Les Boots, et leur rendez-vous manqués avec l’histoire , vont ouvrir des voies. Robert Fitoussi, après un passage dans les Variations, allait devenir Fr David et connaître le succès mondial avec « Words », Farid Khaldi allait connaitre une gloire plus éphémère en reprenant Georges Brassens sous le nom de Denis Pépin alors que Joël Rive allait jouer derrière Christophe de longues années avant de retourner à ses premières amours : l’équitation.
L’indispensable label pop toulousain, Pop Supérette, vient de rééditer le deuxième 45t des Boots et c’est une divine surprise. On retrouve les mélodies, le son des guitares ou encore cette envie de jouer. Joël Rive, le guitariste des Boots a bien voulu me raconter la saga d’un groupe que vous allez adorer (re) découvrir !
Comment la musique est rentrée dans votre vie ?
Mon oncle avait une écurie de chevaux de manège. L’été, les gens venaient pour des séjours plus ou moins longs. Le soir il y avait des repas. A la fin de ceux-ci, mon oncle prenait sa guitare et on chantait. J’aimais bien cette ambiance et je me disais « un jour, j’apprendrais bien la guitare », voilà ça a commencé comme ça !
Vous avez commencé quand à jouer ?
En 1959, j’étais apprentie jockey et j’ai commencé sur un coup de tête.
Vous avez joué d’abord avec Ronnie Bird ?
Oui, c’est même moi qui joue de l’harmonica sur « où va-t-elle ? ». J’ai un disque best of de Ronnie Bird où je joue au moins sur trois morceaux.
Comment vous rencontrez les Boots ?
Je suis resté deux ans avec Ronnie et quand il a changé de maison de disque, il a changé pas mal de musiciens…dont moi ! Je m’en fichais un peu parce que j’avais travaillé le solo alors qu’avec lui j’étais guitariste rythmique. J’avais beaucoup travaillé mes solos donc je me disais que j’allais aller ailleurs ou monter mon groupe. J’allais souvent au Golf Drouot et là j’ai rencontré Farid Khaldi et Robert Fitoussi (futur FR David NDLR). Je parle assez facilement avec les gens. On s’est parlé comme ça… Ils venaient de faire un disque en trio, avec un groupe qu’ils avaient formé, avec le batteur Jean Claude Barre, qui s’appelait les Trèfles. Je ne trouvais pas ça très bien. Ils avaient un producteur assez nul et franchement à côté de Ronnie Bird, ça ne tenait pas la route. On s’est vu dans la cave de l’hôtel des parents de Farid. On a décidé de commencer un nouveau groupe parce qu’il me trouvait bon soliste et moi parce que je trouvais qu’ils avaient du talent.
Quelles étaient vos influences ?
Moi, c’était Freddy King. On s’est mis d’accord et on a commencé ensemble. Ils voulaient un bon guitariste qui avait du son. Je suis adepte du son et tout de suite je leur ai dit « il faut enregistrer un nouveau disque et dès qu’on peut aller en Angleterre acheter des amplis Vox et des guitares ». C’est ce que j’ai fait pour l’enregistrement avec Polydor.
On disait, qu’avec les Problèmes, vous étiez les Anti Yéyés. Vous essayiez d’importer la musique anglaise en France ?
C’est vrai, on était un peu contre tout ça , les Claude François et autres… J’aurais pu jouer avec les Problèmes. Quand Luis Rego est parti, le bassiste que je connaissais bien m’a proposé la place. Mais je ne me voyais pas jouer avec eux. Ils accompagnaient déjà Antoine et je n’aimais pas trop ça (rires).
D’où vient ce nom les Boots ?
Je cherchais un nom de groupe et comme j’allais souvent à Londres. J’avais acheté là-bas les fameuses « Beatles Boots » et ils les aimaient beaucoup. Tous les groupes anglais en portaient et en plus il y avait la chanson « These Boots are made for walking » de Nancy Sinatra. On a dû en parler et ça a dû se faire comme ça !
Votre look a beaucoup marqué parce que l’époque tous les groupes étaient en noir et blanc et vous, vous étiez en couleur ?
(Rires) Sur la pochette du premier disque, la veste que je portais venait de Londres. A l’époque, pour se trouver des vêtements qui assuraient il fallait aller à Londres. Ronnie y allait aussi (rires).
Vous étiez tous d’excellents musiciens ?
Je pense que le plus mauvais musiciens de la bande c’était moi au départ. J’étais jockey avant et à la pause déjeuner chez un Lad, je regardais Brassens. J’ai appris comme ça : en regardant où il mettait ses doigts. J’avais 15 ans. J’étais le moins bon mais j’ai beaucoup travaillé. D’abord parce que j’aimais ça et en plus je voulais être un bon musicien.
Vous allez faire la première partie de Chuck Berry ?
Je ne me souviens pas de tout, je suis un peu vieux maintenant (rires) et ça en fait partie. Je n’en ai aucun souvenir.
A partir du printemps 1966, vous allez beaucoup jouer à Paris.
Oh, oui ! On était un super groupe et Robert était un super chanteur. On a beaucoup joué aussi en province où on était très bien payé. On avait un impresario qui s’occupait très bien de nous. Dès qu’on a fait le disque, on a eu des affiches et, justement, des disques qui nous ont permis de jouer beaucoup plus. On jouait souvent au Bus Palladium et dans des petites boîtes. Je sortais souvent pour trouver du boulot et mon meilleur ami dans le milieu était Marc, le gérant de chez Castel. Comme j’avais joué là-bas avec Ronnie, je l’avais rencontré et il nous a permis de travailler. On a vraiment bien bossé, les gens nous aimaient bien. Il y avait le « Vroum Vroum « à Limoges où on allait souvent. Je n’ai pas les bandes qui nous ont permis de signer chez Polydor mais il y avait des morceaux des Beatles et d’autres, je les ai perdu dans des déménagements mais je sais que c’était vraiment bien ce qu’on faisait.
Vous faisiez que des compositions ou il y avait des reprises ?
Sur scène on faisait du Beatles, quelques morceaux des Bee Gees et nos morceaux.
Vous répétiez beaucoup !
Oui, mais on savait tous qu’il fallait travailler. J’avais ce truc de jockey où il fallait gagner. Tout le monde aimait répéter et on savait qu’on devait le faire pour arriver au niveau des anglais.
C’était votre référence ?
La première année où j’étais avec Ronnie, il n’y avait que des anglais ou presque dans le groupe. Notamment Bobby Clarke, le type qui a amené les doubles grosses caisses en France et que Johnny a piqué à Ronnie. C’était le top ! Quand j’ai auditionné pour lui, au Bilboquet, c’est Bobby qui m’a dit « Come on guy, come with us ». Ronnie faisait un peu la gueule parce qu’il aurait peut-être voulu un meilleur musicien mais j’avais le son.
Au printemps 1966 va sortir le premier 4 titres des Boots qui tranche complètement avec ce qui se faisait à l’époque en France.
Oui, mais on aurait dû signer ailleurs, comme chez AZ. Dans ces labels il y avait des gens qui avaient le réseau pour passer en radio ou à la télé mais pas Polydor. On a fait ce qu’on voulait, ils nous ont donné de l’argent pour une sono. On a vraiment fait ce qu’on a voulu, il n’y a rien à dire dessus mais ils n’avaient pas d’attachés de presse de qualité.
Vous étiez content de ce premier 45 t ?
Oh ouais, le seul truc est que Robert n’avait pas l’ampli basse qu’il aurait fallu, ni la très bonne basse.. mais comme il est hyper doué, il a fait que ça passe. Le son est bien pour un premier disque.
C’était « Laissez briller le soleil » ?
Pour moi c’est ce qu’on a fait de mieux sur ce disque. Si j’avais eu les bandes j’aurais refait quelque trucs mais franchement c’était pas mal…
Ça n’a pas marché ?
Pas trop (rires), Polydor c’était surtout du classique ou des trucs qu’on aimait pas comme Marcel Amont.. C’était des vieux quoi (rires) !
Vous allez faire un disque ensuite avec Gilbert Safrani ?
Robert avait un copain, que l’on ne connaissait pas, Gilbert Safrani ! Il nous a dit « j’ai un plan, on peut se faire un peu d’argent, en lui écrivant des chansons et puis on sera payé pour la séance ». On l’a fait et ça nous faisait plaisir de voir ce qu’on valait en faisant des séances pour un autre. Le problème est qu’il ne chantait pas très bien pour moi et il doit le savoir (rires).
On a dit que vous vouliez mettre du rythm’n blues dans ces titres alors que lui voulait de la variété ?
Je me souviens que ce qu’on lui a fait était dans l’esprit des Boots, un peu à la Beatles. Farid et Robert ont des chœurs superbes et moi je suis content parce que sur ce disque j’ai fait un bon solo avec un son pas trop saturé, un vrai truc à l’anglaise…
A l’automne 1966, vous allez enregistrer votre deuxième 45t, qui est réédité aujourd’hui, c’est surtout l’arrivée de Eric Charden dans votre entourage ?
Et oui, on peut dire qu’il a bien mis la pagaille ! En ce moment on vit une période où il y a la guerre entre Juif et Arabes et bien nous on vivait ça une semaine sur deux avec Farid et Robert ! Parfois, ils étaient copains et après c’était la guerre entre juifs et arabe. Un jour , au « Vroum Vroum » à Limoges, Farid a arrêté de chanter et il a quitté la scène. Moi, je ne chantais que deux chansons et je laissais le reste aux deux autres. Quand on est sorti de scène, j’ai choppé Farid, je l’ai bousculé. Je lui ai dit « c’est bon, tu nous emmerdes avec tes conneries ». Ça a commencé comme ça, des petites batailles de merde et le pire que c’est qu’ils étaient copains la semaine suivante. Même quand j’ai arrêté de les voir, parce que j’ai changé de vie, j’ai vu qu’ils s’étaient donné des coups de main. Robert a aidé Farid à faire un disque par exemple…
Et que va faire Éric Charden dans votre histoire ?
Robert le connaissait ! Un jour il m’a dit « Charden et Monty veulent nous faire une chanson ». Je savais que Charden avait déjà fait un tube. Il savait écrire une chanson. Ils nous ont fait un titre et on a réussi grâce à ça à faire deux télés, dont une un samedi soir. Très vite Charden a repéré Robert et il a vu qu’il pouvait faire une carrière seul. Robert, a été très réglo, il lui a dit « je veux bien t’accompagner mais on emmène Joel ». Je suis resté un an avec lui.
Vous en pensez quoi de ce 45t réédité ?
C’est extra ! J’adore, « Ali Baba », c’était plus pour rigoler, les gens dansaient dessus. On a fait une télé avec !
C’est un titre très avant-gardiste pour l’époque, c’est presque du psyché
(Rires) Il paraît !
Il y a « 20 ans » aussi dessus ?
Oui, c’est un très beau titre qui est toujours d’actualité sur laquelle chante super bien Farid ! En tout cas, cela a été très bien produit.
On a l’impression qu’après ce 45t le groupe s’arrête !
Oui, la maison de disque voulait que l’on soit comme les Beatles, bien peignés et tout, pas à la mode de Carnaby Street. Par contre on a eu un meilleur enregistrement. Il y avait un copain pianiste, je jouais du violon…. Comme les groupes anglais, on les copiaient. Le deuxième disque est mieux réalisé mais les titres sont moins forts que sur le premier. Je suis parti ensuite avec Eric Charden et Robert.
Vous avez fait quoi après ?
J’ai fait un an avec Eric Charden et puis un copain m’a proposé de jouer avec Christophe qui cherchait un soliste pour aller en Italie. J’ai pris contact, j’ai été auditionné chez sa grand-mère et ça a été nickel ! On s’est super bien entendu. On est toujours resté en contact, même quand je suis redevenu jockey après un « burn out » au bout de six ans. Je n’arrivais plus à jouer !
Quel regard vous avez sur le groupe ?
J’ai un bon regard ! Quand le livre de Christian Eudeline sur toutes cette scène est sorti (Anti Yéyé, NDLR), j’ai lu que Farid vivait à Grimaud dans une caravane et qu’il était devenu alcoolique. J’ai pris ma voiture et je suis allé le voir. Ça m’étonnait qu’il soit tombé si bas. J’ai eu de la chance, je l’ai trouvé très vite. Je lui ai fait écouter ce que je faisais en solo. J’ai commencé à jouer en solo à ce moment-là. Avec Farid, on avait décidé de remonter le groupe mais il est décédé au bout d’un an.
Vous êtes toujours en contact avec Robert Fitoussi qui est devenu une star avec « Word » ?
C’est une vraie star ! Quand Farid et Robert ont fait ce disque, le 33t où il y a « Word ». Ils sont venus me voir à Mandelieu où j’avais mes chevaux de course. Ils sont arrivés en Porsche !!! Ils avaient réussi ! Quand on écoute le disque, on s’aperçoit que les titres sont tous géniaux.
Farid était sur le disque de Fr David ?
Oui, Farid Kaldi a composé le refrain de « Word ». Je ne sais pas comment ils se sont arrangés !
Ça vous fait quoi de savoir qu’un label comme Pop Superette ressort les Boots ?
Je suis en train d’accompagner un chanteur et je chante parfois un titre des Boots. Je vais faire quelques radios, ça fait bizarre…
On peut espérer que Robert Fitoussi et Joël Rive soient ensemble sur une scène ?
Je n’en sais rien, peut-être sur une radio ! On se connait très bien mais c’est complexe mais je serais d’accord ! Pour lui cela n’ apporterait pas grand-chose !
Vous avez quels regards sur cette époque ?
C’était génial… et pas que dans la musique ! J’étais jockey et j’ai tout arrêté sur un coup de tête, pourtant j’avais commencé jeune à être avec les chevaux.
Il y a une nouvelle de Patrick Eudeline, en 1984, qui parle des Boots ?
Je ne savais pas (rires). Franchement cette époque était géniale, j’ai un petit fils qui fait de l’électro et je ne comprends pas cette musique. J’aime les vrais musiciens, les paroles, les chansons…
Le mot de la fin !
Je remercie tout le monde, surtout Pierre de Pop Superette. Je vais essayer de faire de la promo pour aider le disque. Je continue jusqu’au bout !