Interview de Matthieu Malon - 2e partie

mercredi 10 février 2016, par Franco Onweb

Cet article est la suite de : Interview de Matthieu Malon - 1re partie

Nous avions quitté Matthieu Malon à la fin de son aventure avec le projet laudanum. Bienvenue dans la deuxième partie d’un long entretien où le natif d’Orléans évoquera la scène française, son label, un copain disparu, 12 clips vidéos réalisés pour son album et l’ensemble de ses projets 

Tu te sens à l’aise avec la scène Française ?

Moi, je suis très fan de Mendelson ! J’adore ce groupe ! J’ai fait leur première partie en novembre 2013. Je suis fan de Michel Cloup et de Diabologum aussi. Mais bon je ne suis pas vraiment dans la scène française. Je suis un électron libre, mais j’aime vraiment beaucoup de choses…. Maintenant je me sens pas vraiment proche de quelqu’un comme Miossec ou d’autres, j’aime leurs disques et je vais les voir en concert mais ce n’est pas mon univers.

J’ai l’impression que toi, à l’instar de Mendelson, tu laisses une grande part à l’improvisation, un peu comme un jazzman ?

C’est par rapport à ma façon de travailler et de composer. Pour le prochain album, je suis parti à la campagne, seul, sans personne et je me suis laissé aller, j’ai cherché des ambiances.

J’ai rapidement la structure couplet / refrain mais en même temps je peux passer des semaines à chercher le reste : les ambiances, tout ce qu’il y a autour … C’est probablement ça qui peut me rapprocher du jazz. Pourtant je n’en écoute pas !

On parle de ton dernier album ? Il y a sur ce disque une chanson qui m’as beaucoup touché : « tu étais mon pote », tu peux nous en parler ?

C’est la chanson dont tout le monde me parle. C’est une histoire assez tragique : j’avais cet ami avec qui j’ai découvert la musique et qui s’est jeté sous un train. Ce morceau touche les gens parce qu’on a tous connu une histoire similaire ! On a tous perdu un copain.

Ce morceau, on a l’impression que c’est une sorte d’adieu à ton adolescence.

J’ai mis 19 ans à le sortir et ce n’est pas pour rien ! C’était vraiment quelqu’un d’important pour moi. Avant je ne pouvais pas en parler, cela faisait partie de moi. Dans la chanson tout est vrai : on est allé ensemble au concert de Ride et House of Love et on était rentré ensemble dans sa 4 L. Si dans la chanson je cite Morrissey (chanteur des Smiths Ndlr), c’est parce que c’était un grand fan des Smiths, c’est lui qui me les a fait découvrir ! On a même mis sur sa tombe une citation de Morrissey.

On parle de Monospone, ton label ?

J’ai rencontré Denis le boss du label, en 1998 suite à un concert au Moloko, un bar à Pigalle ! Il faut savoir que je finis toujours mes concerts par un morceau plus fort que les autres : je monte le son de l’ampli. Ce jour-là, le patron du bar arrive et veut baisser, moi je monte et on finit le concert chacun avec un doigt sur l’ampli. Ensuite il m’attrape dans les loges et me dit : « Toi tu ne remets jamais les pieds ici ! » Denis (Président de Monospone) vient me voir et ça l’amuse, il me félicite en me disant « super concert, super final ». On sympathise comme ça. Je viens juste de sortir un premier single de laudanum un super petit label de Tours, Acetone en 1999 .

 

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(credit photo Stéphane Merveille)

A propos de laudanum, comment as-tu trouvé ce nom ?

Ça vient du film « Entretien avec un vampire », une scène où elle prend du laudanum pour s’endormir. Pour en revenir à Monospone, Denis qui vient juste de créer le label me contacte en 2001 en me proposant un single 10 pouces avec un groupe Anglais. On a alors vraiment fait connaissance et je deviens vraiment ami avec tous les gens du label même s’ils sont dans toute la France !

Tu fais partie de l’organisation du label maintenant ?

Non, je suis artiste dessus mais je donne mon avis parfois.

David de Monospone (présent à l’interview) : C’est bien qu’il donne son avis !

Comment ça se passe pour l’organisation et les sorties ?

David : il faut que l’on soit tous d’accord ! Par exemple la collection Microcircuit que l’on a commencée l’année dernière, on l’a bien présentée et le président, enfin celui que l’on appelle le président (Denis donc), a dit oui. Notre but est de se faire plaisir et de rentrer dans nos frais. On ne gagne pas d’argent avec donc autant se faire plaisir et uniquement plaisir.

Matthieu Malon, c’est l’artiste phare du label ?

Pour laudanum oui, c’est sûr. C’était le groupe qui vendait le plus. Maintenant il y a aussi Erik Arnaud qui marche bien. Pour moi je ne pensais sortir que laudanum chez eux mais en 2013, ils m’ont proposé d’amener le projet Matthieu Malon chez eux !

Pour la sortie de cet album tu as une démarche originale, tu as tourné 12 clips qui sont les 12 chansons de l’album où on te voit te promener dans les rues d’Orléans. L’ensemble de ces clips a donné un film qui a été projeté à Orléans et Paris.

Il faut vivre avec son temps. Aujourd’hui sortir un disque ou simplement faire de la musique c’est être présent, entre autre, sur youtube. Je n’avais pas envie d’avoir une pauvre image pour illustrer ma musique. Je ne savais pas comment faire, j’ai demandé au label s’il y avait un peu de sous et puis j’ai contacté l’équipe de tournage. Au début je voulais faire un plan séquence de 44 minutes. Mais l’équipe m’a expliqué que ce n’était pas possible. C’est donc une promenade dans Orléans. Avec 12 clips.

As-tu essayé de contacter des gens de la pub avec un tel projet ?

Je ne connais personne dans ce secteur, je l’ai fait un peu avec Landanum mais là j’ai arrêté. Ce n’est pas vraiment mon univers.

As-tu essayé, dans le même ordre d’idée, de contacter la mairie d’Orléans ? C’est quand même une publicité pour leur ville !

On a essayé mais je crains que cela ne soit trop rock pour eux. On a quand même réussi à faire projeter le film là-bas mais je n’en attends rien de plus. Orléans, tu sais, est une ville où si des gens ont fait de la musique c’est principalement parce qu’ils s’ennuyaient. Donc, un peu comme à Versailles, où on a fait des groupes pour s’occuper. La ville à un moment était bouillonnante ! Maintenant on est retombé dans plus de calme … Cela bouge moins !

Il y a un chanteur dont j’aimerais te parler dont je te sens proche, c’est Sylvain Vanot ?

Je connais mal sa musique mais on a le même batteur, Philippe Entressangle.

Sur ton dernier album tu as des musiciens de talent : Philippe Entressangle, Jean-Christophe d’Arnell (de la collection d’Arnell Andrea), Lionel Laquerriére (Yan Tiersen) ?

Pour cet album, c’est la première fois que je vais au bout d’une démarche « classique » : j’ai fait des démos, j’ai fait les pré arrangements des morceaux… On a d’abord enregistré basse-batterie à Orléans dans un studio. Et puis Philippe et Lionel sont venus quatre jours et ils font un boulot super, ils connaissaient les morceaux parfaitement. Un enregistrement idyllique, vraiment, avec des mecs super adorables qui sont en plus des grands professionnels. On a travaillé vite et bien. Ensuite on a fait les guitares pendant trois jours avec Sébastien, le guitariste avec qui je joue d’habitude sur scène. Et après on a fait les voix chez GPE un petit studio que je connais bien, Jean Christophe (D’Arnell) est venu faire un titre au piano puis Chloe les voix. et puis PE a mixé dans la foulée. Et c’est sorti en mai 2014.

Sur cet album, tu as une rythmique qui tape plus dur

C’est ce que voulais : un album plus enlevé que les autres.

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(credit photo Stéphane Merveille)

Tes voix et ta manière de chanter rappellent beaucoup Pascal Bouaziz de Mendelson ?

Il y a un côté chanté qu’il n’y a pas chez lui ! Mais c’est vrai que nous avons une manière de chanter qui est assez similaire, c’est le parler / chanter. C’est l’école Gainsbourg ou même Yves Simon dont je suis un grand fan ( !!!!), mais attention : les vieux Yves Simon !

Tu es très présent sur les réseaux sociaux

J’ai senti que c’était le nerf de la guerre, c’est un moyen de garder le contact avec son public. J’ai fait dix dates comme d’habitude, je n’ai toujours pas de tourneur alors que je les ai tous contactés, mais alors tous, et je n’ai eu aucun retour !

La suite des événements ?

Je suis en plein dedans !

(Se tournant vers David de Monospone) : on peut parler de tout chef ?

David : Tu parles de ce que tu veux !

Il y a deux projets sur lesquels je bosse, j’ai commencé en janvier 2015. Il y a un projet de tryptique parce que le label adore ça. C’est un projet avec les trois artistes Français du label : Orsay, Erik Arnaud et Matthieu Malon. Ce sont trois disques qui sortiront cette année, il s’agit de six titres pour chacun qui sortiront en CD et vinyle.

CD et vinyle ?

David : On fait des CD mais notre public aime les objets, il aime le vinyle. Pour le dernier album de Matthieu on l’a fait sur tous les formats, il y avait un vinyle avec le CD dedans pour 15 euros et les ventes de ce support ont bien marché. C’est sûr que le grand public achète surtout des CD et du téléchargement mais nous on est dans un marché de niche avec des gens qui aiment le bon vieux vinyle. Mais c’est clair que c’est un vrai débat et pas seulement chez nous !

Pour le prochain il sortira sur moins de supports ! Donc il y a ce six titres et puis le prochain album que je prépare. Je ne m’occupe absolument pas des concerts, c’est même la première fois, je ne sais absolument pas comment ça va être : seul, en groupe, à deux …

https://www.youtube.com/watch?v=4Rd3fnu0SDM

Tu pourrais refaire comme tes derniers concerts et être seul sur scène ? Ce serait plus facile pour te déplacer, pour jouer …

Pourquoi pas ? Je peux me déplacer partout en train ! S’il y a un ampli, je peux venir avec ma guitare et mon Ipad. Mais pour être franc, je ne supporte plus l’exploitation de ces petits concerts, genre c’est au chapeau, c’est 100 euros … J’en ai marre de ça ! Ok je ne vis pas de la musique et j’ai jamais voulu en vivre ! Pour moi ce que je gagnais avec la musique devait me permettre de financer que la musique : une nouvelle carte son, des enregistrements, des répétitions … Et là c’est la première fois depuis que je fais de la musique que je n’ai pas d’argent d’avance !

Pour en finir sur les concerts je viendrai pour le prix que j’estime que je vaux. Je viendrai par exemple pour 500 euros et pas 499 ! Je ne gagne pas ma vie avec la musique donc je ne vais pas me brader !

Le mot de la fin ?

A bientôt !

Liens internet 

www.matthieumalon.fr
www.laudanum.fr
www.exex.me.uk
www.monopsone.com