Je suis Lorenzo, guitariste du groupe Devil Jo and the Backdoormen. Dans le groupe il y a Vincent qui est à l’autre guitare, Guillaume à la basse, Jeremy à la batterie et Sara que l’on appelle Devil Jo à la voix. On vient de Saint Etienne.
(Devil Jo and the Backdoormen - Photo Niko Rodamel)
Ça a commencé quand le groupe ?
Il y a une petite dizaine d’années en 2008. A la base j’avais prévu avec le premier guitariste du groupe, Eric, de former un groupe de Blues assez dans les standards et les clichés : du « Blues-Rock » façon Chicago. Un jour j’ai rencontré Sara qui était venue chanter juste pour un coup, par simple plaisir… Dés que je l’ai entendu j’ai décidé de lui proposer de rejoindre le groupe et de changer des trucs. C’était l’occasion de former un groupe de Blues plus personnel, en évitant les clichés que la scène Française impose à ce genre de musique.
Devil Jo, c’est un hommage à Robert Johnson et à la légende du blues qui serait la musique du diable ?
En fait le nom est un triple hommage au blues : Jo en hommage Mighty Jo qui nous a influencé et « Backdoormen » c’est un morceau de Willy Dixon qui parle de la personne interdite, l’amant que l’on ne voit pas … Et Devil, parce qu’on disait autrefois que le blues était la musique du diable : au milieu il y avait toujours une note interdite, la « Blue note », on disait que c’était la note qui suscitait des émotions peu contrôlable.
Quelles sont vos influences à la base ?
Moi par exemple je suis très influencé par Luther Allison mais aussi et surtout par John Lee Hooker ! C’est lui qui m’a donné le déclic. On aime le Blues mais aussi la Soul comme Aretha Franklin par exemple. Sara, elle est influencée par le Rock, mais aussi des musiques comme le Trip Hop ou le reggae… Nous avons beaucoup de musique en commun dans le groupe !
Vous jouez le Blues comme les anglais le jouaient en Angleterre dans les années 60, quand John Mayal et Clapton l’ont ramené des USA. En fait vous jouez le blues comme les Européens. Tu es d’accord ?
Oui, et c’est un compliment pour nous parce que je suis un super fan de cette scène. En tout cas on n’a pas du tout la prétention de re inventer le blues mais on essaye juste de le jouer à notre façon.
Vous venez de Saint Etienne, une ville qui a une image prolétaire qui va assez bien avec le Blues qui a eu et qui a toujours cette image : c’est conscient de votre part ?
On ne s’est jamais posé la question, vraiment ! On joue cette musique parce qu’elle nous touche et que l’on aime aussi beaucoup lestextes. En tout cas la ville n’a aucune influence sur la musique c’est juste là d’où nous venons et où nous habitons. Il y a des gens ici qui se revendiquent de ça, mais pas nous.
Vous avez sorti l’année dernière votre deuxième album
Oui, il y a d’abord eu un premier album et deux EP. Le groupe a évolué : le guitariste, la bassiste et le batteur ont quitté le groupe. Il a fallu trouver d’autres musiciens et remonter un groupe : aujourd’hui tout le monde est sur la même ligne avec le même état d’esprit. Disons que la différence entre les deux formations c’est que avec la première formation si on avait continué on se serait rapproché du garage, de ce genre de trucs, des choses plus rock tout en conservant un fond Blues. Cette nouvelle formation a vraiment un esprit du Blues.
Vous avez beaucoup tourné ?
Depuis 10 ans on a beaucoup joué et on est vraiment un groupe de scène. C’est là où l’on se sent bien et que notre musique prend tout son sens, même si on aime créer en studio.
Il y a un gros circuit blues en France ?
Oui, on a fait pas mal de festivals et de salles en France. C’est un circuit très grand mais très fermé et pour beaucoup de gens notre musique est trop rock !
Pardon ?
Même si on a eu l’occasion de jouer pour ce circuit comme pour le Blues Festival en Bourgogne et au Blues Café, concrètement on est rarement programmé sur des événements blues en France.
https://www.youtube.com/watch?v=MicYqcS1Vzc
Vous comptez ouvrir à d’autres musiciens sur scène : des cuivres, un clavier ?
Pour l’instant ce n’est pas vraiment prévu parce que nos compositions ne s’y prêtent pas mais il y a de nouvelles compositions et on ne sait pas. On déjà à cinq sur scène quand même, mais avec le temps on pourrait incorporer pourquoi pas un clavier pour faire évoluer notre musique.
Vous tournez dans toute la France ?
Oui et depuis longtemps mais il a fallu que l’on se crée un réseau pour jouer. Les musiciens dans le groupe avaient évolué dans d’autres formations, dans d’autres réseaux … On a fait jouer nos contacts et maintenant on joue beaucoup plus.
Et l’étranger ?
On n’y a pas joué avec cette formation mais on a été étonné et très heureux de voir que grâce à la distribution numérique on a vendu des disques à l’étranger, presque malgré nous (rires) : au Brésil aux USA, en Pologne … On nous a même proposé deux tournées aux USA qui n’ont pas pu avoir lieu parce que certains dans le groupe ne sont pas intermittents et c’était trop compliqué. Il aurait fallu s’organiser bien avant.
Mais vous êtes intermittent ?
Pas tous mais on a un système qui nous permet de tourner en semaine et ce genre de choses mais je tiens à dire que c’est notre activité principale.
Tu ne penses pas qu’avec le Rockabilly vous jouez la seule musique électrifié qui soit intemporelle ? Partout où vous allez vous pouvez trouver un public grâce à ça.
C’est ce qu’il me semble ! Bon le public ne l’a pas toujours. C’est une musique qui est née de rapports humains et de plusieurs histoires.
Vous jouez beaucoup sur l’imagerie du Blues : le Vaudou, le diable ?
Très peu dans notre musique mais dans nos textes c’est présent.
On parle un peu de votre nouvel album « Press Rewind » ?
Oui c’est le premier album avec cette formation, il y avait juste eu un peu avant un EP. C’est aussi le premier sur ce label. En fait j’ai intégré un groupe qui s’appelle Lady H et ce groupe était déjà signé sur le label. Je leur ai parlé du groupe et puis ils nous ont proposé de les rejoindre.
(Pochette de l’album « Press Rewind » de Devil Jo and the Backdoormen - Droit réservé)
Il a été fait où cet album ?
À Saint Etienne chez Studio Mag. On a enregistré en mai et juin 2017 et c’est nous qui l’avons réalisé : on savait où nous voulions aller. On voulait maitriser notre son. On a bossé en plus avec deux personnes : une qui a assuré avec nous le rôle de producteur et qui connaissait bien le son vintage parce que on a joué sur du matériel qui a quelques années, ce qui nous correspond bien. Une autre personne c’est chargée de donner au disque un son plus actuel, et du mixage. On voulait prendre deux personnes aux influences différentes mais qui nous correspondaient bien.
Quand vous êtes rentrés en studio, tu avais quelles influences en tête ?
J’avais en tête plein de choses comme Betty Davis, Jack White mais aussi Lynyrd Skynyrd, Led Zepplin …
Qui est pour moi une de vos plus grosses influences
Oui c’est sûr mais cette influence est présente un peu chez tout le monde !
Il y a aussi Jimmy Vaughan et son frère Stevie Ray Vaughan, non ?
Pour n’importe qui joue du Blues, ce sont des influences majeures. Disons que Jimmy est « old school » et que son frère a vraiment redonné de l’importance à la guitare et surtout au blues dans les années 80. Je tiens aussi à citer Jimmy Hendrix qui est une influence pour n’importe quel guitariste directement ou indirectement.
Tu le présenterais comment cet album ?
On a voulu le commencer par quatre titres assez « catchy » qui reflètent bien nos influences. En quatrième il y a ce titre « Battle Blues » qui est le morceau transitoire de l’album : à partir de cette chanson on va rentrer dans quelques choses d’un peu plus dur et d’un peu plus sombre. On continue le disque avec trois morceaux qui sont dans cette veine, des morceaux où il faut tendre l’oreille, qui sont assez sérieux et puis on finit avec une reprise : « when the levee breaks », un morceau de Joe Mc Coy and Memphis Minnie, un titre qui a été popularisé par Led Zepplin, histoire de finir avec notre version du morceau.
Tous vos morceaux commencent par un riff de guitare : c’est un truc de Blues mais c’est voulu ?
Voulu ? Je n’en sais rien, disons que c’est naturel pour nous. Cela vient de notre manière de composer : quand je n’amène pas un morceau tout fait, j’arrive en répétition avec un riff sur lequel tout le monde essaye de composer et de le faire tourner la majeure partie de nos compositions est née de jams entre nous. On arrive comme ça à avoir des morceaux qui tiennent la route.
La production est assez sobre ?
Pour nous notre approche est d’abord la scène donc on se pose pas trop de questions : on essaye d’abord nos morceaux en concert. C’est pour ça que le disque sonne assez sobre : on va droit à l’essentiel comme sur scène. On a évité de rajouter trop de trucs qui n’auraient pas rendu compte de ce que nous sommes. C’est une production sobre avec quelques instruments comme le clavier ou les percussions que nous avons abordé comme un habillage, pour ne pas avoir besion de les reproduire sur scène.
À quand un live ?
Je ne sais pas, ce sera surement un de nos prochains projets. Pour l’instant on se remet un peu à composer, on travaille sur de nouvelles compositions mais nos retours du public qui nous a vu sur scène nous demande de faire un live.
On parle des textes ?
Oui, avant je les écrivais tout seul, maintenant on est plusieurs. Attention on n’est pas un groupe engagé, on ne revendique rien dans nos textes : on essaye juste de raconter des histoires et d’avoir quelque chose de musical. On écrit les textes à partir des mots que Sara balance sur la musique et à partir de là on essaye de raconter une histoire. Ce sont des choses que nous aimerions vivre ou faire mais notre but est d’aborder la voix de manière très musicale parce que dans un groupe de rock, pour nous, c’est un instrument comme les autres.
Vous chanterez toujours en anglais ?
Oui, toute la musique que l’on écoute est en anglais et pour nous c’est naturel de chanter dans cette langue. Ensuite il y a le côté Français qui m’énerve avec ce besoin de mettre la voix en avant et surtout les textes : on ne donne pas assez d’importance à la musique. À part Nino Ferrer je ne connais personne en France qui a abordé la voix et le texte de manière phonétique.
(Devil Jo and the Backdoormen en concert - Photo Niko Rodamel)
Quels sont vos projets ?
Tourner, promouvoir le disque, rencontrer des gens… On aimerait bien enregistrer un live, on a aussi de nouvelles compositions et puis nous aimerions bien commencer à aller à l’étranger, ce serait vraiment bien !
Un nouvel album ?
Oui mais on aimerait bien le produire encore différemment.
Mais là vous avez passé un cap en termes de notoriété et d’artistique ?
Je l’espère ! En tout cas nous avons réussis à sortir de notre réseau habituel et franchement cela nous fais très plaisir : on élargit notre audience !
Quel disque tu donnerais à un enfant pour qu’il découvre le blues ?
Il y a un disque d’un bluesman Français, Patrick Verbeke, qui permettait aux enfant de découvrir cette musique. C’est chanté en Français et c’est très bien. Sinon moi j’ai été chamboulé par un grand musicien : John Lee Hooker ! Pour aimer cette musique il faut pouvoir être renversé par un monsieur comme ça, qui te permet vraiment de ressentir le blues !