Si on commençait par Orléans ?
Orléans, c’est plusieurs étapes dans ma vie ! J’y suis né en 1972. Pour la petite histoire, la clinique dans laquelle je suis venu au monde est maintenant l’emplacement de la FNAC, et j’aime bien imaginer que je suis né dans le rayon indie pop.
Tu commences comment la musique ?
Mes parents me mettent au solfège et je prends mes premiers cours de piano avec Daniel Benzakoun, un pianiste assez connu et qui me donne sans doute le goût du rythme et de la mélodie. Je fais du piano jusqu’à mes 15 ans et c’est l’époque où je découvre mes premiers disques de rock. Le groupe dont j’ai été assez vite fan est Genesis (!!!!!),ce n’est pas très avouable, mais à l’époque je suis hyper fan du groupe, surtout pour la première période avec Peter Gabriel.
Orléans dans les années 80, est surtout marqué par le rock pur et dur, il y a « Chaos Production » (mythique label punk, notamment avec Komintern Sect), les Cry Babies, les Burning Heads… Tu vas faire un son qui tranche énormément avec tous ces gens.
Oui parce qu’avec mes potes au lycée on découvre les Inrocks. Le premier que j’achète c’est le numéro 8. Je me rappelle que sur la couverture il y a les frères Reid les deux leaders de « Jesus And Mary Chain ». Je me prends leur album « Psychocandy » dans la gueule (puis tous les autres) et dans la foulée je découvre The Smiths, Les Sugarcubes, les Wedding Present et toute la scène indie de l’époque.
Du coup ça me semble vite évident, le piano m’ennuie et je veux faire de la guitare électrique. J’en parle à mes parents qui me disent « on te paie des cours de piano, si tu veux faire de la guitare, débrouille toi ! ». Je bosse durant l’été et m’achète une guitare, un ampli et je me fais payer des cours par un copain.
(credit photo Stéphane Merveille)
Et là tu fais ton premier groupe ?
En 1989, il y a d’abord « Les puérils » ! Bon il fallait vraiment supporter un nom pareil ! On avait 17 ans et on était que des copains sans grande unité musicale : on aimait tous des trucs différents. On faisait des reprises, notamment Noir Désir.
Puis je monte un autre groupe « Lost ». Un mélange de rock et de post punk, on est influencé par le Clash et puis Wire (je viens juste de découvrir « Pink Flag » qui va beaucoup me marquer). C’est un autre son : plus large, plus riche …
Tes références à l’époque c’est le post punk et l’indie ?
Oui, et en même temps je suis la scène Orléanaise : Je suis un fan des Cry Babies ! Je vais à tous leurs concerts. J’essaye de copier la wahwah de leur guitariste Alain.
Je découvre alors la scène Shoegaze. J’assiste au premier concert de « Ride » à Paris en première partie de « House of love » et là je rejoins un groupe qui est déjà formé et qui cherche un guitariste : Yole. On fait deux ou trois démos. Cela dure deux ou trois ans, on termine même en beauté par la première partie des Boo Radleys à Orléans en 93. C’est l’époque à laquelle je pars faire mes études en Arles dans le sud, c’est la première fois que je quitte ma ville !
Comme je ne connais personne là bas et que j’ai peur de m’ennuyer ou d’arrêter la musique, je m’achète un premier magneto quatre pistes et une boite à rythmes. Cela me permet de commencer à composer. Comme ma copine de l’époque vient souvent me voir et que je remonte aussi régulièrement à Orléans, je commence à composer avec elle, on découvre tous deux qu’elle a une super voix et elle se met à jouer de la basse. C’est le début de « Joe Shmo » mon premier groupe vraiment sérieux, en tout cas celui qui me fera repérer par les médias spécialisés. Ce sera le groupe pop important d’Orléans, qui va exister pendant cinq ans, de 1993 à 1997. On va enregistrer plus de 100 chansons.
Quelles sont tes influences à l’époque ?
Je commence doucement à m’orienter vers un son plus américain, plus musclé : je découvre Nirvana avant la sortie de « Nevermind », je suis un vrai fan de leur 3e album « In utero », j’adore la production de Steve Albini. Forcément j’écoute Shellac (le groupe de Steve Albini Ndlr) mais aussi R.E.M. et Sonic Youth. Je continue aussi à écouter de la pop anglaise notamment Pulp. Mais je me sépare de ma copine et donc logiquement on arrête le groupe. On fait un dernier concert en première partie de Collection d’Arnell Andréa en décembre 96.
Et là tu commences ton projet laudanum ?
J’étais revenu à Orléans après mes études. Pendant un an et demi j’ai composé des morceaux sur mon quatre pistes sans savoir où j’allais vraiment, sans but précis. laudanum faisait partie de ces choses là, d’abord juste comme un projet que je faisais seul pour passer le temps, m’amuser, en Anglais et avec une boite à rythme.
Ce qui est incroyable avec le premier disque de laudanum, c’est qu’il s’agit du disque parfait à ce moment-là et pourtant il restera assez confidentiel.
C’est ce qu’a dit Yvan Smagghe quand il a présenté mon disque dans l’émission de Bernard Lenoir sur France-Inter. Je pense que le label (Monospone qui est toujours mon label d’ailleurs), n’avait pas encore trouvé son rythme. Mais le disque a été encensé par les Inrocks, diffusé sur France-Inter, numéro 2 comme album de l’année chez Magic ! Pour moi être reconnu par ces gens-là me suffisait !
Tu mènes en parallèle deux projets un en Français (Matthieu Malon) et en Anglais (laudanum), tu es schizophrène ?
Non je ne pense pas (rires). Disons que je n’aime pas les gens qui mettent deux chansons en anglais sur un album majoritairement en Français ! J’aime le rock, j’aime la pop, j’aime l’électro, j’aime la chanson… Pourquoi faut-il se restreindre à un style ? En même temps, mes trois disques de Matthieu Malon ne se ressemblent pas beaucoup !
(credit photo Stéphane Merveille)
laudanum n’existe plus ?
laudanum n’existait plus ! En 2009 j’ai décidé d’arrêter ce projet, pensant avoir fait le tour de la question, mais depuis quelques mois je me demande si ne vais pas relancer l’histoire. J’ai réécouté le premier disque récemment et ça m’a titillé.
Tu rapprocherais laudanum de quoi ?
C’est de l’électro pop ou électro rock, pour moi les influences vont de la découverte du sampling et de DJ Shadow avec « Endtroducing », jusqu’à « Death in vegas », qui sait justement mélanger à la perfection le rock et l’electro.
Bon on parle de Matthieu Malon, le chanteur ?
En parallèle des compositions de laudanum, je compose une demo en français que je mets sur une cassette, début 1997. Je rencontre alors le Village Vert (le label) qui vient à Orléans pour un showcase de Autour de Lucie, je fais le son du groupe ce soir là. A ce concert, je rencontre donc Fréderic Monvoisin, qui est le boss du Village Vert. On passe une super soirée ensemble à boire des coups et je lui donne ma cassette.
A l’époque tu connaissais ce qu’ils faisaient ?
Oui bien sûr, je connaissais l’album de reprises de Joe Dassin, l’album de Autour de Lucie qui cartonnait mais aussi les William Pears. Trois semaines plus tard, le 21 juin 1997, mon téléphone sonne et c’est Frederic Monvoisin qui me dit : « j’écoute ta cassette en boucle, je prépare une compilation de découvertes qui va s’appeler « Panorama », je te veux dessus ! ». Il me signe pour un morceau, et puis rapidement les premiers échos de la compilation sont très bons et il me propose de faire un album. Et je ne m’y attendais pas ! C’est un label Parisien, qui est reconnu … Je me demande ce qui m’arrive ! Et je vais mettre trois ans à faire l’album !
Pourquoi ?
D’abord je commence à bosser, j’emménage à Paris … Tout ça prend beaucoup de temps et en même temps je ne suis pas très rapide …
Tu es marqué par quoi à l’époque ?
J’écoute beaucoup Diabologum, leur album #3 a été une vraie claque et puis toute l’écurie Lithium avec Dominique A, Jérôme Minière (un Orléanais comme moi !) et tous les groupes qu’ils sortent, mais aussi l’écurie Rosebud ! C’est la période où je me mets à écouter beaucoup des groupes français.
Tu vas faire les deux projets en parallèle (laudanum et Matthieu Malon) ?
Oui l’idée est bien de faire les deux projets en parallèle ! Quand je quitte le Village vert et je fais des démos pour le 2e album, je décide de démarcher les maisons de disques pour la première fois de ma vie. Je me prends un grosse baffe ! Je tourne assez peu et pourtant je veux à tout prix faire écouter ces chansons ! Je commence alors à maitriser les outils internet, je décide de créer mon premier site et hop je donne gratuitement le deuxième album de Matthieu Malon. Même si cela reste des démos, je trouve que les titres sont vraiment bons. Mon objectif était d’aller à Chicago l’enregistrer chez Steve Albini. A la place les chansons ont été mixées à Orléans par PE, l’ingénieur du son avec qui je travaille depuis le début à Orléans.
Tu es marqué par quelque chose en particulier à cette époque ?
Un peu la même chose, pas vraiment d’évolution dans mes goûts et mes influences. Je fais un nouvel album de laudanum, un disque qui me tient à cœur parce qu’il s’agit d’un disque de collaborations. J’écris des titres puis je propose à plusieurs artistes que j’aime beaucoup de venir chanter sur ce projet et ça marche : Angil, Laetitia Sheriff, Christian Quermalet (chanteur des Married Monk…). On a tout fait à la maison, puis PE s’est à nouveau occupé de mixer tout ça.
Personnellement je trouve que ton son se durcit à cette époque
Il se durcit, il se noircit, il est moins mélodique : c’est la fin d’un cycle ! Pour l’occasion J’ai monté un groupe pour tourner avec deux mecs de Poney Club, un groupe d’Orléans. On a fait quelques concerts (une grosse dizaine) avec notamment une date en première partie de Sparkelhorse au Trabendo ! Un groupe que j’adore En juin 2010, le projet s’arrête et je me dis « c’est terminé, j’ai fait le tour du problème ! ».
https://www.youtube.com/watch?v=Z4cHppP869w
Et au milieu de tout ça arrive un autre projet : EX EX !
Et oui ! Je connais un graphiste qui s’appelle Simon, qui est notamment mon pochettiste et qui est aussi batteur i ! Au bout d’un certain temps on se dit « pourquoi pas faire un truc ensemble ? » Il est fan d’électro et moi aussi alors banco. On a fait un Ep, puis un autre, encore un autre et on a rassemblé tout ça sur une compilation qui s’appelle « The Three EP’S ». L’idée est juste de se faire plaisir sans pression, sans aucun aspect mercantile : c’est une récréation. Pour le premier EP, on s’est caché derrière des masques, on a même créé des faux profils sur Facebook, faisant croire que nous étions anglais. Le seul qui va en parler, c’est JD Beauvallet sur le site des Inrocks, en annonçant que nous sommes un groupe de Leeds. Ca nous a fait très plaisir.
Il y a un nouvel Ep en préparation : les morceaux sont sur un bout de disque dur depuis deux ans, mais je n’ai pas le temps de m’y mettre…
Avant de parler de ton dernier disque, je voudrais que l’on évoque Daniel Darc
Beaucoup de gens m’ont comparé à Taxi Girl, que j’ai écouté très jeune, et c’est vrai que l’on peut nous rapprocher pour le côté minimaliste synthétique. A sa mort j’étais en train d’écrire ce nouvel album et j’ai voulu lui rendre hommage. Je reprenais souvent un morceau de Taxi Girl en concert, « Les jours sont bien trop longs ». Je l’ai rencontré une seule fois et il m’a embrassé ! Il a entendu ma reprise de son morceau par l’intermédiaire de notre batteur commun de l’époque : Philippe Entressangle.
(La suite la semaine prochaine )
les liens :
www.matthieumalon.fr
www.laudanum.fr
www.exex.me.uk
Le label : www.monopsone.com