Résumé des épisodes précédents. Tout commence à la fin de l’hiver 2013, un jeune groupe qui se fait appeler Fauve apparait sur la scène Parisienne avec une formule spéciale mais assez gagnante : un mélange de pop, d’électro avec un côté hip hop sur lequel un chanteur à la voix énervé vient slammer avec des textes pas franchement joyeux. Très rapidement le groupe est interviewé dans les Inrockuptibles. Ils annoncent qu’ils ne souhaitent pas être photographiés, ne veulent pas que on les nomment et que le groupe est un collectif et qu’il comprend outre les cinq sur scène, un vidéaste et un graphiste. Pour sa promotion le groupe se sert des réseaux sociaux et n’hésite pas à offrir leurs morceaux en téléchargement gratuit en y ajoutant des clips plutôt « originaux ». Le succès est garanti ! En quelques semaines, Fauve voit sa côte grandir et devient la nouvelle coqueluche des ados et du web.
Au printemps le groupe sort un premier six titres, est présent sur une dizaine de compilations (dont la très branchée Kitsune Parisien) et remplit le Bataclan sans problèmes, uniquement avec une promotion basée sur les réseaux sociaux. Le phénomène est lancé ! Les paroles de Fauve qui traduisent l’angoisse face à l’avenir en pleine période de crise font vendre le disque comme des petits pains. Le groupe annonce que pour des raisons pratiques, le disque sera en vente dans les FNAC et pas uniquement par internet. La presse dite « Bobo » (les Inrocks, Télérama, Libé…) les soutient à fond, ajoutez France Inter et tout le groupe Radio France, le coup est parfait.
Le groupe annonce une énorme tournée de l’été avec en point d’orgue un passage aux Francofolies de Montréal. Durant deux mois le groupe fait paraitre sur son Facebook un tas de photos de la tournée : Fauve à la plage, Fauve dans le camion, Fauve à l’aéroport… Mais à chaque fois aucuns portraits des musiciens ! C’est dans l’indifférence général que l’on apprend que le sympathique (et talentueux) chanteur Suisse qui se fait appeler … Fauve, doit changer de nom pour ne pas être confondu avec ses homologues Parisiens, qui pour une fois ne balance pas un tweet ou post pour s’excuser ou plaindre le pauvre garçon qui visiblement a eu des pressions importantes…
Rapidement le groupe annonce l’enregistrement de son premier album, qui sera en deux parties (comprendre deux disques !), un disque en Février et un disque en Novembre, premier coup marketing assez visible ! A grand coup de post et de tweets, toujours avec ce but de « vivons heureux, vivons caché ! » le groupe fait paraitre des photos de l’enregistrement dans une maison en Normandie, qui appartient aux parents de l’un d’entre eux (et visiblement c’est plutôt une grande maison !). C’est à cette époque que le groupe se structure en montant Fauve Corp (son label) et en signant différents contrats qui feront polémique.
Dés Novembre le groupe, toujours par les réseaux sociaux, annonce la sortie de son album, une série de concerts au Bataclan (les Nuits Fauves) et un début de tournée. Ils clôturent l’année par deux événements : une couverture du journal Tsugi avec une longue interview et un concert archi complet à la Maroquinerie deux jours avant Noël. Dans l’interview le groupe clame son indépendance totale avec le business, marque sa volonté de rester dans l’ombre, qu’ils fourmillent de projet et hurle encore une fois qu’ils ne sont pas un groupe mais un collectif qui dépasse largement le format musical (comprendre on fait du multi média). Fauve en profite pour sortir une application pour les Smartphones. Pas mal pour des types qui avouent avoir quitté leurs boulots peu de temps avant et être des « presque amateurs ». Selon eux, Fauve ne serait qu’un passage dans leurs vies et qu’ils ne souhaitent pas du tout « faire carrière ».
La presse « Bobo » est dithyrambique et Fauve est annoncé comme le grands espoir de l’année, plus qu’un groupe il devient presque une philosophie, une manière de réagir à la crise. Mieux des acteurs de la scène Musicale (Michel Cloup, ancien chanteur des Diabologums, groupe qui a visiblement beaucoup influencé les Parisiens ou JB du label Born Bad…) apportent leurs soutiens à Fauve en prétextant que le groupe est le reflet d’une génération et joue la musique du moment !
Début Février, le disque sort, première surprise, il est très bien distribué, bizarre pour un groupe indépendant et rentre tranquillement dans le top ! La presse hurle presque au génie, voir au phénomène de société … Le groupe annonce par ses réseaux habituels 14 Bataclans et une tournée énorme, à grand coup de « Hey les potes, on arrive ! ».
Le premier accro est quand Nicolas Ungemuth, un des meilleurs rock critique de sa génération qui pige à Rock’n Folk, fait paraitre un article dans lequel il attaque directement le côté artistique du groupe : paroles à pleurer, musique minable faite d’une pauvre pop et de boucles faciles, production épouvantable… En quelques heures Ungemuth se voit traiter de paria et devient la proie de tout le web. Le groupe subit une première attaque, à laquelle il ne répond pas mais la rumeur enfle… Fauve ne serait qu’un coup du show-biz. C’est alors qu’apparait Patrick Eudeline !
Pour ceux qui l’ignorent Eudeline est un meilleurs critique en France, sa culture et sa connaissance de la musique ne sont plus à prouver. Il est l’un des garants de la qualité de la musique « made in France ». Au cours d’une interview pour un Fanzine Eudeline se lâche sur Fauve et annonce qu’il va bientôt « se les faire ». Tout les mois il fait une chronique dans Rock’n folk, la vie en rock, chronique superbe qui a déjà eu les honneurs de plusieurs livres. Au mois de Mai il se lâche et dévoile le (petit) pot aux roses. Après avoir critique ouvertement la musique du groupe à grand de phrases assassines du style « quand on ne sait pas chanter, on rappe et quand on ne sait pas rapper, on fait du “ spoken word ” » ou « des boucles faciles avec des textes à pleurer ». Il annonce que Fauve est loin d’être le groupe irréprochable mais au contraire une bonne création marketing !
Le groupe se serait formé sur les cendres d’un duo folk « the Fleets », groupe qui n’a jamais eu le moindre succès. Il compterait dans ses rangs un ancien directeur du marketing internet de Wagram music (d’où la qualité de son travail sur le web) et serait soutenu par deux majors : Warner pour la distribution et Sony pour les éditions. Voilà donc un groupe qui aurait non pas une mais DEUX majors sur son berceau. En d’autre terme, derrière ce groupe se cacherait non pas un groupe de rebelle mais de bons carriéristes qui ont pleinement accepté les règles du show biz.
Les révélations font mouche sur internet et trois semaines plus tard dans une interview dans le très respecté fanzine Gonzaï, Nicolas Ungemuth enfonce le clou en claironnant que Fauve est tout simplement l’exemple parfait de la dérive de la critique qui ne voit en Fauve que des rebelles, ce qui ne sont pas, et que l’on écoute plus la musique et que l’image est plus importante que tout.
Pour l’instant les annonces faites par Eudeline ont été vérifiées et sont vraies. Fauve n’a rien répondu mais sur les Forums les fans s’inquiètent : est ce que on s’est fait avoir ?
Pour ma part, je dirai juste que Fauve a sorti un superbe 6 titres mais que son album est trop long et n’apporte rien, Fauve n’est probablement pas un groupe d’infâme usurpateur arriviste mais pas non plus les nouveaux héros de la musique, une sorte de mix des deux !