Rencontre avec Soan, un artiste libre …

vendredi 13 mai 2016, par Franco Onweb

Soan ! Comme beaucoup, j’avais l’image d’un chanteur vaguement rebelle qui trainait une image de vainqueur de la Nouvelle Star. Et puis, j’ai écouté son nouvel album, j’ai rencontré le type et depuis je l’affirme : le disque est splendide et Soan est un grand ! Loin de l’image totalement réductrice d’une émission de télévision grand public qui le précipita sous les feux de la rampe il y a un grand artiste, libre, cultivé et brillant.

Vous en doutez ? Vous avez tort ! La preuve ci-dessous

Tu sors ton quatrième album (« Retourné vivre ») le 6 Mai sur un nouveau label (« Nota a Bene ») avec un concert à la Cigale le 25 Mai : un nouveau départ ?

Après mon troisième album, j’ai quitté Sony ou plutôt Sony m’a quitté ! Ils m’ont proposé des trucs, on a discuté et ça n’a rien donné … Et puis Hervé (Lauzanne Ndlr ) mon ancien DA de chez Sony montait son label. Il m’a proposé de le rejoindre.

Droits réservés

I l y a eu d’autres changements importants : tu as quitté Paris !

Ouais, j’ai quitté Paris pour un petit bled au-dessus de Agen : Puymirol.

C’était important pour toi de partir ?

Ça a été capital oui ! Là-bas j’étais traité comme un mec normal. J’ai arrêté tous mes excès, toutes mes mauvaises habitudes… Les gens, ils se foutaient totalement de Soan, de la Nouvelle Star et tout ça … La seule chose que l’on me disait c’est : « tu veux boire un coup ? » (Rires)

Tu as écrit l’album là-bas ?

Oui, mais ensuite pour des raisons personnelles j’ai déménagé à Narbonne, où je suis toujours. C’est là que l’on a fait les maquettes. J’ai ensuite enregistré à Saint Jean de Luz dans le studio que « Quicksilver » a monté dans ses locaux. On avait une belle maison et le soir je faisais la popote : je me suis découvert des talents de cuisinier depuis deux ou trois ans.

Tu as fait cet album avec ton réalisateur habituel, Frederik Rubens ?

J’ai réalisé ! Il était là juste pour m’épauler et pour m’aider, je revendique la production ! Disons que lui il comprend ce que je raconte et ce que je veux faire : on gagne du temps ! Mais c’était clair depuis le début : je faisais la réalisation et lui m’aidait notamment pour apprendre. C’était un peu mon CAP (rires)

Tu as aussi réalisé un crowdfunding pour cet album ?

Les gens m’en parlaient depuis un moment et Hervé m’a proposé ça comme solution, pour faire un disque avec autant de moyens qu’avant. Mon projet à moi, c’était de faire un disque à un euro avec des potes : je leur filais des points de production et d’édition. Ça s’annonçait compliqué. Surtout que je ne suis pas un grand logisticien et gestionnaire, et lui me proposait un truc par des biais nouveaux. Du moment que on me permettait de faire un disque dans de bonnes conditions, j’étais d’accord. C’était aussi un moyen de voir si mon public allait me suivre et ils m’ont vraiment bien suivi.

Plutôt bien même, tu as le record en France : 45 000 euros en 29 heures ! Ton disque est superbe avec beaucoup d’influences différentes. Par exemple « colocation » sonne Rockabilly presque …Il y a aussi une rythmique très en avant et des guitares très présentes qui sonnent parfois rock, ou parfois blues avec de la slide.

Ouais certains de mes musiciens font partis d’un groupe de Rockab’ et cela s’entend ! En ce qui concerne la production, c’est mon choix, mon son ! Avant je faisais confiance à mon réalisateur, jusqu’à ce qu’il me déçoive sur le troisième album. Pour celui-là, je lui ai dit : « Tu viens, mais c’est moi et seulement moi qui décide ! »

Ton son n’a rien d’Anglais, il est même plutôt Américain ?

Tout d’abord j’ai un peu de sang Irlandais et cela joue je suppose, ensuite je bosse avec des gens de pleins de pays et je pense que notre point commun c’est le son Américain ! Le côté British avec petites cravates et des coupes droites ça m’ennuie atrocement ! La pop m’emmerde à un point !

C’était donc ton choix de mettre ta voix au même niveau que les guitares ?

Oui, c’est comme les musiques que j’aimais dans les années 90, le grunge et la scène post-grunge : Nirvana, les Butthole Surfers ou les Meats Puppets ! Ce que j’adorais, sur leurs disques, c’est que la voix il fallait aller la chercher !

Droits réservés

En plus il n’y a pas la moindre trace d’électronique

 Oh non ! Je déteste ça ! Pas d’ordinateurs, pas de samples, rien ! On a tout enregistré en dix jours ! Comme un album des Doors : 16 morceaux en dix jours !

Tu as même un morceau ou tu fais du rap

En fait, je viens de là ! A 17 ans j’avais un groupe de Ragga hip-hop et un groupe de métal hardcore !

Il y a aussi des balades où la référence à Mano solo est évidente

Mano c’était mon grand frère … (Silence)  ! Il m’a beaucoup aidé : il m’invitait sur radio Aligre et au petit matin on avait des conversations philosophiques après avoir fait n’importe quoi toute la nuit ! C’était un combattant, il m’a appris que la révolution c’est personnel et pas un truc de grand public ! Avant de fédérer les gens pour une cause, il faut d’abord faire sa propre révolution !

Sur scène tu arrives à mélanger tout ça facilement ?

Bien sûr, sinon je m’ennuie et je m’ennuie très facilement dans la vie ! Mais tu sais on faisait déjà ça sur scène : quand un morceau était rock, il explosait vraiment en concert !

Avec ce disque as-tu conscience de la place incroyable que tu as de faire progresser ton public artistiquement, de lui faire découvrir pleins de musiques différentes ?

Pas vraiment, si je raisonnais comme ça, je me mettrais à écrire en fonction des autres et ça je ne le veux surtout pas ! Mon troisième album c’est ce que j’ai fait, j’ai écrit en fonction de et à l’arrivé il est raté !

Ce troisième album, on a l’impression que tu le rejettes totalement !

Je suis le premier à dire : l’achetez pas ! Il est toujours en vente sur I Tunes et autres mais surtout ne l’achetez pas (fort dans le micro Ndlr)  ! Il n’est vraiment pas abouti, bâclé … A part la chanson sur Daniel Darc qui s’appelle « Rêvez d’en haut » et uniquement parce que c’était un pote… Ah s’il y a une chanson piano / voix qui s’appelle « Conquistador » … le reste pff….

Tu le connaissais Daniel Darc ?

On avait des relations communes, on se croisait chez des gens ….

Puisque on parle de gens qui te sont proches on peut évoquer aussi Christian Olivier (chanteur des Têtes Raides Ndlr)  ?

Tous les deux on s’est rencontré au bar, je le trouvais marrant et je lui ai demandé ce qu’il faisait dans la vie, il m’a répondu : « je fais Tête Raide ! », véridique (rires)  ! Après il m’a signé un contrat sur « mon pauvre ami », sa boite d’édition.

Il a joué avec toi ?

Oui, il est présent sur mon deuxième album ! La grande différence entre lui et moi c’est que moi je ne dis pas grand-chose avec beaucoup de mots et lui pleins de choses avec peu de mots !

Tu sais comment cela va être sur scène ?

Comme sur le disque : on sera cinq avec deux guitares dont un guitariste qui joue dans un groupe qui sont un peu les White Stripes Français. Ils ont fait la première partie de Iggy Pop et le mec a un son de fou. En plus il est luthier, donc je peux te dire qu’il sait que ce qu’il y avant et après son jack 

Soan en Show Case
Droits réservés

Tu vas faire des reprises ?

Pas vraiment ! Parfois je fais une reprise de Tom Waits « Greys skies ». J’adore son côté bricoleur, tout comme j’aime les mots chez quelqu’un comme Jacques Bref !

A propos de Jacques Brel, c’est une influence majeure pour toi ?

Mon père ne m’a pas apporté grand-chose dans la vie à part Janis Joplin et Jacques Brel… Ce n’est déjà pas mal ! Il a raté tout le reste … c’est dommage !

Tant que l’on est à parler de ta jeunesse, j’ai vu que tu viens de Annemasse et qu’à 17 ans tu t’en vas de chez toi

Ouais, je suis d’abord allé squatter chez tous les potes que je pouvais et ensuite j’ai eu envie de faire des trucs seul ! J’ai fait la manche, des cafés concerts …

En 2004 tu as fait la manufacture de la chanson ?

Ouais, ça par contre ça m’a gonflé un peu … Mais là-bas j’ai rencontré des gens super !

Bon, puisqu’il faut en parler, on va en parler : en 2009 tu as gagné la Nouvelle Star. Est-ce que cela n’a pas créé une image faussée de toi, dans la mesure ou des gens qui peuvent aimer ce que tu fais se refuse de le faire à cause de ça ?

Ouais, c’est compliqué parfois ! J’ai un peu de mal à séduire des gens qui seraient susceptibles d’aimer ce que je fais à cause de cette image.

Tu veux dire que la Nouvelle Star c’est un accident pour toi ?

Un accident heureux oui ! Ça a été un formidable accélérateur de carrière !

Tu n’as eu pas peur de devenir le rebelle de service ?

Non pas vraiment, je ne suis pas un rebelle ! Je suis un mec qui fait ce qu’il veut : c’est pas pareil ! La vie est suffisamment chiante comme ça ! Si en plus on doit être avec des donneurs d’ordre autant arrêter tout de suite. Faire ce que je veux c’est mon petit pansement à la vie. Pour être un rebelle il faut avoir un truc à défendre, une révolte….

Beaucoup d’artistes qui sortent de ces émissions ont une espèce de post adolescence assez niaise, on pouvait imaginer qu’après la Nouvelle Star tu allais tomber dans ce travers

Ah, ah, ah … Pourtant j’ai essayé ! Après la Nouvelle Star j’ai essayé de trainer dans les soirées à la mode et je suis vite retourné à mon petit bar. C’est là où il y a les « vrais gens », mes potes qui en ont rien foutre de tout ça. Tu sais j’ai commencé jeune à écrire. En fait, dès que j’ai vu des gens sur scène, j’ai eu envie de faire des chansons et de chanter : mes premiers trucs potables, enfin presque, j’avais 14 ans. Dès le début je ne rentrais pas vraiment dans le moule pour ce genre de trucs.

C’est grâce à la Nouvelle Star cela tu as pu jouer avec Jean Corti, l’accordéoniste de Brel aux Bouffes du Nord en 2009

Ouais, c’est un super souvenir ! Depuis sa mort l’année dernière j’ai du mal à en parler. J’ai rencontré un enfant de 84 ans, ça fait partie des gens qui m’aiment et que je ne mérite pas !

Brel, donc ta grande influence mais en écoutant ton disque j’ai pensé à pleins de gens : je pourrais citer, Morrison, Nick Cave …

J’adore les deux ! Tu peux rajouter Lou Reed mais le mec je l’ai rencontré et il n’était pas sympa mais pas sympa du tout !

Louise Attaque, Noir Désir …

Louise Attaque je n’aime pas mais alors pas du tout ! Noir Désir ? Ouais c’est un peu un amour adolescent … mais ça m’est passé. Ce que je préfère chez eux c’est ce texte « nous n’avons fait que fuir » où là il n’y a rien à jeter mais pour le reste … C’est très post ado, sa poésie ! Tu le vois arriver à vingt kilomètres et comme disait Mano (Solo Ndlr)  : Cantat c’est un mec qui évoque des grosses vérités.

J’ai lu que parmi tes nouvelles influences majeures il y a Asaf Avidan ?

J’adore ce mec ! Pour moi c’est un nouveau Léonard Cohen ! IL a commencé par des trucs très produits et maintenant il fait des trucs de plus en plus acoustiques, un peu comme moi en fait ! Je l’ai vu dans un festival, dans une arène en pierre et c’était énorme ! J’aime la musique basique : Dylan seul avec sa gratte ça le fait grave !

Et tes textes, je pense que tu aimes Cendrars, Apollinaire …

J’adore surtout Antonin Artaud ! Cendrars je ne connais pas mais je sais que je devrais aimer, Apollinaire bien sûr !

Cocteau ?

J’adore ses punch-line de l’époque. On lui avait demandé son épitaphe idéale il avait répondu : « remboursez, je n’ai rien compris ! ».

Tu as de grosses influences littéraires ?

Pas vraiment, pendant une année j’ai beaucoup lu, mais globalement maintenant je ne lis plus. Par contre je discute beaucoup avec les gens. J’adore l’oral ! C’est souvent un petit mec au coin du bar qui va me dire « untel a dit ça » et ça me suffit !

Tu as cette chanson « au coin du bar » qui en parle

Ouais, je me suis servis des ressorts de Jacques Brel, encore lui (rires)

On parle des deux textes dont tout le monde va te parler : « Coco » et « je suis Charlie » ?

« Coco », c’est une chanson sur la dessinatrice Coco. On se connait depuis l’école, on se tournait autours sans rien oser. On était les deux « cas » de la classe, ceux du fond… Elle dessinait et moi j’écrivais des textes. On s’est retrouvé 17 ans après et rien n’avait changé : j’écris et elle dessine ! Elle a validé cette chanson sur Charlie alors qu’elle bosse chez Charlie en plus !

Il n’y a pas de polémique sur cette chanson : on a le droit de ne pas être Charlie par rapport à leur ligne éditoriale. Au moment de la discussion « je suis ou je suis pas Charlie », les gens discutaient sur cette ligne éditoriale et moi je revendique le droit de ne pas être d’accord avec eux parce que ils tirent toujours sur les mêmes et ça me fatigue ! En plus la semaine où il y a eu les 17 morts à Paris en Janvier 2015, il y avait 2 000 morts en Afrique et tout le monde s’en foutait !

Tu t’attends à ce que l’on te parle tout le temps de ces deux titres ?

Pfou … ça va concerner un microcosme Parisien ! Les « vrais gens » ils s’en foutent : ils comprennent très bien. Prend ma chanson « Bouche bée » par exemple, elle a 11 ans ! A l’époque elle avait un côté post ado. Aujourd’hui avec tout ce qui se passe, l’histoire d’une fille violée pendant que son homme est au front, cela prend une autre dimension ! C’est une chanson que l’on me réclamait, les puristes la connaissent bien puisque je l’ai déjà fait tourner.

Tu étais trop jeune à l’époque du rock alterno, mais je me suis demandé comment tu aurais vécu le truc ?

J’ai pas mal écouté les Bérus et tous ces groupes, cela m’a surtout permis de déculpabiliser de ne pas être un grand musicien et d’être quelqu’un qui cherche l’inspiration ! Au même titre que le rap m’a déculpabilisé pour être auteur. En plus on a eu notre punk à nous : Kurt Cobain ! Et quelques trucs bien comme le premier Pearl Jam. En plus j’ai gagné la nouvelle Star grâce à aux punks Bretons : j’avais des potes là-bas qui m’ont mis sur pleins de sites en disant qu’il fallait voter pour moi. Bref j’ai gagné en ramenant mes potes Punks (rires). J’adore la Bretagne, c’est un public de fou, ils vont à fond les mecs !

Les influences cinématographiques ?

Jarmush, normal ! J’adore aussi des mecs comme Charlie Sheen, des trucs un peu cons comme ça !

Tu vas partir en tournée après le concert de Paris le 25 mai à la Cigale ?

Avant il y a un concert à Narbonne le 13 Mai et après le 25, les vacances : j’aime bien vivre en short ! Il y aura une tournée à la rentrée mais aussi peut-être cet été une tournée surprise en Bretagne mais pour l’instant rien de confirmé !

Tu auras des premières parties ?

A Narbonne il y aura les « Dyclans » une sorte d’héritier du rock alterno ! Le mec il était chef d’entreprise et il a tout plaqué pour faire de la zique. Il commence juste : il est cash, il écrit à l’ancienne !

Avec ton état d’esprit tu n’as eu pas envie de monter ton label ?

Non je suis trop feignant et trop bordélique pour ça !

Tu ne voudrais pas produire d’autres artistes ?

Si, si mais pas sous l’égide d’un label. Je n’ai pas envie de gérer toute la chaine de production et en même temps je n’ai pas les compétences.

Tu n’as pas eu envie de monter un groupe et de refaire des tournées sous un autre nom pour échapper à tout ton passé télévisuel ?

C’est précisément ce que je suis en train de faire : monter un groupe avec qui je compte rester longtemps ! Mais pas forcément sous un autre nom, je voudrai bien récupérer mon réseau. Mais c’est vrai que j’en ai marre que l’on me parle de mes chaussettes et de la Nouvelle Star ou de je ne sais pas quoi avec Lio … En tout cas on fonctionne maintenant comme un groupe !

Avant de te quitter je voudrais savoir ce que tu penses des événements du moment avec Nuit debout et tout ça ?

Je pense que l’on s’est fait bien fait baiser par le gouvernement et que Nuit debout c’est nécessaire : ça force à ouvrir le débat ! Les politiques vont se retrouver face aux gens et ils vont devoir répondre aux questions !

Tu es intermittent ?

Pas là mais ça m’arrive !

Ils occupent l’Odéon en ce moment !

Il faut se battre pour que notre droit au spectacle soit respecté. J’en ai marre de jouer dans des endroits où le bar est plus grand que la salle. Moi je suis artiste et à ce titre je génère de l’argent, du profit, des impôts… Une dizaine de personnes bossent avec moi et ça c’est quelque chose ! Je paye des impôts monstrueux par rapport à mon taf et on me reproche d’être un parasite ! C’est n’importe quoi 

Tes projets ?

Ressembler à Lemmy (le chanteur de Motorhead Ndlr) au niveau de l’éthique, c’est mon modèle revendiqué, mon idole absolue ! Je l’ai rencontré à Paris au « Fanfaron » (bar situé à Paris dans le 11 éme Ndlr) et c’était énorme ! J’ai croisé Doherty là-bas aussi et franchement je dois dire que j’ai arrêté toutes mes conneries avant de ressembler à un Doherty de Leader Price ! Et je sais de quoi je parle !

Tu sais vers ou tu vas aller musicalement ?

Je ne sais pas trop, je fais avec ce que j’ai !

Le mot de la fin ?

Vivre 

Droits réservés