Peux-tu te présenter ?
Matthieu Miegeville, je suis artiste. Je chante, j’écris. Je suis né à Toulouse, mais je n’ai pas l’accent.
Quel a été ton parcours musical ?
Je suis tombé dans la marmite du métal par hasard à la sortie du lycée ; c’était une école très formatrice. J’ai toujours un bon pied dans cette esthétique. Et depuis le début, j’écris des textes en français et tente d’apporter une touche de poésie dans mes différents projets. J’ai pu développer ça dans Agora Fidelio pendant plusieurs années, puis Terre Neuve Collective, pour en arriver à l’évidence de la création de ce projet personnel qui porte mon nom : Miegeville.
Comment décrirais-tu ta musique ?
De la chanson moderne, pour éviter toute classification prise-de-tête. C’est large, au moins, comme définition.
Tu as participé et participes toujours à des groupes plus « durs » : comment s’est fait ce grand écart musical ?
J’avais l’envie de mettre le texte et l’intimité de la voix au centre du propos, ce qui est souvent antinomique avec les musiques dites « dures » qui sont par définition chargées en décibels. Ce qui me touche souvent le plus, c’est le minimalisme de certains projets, qu’ils soient pop ou hardcore.
Quelles sont tes influences sur le projet Miegeville ?
On pourra citer des artistes qui m’ont marqué depuis longtemps comme DOMINIQUE A ou William Sheller, pour les francophones. Nick Cave ou David Eugene Edwards (16 Horsepower / Wovenhand) pour les anglophones. Et divers projets plus récents, de Christine and the Queens à Terre Noire.
Quand et comment est né ce projet ?
Il y a un peu plus de deux ans. J’avais l’envie d’assumer jusqu’au bout cette envie d’intime, de creuser quelque chose de personnel et de profond. Au bout d’un moment, les amis avec lesquels j’avançais m’ont dit qu’ils le faisaient avant tout pour moi, parce qu’ils aimaient travailler avec moi, pas pour la beauté d’un étendard, c’est même Arnaud Barat (mon collègue guitariste compositeur, que je côtoie également dans Cancel the Apocalypse) qui a trouvé le patronyme du projet, quelque part
Ta bio te décrit comme un poète toulousain : es-tu d’accord avec ce terme ? Ne préfères-tu pas troubadour ?
« Troubadour », j’ai l’impression de chanter avec un bonnet à grelots et des collants rouges, donc non. « Toulousain », honnêtement, je n’ai aucune fierté sur l’endroit où je suis né, je ne l’ai pas choisi. Il reste « poète », oui, ça me va très bien. J’ai mis du temps à accepter ce terme car la poésie est souvent raillée, c’est un truc de fragiles pour certains, un truc qui fait sourire les durs-à-cuire, et économiquement, on te fait bien comprendre que c’est un truc qui ne fait pas vendre. Mais c’est ce que je fais de mieux, je crois.
Quelle est l’importance de Toulouse sur ta musique, sachant que depuis Claude Nougaro la ville a une tradition musicale de chansons « à textes » comme toi ?
Aucune importance réelle. On ne choisit pas où l’on nait. J’ai écrit mon dernier livre à ce sujet : « Là où convergent les points cardinaux. » La quatrième de couv’ dit ça : « Je crois que je n’ai jamais connu un endroit sur Terre ou` j’ai pu dire : « Ici, je me sens bien, c’est chez moi. » C’est une chance. »
Ton style d’écriture est très marqué par la « nouvelle chanson Française ». Te sens-tu à l’aise avec cette scène ?
Ah. Je ne sais pas exactement ce que c’est, la nouvelle chanson française. Je me sens à l’aise avec des humains, s’ils sont sympathiques et pourquoi pas talentueux, avant de me sentir à l’aise avec une « scène ». Je ne défends pas un style ou une bannière. Je passe aussi de bonnes soirées avec un bon vin rouge avec des gens qui proviennent de la « vieille chanson française ».
Tu mélanges facilement et tranquillement le rap, la chanson en passant de chansons d’amour à des textes plus revendicatifs comme « les portes », est-ce un besoin ce mélange sachant que souvent on est dans un pays qui n’aime pas trop ce genre de mélanges ?
J’essaie de ne pas calculer, pour rester spontané et vrai justement. Le résultat est en effet hétéroclite avec différents styles qui cohabitent autour d’une cohérence sonore et vocale. Je pense comme tu le dis que ça me dessert d’un point de vue stratégique et commercial. Ça serait plus simple si les pros pouvaient me ranger dans une case. Mais je pense qu’on comptera les points dans quelques années et que je ne serai pas forcément perdant avec cette volonté d’ouverture.
Quels ont été les principaux concerts que tu as fait avec ce projet ?
J’ai eu la chance de rencontrer des artistes talentueux, que je respecte comme Bertrand Belin ou Eiffel. J’ai fait des concerts intimistes dans des galeries d’arts magnifiques à Paris, aux côtés du talentueux Govrache. J’ai joué sur de belles scènes, dans de belles salles, des fois des SMACs et des fois des centre-culturels. Mais j’aimerais citer au final les concerts chez l’habitant que je développe, ils vont dans le sens de l’âme du projet : revenir à l’humain, aux sentiments puissants, aux sensations intérieures, sans apparats sans mensonges sans grandiloquence.
Qui sont tes musiciens de scène et de quels horizons viennent-ils ?
Olivier Castellat, guitariste. Il vient du milieu pop-rock avec en même temps une connaissance classique remarquable, dû à ses années de conservatoire. Edouard Bertrand, pianiste. Après des études classiques, il est venu à œuvrer dans divers groupes intéressants par leur métissage, que ce soit Line ou Fanel. Il est tout-terrain.
Tu as sorti un premier album Est Ouest : pourquoi ce titre ?
C’est lié à la réflexion de mon dernier livre « Là où convergent les points cardinaux » sur ce qui représentait réellement nos vrais repères. Notre propre boussole, est-elle guidée par des endroits ou par des humains ? Dans ma boussole, ce sont les êtres qui constituent ces points cardinaux. Et l’Est et l’Ouest représentent l’ancrage familial, paternel et maternel.
Il a été fait où et avec qui ?
Au Studio de L’Imprimerie, avec Serge Faubert, qui a toujours eu un regard bienveillant et pertinent sur mes chansons.
Quelle est ta « position » sur la scène Toulousaine ?
Elle est plurielle. Je viens donc de la musique dure, notamment du métal pour faire simple. Et je me suis construit, avec mes collègues de l’époque, Psykup et Antistatic en tête, puis Jerkov, en étant avant tout un activiste de la scène. Nous avons organisé non pas des dizaines, mais peut-être des centaines de concerts en tout. En essayant de programmer des choses intéressantes, en aidant les copains, en tendant la main à des petits groupes. C’est une position qui est aussi casse-gueule car vous êtes sur le devant de la scène. Vous n’êtes pas l’artiste mignon au fond de son garage, que tout le monde aime bien parce qu’il est justement au fond de son garage Il n’y a que ceux qui « font » qui sont jugés et j’ai souvent ressenti ce jugement. Particulièrement de ceux qui ne me connaissent pas ou qui ne m’ont jamais parlé ! Je me suis construit avec mes mains, dans tous mes projets, à la sueur de mon front et de celui de tous mes ami.e.s musicien.ne.s. Je connais les différents réseaux et j’ai un profond respect pour celles et ceux qui agissent, produisent, créent, et sont dans l’action, et ils.elles sont nombreux et talentueux à Toulouse.
Comment cela se passe sur scène ?
Je rentre sur scène, je dis bonjour, puis on joue des chansons avec les copains. Il y a Olivier Castellat à la guitare et Edouard Bertrand au piano. Je me sens comme un poisson dans l’eau dans ce projet sur scène, tout est simple et limpide. J’essaie de créer une atmosphère conviviale. Je ne crée pas une chappe de plomb pour jouer à l’artiste maudit. J’aime rire avec le public et passer simplement un moment agréable et humain.
Quels sont tes projets ?
Outre le fait que je continue à présenter l’album « EstOuest » avec ce projet perso qui porte mon nom, je sors aussi d’autres disques avec les copains de Psykup et de MY Own Private Alaska. Avec le premier, c’est un gros album qui sort tout début février, sur lequel on a beaucoup travaillé. C’est mon groupe de lycée, mon groupe de cœur au sens familial avec mes demi-frères Julien Cassarino et Brice Sansonetto, avec qui je joue depuis plus de vingt ans maintenant ! Avec le deuxième (Mopa), on sort un EP de titres rares, de b-sides, et de lives, pour faire patienter nos fans jusqu’à un gros album qui verra le jour en 2022. Cet EP présente l’évolution du groupe dans une trajectoire à la fois moderne et cohérente avec le passé, et surtout hyper qualitative, nous sommes hyper fiers du travail sur le son, notamment avec Jan Kerscher (Allemagne) et Magnus Lindberg (Suède).
Quel est ton avis sur la situation actuelle : concerts compliqués, peu de salles ouvertes …
Pour moi, c’est une honte de voir les salles fermées. Il serait simple de les ouvrir avec un protocole strict : public uniquement assis pour le moment, gel et masque pour tout le monde. Pas de bar, même, si on veut pousser le bouchon de la précaution, mais ce ne sont pas les lieux de culture qui sont les lieux de contamination, des études l’ont montré. Et ce désert culturel, et surtout ce manque de loisirs rend les gens fous, moi le premier. On a besoin de s’évader, de rire, de partager. S’il faut le faire avec des protocoles contraignants pour le moment, je suis le premier à jouer le jeu, mais il faut rouvrir les lieux culturels. On s’occupe du Covid mais très peu du mal-être des gens.
Le mot de la fin : tu peux dire ce que tu veux ?
Si vous voulez soutenir vraiment un artiste, ne faites pas que l’écouter sur Deezer. Achetez-lui un disque, un t-shirt, un poster, n’importe quoi. Les artistes crèvent, c’est une réalité. Le monde de demain a été pensé en prenant la part des artistes comme « valeur ajustable » du modèle économique de la musique. Ceux qui se gavent n’ont pas besoin de nous. Spotify va très bien, Apple Music aussi. Mais on doit prendre soin de ceux qui fournissent le contenu à ces structures. Sans nous, ils ne sont rien. Et pourtant…
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