Cela s’est passé un samedi après-midi de janvier dans une boutique de disque du 11 éme arrondissement : un show case de Popincourt où il avait eu la bonne idée d’inviter ses camarades de French Boutik ! En voilà une idée qu’elle était bonne : les French Boutik sont juste incroyables. Imaginez un groupe avec une chanteuse charismatique, une batteuse impeccable, un guitar hero et un bassiste longiligne qui assure avec une assurance … tranquille ! Un groupe qui a réussis à aligner le talent avec une élégance incroyable ! Après tout, les French Boutik sont des mods, des vrais …
Je voulais en savoir plus et une semaine plus tard trois d’entre eux (Serge, Gabriella et Zelda) déboulaient dans mon salon un dimanche après-midi pour quelques explications. J’avais demandé à Olivier Popincourt qui joue régulièrement des claviers sur scène avec eux de m’accompagner dans le rôle de l’intervieweur : un moment rare avec des gens cultivés, esthètes et passionnés ! Et pour m’en rendre compte il a juste suffi de regarder autour de moi : ils ont marqué tous les gens qui les ont croisés ! C’est parti pour une leçon de « modernisme » à la Française !
(French Boutik et Olivier Popincourt en concert à la Mécanique Ondulatoire à Paris le 10 Mars 2017 - de gauche à droite Serge, Gabriela, Jean Marc et Popincourt - Droit réservé)
Serge : je suis guitariste compositeur et je chante certaines des chansons. On a fondé le groupe en 2007 avec Zelda. Auparavant, J’avais joué dans plusieurs formations. Mon premier groupe s’appelait les Ventura’s (en hommage à Lino !), ça remonte à 1984 ! Un groupe de potes dont les influences allaient de Jacques Dutronc à The Jam en passant par Electric Prunes ! On se cherchait un peu quoi (rires) ! Ensuite j’ai fait Chatterton, un trio … vraiment Jam pour le coup ! On avait sorti un 45 t assez minimaliste et sec en 1990. Puis un court passage dans les Soucoupes Violentes, le groupe de mon pote Stéphane Guichard. Ça a duré 4 mois, le temps d’une tournée et d’un maxi 45T produit par Eliott Murphy. Voilà …
Olivier Popincourt : Et après, entre les années 90 et aujourd’hui ?
Je ne savais pas trop dans quelle direction aller, j’étais plutôt assez désabusé. Des rencontres, des expériences un peu curieuses (une démo avec une reprise de « Beta Gamma », une chanson d’Henri Salvador période sixties, doit circuler peut-être quelque part !) … Et puis fallait taffer aussi, (je suis graphiste) et ça, ça me prenait beaucoup trop d’énergie ! Je continuais pourtant à chatouiller ma Rickenbacker, obsédé par la recherche de mélodies improbables ! … Une période où j’écoutais pas mal de productions Tricatel, les suédois The Eggstone ainsi que le 2e album de Philippe Katherine. Des trucs britishs aussi évidemment, comme Supergrass, Divine Comedy et beaucoup de Northern soul. Et puis en 2007 j’ai donc rencontré Zelda dans un bar ou j’officiais comme DJ, le « Ne nous fâchons pas ». On a tout de suite accroché et on a travaillé sur une première compo : « Kinky allumette », la genèse quoi …
Zelda : Au départ il s’agissait de l’écriture de paroles sur les compositions de Serge, qui essayait des musiciens en parallèle. Maintenant je suis la batteuse du groupe ! Avec Serge, nous en sommes les fondateurs, le « canal historique » quoi ! J’écris toujours les paroles de nombreuses compositions. Avant French Boutik, j’avais joué dans des groupes de Oi ! (Traquenard, West Side Boys et Shameless.) Et puis un groupe de surf/garage qui s’appelait les Sixtits. J’ai aussi été chanteuse dans un groupe de « Riot Girl » : les Ragnoutaz.
Gabriela : je suis la chanteuse et French Boutik est mon premier groupe ! A San Francisco j’étais dans la scène mod et scooteriste. J’étais très puriste, j’écoutais presque uniquement de la soul, du R’n’b et du Rock Steady. Les deux seuls groupes pop que je pouvais supporter à l’époque étaient The Zombies et The Equals ! (Rires) Un peu de Brit pop aussi, comme Supergrass et quelques trucs de « mod revival » comme Makin’ Time. La première fois que j’ai vu French Boutik sur scène, j’ai été impressionnée par le mélange d’esprit pop et de modernisme. Il ne manquait plus que moi, l’américaine pour amener un peu d’esprit français ! (Rires) Quand j’ai rejoint French Boutik après le départ de la première chanteuse, j’étais sacrément intimidée !
(French Boutik en 2017 de gauche à droite Zelda, Jean Marc, Serge et Gabriella - Photo Derek D’Souza)
Serge tu étais déjà bien intégré dans la scène Parisienne ?
S : J’ai commencé sur scène avec les Ventura’s grâce aux Barrocks, (l’époque du milieu des années 80 que j’évoquais tout à l’heure). Une scène qui a brassé beaucoup de monde d’horizon différent. Ça a permis à des groupes de rock’n’roll comme les Soucoupes Violentes et les Daltons de se lancer. C’était une période super exaltante ! On était jeunes, beaux et innocents (rires) Mais surtout terriblement speed !
French Boutik commence sous quelles influences ?
Z : La Brit pop. Divine Comedy, Blur, Supergrass …
S : Oui, Blur que j’ai connu avec l’album « Parklife », une synthèse de tout ce que j’aimais, de Syd Barrett à Paul Weller !
Z : Et la Motown ! Serge cherchait à l’époque une batteuse ou un batteur capable de jouer de la Motown. Comme j’en écoute énormément, et que c’est donc une grosse influence, ça a tout de suite collé entre nous !
Je pensais que vous aviez commencé en écoutant les Who, les Small Faces, les Kinks ou les Créations ?
S : C’était déjà intégré chez nous depuis bien longtemps : ce sont les fondations, les gènes ! Pour ma part j’avais découvert tout ça grâce à Paul Weller autour de 78. Il a été une sorte de grand frère (rires) ! Mais ce qui m’a vraiment redonné envie de former un groupe dans les années 2000, c’est la Brit Pop ! Je tiens à rappeller aussi que mes deux plus grosses influences issues des années 80 sont XTC et Elvis Costello. Elles sont toujours présentes !
Vous avez écouté aussi les Specials, Selecter … ?
Z : Ça fait aussi partie de nos fondations. La scène Two Tone a été créativement super importante !
S : The Beat était mon préféré ! Mélange assez unique pop et caraïbes.
G : Je tiens à clarifier les choses : le groupe n’est absolument pas enfermé dans un « trip » ou une étiquette réductrice. On essaie de faire de bonnes chansons, ce qui suppose tout naturellement des …influences. Influences qui ne sont d’ailleurs pas toujours les mêmes pour chacun de nous. C’est marrant d’entendre les critiques mentionner des noms auxquels nous n’aurions jamais songé comme Swing Out Sister ou Blondie ! Il y a eu deux commentaires que j’ai trouvé vraiment malins et dans lesquels on peut se retrouver pleinement : “The Jam meets Burt Bacharach” et “Booker T & the MGs meets Stereolab” !
Quelles ont été les différentes étapes du groupe ?
S : Dans la première formule, les textes sont tous écrits en anglais (toujours par Zelda) et chantés par Flora (l’ancienne chanteuse lead) qui ne jurait que par Belle et Sébastien ! A l’époque je ne chante pas, je reste concentré sur ma Ricken ! Elian (ex Soucoupes Violentes et Hush Puppies Ndlr ) était à la basse. Ensuite on a pris Iky (8°6 Crew) au clavier, ce qui a amené une touche légèrement Madness (le côté pop, pas ska !). Quelques concerts plus tard, la chanteuse quitte le groupe pour des divergences de style. C’est à ce moment que notre américaine arrive, avec la ferme intention … de chanter en français … et de faire chanter tout le monde ! (Rires)
Alors Gabriela, ce n’était pas compliqué pour toi ?
G : Ça me semblait normal, voire naturel ! Pour moi, un groupe qui écrit et chante dans sa langue est plus authentique !
S : On vit en France, c’est normal de chanter en français ! Si Ray Davies (leader des Kinks Ndlr ) avait été français il aurait chanté en français !
Et ensuite il s’est passé quoi ?
G : Après le départ d’Elian (bassiste) , on a rencontré Jean-Marc (notre bassiste actuel donc). Avant de rejoindre le groupe, il prenait des photos de nos concerts. En plus d’être un bassiste remarquable, c’est un excellent photographe, ce qui est maintenant bien dommage ! (Rires)
S : Son arrivée a amené l’aplomb qui nous manquait ! On est maintenant vraiment solide. C’est le ciment du groupe.
Z : je me suis senti très à l’aise avec lui tout de suite : on s’est retrouvé naturellement sur les fondamentaux !
https://www.youtube.com/watch?v=rRyi8I4lu74
D’où vient le nom French Boutik ?
S : Au-delà de l’évocation des fameuses boutiques de Carnaby Street au début des années 60, c’est un clin d’œil au modernisme, sous la forme d’une mise en abîme. Une sorte de ping-pong sans fin entre 2 pays qui ne se comprennent pas. D’abord les mods anglais flashaient sur le style Français (cinéma, fringues etc…) et nous, mods français (complexés !) flashont sur l’Angleterre. « French » c’est français en anglais. « Boutik » est là pour mettre les 2 pays d’accord ! (Rires) Le K est un hommage aux Kinks. Une lettre très graphique, une lettre mod ! (Rires)
Olivier Popincourt : French Boutik est-il un groupe Mod ?
Z : (aussitôt) Oui !
G : Oui, maintenant que je suis là ! (Rires)
S : Oui, presque, puisque la perfection n’existe pas … (rires) Il y a une ambiguïté à propos de notre style. En tout cas de sa perception. Les mots Pop et Mod peuvent suggérer une contradiction. Il y a encore beaucoup de puristes qui sont allergiques à la « Pop », surtout en France ! Quand tu fais de la musique, rester bloquer par des étiquettes est une absurdité. Un bon groupe pop doit être capable d’utiliser toutes les « couleurs » dont il dispose par sa culture. Si je trouve pertinent de donner un parfum bossa ou même flamenco à une chanson, je n’hésite pas. Il ne s’agit en aucun cas d’exercice de style. Si tu es vraiment inspiré et que tu y mets toute ton âme, « ton » style propre restera intact. Les Who ou les Kinks l’ont très bien prouvé. A ce titre, le Style Council restera un modèle pour nous : ils pouvaient explorer beaucoup d’univers musicaux tout en gardant leur esprit. C’est cela la pop … moderniste !
OP : C’est quoi être Mod et surtout être Mod en 2017 ?
Z : être esthète est intemporel. Le dandysme est intemporel.
S : Le Refus de la médiocrité. Le souci du détail.
G : C’est un état d’esprit. Un mélange d’individualisme, de convivialité, et d’humour. Le style et le soin apporté à toutes les actions et dans toutes les situations de ta vie. La musique, les vêtements, et tous les aspects du quotidien. Le refus du mauvais goût.
Le mauvais goût, ce n’est pas subjectif ?
G : Non, pas quand tu es Mod ! (Rires)
S : Pour essayer d’’apporter un éclairage à notre démarche, je vais prendre un exemple. Récemment j’ai vu un documentaire sur les « Sapeurs » congolais. Leur truc c’est de dire que même si tu es un prolétaire, ou dans une situation précaire, il n’y a aucune raison de ne pas avoir du style et de la classe. C’est assez proche de l’esprit Mod. Il s’agit aussi de l’idée d’’estime de soi. Chez les mods, on peut également déceler un pied de nez aux archétypes vestimentaires de la société bourgeoise : « moi, petit prolo, je porte des costumes mille fois plus beaux et classieux que mon patron ce vulgaire capitaliste avec sa Rolex de merde. Il a peut-être le fric, moi, j’ai le style, les plus belles sapes, la meilleure musique, les meilleurs livres, les meilleurs films …
https://www.youtube.com/watch?v=K_kfBH7OQ4c
Mais quand tu regardes les reportages des années 60 sur les Mods, ils sont rejetés parce que ils ont un côté dandy, une sorte de rébellion dans l’élégance ?
S : Peut-être, mais il n’y a pas eu la volonté d’être dans une rébellion ouverte et violente (les émeutes de Brighton ont-elles été vraiment mod ?) comme l’avaient été celles des rockers, des punks ou d’autres mouvements. Les dandys modernists qui trainaient dans les clubs de jazz à la fin des années 50, s’apparentaient finalement plutôt aux Zazous français.
Justement, le mouvement Mod vient du jazz : est-ce une vos influences ?
S : Bien sûr : on connait notre histoire ! (Rires) C’est vrai qu’au début le mouvement tournait autour du style des Jazzmen ! Le mot Mod vient de « modern jazz » (en opposition aux « trads » qui eux, écoutaient du jazz traditionnel) Les Mods ne juraient que par Miles Davis, John Coltrane, Jimmy Smith ou Mose Alison, l’avant-garde quoi …
Vous vivez dans quel univers : les années 60 ?
G : Pas exactement. Nous sommes en 2017, je crois. (Rires). Non, mais sans rire, on n’est pas « rétro » ni « vintage ». On écoute des musiques de toutes les époques. Il se trouve simplement qu’il y a des périodes plus riches que d’autres.
S : Quelqu’un qui écoute du Jean-Sébastien Bach, on ne lui dit pas qu’il est rétro.
Par exemple vous enregistrez en numérique ou en analogique ?
S : On joue sur de vrais instruments, des belles Rickenbacker, et sur des amplis à lampes (les amplis transistor, ça craint vraiment). On enregistre dans un studio qui combine analogique et numérique pour le mixage. Pas de fétichisme, tu vois. (Rires)
La fin justifie les moyens : on prend la technologie moderne dans ce qu’elle a de meilleur.
OP : Vous vivez bien dans votre époque : vous êtes un groupe très présent sur les réseaux sociaux. Vous êtes connecté avec une international Mod ?
G : Pour diffuser French Boutik, nous utilisons les outils efficaces du moment, un point c’est tout. Il se trouve que la scène Mod est bien plus développée à l’étranger qu’en France. Ici, il y a d’excellents groupes, mais plutôt Rhythm’n’blues ou garage.
OP : Donc vous êtes dans un réseau ?
G : Oui. Mais il ne s’agit pas uniquement des mods. Nous avons eu toute sorte de publics et c’est tant mieux.
Z : Avec ce réseau on a pu jouer aux USA, au Canada, à Moscou, en Allemagne, en Suède et très souvent en Angleterre !
G : Et Front Pop notre Lp, est sorti en Angleterre, en Allemagne, un peu partout en Europe mais aussi au Japon !
(French Boutik au 100 Club * Photo Derek D’Souza)
Ce n’est pas gênant d’être dans un réseau ?
Z : Dans « l’entre soi » ? Il nous arrive d’être très contents de toucher d’autres sphères ! (Rires)
S : Nous ressemblons à ce point à une secte ? (Rires)
Vous pouvez aller jouer partout dans le monde, vous aurez toujours du public devant vous grâce à ce réseau ?
G : Oui et c’est très agréable ! Ce sont des gens qui aiment la musique live.
Aujourd’hui chacun doit rester dans son réseau : les Rockabilly avec les Rockabilly, les groupes garages entre eux !
S : Tu exagères, ça a beaucoup changé, surtout en Angleterre. Pas autant en France certes, mais c’est vrai qu’ici on aime les tiroirs !
G : Récemment on a partagé la scène avec des groupes surf et garage. Il n’y a eu aucun mort ! (Rires)
https://www.youtube.com/watch?v=o8AhNQcKuuI
OP : Vous êtes donc dans cette niche mais en vous servant de la modernité technologique ?
G : C’est clair que sans internet et les réseaux sociaux ce serait beaucoup plus compliqué !
S : Dans les années 60, qui aurait reprocher à Brian Epstein, Shel Talmy ou Andrew Loog Oldham d’utiliser le téléphone ?
OP : Parlons de vos chansons. Vous abordez des « thèmes mod » : scooters, fringues, fêtes …
S. Heu, non pas vraiment. On a passé l’âge (Rires). Plus sérieusement, on parle de tous ce qui nous touche au quotidien, en essayant de le faire avec humour, simplicité et distance si possible. Ca peut toucher à la politique, des histoires de relations amoureuses ou d’autres trucs …
OP : Justement, votre album Front Pop, porte un nom très évocateur. Il y a de la politique dans vos chansons ?
G. Parfois oui. « le Mac » est centré sur un sinistre personnage de la vie politique française. (Rires)
S. C’est Zelda qui a écrit les paroles du Mac. Elle a réussi à en faire un personnage de film.
Z. Oui, j’ai essayé de ne pas être dans la « dénonciation » lourdingue, genre « chanson engagé ». Ca tourne autour de l’aspect grotesque de cet imposteur (Macron pour ne pas le nommer) et de l’impact qu’il peut avoir sur la société française. Une supercherie, un peu comme une publicité pour une lessive, mais en bien plus dangereux. Là, on est en plein dans l’actualité, je crois.
G. Oui, tu vois French Boutik n’est pas un groupe Halloween ! (Rires)
S. On est capable d’aborder tous les thèmes en gardant le style French Boutik. J’aime bien l’idée de parler de sujets à priori graves mais avec distance. Le nom Front Pop résume très bien notre démarche. Nous étions en plein pendant les manifestations massives contre la Loi Travail. On peut être pop et avoir une conscience ! En cela, on se sent très proche de Ray Davies, ou de Billy Bragg. Dans la chanson l’Expert, qui parle des spécialistes économiques ou autres journalistes aux ordres qui monopolisent les ondes, Jean-Marc a écrit le texte en se mettant en scène. C’est parti de son ras-le bol d’être réveillé tous les matins par les voix de ces blaireaux (Attali etc…) à la radio.
Z. Et Serge dans « Impitoyable » nous a fait du Michel Houellebecq ! (Rires)
S. Ouais, il y a sans doute un clin d’œil à « Extension du domaine de la lutte ». La guerre entre les beaux et les laids, « une lutte impitoyable … » mais comme je suis positif (Rires) je termine avec Bo Diddley ! (Rires) Je suis assez content de cette petite chanson Kinksienne !
Z. Les Tigres sont aussi un sujet qui nous tient à cœur … n’est-ce pas Gab ?
G. Oui, j’ai écrit ce texte en pensant à tous ces gens qui s’insultent politiquement sur facebook. Mais dès qu’il s’agit de vidéos de félins, tout devient paix et amour ! (Rires)
S. J’adore ce titre. Une chanson très œcuménique ! Et musicalement, un clin d’œil à « I can see for miles » des Who.
OP : Comparé à vos Eps précédents, pensez-vous que votre son a changé ?
G : Pas vraiment, l’esprit est le même. Les chansons sont plus riches. On a aussi appris à mieux travailler ensemble, qu’il s’agisse du groupe ou des échanges avec notre producteur. On est plus soudés !
OP : Ne pensez-vous pas que vous pouvez aller beaucoup plus loin que votre réseau ?
Z : J’en suis convaincue !
G : On aimerait bien mais en France c’est difficile : on n’est pas adapté à la scène officielle Française ! On ne rentre pas vraiment dans les cases imposées !
S : Il y a un formatage. Pourtant quand je fais écouter notre musique à des gens qui ne sont pas du tout dans la scène, ils accrochent très spontanément !
Z : Ce qui me plait c’est quand on sort des sentiers battus ! Quand on va vers d’autres choses, vers d’autres groupes ! On est pas du tout fermé, bien au contraire.
Vous manquez d’exposition médiatique ?
S : C’est une évidence.
Bon allez la question qui tue : quel est le rôle d’Olivier Popincourt dans French Boutik ?
G : C’est notre Billy Preston (clavier des Beatles Ndlr ) ! Il a toujours été là : il a fait notre première démo et il joue régulièrement avec nous !
(Olivier Popincourt et Gabriela Giacoman - Droit réservé)
Pourquoi il n’est pas membre à part entière des French Boutik ?
OP : J’ai ma propre carrière et je ne pourrai pas assurer tous les plans ! On a trouvé un bon équilibre maintenant !
Il y a d’autres gens comme lui qui jouent avec vous sans être membre du groupe à part entière ?
S : Il y a Susanne qui viens jouer de la flûte traversière de temps en temps. On l’entend sur « Hitch a Ride ». Sinon, Olivier a sa place dans le groupe et c’est un vrai plaisir quand il est avec nous.
Z : Il y a des gens notamment en Angleterre (grâce au fameux « réseau » !) qui peuvent nous rejoindre pour un soir ou une tournée : des pianistes, des percussionnistes …. Par exemple Emer, une jeune femme qui jouait dans un groupe de Northern Soul londonien Tram Beat : elle a appris tous nos morceaux ! La première fois qu’elle s’est retrouvée sur scène avec nous, en à peine cinq minutes elle était dedans, impec !
OP : Moi je vois ça comme un collectif et il y a les moyens de monter un collectif qui irait plus loin que notre « international Mod »
S : J’aime bien le côté « collectif » : des gens qui passent en amenant leur touche personnelle. Pourquoi pas.
En France vous partageriez la scène avec qui ?
S : On est prêt à jouer avec qui voudra, mais surtout avec ceux qui apprécient le bon vin rouge du sud-ouest (Rires).
Quels ont été vos concerts les plus importants ?
S : Le 100 Club à Londres !
G : En Russie on a joué en plein air dans un festival avec plus de 10 000 personnes : c’était impressionnant !
Z : C’était énorme, oui !
OP : Comment se passe le processus créatif ?
S : Je compose une ligne mélodique sur un riff de guitare. Ensuite vient le texte écrit soit par moi, soit par Zelda, soit par Gabriella ou Jean Marc. On part en règle générale de la mélodie !
G : Le morceau évolue et s’étoffe ensuite avec les arrangements auxquels participe tout le groupe lors des répétitions.
(Pochette de l’album Front Pop, photo Derek D’Souza)
On parle un peu de l’album ?
G : Après une compilation de nos premiers EP sortie en Angleterre, tout le monde voulait un album. On a commencé par enregistrer deux chansons à Montreuil au studio Cargo et toutes les autres compos à Hambourg au studio « Yeah !Yeah !Yeah ! » que nous connaissons déjà bien (nos 2 précédents EP avaient été enregistrés là-bas). On a fait un crowdfunding pour payer l’album et c’est Dennis Rux l’ingénieur du son qui en a assuré la production.
S : C’est un ingé son plutôt « garage », qui avait travaillé avec les Grysgrys, les Darlings et les Riots. Il nous comprend parfaitement, il apporte d’excellentes petites touches d’arrangement …
Il est distribué par qui ?
G : Copasedisques en Allemagne et Detour en Angleterre.
Vous en attendez quoi de cet album ?
Z : Un nouveau départ. Il est assez ouvert pour nous faire connaître d’un public plus large !
S : C’est une étape importante. Front Pop et ses onze titres imposent notre style.
Vous avez eu des retours ?
G : Oui, d’excellentes réactions. L’album a été très bien reçu par les fans de nos précédents Eps, surtout nos « crowdfunders » qui étaient très impliqués. Et nous étions ravis de figurer sur plusieurs listes « meilleurs albums de l’année » établies par des critiques et des radios dans plusieurs pays. Quelques-uns plutôt « indie » que strictement mod, ça fait plaisir !
S : Mais pas beaucoup de retours sur la France !
G : Rassure-toi : pour nos EP précédents, je me souviens avoir fait le maximum, j’avais écrit partout, contacté toutes les radios françaises ! Un peu dépitée, j’avais fini par contacter les Anglais, sans grande illusion parce que « ça chante en Français ». Et là ce fût l’avalanche ! On est passé sur des radios indé, la BBC etc … sans compter les papiers dans Shindig, Record Collector etc …
(French Boutik au studio Yeah Yeah Yeah avec Denix Rux au centre et Olivier Popincourt deuxième à droite - Droit réservé)
OP : Il y a pleins de gens qui ont entre 20 et 50 ans qui ont grandis avec une scène assez pessimiste, de Noir Désir à Dominique A. Ils ont du mal avec la pop, ils ont juste raté le wagon !
S : Je suis assez d’accord, c’est le syndrome tristement nommé « nouvelle chanson Française », C’est pathétique, en effet. Mais ça navigue encore parfois « crétin festif/alterno/ bonnet péruviens » aussi. Le genre « je parle de la misère du monde, je fume des gros joins, et c’est bien cool… », Mais oui, il y a les éternels poètes dépressifs/écorché vif, à la Miossec . On adore ça les « rimbaldiens » en France. Quel manque de pudeur ! C’est lourdingue. Enfin ce n’est pas le pire. On a Bénabar pour toucher le fond. C’est pour ça aussi, que j’aimais bien Philippe Katherine à ses débuts ou Bertrand Burgalat. Distance dandy.
C’est un parti-pris d’avoir un son comme le vôtre : des voix au même niveau que les guitares et une rythmique très en arrière ?
Z : Oui, c’est le parti-pris de Dennis ! Il enregistre comme ça, il n’aime pas à priori les gros sons qui tâchent ! (Rires)
S : C’est sa marque de fabrique. Par exemple la grosse caisse est bien mise en avant !
G : en tout cas on est ravis du résultat !
S : Pour le prochain, vu les dernières compos, on tentera quelque chose de plus ample ! « Front Pop », a été enregistré et mixé en une semaine, ce qui est un exploit pour 11 morceaux. L’album a été conçu dans l’urgence, ce qui s’avère souvent salutaire ! C’est notre côté punk 77. (Rires) Et Gabriela nous a fait travailler à la baguette (rires) !
Z : Avoir cette deadline nous a obligé à être efficace. Et je trouve que c’est une réussite !
https://www.youtube.com/watch?v=TrK1DLcT1qk
Et la pochette qui est splendide …
S : C’est Derek D’Souza (un des photographes de The Jam !) qui a pris la photo. Il a vraiment « un œil ». La petite mise en scène sur le lit rouge, est partie d’une idée de Zelda.
C’est quoi vos projets ?
G : On enregistre une reprise de The Jam pour la compilation anglaise Specialised qui travaille avec l’association caritative « Teenage Cancer Trust ». Leur concept est de sortir chaque année une compilation « tribute » autour d’un grand groupe. Les groupes qui y participent en choisissent une reprise. Les années précédentes nous avions fait The Clash et Madness. Cette année c’est donc Paul Weller et The Jam.
S : Il fallait en être ! (Rires)
G : Nous avons adapté en français la reprise choisie …et on ne vous dira pas laquelle ! Les Soucoupes Violentes et Popincourt représenterons également notre beau pays !
Z : Et pleins de concerts d’ici juillet : Angleterre, Suède, Espagne, et peut-être l’Allemagne.
S : Mais aussi en France : Vannes en mars et même Paris en avril ! (Rires)
Z : Il serait aussi question d’aller faire un tour en Amérique Latine en 2018 !
Enfin notre dernière question : quel disque donner à des enfants pour les amener à la musique ?
G : Les Beatles ! Je les ai adorés quand j’étais petite.
S : Les Clash, « London calling »
Z : L’album éponyme de Camera Silens. Si ce sont des enfants français, il leur faut du vrai bon punk français avec la rage au ventre.