ! Je jouais de la contrebasse en slap. C’était après les débuts des Forbans et les labels cherchaient le même genre de groupes sauf que nous étions assez ingérables et le chanteur ne voulait pas chanter en français !
(Avec Dan’s en août 1984 - Droit réservé)
Tu as été un grand puriste ?
Puriste limité parce que écouter du rockabilly en permanence ça me saoule … En fait punk ou rock’n’ roll c’est du rock. Il y avait beaucoup de musique de Teddy Boys à l’époque, des trucs à l’anglaise comme Fying Saucers ou Riot Rockers. Quand les Stray Cats sont arrivés ils ont mis presque tout le monde d’accord : Brian Setzer est un génie de la guitare, ils avaient le bon look, de bons morceaux et la production de Dave Edmunds était superbe.
Justement c’est l’époque où autour de Big Beat le rockabilly Français explose ?
Oui beaucoup de groupes sont sortis mais j’ai assez peu suivi cette scène : mais j’aimais bien les Teen Kats par exemple.
Pourtant dans cette scène il y avait Claudia Colonna et ses Guépards ?
J’avais rencontré son contrebassiste. Il m’avait dit qu’elle cherchait des musiciens et je suis rentré comme batteur puis je suis passé à la guitare. C’était en 1985, je suis resté avec elle jusqu’en 1991. Une très grande chanteuse. J’ai fait 3 albums et quelques 45 t avec elle.
(Claudia Colonna et ses Guépards en concert à Bobino - Photo Hoi Pham Dinh)
Mais tu as joué avec d’autres groupes en même temps ?
Oui, j’avais envie de faire ma musique ! J’aimais beaucoup les compilations Nuggets, Pebbles, les Electric Prunes, le rock 60’s américain … C’est l’époque où il y avait déjà les Cramps qui mélangeaient le rock, le rockabilly et le sixties très facilement, c’était inspirant.
Mais la scène rockabilly avait la réputation d’être sectaire ?
Oui, mais c’était surtout une petite partie qui l’était. Moi ce qui me dérangeait vraiment c’était le drapeau sudiste qui était brandi souvent.
Donc tu attaques ta propre musique ?
En fait j’ai d’abord joué avec un groupe qui s’appelait Pill Box à partir de 1991, nous ne faisions que des reprises des 50’s à 1977 et avec du blues. Puis j’ai décidé de faire ma musique avec mon propre groupe, c’était en 1995. J’avais commencé à composer des morceaux car à un moment je me suis dit que les reprises ce n’était pas très constructif même si très formateur.
Tu as beaucoup tourné à cette époque ?
Avec Claudia pas mal mais principalement à Paris : le Palace, Bobino … Nous sommes allés quelques fois en province et une fois en Italie. Avec Pill Box aussi, on a surtout tourné à Paris, C’est seulement quand je suis rentré dans les Panther Burns de Tav Falco que j’ai vraiment commencé à jouer, surtout à l’étranger.
Pill Box donc ?
Suite à une fête que j’avais organisée à la campagne avec des amis musiciens et avec tout le matériel pour jouer, nous avons décidé avec Gérald Coulondre, Romain Decoret et Simon Eliott de former un groupe. Après s’être appelés the Castaways nous avons changé pour Pill Box. On jouait très souvent au Baryton, le bar rock des puces de Clignancourt. On jouait parfois trois ou quatre heures et dans d’autres endroits dont des premières parties de Wilko Johnson ou deux fois au Plan.
Ensuite tu montes Grégoire 4 ?
C’était enfin mon groupe. Le journaliste Vincent Hannon l’avait défini comme étant un mix entre JacquesDutronc et les Ramones. Je voulais faire ma musique avec toutes mes influences. On a enregistré 3 albums.
(Grégoire 4 - Photo Jean Baptiste Mondino)
Tu as été sur beaucoup de projets : Tav Falco, les Socquettes Blanches, les Dragueurs, Super Wagner … Ca fait beaucoup pour une seule personne, tu es chez toi parfois ?
Oui, j’ai beaucoup d’activités mais mes proches, dont ma femme, font de la musique (rires). En plus de tout ça je tiens à préciser que j’ai presque toujours travaillé à côté parce qu’il faut bien manger, payer le loyer et acheter des guitares (rires) ! Je fais les trois huit : huit heures de travail, huit heures de musique et huit heures à la maison (rires) !
D’accord mais ce qui est incroyable c’est que tout ces groupes sont marqués par un même genre de musique : le rock dit « classique ». On a l’impression que le rap ou l’électro te sont passés à côté ?
Je suis marqué par une époque qui va de 1950 à 1977, il y a quand même beaucoup de styles différents, et j’aime le jazz et le blues. Le rap et l’electro ne sont pas dans mes racines, je ne peux pas tout aimer !
On va parler de tous les groupes : on commence par les Dragueurs ?
Ca c’était un trio entre 2000 et 2005 que j’avais monté avec Jon Von, un américain qui avait joué avec The Rip-Offs et the MrT Experience et qui s’était installé à Paris. On avait des amis en commun. Il voulait faire un groupe. Je lui ai dit : « monte ton groupe, je prends la basse et quand tu auras des musiciens je laisserai ma place ». On a commencé tout de suite à écrire des morceaux et à enregistrer 2 titres pour un 45 t chez Born Bad et finalement je suis resté.
Vous aviez un look d’enfer : bérets Basque et marinière ?
Oui, ce cliché amusait beaucoup Jon et le public, surtout les américains et ça a bien marché !
(Les Dragueurs à Rome en 2008 - Droit réservé)
Justement on y revient mais tu n’as jamais vécu de la musique ?
Non jamais à 100%, si j’avais pu devenir musicien professionnel il aurait fallu que je joue avec des mecs de variété et franchement ce n’était pas possible pour moi. Et surtout il aurait fallu que je travaille vraiment la musique pour avoir le niveau d’un pro.
Mais tu as eu quand même une évolution musicale ?
Mon évolution musicale est liée à tous les genres que j’aime et que j’ai explorés, d’où l’intérêt de faire des reprises pour écouter et comprendre la composition, le son, tous ces paramètres.
On continue avec les Socquettes Blanches ?
Ca a commencé en 2000 et ça existe toujours ! En 1975 il y a eu une réédition des Chaussettes Noires et tout de suite j’ai compris deux choses : l’importance pour les ainés de ce groupe et le son qui était vraiment super. Quand tu écoutes « Be bop a Lula » ça sonne vraiment ! J’ai rencontré en 2000 un ami bassiste, Paolo Coccina qui me dit qu’il a un copain qui veut faire un groupe de cover des Chaussettes Noires et il m’a demandé si je voulais le faire avec eux. J’étais très occupé, j’ai essayé de trouver quelqu’un et comme je n’ai trouvé personne je m’y suis collé. Le répertoire est vraiment génial et franchement c’était un plaisir de jouer ces reprises. On a fait un premier concert à Beauvais en plein air, c’était bien il y avait du monde. On a fait un deuxième concert en février 2002 au « Petit Journal Montparnasse » et là c’était bourré à craquer. Des fans des Chaussettes Noires étaient venus un peu en curieux pour savoir si on allait réussir à retransmettre l’esprit du groupe. Ça a été un succès ! Un producteur nous a proposé de faire un album. On a fait cet album de reprises en respectant à la lettre les Chaussettes. Suite à ce premier disque on a décidé de commencer à composer des titres originaux et dans l’esprit, et ça pour les quatre albums suivants.
(Les Socquettes Blanches - Photo julien Dominguez)
Les Socquettes Blanches existent toujours ?
Oui, je craignais que suite au décès de Daniel Delannoy, notre chanteur, ça s’arrête mais finalement nous continuons avec Ricky Norton avec qui ça se passe très bien.
Mais c’est un vrai groupe ?
Oui bien sûr, on répète régulièrement, on joue … ça existe !
Autre gros dossier te concernant Tav Falco (chanteur américain Ndlr ) ?
A l’époque il habitait à Paris, n’avait plus de guitariste et devait partir en tournée. Des amis lui ont parlé de moi et un jour il m’a appelé en me disant qu’il cherchait un guitariste. Il habitait à un quart d’heure de chez moi, donc on a pu tout de suite se voir. Il a vu que j’avais une guitare Gretsch et un ampli comme le sien : ça lui allait ! Le groupe était un peu compliqué à réunir : Tav et moi à Paris, Giovanna la batteuse à Rome et le bassiste Jon Ramos à New York que Laurent Lanouzière a remplacé peu après.
https://www.youtube.com/watch?v=SBc9oKM2gtc
Pas pratique pour répéter !
On se retrouvait deux jours avant de partir en tournée et on répétait et plus souvent, rendez-vous au soundcheck avant le concert ! Avec lui j’ai enregistré un album, un double 25 cm Live in London. Je suis resté quand même 17 ans avec lui !
17 ans ?
Oui, on a joué partout aux Usa, dans toute l’Europe et plus loin encore. J’avais déjà joué aux USA avec les Dragueurs pour une tournée sur la côte Ouest mais là c’était autre chose. On a joué à Memphis par exemple, ce qui pour moi voulait dire quelque chose.
(Avec Tav Falco - Droit réservé)
Pourquoi tu as arrêté Tav Falco ?
C’était vraiment compliqué : les voyages, souvent en avion, coûtaient de plus en plus chers et lui avait quitté Paris.
Ensuite il y a l’épisode Kim Fowley (chanteur, compositeur et producteur américain de légende Ndlr) !
Oui, ça aussi c’est une anecdote incroyable. En 2003, le label Microbes (label Parisien Ndlr ) avait réédité un de ses disques. Il y avait eu une séance d’interviews au Café Charbon et un copain journaliste m’avait dit de venir : on me l’a présenté. J’avais un album des Dragueurs et un de ses disques avec moi, pour me le faire dédicacer. Il m’a demandé une dédicace sur l’album des Dragueurs et en échange il m’a dédicacé son disque. On s’est vu comme ça. Plusieurs années après en 2010 il devait jouer à l’église Saint-Merri. FX un copain qui s’occupait du bar « le Plastique » m’appelle un soir pour me dire qu’on lui proposait de jouer avec Kim Fowley. Il voulait que je prenne la guitare et lui la basse et le soir du concert Baldu des Dum Dum Boys s’est joint à nous à la seconde guitare.
Et alors ?
Alors je communique sur Facebook avec Kim Fowley pour lui demander ce qu’on allait jouer en lui indiquant quels disques j’avais de lui. Il me répond qu’il ne voulait que des riffs et qu’il allait improviser dessus. Il voulait des riffs genre « Gloria » ou « Waiting for my man ». (rires) On décide de faire une répétition avec le groupe pour avoir de la cohésion. Durant cette répétition nous jouons également des riffs à moi. C’était pour avoir des trucs un peu originaux. La veille du concert, on dîne avec lui dans un restaurant et je lui fais écouter les titres de la répétition. Il me dit que sur tel morceau il va faire tel texte et sur un autre tel texte, on a donc élaboré la set list comme ça. Nous avons parlé de Vince Taylor et il a improvisé un titre « Vince Taylor is not dead » : un très bon moment et un des meilleurs concerts de ma vie.
Il était comment lui ?
Ca s’est très bien passé avec lui, c’était vraiment un personnage à part entière et très intéressant. Il y avait avec lui sa copine de l’époque, Snow Mercy, qui a participé au concert et depuis nous sommes restés amis.
(Avec Kim Fowley - Photo Grégoire Garrigues)
On continue avec Chris Wilson (ex chanteur des mythiques Flamin’ Groovies et des Barracudas Ndlr ) ?
Ca correspond à l’époque où je lançais mon groupe : Super Wagner. En fait je jouais avec Grégoire 4 depuis 15 ans et franchement ça n’allait nulle part. On s’amusait bien mais il fallait avancer. On a fait un dernier concert et le lendemain j’ai dit aux autres : « qui m’aiment me suivent ». Tous ont suivis et j’ai lancé Super Wagner comme ça ! On a changé de son et de guitares. J’ai essayé de faire un truc un peu plus cohérent artistiquement, on essayait de revenir vers la musique Glam Rock des 70’s. On a galéré un peu pour trouver un bassiste quand Vanessa Chrétien est partie mais j’ai composé tout de suite une douzaine de morceaux. C’était en 2010 et j’avais déjà rencontré Chris Wilson suite à un concert qu’il avait donné en 2006 au « Paris, Paris » (club Parisien Ndlr )… J’y étais allé avec Jean Touitou le patron de APC (la marque de vêtements Ndlr ) qui est aussi un fan des Flamin’ Groovies.
Et donc ?
A la fin du concert, Jean me demande de contacter Chris Wilson pour faire un disque avec lui sur son label APC. Je contacte Chris grâce à une amie, il vient le jour même et accepte tout de suite le projet. Pour préparer ce disque nous sommes partis répéter à la campagne pendant quatre jours. C’était surtout pour mieux se connaitre et écrire des morceaux. On s’est baladé et on a joué de la guitare mais sans rien écrire. Bref on devient potes mais il ne se passe finalement rien : il habitait à Londres à l’époque. Un an après est sorti son album solo pour « Rock Paradise » (le label parisien Ndlr ) et il a eu besoin d’un groupe pour en assurer la promotion. On m’a proposé de l’accompagner pour un concert à la Boule Noire avec Super Wagner. L’avant-veille du concert, on a fait un filage en studio et on a enregistré cette répétition qui est devenu le live de chez APC.
Et après le disque ?
On a continué à jouer un peu avec lui pendant trois ans : des petits concerts où nous étions souvent à deux lui et moi. On a joué aussi au Cidisc en trio avec Hervé le batteur de Super Wagner et au Pop In avec le groupe APC.
(Grégoire Garrigues et Chris Wilson - Photo Grégoire Garrigues)
On attaque donc Super Wagner ?
Ah, ah … Je voulais donc un groupe marqué par le glam rock des années 70. C’était un hommage à la musique de mon adolescence. Bon, au début avec Gregoire 4 je chantais en anglais avec des textes de Robert Lloyd et en français. Mais j’ai rapidement bifurqué vers le 100% français. Pour info, j’ai parfois demandé des textes à Jean William Thoury, ancien parolier de Bijou qui est un très bon ami. Mon avis en passant, ça ne dérange que les français quand le rock est chanté en français : les étrangers apprécient souvent le rock en français.
Ca s’est arrêté quand Super Wagner ?
En 2017. On jouait ensemble depuis longtemps : on a fait trois albums avec Super Wagner, dont le Chris Wilson et franchement on était un peu … lassés ! En même temps j’ai eu une proposition pour devenir guitariste des Jones et ça faisait beaucoup pour moi entre le travail et la musique, ca devenait difficile tout faire en même temps. Cela dit, au moment où l’on en parle c’est encore pire, je suis sur 4 projets en même temps !
(Super Wagner - Photo Eric Parois)
Parce que maintenant tu es guitariste des Jones ?
Oui, grâce à Gérald (le batteur des Jones Ndlr ) que je connais depuis 1984. Ils m’ont proposé un concert pour la fête de la musique en 2016 car il manquait un guitariste. On a fait ce concert et suite à ça je suis resté dans le groupe. Juste après il y a eu l’arrivée de Fred Moulin et le groupe a pris une autre dimension. J’ai eu une période commune Jones et Super Wagner mais je savais que c’était le moment d’arrêter Super Wagner, indépendamment des Jones.
(En concert avec les Jones - Photo Philippe Beranger)
Et ton dernier projet en date le « Cool Feedback quartet », un groupe très différent de tout ce que tu as fait : du blues, du jazz, du rock, des larsens avec Robert Lloyd, ou Jac Berrocal. C’est quoi ce groupe qui est très loin de ce que l’on pouvait attendre de toi ?
Je suis d’accord, on est très loin du rock 50’s. En fait en 1994, nous sommes partis avec Robert Lloyd (premier guitariste de Asphalt Jungle et incroyable musicien Ndlr ) faire un album à New York produit par Bill Laswell (Légendaire producteur de musique Ndlr ) qui sera la première référence du label APC. Nous avions des morceaux que nous avions composé ensemble à Paris avec Robert et nous avions eu l’idée de faire un morceau avec un fond de guitares en feedback. Cette partie sortira sous le nom « Tribute to Sun Ra ».
C’était donc une optique jazz ?
C’était un clin d’œil plutôt ! Il y avait trois guitaristes sur le morceau : Robert Lloyd, Sonny Sharrock qui est un très grand guitariste de jazz et moi. Le morceau est très beau.
Cela montre que tu as l’esprit ouvert : on attendait pas ça du tout de toi ?
Peut être mais à force de fréquenter des gens comme Robert Lloyd, moi qui écoutais plutôt du jazz traditionnel par mon père j’ai poursuivi en écoutant Coltrane et consorts. J’ai décidé tout seul les dimanches après-midi dans mon coin, de faire des morceaux en feedback et j’en ai enregistré 4 ou 5. Je les ai fait écouter à Thierry Los (Ex Vegomatic et à la tête du label de 3 jeunes tambours Ndlr ) qui a trouvé ça bien et des années plus tard il m’a proposé de mettre ces morceaux dans sa bibliothèque musicale mais aussi de sortir l’album sur son label. A la sortie de l’album plein de gens me disaient : « fais du live ». Bon, il fallait trois guitaristes, un clavier, des cuivres, une rythmique et surtout réussir à retranscrire sur scène ce qui avait été élaboré en studio. Grâce aux amis de Robert Lloyd le disque a touché un noyau de gens que je ne fréquentais pas comme Gilles Yéprémian et Urban Sax. Il y avait un livre qui allait paraitre justement sur Urban Sax et Gilbert Artman (légendaire musicien des années 70 Ndlr ). Une compilation devait accompagner le livre où des proches devaient mettre un morceau pour Gilbert. Là Robert me dit : « on va faire un Twist et on va appeler Jac Berrocal (légendaire trompettiste de jazz français des années 70 Ndlr ) pour jouer avec nous. ». Quand on a organisé le concert du « Cool Feedback Quartet » j’ai eu l’idée de proposer à Jac et Gilbert de venir jouer de la trompette et de la clarinette basse pour nous avec Thierry (Loos Ndlr ) à la troisième guitare.
(Avec le Cool Feedback Quartet en concert à Paris en juin 2018 - Photo Eric Parois)
Tu te rends compte que pour ce fameux concert aux Voutes du 2 juin dernier tu avais sur scène parmi les meilleurs musiciens de jazz français des années 70 ?
Oui j’ai mesuré la portée de cet événement et j’en suis encore très honoré !
Mais ce groupe c’est quoi : une sorte de blues blanc, du jazz ? En tout cas c’est une approche assez jazz de la musique : tu voulais quoi ?
Ce n’est pas trop du blues pour moi malgré le titre « Backlight Blues », c’est davantage du « free jazz psychédélique » avec une forme rock et surtout je voulais refaire sur scène ce que j’avais fait sur disque.
Il y a eu beaucoup de répétitions ?
Seulement deux : une avec les guitares pour voir comment cela sonnait et puis après on a intégré nos invités : Gilbert Artmann, Jac Berrocal et le pianiste Michel Guikovaty. Tous ensemble il n’y a eu qu’une seule répétition mais les structures sont simples et pour ce genre de musique il ne faut pas trop répéter : il faut laisser de l’espace aux musiciens et je voulais garder de la fraicheur. Ca c’est très bien passé et comme j’ai eu l’idée d’enregistrer le concert en multipistes, ça sortira fin novembre sur Milano Records. Tout le monde a très envie de refaire des concerts avec cette formation qui du coup n’est plus un Quartet mais un orchestre. Le nom du groupe sera simplement the Cool Feedback et un nouvel album studio sortira en février avec neuf musiciens !
Maintenant tu n’as plus que les Jones et le Cool Feedback Quartet ?
Oui les Jones et les Socquettes pour continuer à jouer du rock. Ce qui m’intéresse c’est la création ! Avec le Cool Feedback c’est la première fois que je propose un truc original. Ça change de la structure classique avec couplet-refrain. Cette musique que j’ai faite par hasard intéresse beaucoup plus de monde que je ne le pensais et elle suscite de plus en plus d’intérêt et d’attention. Cette nébuleuse de groupes de jazz des années 70 est quelque chose que je ne connaissais pas. Toute cette scène qui a été oubliée dans les années 80 et qui a été réhabilitée dans les années 90 par les américains, en particulier Sonic Youth.
https://www.youtube.com/watch?v=u5UNTREB9jE
C’est important pour toi d’être reconnu par ces gens-là ?
Ce qui m’arrive avec la musique du Cool Feedback c’est que je me retrouve dans un milieu dont les amateurs me sont totalement inconnus, du coup j’ai l’impression d’une reconnaissance par des pairs que je ne soupçonnais pas !