Nicolas Paugam où le parcours d’un artisan de la chanson

mardi 24 octobre 2023, par Franco Onweb

Nicolas Paugam est une sorte d’exception dans ce pays. Alors qu’il a commencé la musique assez tard, il a tout de suite connu la reconnaissance avec Da Capo, le groupe qu’il avait monté avec son frère Alexandre, sous haute influence pop sixties. La découverte du jazz manouche et de la musique brésilienne a permis à ce musicien inclassable de se lancer dans une carrière solo aussi prolifique que excitante.

Nicolas Paugam vient de sortir « la Délicatesse » son sixième album solo. Un disque où les influences brésilienne et jazz se rencontrent pour un joyeux mélange qui donne à ce disque une touche inclassable. Voici donc un entretien avec un artisan de la chanson française où il sera question de pop, de jazz, de chansons mais aussi d’un parcours aussi atypique que attachant !

Peux-tu nous décrire ton parcours musical ?

J’ai commencé la guitare assez tard, vers 19 ans, de manière intensive. J’ai monté un premier groupe avec un copain et mon frère nous a rejoint. C’est devenu Da Capo au bout d’un moment. Un groupe qui a bien marché, à l’époque. On a fait des tournées, des premières parties et trois disques. On s’est installé à Paris en 2001 et là on a monté un groupe, avec mon frère, de jazz manouche avec qui on a beaucoup joué dans les bars à Paris, principalement le 11éme. On jouait deux à trois fois par semaine. Ça marchait bien : c’était une belle période. On faisait beaucoup de musique mais on composait peu. J’ai commencé à recomposer autour de George Brassens. J’ai travaillé des arrangements sur certains de ses morceaux et en faisant ça, j’ai découvert que mes arrangements étaient de vrais thèmes alors j’ai fait un disque sur les harmonies du maître mais sans le maître. Et puis on m’a conseillé de mettre des paroles sur cette musique. Il y avait un coté Michel Legrand et c’est reparti comme ça en 2008. J’ai continué à écrire. J’ai fait un premier album de chansons en 2014 et ensuite j’ai continué à en sortir jusqu’à ce 6e disque « La délicatesse » et le prochain sortira bientôt aussi au printemps 2024.

Nicolas Paugam
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Tu es très productif ?

Dans le monde actuel de la musique, on peut dire ça comme ça. Bon en 70, c’eut été normal. Idéalement, Je pourrais sortir un album tous les 6 mois mais je risque de saouler tout le monde sauf le noyau dur (rires)…

Quelles seraient tes influences ?

Elles sont multiples ! Avec Da Capo, j’ai eu une influence de la pop anglaise et puis je me suis plongé dans la musique brésilienne avec Milton Nascimento, Jorge Ben, Tom Zé ou Chico Buarque et j’ai découvert des arrangements subtiles en strates fais de mosaïques teintées. J’essaye de colorer ma musique pour qu’il y ai plusieurs niveaux d’écoutes. Je crois avoir trouvé mon style en ne m’interdisant rien.

« La Délicatesse » est ton sixième album solo, pourquoi ce titre ?

C’est le nom du premier morceau et je n’avais pas d’idée pour un titre. C’est mon manager qui m’a proposé de choisir ce titre. J’avais d’autres idées mais il a raison. Et puis c’est une chanson sur mon père qui nous a quitté et c’était une façon de lui rendre hommage. Tout s’est aligné finalement !

Tu l’as fait où et avec qui le disque ?

Je l’ai enregistré entre Valence et Paris, les arrangements ont été faits en Ardèche et les musiciens qui ont travaillé avec moi sont yannick Boudruche, Rénato Tonini, Isaac Bonnaz et Alexandre Saada…

Ton principal instrument est la guitare acoustique mais régulièrement il y a des fulgurances de guitare électrique qui peut rappeler le rock, notamment, progressif et qui fait que ce n’est pas un album de chansons.

Pour moi, on ne doit rien s’interdire ! Si il faut je mets de la guitare électrique.

Tu as aussi un côté beaucoup plus sérieux, que tu veux le faire croire. Concrètement, si on lit tes textes, on voit que c’est assez profond.

(Silence) Oui, merci de le remarquer, la chanson annonciatrice de l’album est ma chanson préférée : c’est la seule qui a une batterie par exemple. C’est un bestiaire « haut-en-couleur » sur cette vie animale qui nous nourrit avec ces bons fromages, ces magnifiques saucissons… Mais in fine je termine en disant que l’homme est un con et qu’il doit disparaître. Je m’amuse et je trouve ça passionnant de partir d’un sujet rigolos pour finir par une vérité plus angoissante ! Il y a donc un côté plus sociale et politique dans mon écriture. Je lis en ce moment un livre sur le commandant Massoud, eh bien ce type a passé sa vie à se battre et il a cru tous les jours à la victoire et plus étrange encore, il n’est jamais sorti de son pays… ça donne à réfléchir, non ?

Tu as une intelligence d’écriture assez rare, loin du cliché des textes habituels. Ce sont des textes où tu dis des choses avec le sourire mais tu parles de choses pas joyeuses.

C’est ça : évoquer des sujets « sensibles » sur des musiques joyeuses ! J’écris de manière automatique comme les surréalistes et ma source première est l’inconscient et ce dernier dit beaucoup de belles choses, justes et de façon poétiques. « Laisse venir » disait Bashung ! Quand j’écoute des chanteurs brésiliens qui vivaient sous la dictature dans les années 70, ils font passer des messages à travers leurs chansons. Je fais un peu pareil, même si moi je ne risque pas la prison.

On pourrait te comparer à un troubadour du moyen-âge qui allait de châteaux en châteaux raconter des choses graves avec le sourire ?

C’est un peu ça, même si je connais mal la définition du troubadour… C’est marrant ce que tu dis car j’ai dans l’idée de jouer dans la rue de plus en plus !. Je travaille la guitare dans ce sens !

Il y a un morceau qui « tranche » avec les autres c’est « Marilou », le dernier morceau où l’on peut retrouver un peu de Da Capo ?

(Rires) C’est un morceau avec une dominante piano et il y beaucoup de piano dans Da Capo…

Tu pourrais être comparé à un Jean Louis Murat ?

Oui, oui… Je ne l’écoute pas beaucoup même si j’ai fait une reprise de lui il y a deux ans. Je reconnais en lui un grand artiste et un amoureux, comme moi, de la nature. J’ai une ferme en montagne que je retape comme lui a du le faire …

Cela se passe comment sur scène ?

J’ai toutes les formules : du solo au grand orchestre… Et j’ai la chance d’avoir toujours eu avec moi de très bons musiciens. Je suis très fière par exemple que le bassiste et le batteur qui sont sur Padre Padrone, Thibault Brandalise et Kenny Ruby soient en tournée avec Iggy Pop depuis 2 ans !!! En Ardèche, j’ai une nouvelle équipe qui est aussi parfaite avec le batteur Pipon Garcia ( Eric Truffaz, Kptn planet…) et le bassiste Boom.

Sur scène c’est beaucoup plus rock, c’est justement mon éducation de l’époque Da Capo ! J’y reviens forcement et faire des solos de guitare ne me dérange pas du tout mais pas trop long quand même, pas comme ceux de Neil Young qui saoulaient ces musiciens en tournée ahah ( voir ITW Jack Nitsche ).

Tu as fait du Jazz manouche, et tu continues à en faire, c’est une musique très technique. N’est ce pas paradoxal avec toi qui se dit un artisan de la chanson ?

J’ai développé ce style chansonnier grâce au manouche ! Je n’aurais pas trouvé ce truc si je n’étais pas passé par le jazz. Il m’a ouvert à des harmonies que je ne connaissais pas. Je suis et je reste un artisan de la chanson comme Brassens, qui connaissait par cœur, dit-on les solos de Charlie Parker et de Django Reinhardt. On peut aussi parler de Nougaro qui était un grand amoureux de chansons brésiliennes ( oh Que Sera Que Sera deviendra Ah Tu verras, Tu verras ) . « Artisan de la chanson » d’accord mais on parle de quelle chanson ? Si on parle de Dick Annegarn oui, Vianney non !

Quels sont tes projets ?

J’ai un désir qu’il faudrait tuer : être reconnu par un plus large public !

Je comprends, mais tu n’es pas assez chanson française et trop pop. Tu es coincé entre ces deux influences.

Coincé, le mot est un brin excessif, non ? Et les frontières sont des lieux d’échanges commerciaux mais aussi des lieux d’amour et de douleur… et vous pensez qu’un musicien doit se préoccuper de suivre une ligne ? L’important in fine c’est le tube, la ritournelle bien assaisonnée ! J’ai dans ce sens des titres qui pourraient toucher le grand public si seulement les gros influenceurs les diffusaient : Sous la Houlette par exemple est un tube…de cinq minutes trente !! Mais je vais en faire d’autres comme Georges Mickaël ahah !

Tu as pensé à écrire pour d’autres ?

Bien sûr, appelez-moi ! J’ai fait une chanson pour Boule qu’il n’a pas encore enregistré.

A quand tes projets de concerts ?

Le 13 octobre en Ardèche en trio, le 14 à Saint Omer. J’ai un gros concert au Café de la Danse le 5 Avril à Paris.

Le mot de la fin ?

« L’homme est un con et au plus vite il doit disparaître » - La chanson Annonciatrice -

Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’emmener vers la musique ?

Leonard Cohen, Nick Drake et Nicolas Paugam.

https://www.facebook.com/nicolas.paugam6/