Peux-tu te présenter ?
Je suis Florent le banjo et chanteur du groupe Gliz, et c’est moi qui amène les compositions. Dans le groupe, il y a également Thomas au tuba et Julien à la batterie.
(Gliz de gauche à droite, Thomas, Julien et Florent - Photo Carolyn C Photography)
Ça a commencé quand et comment le groupe ?
En 2013, suite à une série de petits accidents heureux. Je jouais de la guitare. J’ai cassé une corde, puis une deuxième et j’ai continué comme ça parce que j’habite à la campagne et que le magasin de musique est assez loin. Je composais donc des morceaux avec ces quatre cordes. Je m’accordais juste différemment. J’ai trouvé que ça sonnait bien. Au même moment je suis tombé sur un banjo dans un Emmaüs , j’ai adoré ça ! Je n’ai plus jamais joué de guitare depuis 2013 !
Les autres membres sont arrivés comment ?
J’ai toujours joué dans des « power trio » : guitare, basse et batterie. J’adore cette formule ! Je voulais juste la décaler. J’ai d’abord appelé Julien, un copain d’enfance, pour la batterie. La suite logique aurait été de trouver un bassiste mais cela aurait été trop conventionnel. J’ai pensé à pleins de choses : un contrebassiste, un violoncelliste ou encore un harmonium mais à chaque fois ça ne collait pas trop …. On avait un pote, qui avait joué à mon mariage ; il jouait du Tuba dans une fanfare. On a essayé et ça a sonné donc on a l’a gardé et on a travaillé comme ça.
Concrètement « il fait la basse » ?
Oui, comme moi « je fais la guitare ». On est resté un trio « classique » mais comme on amène une autre sonorité et une autre façon de composer. Cela donne forcément un projet un peu décalé. On n’est pas vraiment dans du « rock classique », on essaye de trouver de nouvelles perspectives sonores. On n’a pas la prétention de réinventer quelque chose. On s’éclate juste en proposant autre chose.
Quelles étaient vos influences parce que vous avez déconstruit pour reconstruire ?
C’est exactement ça ! C’est plutôt aux autres de nous dire à quoi ça les fait penser. On n’est pas un groupe standard de blues ou de rock … On a un son ou une ambiance générale qui va se dégager de notre projet. On a pleins d’influences différentes et quand on descend de scène il y a toujours des gens qui viennent nous voir avec pleins de références. Il y en a qui sont classiques comme Sixteens Horsepowe r ou LedZepplin mais parfois on nous dit Muse , Tool ou encore Primus . Des groupes que l’on connait à peine en fait !
https://www.youtube.com/watch?v=6eJeYOdo-z0
Personnellement, je trouve que ta voix et ton interprétation me font penser à the Cure …
(Rires) Excellent (rires) ! C’est la première fois qu’on nous cite ce groupe en référence ! Je ne sais pas, c’est drôle !
Mais on pourrait vous qualifier de groupe de folk alors que ce n’est pas de la folk ?
Je sais bien ! Pour être honnête, on a essayé de trouver pleins de références pour essayer de se vendre mais ça ne le fait jamais ! Si quelqu’un a une proposition à faire qu’il n’hésite pas (rires). ça nous permettrait de communiquer auprès des programmateurs de radios ou de salles. Quand tu fais du blues, tu fais du blues, c’est identifié ! Nous, on a pas de public ciblé, juste les mélomanes mais c’est hyper vaste.
Mais la plupart des groupes ou artistes cherchent à ne pas ressembler à quelqu’un et souhaite se démarquer dans leurs références, alors que vous, justement, vous cherchez à ressembler à un groupe : c’est un peu paradoxal ?
(Rires) C’est exactement ça ! Chercher à se démarquer ce n’est pas pour faire les malins ou prétendre à quelque chose.. On cherche juste, pour notre développement, à être estampillés ; un peu comme un outil. Soyons réalistes quand même, ça m’ennuierait qu’il y ait vingt groupes en France qui fassent la même musique que nous.
Vous êtes un groupe très acoustique, vous pouvez donc jouer partout : de la rue aux stades ?
Oui, il nous faut juste une prise de 220 V et c’est parti : on joue ! On a une liberté comme ça que peu de groupes ont. On joue partout où l’on peut !
Il vient d’où votre nom ?
C’est un nom qui ne veut rien dire en fait. C’est juste que quand on a commencé on s’est aperçu que tous les noms de groupes étaient pris. C’est incroyable ! On cherchait quand même un nom original et à ce moment-là, j’ai entendu à la radio qu’on venait de découvrir une « exo planète » à plusieurs années lumières avec de l’eau qui s’appelait Gliz 432 . J’ai trouvé que ça sonnait pas mal et l’idée qu’on pouvait faire du rock sur une autre planète nous convenait bien. Au début, on disait même qu’on faisait de « l’exo rock » mais comme ça ne disait rien à personne, on a arrêté (rires).
Vous avez beaucoup joué ?
Oui parce qu’il y avait une vraie curiosité vis-à-vis de nos instruments. On a eu beaucoup de retours à ce sujet.
Vous n’avez pas eu peur de tomber dans le côté « curiosité musicale », plus spectacle que concert et de vous retrouver à jouer plus dans les théâtres que dans les clubs…
C’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Au début, les gens venaient beaucoup dans l’optique de regarder les instruments et ils voyaient un groupe de rock. En tout cas, on avait l’énergie du rock : il n’y a pas de quiproquo là-dessus. Parfois les gens, en voyant un tuba et un banjo, s’imaginaient une musique un peu « festive », un peu de rue et quand on arrivait, on balançait du rock.
Vous avez tout de suite eu des bons retours ?
On a eu deux ou trois retours très négatifs au début mais globalement ça a rapidement été positif. On s’est retrouvé très vite sur de grandes scènes, notamment aux « Inouïs du Printemps de Bourges », grâce à une maquette un peu pourrie que nous avions faite. On n’avait encore la « distorsion » sur le banjo, la grosse caisse du batteur n’était pas adaptée et franchement ça ne l’a pas fait du tout ! On n’avait pas encore la maturité pour des scènes de cette taille. On s’est ramassés en beauté ! A partir de là on a développé notre son : rock avec de la « distorsion » !
Mais quand on lit votre biographie, on pourrait croire que vous sortez du conservatoire avec des études supérieures en musicologie alors que c’est l’inverse : vous êtes des punks !
(Rires) ça nous arrive parfois d’avoir des quiproquos de ce style mais dès qu’on nous écoute, on voit bien que ce n’est pas de la musique de musicologue ! On a une attitude de punks souvent ! J’ai fait le conservatoire pendant dix ans et donc, je suis le seul à savoir déchiffrer une partition ou à connaitre un peu la musicologie. Par contre, le tubiste, il ne sait pas ce qu’est un sol dièse, le batteur est autodidacte et moi, comme je n’ai que quatre cordes sur mon banjo, c’est donc un peu limité, je joue en « open tunning » avec six accordages différents. Ça ouvre la palette de mon banjo mais je ne sais toujours pas où se trouve le fa dièse ou même le sol sur mon banjo ! Des choses que j’ai apprises en faisant de la flûte traversière au conservatoire. Je n’ai plus aucun repère ; il n’y a aucun accord. Je repars à chaque fois de zéro.
C’est quoi vos gros concerts ?
On a fait pas mal de concerts dans des festivals, des SMAC, avec des premières parties comme Arno , Moriarty , Detroit….
Et à Paris ?
On a fait « l’Espace B » dernièrement et on espère jouer bientôt à la Maroquinerie
Mais vous vous sentez proches de la scène néo réaliste comme les « Hurlements de Léo » ?
Honnêtement, je ne connais pas vraiment ce groupe et on n’a pas la gouaille de ces mecs (rires).
Avant cet album vous avez fait deux EP ?
Le premier en 2015, le deuxième en 2017 et l’album « Cydalima » en 2019.
On en parle ? Vous l’avez fait où et avec qui ?
On a eu un énorme coup de chance : on a cherché un studio pendant six mois. On voulait vraiment un son clair. On a écouté l’album des ArticMonkeys et on a pris une baffe au niveau du son. On a appelé le studio de « La Frette », en banlieue parisienne, où ils avaient enregistré, comme ça au culot. On a discuté avec l’ingénieur du son, on lui a envoyé la maquette, en lui indiquant que nous étions quasi auto-produits, avec juste un petit label pour nous aider à financer. Il a aimé et on a pu s’offrir huit jours là-bas. On est passé juste après Nick Cave et Marianne Faithfull !
11 titres chantés en anglais ?
On voulait chanter en Français au début mais ça ne sonnait pas du tout au niveau de la diction et des sonorités. Quand on écoutait des groupes comme Feu Chatterton !, on ne se trouvait pas terribles. C’est comme si on faisait du tango en Allemand (rires) ! On n’était pas dans la bonne culture : ça ne sonnait pas du tout en Français, donc on est passé à l’anglais.
(Pochette de l’album « Cydalima » - Droits réservés"
Ils parlent de quoi tes textes ?
C’est varié. Beaucoup d’amour mais sur plusieurs niveaux de lecture. Par exemple, la chanson « Cydalima » qui est le nom de l’album, à la base c’est une chenille qui grignote la forêt et en parallèle, c’est une fille qui se fait bouffer par sa dépression. Donc tu ne sais pas si c’est un forestier qui a peur que sa forêt se fasse dévorer ou un type qui est amoureux d’une fille qui est dépressive. J’aime bien ce genre de lecture à plusieurs niveaux.
Tu le qualifierais comment cet album ? Il est très original, on est loin de tout ce qu’on connait : il y a du rock, du blues, du folk et ta voix me fait penser à de la new wave !
C’est cool ! Ça veut dire qu’on a réussi quelque chose : c’est une sorte de « melting-pot » de ce qu’on entend. Je ne me dis jamais que je vais faire une chanson dans un registre précis parce qu’à l’arrivée c’est moins bien que l’original…
Il y a aussi beaucoup de différences d’atmosphères et de rythmes ?
Ça c’est pour ne pas tourner en rond ! En tant qu’auditeur je n’aime pas vraiment savoir la suite d’un disque. On essaye d’aiguiser la curiosité des gens en restant pop, c’est-à-dire universel.
Mais vous ne pensez pas que vous avez un côté très « aéré » ?
Ah si, on vient du Jura, des montagnes … On ne fait pas une musique de révolte ou revendicative mais au contraire une musique contemplative. On répète et on crée chez moi. J’ai une ferme dans un village de soixante habitants. On répète dans la grange, on est des ruraux et ça nourrit nos vies : je me ballade dans la nature, j’ai des moutons, je fais du vin…
Je dis ça parce qu’il y a la notion d’espace dans votre disque ?
J’aime les disques où tu as des images d’espaces qui apparaissent, c’est vraiment mon truc … Tu as raison (rires) !
Mais il y a aussi un côté très enfantin dans votre musique, à la différence du rock qui est une musique de révolte adolescente ?
C’est vrai qu’en concert ça passe bien avec les enfants. Probablement parce qu’on n’a pas de posture ! On joue avec le cœur et c’est un truc d’enfant de ne pas vouloir ressembler à quelqu’un. On se retrouve tous les jeudis chez moi pour faire de la musique. Avec mon pote Julien (le batteur), on se connait depuis trente ans, depuis le CE1. On a joué aux Playmobil ensemble, aux voitures et maintenant on se retrouve tous les jeudis pour jouer à la musique et pas jouer de la musique. On n’a vraiment pas le côté musiciens comme on l’entend !
Pourtant vous êtes beaucoup plus artistes que certains : vous avez vraiment créé quelque chose !
Oui mais on n’arrive toujours pas à se prendre au sérieux. Alors que nous sommes sérieux dans ce qu’on fait. On joue et on est sincères.
Quels sont vos projets ?
Jouer un peu partout en France pour promouvoir l’album. On espère aller à l’étranger, pour l’instant on a seulement joué en Suisse. On a un format qui peut aller partout surtout avec l’anglais. Bien sûr, on va préparer un nouvel album.
Vous faites des reprises sur scène ?
Non, mais on aimerait bien en trouver une qui nous convienne. Un vrai morceau populaire que nous pourrions adapter à notre « sauce ». Ce serait bien !
Le mot de la fin ?
Je ne sais pas trop quoi dire … Ah si, après cette interview je vais aller aux champignons : il y a une montée de Cèpes !