"Il est vivant !!! Non, pas Jésus, (enfin j’en sais rien, peut-être après tout ?? Mais lui j’arrive pas à le choper pour l’interviewer ! Il être doit over booké…) Pas non plus Zulawski qui nous a quitté trop tôt – ou trop tard pour ma chronique, elle était déjà bouclée ! Tant pis, les morts peuvent attendre… – Non je parle d’Alexandre Heboyan, l’un des coréalisateurs du film d’animation « Mune, le gardien de la lune » qui sort en DVD le 18 février. Une chance de vous rattraper si vous l’avez manqué au cinéma cet automne !"
E.P : Le cheveu soyeux, la barbe bien taillée, on pourrait le prendre pour un hipster ce jeune réalisateur, s’il n’avait pas dans le sourire autant de douceur, et dans le regard quelque chose d’un peu ailleurs… Bonjour Alexandre Heboyan !
A.H : Bonjour Emma ! Tu as découvert que je viens d’une autre planète ! Mais ça reste entre nous…
E.P : Ok, promis-je ne dirai rien ! Mais au moins tu es vivant et bien vivant. Ça fait plaisir de pouvoir échanger avec un de mes congénères ! J’avoue qu’avec les zombies, la conversation était un peu limitée… Du coup je suis toute intimidée, tu es mon 1er vivant, fait de chair et de sang !! Alors ça te fait quoi ??
A.H : Et bien, faire un premier film ne m’a pas zombifié, alors jusqu’ici tout va bien. Et je préfère être interviewé par une vivante que par une zombie !
E.P : Oui je te comprends… ! Et qu’est-ce que tu aimes dans la vie ?
A.H : Vaste question ! Beaucoup de choses, notamment artistiques. J’aime aller au cinéma, voir des films, des spectacles. J’aime beaucoup la photo, et la musique. Tous ces arts sont très liés et participent à ce que je fais en réalisant des films. En ce moment, j’ai un coup de cœur pour une BD nouvelle génération qui se lit sur Ipad, très inventive, réalisée par une ex Gobelins comme moi, Marietta Ren. Ça s’appelle Phallaina, et c’est disponible gratuitement sur toute bonne tablette ! Un petit chef d’œuvre.
E.P : C’est vrai que c’est sympa tout ça ! Je ne sais pas pourquoi on a tendance à la dénigrer (la vie) ou disons plutôt à minimiser ses bons côtés… C’est bien un truc de vivants, ça… Bref, parlons de ton film ! (C’est quand même un peu pour ça qu’on est là…) Mune est ton 1er long, quand tu l’as terminé tu te sentais comment ? Comme après un accouchement ?? J’espère pour toi que c’était quand même moins douloureux ! …
A.H : Le parallèle est intéressant ! Il y a une longue période de gestation pour un film, pendant lequel il se pense, se finance, se prépare. Ça peut durer des années, 5 ans quand même pour Mune ! Puis on fabrique le film avec des dizaines de personnes différentes (100 pour Mune au total) pendant 2 ans. C’est intense et difficile. Et puis c’est terminé, pouf, le film est fini. On se retrouve un peu sonné au réveil. Avec un bébé à ses coté ! Celui-ci est bleu, il a de grandes oreilles, et deux papas ! Car j’ai réalisé ce film avec Benoit Philippon, un réalisateur scénariste.
https://www.youtube.com/watch?v=BtxM-UUw-50
E.P : Deux papas pour un bébé c’est tendance ! Et vous avez eu le baby blues une fois cette belle aventure terminée ?!
A.H : C’est le risque oui… Pour ma part j’avais déjà la tête dans un autre projet quand j’ai terminé Mune, ce qui est encore le meilleur remède contre le blues de « fin de prod ».
E.P : Être à deux pour faire un bébé je sais comment ça marche, mais un film… on se répartit comment les tâches ? Comme dans un couple ? L’un fait la popote pendant que l’autre boit sa bière ?!…)
A.H : Oui c’est un peu comme un petit couple ! On a intérêt à s’entendre, à se respecter, parce qu’on va faire des milliers de choix chaque jour, et il faut être en accord l’un avec l’autre. C’est comme choisir toute sa maison dans un Ikea géant avec son/sa partenaire ! Comme Benoit venait du film (de prise de vue réelle), son profil était très complémentaire du mien, orienté animation. On a vraiment fait ce film à 4 mains, notamment pour la mise en scène, où chaque décision était prise de concert.
E.P : Ah oui, je vois bien ce que tu veux dire !! De toute façon toute association nécessite respect, adaptation et compromis… C’est du boulot !! Et l’idée de l’histoire ça vient d’où ? Le gardien de la lune, le soleil qui se fait voler… Les astres t’inspirent apparemment ! Tu étais souvent dans la lune étant petit ou bien tu étais amoureux de Mme soleil ?…
A.H : C’est Benoit l’auteur de l’histoire originale. Il est parti d’une idée toute simple : un personnage qui décroche la lune. Que se passerait-il si on enlevait cet astre du ciel et qu’on le gardait pour soi ? De cette idée est née Mune, le faune lunaire, son opposé Sohone, le flamboyant gardien du soleil, et Cire qui est entre le jour et la nuit. Puis il a trouvé un producteur. Mais Benoit n’avait jamais fait d’animation avant Mune, ils ont donc décidé de rechercher un réalisateur pour former un duo avec lui. On se connaissait à l’époque, car nous avions un ami en commun qui était mon co-réal sur mon film de fin d’études « La migration Bigoudenn ».
https://www.youtube.com/watch?v=8bqp9cJ4L0U
E.P : Vous avez une imagination foisonnante tous les deux ! Le film est riche. Il faut prendre beaucoup de drogue pour ça, non ??
A.H : Même pas je le jure ! A part des amphétamines au petit dèj, le midi et le soir après le repas. Sinon rien d’autre.
E.P : Oui trois fois rien en effet… Alors tu marches à quoi toi ? C’est quoi ton carburant ? C’est l’amuuuur ??!
A.H : C’est la passion… ! Et puis mon côté un peu lunaire, par les pieds sur terre, que j’ai toujours eu. A force d’imaginer les choses, on plane un peu !
E.P : Oui, et sans avoir besoin de prendre des bonbons magiques !! (Ça vaut pas le coup que j’essaye alors…) Bon Mune, ça y est c’est fini, donc tu fais quoi maintenant ? Tu parlais d’un autre projet…
A.H : J’ai un projet de film assez fou que je développe depuis la fin de Mune, C’est un grand conte qui s’appelle Titans, dont je termine l’écriture en ce moment même. Et aussi l’adaptation d’un très beau livre pour enfants qui s’appelle « le Yark » !
E.P : Alors pas de répit, pas de repos dis donc ?! Ben moi j’ai hâte de voir tout ça ! Si c’est aussi beau que Mune, ça promet de nous faire encore rêver…
A.H : C’est le but, on y travaille ! RV dans quelques années.
E.P : J’y serai ! Mais en attendant, en deux mots, qu’est-ce que tu aimerais qu’on dise de ton film ?
A.H : J’aimerais qu’il inspire. C’est un imaginaire qui parle beaucoup aux enfants, qui sont dans un monde où l’imagination est reine.
E.P : Ça parle aussi aux adultes ! À moi en tout cas. Mais c’est peut-être parce que j’ai gardé un peu de mon âme d’enfant ?… Alexandre Heboyan merci de m’avoir accordé ce moment. Ce fut un plaisir de discuter avec un vrai vivant !! Une dernière question, que nous nous posons tous probablement : tu comptes faire quoi après ta mort ??
A.H : Je repars pour une autre vie, il m’en reste 3 je crois… (ou 4 faut que je regarde)
E.P : En tout cas n’hésite pas à passer me voir – que je sois encore là ou pas ! – tu sais moi, mort ou vivant, tout me va ! Mais j’avoue, aujourd’hui je me dis que j’ai une petite préférence pour la vie…
https://www.youtube.com/watch?v=nDQzgyaTSys