Mega Sonic Boom Blast : une anthologie High Energy et Noise Rock

jeudi 6 juin 2024, par Franco Onweb

A la fin des années 80, jusqu’au milieu des années 90, sous l’impulsion d’une scène américaine, la France connut une scène Noise et Post Hard Core particulièrement active. Ces groupes chantaient en anglais et pratiquaient un rock dur et sans concessions. Mega Sonic Boom Blast était l’un des plus dignes représentants de ce mouvement. Formé en 1989 et actif jusqu’en 1995, le groupe parcourut l’hexagone en balançant son rock énergique partout où il le pouvait.

Le label Twisted Soul Records vient de publier une anthologie du groupe, qui contient l’ensemble des titres publiés par Mega Sonic Boom Blast au cours de sa « carrière ». Une manière de rendre hommage à un groupe qui fit les beaux jours de cette scène mais aussi une façon de se replonger dans un passé pas si lointain. Alors que la plupart des membres du groupe sont toujours actifs musicalement, Thierry Perrin, le chanteur, a accepté d’ouvrir sa boîte à souvenirs.

Peux-tu te présenter ?

Je suis Thierry Perrin, chanteur de Mega Sonic Boom Blast.

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Le groupe a commencé quand et comment ?

Le groupe a commencé en mars 1989… si j’en crois la bio ! (rires). A la base, c’est la réunion de certains membres de deux groupes qui s’étaient arrêtés peu de temps avant : les Zip Guns (Paris) et Blue Jim qui étaient sur le Nord-Pas de Calais. Trois Zip Guns et le guitariste de Blue Jim se sont retrouvés durant l’été 1988 pour jouer dans la rue, en acoustique, des reprises de groupes comme Husker Du, X, Gun Club ou de Gram Parsons. De là est née l’envie de faire exister quelque chose de plus électrique.

Tu avais déjà chanté avant ?

Oui, dans les Zip Guns, de 1983 à 1986/1987.

Vous aviez donc un réseau, à la base ?

Petit, tout petit.

Quelles étaient vos influences ?

Beaucoup de rock australien comme Radio Birdman, Died Pretty, Celibate Rifles et du punk rock américain comme le Gun Club, X, ce genre de groupes.

Il y a un groupe que tu n’as pas cité, mais dont je pense que vous êtes fans, c’est le MC5 !

Aussi. ça fait partie de notre ADN. Et ma coupe de cheveux de l’époque y est sûrement pour beaucoup ! (rires).

Il vient d’où ce nom ?

C’est venu comme un descriptif de ce que l’on voulait faire. Mega Sonic Boom Blast, tout est dit ! C’est un bon nom ! (rires).

Vous étiez un groupe vraiment bien dans votre époque ?

Oui, il y avait tous ces groupes australiens et une nouvelle vague de groupes américains au début du groupe, Husker Du, Sonic Youth… Ce n’était pas réellement du Hard Core mais ça avait à voir avec cette scène, quand même.

Quel a été votre premier concert ?

La première partie de Died Pretty au New Morning en remplacement des excellents Chameleon’s Day de Grenoble qui avaient eu un problème de camion, si je me rappelle bien. Les organisateurs du concert qui connaissait Lumberjack Comar (le bassiste de MSBB NDLR) lui ont demandé si on pouvait les remplacer au pied levé.

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C’était quand ?

En mai 1989. On avait 4 morceaux ! ça a été assez rapide comme première partie ! (rires).

Il y avait qui dans le groupe ?

Entre 1989 et 1992 il y avait Dominique M Bronco et Chris Delisle aux guitares, Sam Pagel à la batterie, Lumberjack Comar à la basse et moi au chant.

Vous avez beaucoup joué ?

Oui, dans la mesure de nos possibilités. Surtout à Paris et en région parisienne. Pas mal de premières parties. On a aussi fait quelques dates en province. Et un festival à Bruxelles.

C’était l’époque des groupes alternatifs et de nombreuses salles, bars ou squats permettaient de jouer. En avez-vous bénéficié ?

On a peu joué avec des groupes dits de Rock Alternatif. On a par contre fait un concert pour les Barrocks et le Radical Noise Festival à Savigny sur Orge.

Vous apparteniez à une scène ?

Pas réellement. Il y avait la scène Hard Core. On n’était pas vraiment dedans, mais on était proches de certains.

Pourtant pour moi, vous n’êtes pas un groupe de Hard Core !

Tout à fait d’accord. On avait des potes qui faisaient partie de certains de ces groupes et on jouait avec eux.

Vous avez enregistré rapidement ?

A peu près un an après la formation du groupe. A l’initiative du fanzine Flying Charentaise dont c’était le premier numéro. Un 45t accompagnait le fanzine. On a enregistré dans une cave aménagée en studio du côté d’Odéon, à Paris.

Votre 1er 45t est un peu… nerveux !

Un petit peu… (rires). ça correspond aux compositions, à l’esprit de l’époque. Ce côté urgence qui pourrait nous rapprocher des groupes de Hard Core. Le lien est peut-être là. Il y aura un deuxième 45t en 1992, enregistré et mixé par Gilles Théolier qui produisait plein de groupes à ce moment-là, dont les groupes du label Black & Noir (label d’Angers, proche des Thugs.NDLR).

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Vous avez aussi participé à une compilation VISA qui était un peu la « maison mère » de l’alternatif.

On avait donc enregistré quatre morceaux du côté d’ Angers. Deux se sont retrouvés sur Flying Charentaise sous la forme d’un hors-série et un troisième sur cette compilation VISA, « Un Peu », à leur initiative.

On a l’impression que vous n’étiez pas carriéristes…

Non, c’est sûr… On bossait à côté mais on y passait tout notre temps libre.

Sur votre bio il y a marqué « High Energy Noise Rock »…

Disons que High Energy correspond plus à la première formation et Noise Rock plutôt à la seconde. En 1992 Stéphane Perchard (Judge AK47/Pungi Sticks) remplace Dominique Bronco M. à la guitare et Yann Colin remplace, lui, Lumberjack Comar à la basse après nous avoir accompagné dans toutes nos aventures comme driver et roadie.

Vous allez enfin beaucoup en province ?

Oui, beaucoup plus. Et ce grâce au concours du très actif Fil Chérencé basé à Grenoble où avec sa compagne Hilda ils éditaient le fanzine « Accords & à Cris », animaient une émission de radio, se bougeaient tous azimuts. Il nous a ouvert son carnet d’adresses, ce qui a amené les concerts et des rencontres qui vont déboucher sur notre participation à la compilation « A Wild State Of Noise & Disorder » du label marseillais Pandemonium et à un split single sur le label périgourdin Uncontrolled Records.

Il y avait un public en France pour votre musique ?

Il y avait du monde aux concerts, on était dans l’air du temps. Les premières parties sont une chose, ensuite on a plutôt fait des affiches à 3 groupes et oui, il y avait du monde… Pas toujours, mais souvent.

Les « Papas » de cette scène, c’étaient les Thugs ?

Oui, ce sont eux qui se sont le plus bougé, ils se sont donné les moyens.

Vous avez enregistré un album qui est sorti après votre séparation…

On l’a enregistré en 1994 sans vraiment savoir ce que nous allions en faire… Autoproduction ? Chercher un label ? Puis on a repris les concerts mais suite à un accident auditif survenu à Pau il a fallu qu’on lève le pied et finalement on a arrêté. Un an après l’enregistrement, c’était plié.

Et donc ?

En 1998, un pote Jacques Breton nous à proposer de le sortir. On a accepté, ça faisait un peu vivre le groupe.

Et là, on aurait pu penser à une reformation ?

Eh non. Ce n’était pas possible. Une bonne partie des membres du groupe a continué à jouer et joue toujours. Sam et moi dans les Turtle Ramblers, Sam dans les Sheriffs, puis Sam, Stef, Yann et moi dans DickTracy Lords avec en parallèle Yann et moi dans les Danastrongs et Chris, Sam et moi dans les Strummingbirds. J’ai aussi eu une parenthèse stéphanoise avec Tea Storm. Sam joue actuellement dans The Surprise ! et Yann, deux de ses filles, Stef et moi dans Temple Drake. C’est vrai qu’il y avait quatre membres de Mega Sonic Boom Blast dans DickTracy Lords…

Pourquoi ne pas avoir repris le nom du groupe ?

Parce qu’on n’est pas nostalgiques ! (rires).

Vous sortez une anthologie sur Twisted Soul Records…

C’est venu de Thierry (Baron, NDLR), le patron du label. On se connait de longue date. Il a donc fallu replonger dans tout ça. Retrouver les archives, numériser et masteriser les morceaux, s’occuper de l’artwork…

Pochette de l’anthologie de Mega Sonic Boom Blast
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Vous étiez tous sur l’histoire ?

Yann s’est occupé de l’artwork, Sam du numérique, Christophe Van Huffel de la numérisation et Ives Grimonprez du master.

A l’écoute du disque on s’aperçoit que les morceaux que vous avez enregistré en dernier (et qui sont en premiers sur le disque) sont plus calmes qu’à vos débuts…

Peut-être… Mais on était toujours en colère ! (rires). C’est plus diversifié.

C’est une colère plus froide, non ?

Oui, on était aussi un peu désabusés.

Ca fait quoi de ressortir le groupe 35 ans après ?

Personnellement, n’ayant jamais vraiment arrêté, ça fait partie d’un continuum… Mais là, il y a distorsion du continuum espace/temps ! (rires).

Tu as quel regard sur le groupe et ça fait quoi que cette compilation sorte ?

Mon regard sur le groupe est simple : on a fait pas mal de choses en 5 ans et on n’a à rougir de rien. En réécoutant, je me dis que ce sont de bons morceaux et que ça sonne bien. Les gens qui ont participé sont contents du résultat. Et puis, ça ravive des souvenirs…

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Ça vous fait quoi que ça sorte sur Twisted Soul Records ?

Plaisir, parce que Thierry et un pote et ses rééditions (Bad Losers-Wild Child) sont très réussies. Il a aussi un bon catalogue actuel dans des styles différents.

Tu attends quoi de cette anthologie ?

Que le groupe trouve sa place au milieu des artistes de cette époque, principalement. Et que ça se vende ! (rires).

On peut imaginer que Temple Drake joue un soir le répertoire de Mega Sonic Boom Blast ?

Euh… La totalité ? (rires).

Tu penses que ça a vieilli ?

Non, je ne trouve pas. C’est aussi ce que m’a dit Alain Feydri quand je l’ai contacté et qu’il a réécouté l’album. Alain et Patrick Foulhoux nous ont fait l’immense plaisir de contribuer d’un texte chacun à cette anthologie.

Le mot de la fin !

Achetez le disque, il est superbe !

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’ emmener vers la musique ?

Un disque des pieds nickelés augmentés du punk, je veux dire : Zarbi, Foncedé, Véner et Motus : The Ramones ! Un des premiers, de préférence…

https://www.twistedsoulrecords.com/Megasonicboomblast.html