Vous sortez votre premier album début décembre, pourquoi au bout de quatre ans ?
Francis (guitare) : On voulait faire ça bien, et on a eu un changement de personnel en 2018 qui a repoussé l’album de plusieurs mois. Anne a quitté le groupe et c’est Louise qui l’a remplacée à la guitare.
Louise (guitare) : J’ai découvert la « Surf music » avec eux. Avant j’ai joué dans différents groupes de rock sixties et seventies « Garage ». J’ai croisé Francis et il m’a proposé de jouer avec eux, c’était au printemps 2018. Il m’a fallu un peu de temps pour me mettre au point et bosser tous les morceaux, c’est un style qui demande pas mal de rigueur.
(The Wave Chargers en 2019, de gauche à droite Samy, Claude, Louise et au premier rang Francis - Droits réservés)
Vous êtes toujours à quatre ?
F : Dans le groupe oui, mais sur le disque et dès qu’on le peut sur scène il y a Mat Le Rouge (de Loolie and the Surfing Rogers Ndlr ) au saxophone ténor et plus occasionnellement Jean-Ga, alias Toni Mojito (des Rhum Runners Ndlr ) à la trompette.
Vous avez aussi une Go-Go danseuse sur scène ?
F : Oui, elle vient sur quelques morceaux…
L : Elle nous aide à mettre l’ambiance, il suffit de voir les yeux du public … (rires).
Pourtant sur scène ça bouge ?
F : On essaye de bouger pas mal mais il y a certains moments où tu sais que si jamais tu bouges trop tu risques de vite planter ta note et donc, pour ces plans-là, avoir une danseuse nous permet de nous concentrer un peu plus tout en gardant un gros dynamisme sur scène.
On parle de l’album ?
F : Bien sûr ! On l’a fait en trois jours à l’ATPR Studio, le studio de Thierry Los (ex leadeur des Vegomatic, producteur de surf music avec qui ils collaborent depuis le début Ndlr) . C’est un lieu incroyable qui est immense. Il est installé dans une vieille usine où sont stockées et retapées des voitures de collections qui servent pour des films entre autre. On a enregistré 17 morceaux en trois jours. On en a gardé 12 sur l’album. On a tout enregistré en analogique.
C’était voulu d’enregistrer en analogique ? C’est un travail beaucoup plus « lourd » que le numérique !
L : Moi je n’aurais pas voulu faire ce travail méticuleux ! (rires)
F : C’était totalement voulu et pourtant c’est un peu plus compliqué effectivement. Surtout quand tu fais ça en prise live. Il faut jouer tous ensemble sans se planter, il faut prendre le temps de rembobiner les bandes pour réécouter sans sortir de sa concentration, il faut gérer la place sur les bandes aussi...
L : Thierry (Los Ndlr) n’avait que deux bobines pour nous, c’était notre limite. Il fallait vraiment qu’on se détache d’un morceau pour en enregistrer un autre.
F : C’est une contrainte parce que tu es obligé d’être bon : si tu fais une petite erreur tu es obligé soit de faire avec, soit de rejouer le morceau. Avec tout le monde. Jack White disait un truc très bien là-dessus : « tu es obligé de choisir, tu ne peux pas refaire un truc à l’infini en gardant 15,000 prises comme tu le ferais en numérique ». Tu dois décider si une version est la bonne ou pas. Même s’il y a des micros pains. On avait cette contrainte de bande où nous étions limités. Quand tu enregistres 17 morceaux tu t’amuses pas à faire mille prises de tous les titres.
L : Tu te dis que derrière tu en as encore six à enregistrer et que tu risques de ne pas avoir la place.
F : Tu te dis juste : « qu’est-ce qu’on écrase et qu’est-ce qu’on garde ? » Au final il ne nous restait que 2 voire 3 versions de chaque morceau. Et encore...
Vous n’aviez pas peur que l’on entende vos erreurs ? Avec le numérique les auditeurs sont habitués à entendre des morceaux « parfait »
L : Attention, il s’agit aussi du son que nous voulions.
F : Et des erreurs il y en a, mais c’est les aléas de la prise live. Des erreurs il y en a presque sur tous les disques qu’on aime bien finalement. Ça donne un supplément d’âme je trouve.
(The Wave Chargers et les guests au studio ATPR - Droits réservés)
Tu crois que ça joue sur le son l’analogique par rapport au numérique ?
F : Absolument : on n’aurait pas eu le même son avec le numérique.
Vous auriez pu le réaliser vous-même votre album ?
F : On aurait pu mais cela n’aurait rien eu à voir. Ça aurait été moche ! (rires), si on n’avait pas fait comme ça on s’en serait voulu.
C’est une musique qui nécessite une technique de musiciens et de groupe incroyable : si il y en a un qui n’est pas dans le truc ça se voit tout de suite. Vous avez du beaucoup travailler et répéter ?
F : Oui, on travaille et il faut se concentrer.
L : Comme il n’y pas de chant, si la guitare se plante ça se voit tout de suite, comme un chanteur. Il faut vraiment bien s’entendre
On le trouvera où cet album ?
F : Sur notre « Bandcamp » et celui du label qui co-produit l’album « Green Cookie Records », sur les concerts et quelques disquaires à Paris comme « Gibert », « Born Bad »,« Pop Culture Shop » ou « le Silence de la Rue ». Notre distributeur Quixote RPM le placera chez quelques disquaires spécialisés en province, mais on doit faire attention aux quantités. On pourra en represser après… Il sort en vinyle et en digital.
https://thewavechargers.bandcamp.com/
https://greencookierecords.bandcamp.com/album/pre-order-gc063-the-wave-chargers-lp
Vous signez tous les quatre les morceaux originaux de l’album ? Comment composez vous ?
F : Tout est signé tous les quatre. Avant, quand Anne était dans le groupe, on se voyait elle et moi pour trouver les bases d’un morceau - disons qu’il était souvent près à plus de 50% - et puis après on le travaillait tous ensemble. Maintenant avec Louise, chacun amène son idée, même si c’est juste trois mesures, et on travaille tous ensemble. Parfois ça peut prendre des mois pour arriver à la finalité du morceau qui a souvent plus rien à voir avec l’idée de base ou alors le morceau est amené presque complet… Ça dépend !
L : Ca peut être juste un bout de mélodie que l’on enregistre sur nos téléphones.
On va parler des morceaux : « Bombora », c’est le morceau qui ouvre l’album
F : oui, c’est une reprise des Original Surfaris . C’est vraiment une grosse énergie : c’est un boulet de canon. Il a aussi été repris par les Wangs . Par contre contrairement aux Wangs on le fait un peu plus proche de l’original avec la partie de sax jouée par Mat.
C’est ce morceau qui ouvre vos concerts ?
F : Non, il arrive un peu plus tard. C’est rare qu’on démarre nos concerts comme ça : pied au plancher ! C’est arrivé mais on ne le fait plus trop.
Ensuite « Dernier virage » ?
L : Ça c’est de nous et c’est un des derniers titres qu’on a composé pour l’album. Le morceau est peu tendu mais assez énervé.
F : Pour revenir sur le travail de composition collectif il faut préciser que le solo de « Dernier Virage » a été écrit par Claude et Samy, le batteur et le bassiste. Ils se sont mis à le chanter et voilà c’était bon !
Troisième titre « Headhunter » ?
F : Celui-là est inspiré par le groupe anglais The Hunters . Je ne voulais pas faire un truc totalement « surf » mais plutôt un morceau instrumental britannique, un peu comme les Shadows ou les Hunters donc, par contre je ne crois pas que j’y sois arrivé (rires) ! Mais c’était l’ambition à la base (rires) !
Quatrième morceau : « La Gâchette sauvage » ?
F : C’est notre morceau un peu western spaghetti… C’est notre hommage à “Pensa Goes West” des Rhum Runners qui lui-même est un clin d’œil au générique de « La Folie des grandeurs »
L : Moi je trouve une influence Ennio Morricone.
(The Wave Chargers en concert en 2019 - Photo Gérald Chabaud)
Ensuite « Destinazione Roccapina » ?
F : C’est une reprise de Bikini Machine le groupe de Rennes. A la base c’était déjà un instrumental. Il y a un côté course poursuite dans des décapotables italiennes sur les bords de la Méditerranée…
Pourquoi autant de reprises ?
F : Pourquoi pas ? (rires) On a un peu un côté fétichiste (rires). Dans notre style cela s’est toujours fait et nos reprises on se les réapproprie. Depuis nos premiers EP on fait des reprises.
On continue avec « Jersey Channel Islands, pt. 7 » ? C’est encore un morceau énergique mais aussi une reprise. On a l’impression que vos reprises sont plus énergiques que vos composition .
F : C’est pas faux mais on a un peu envie d’être des passeurs je pense, de montrer d’où on vient ! Ce sont souvent des reprises pas évidentes pour tout le monde. Donc si ça peut faire découvrir des artistes qu’on aime bien hein...
Ensuite « Caccciuco » ?
L : Ce morceau a une histoire. Le nom vient de l’Italien. C’est la spécialité de Livourne où nous étions l’année dernière pour le Surfer Joe Summer Festival. Ils nous ont vendu ça comme la bouillabaisse de poisson locale, (rires).
F : Ils te disent que c’est une soupe de poissons mais dedans tu as tout ce qui vient de la mer : des Moules, des Poulpes, des bouts de poissons et même des têtes de poissons (rires). Franchement tu ne t’attends pas à ça ! C’est recouvert de sauce tomate. C’est très bon mais c’est quand même le truc qui a rendu Samy (le bassiste Ndlr) totalement végétarien (rires). Il avait arrêté la viande après une tournée en Angleterre et là il a arrêté aussi le poisson après le « Cacciuco » ! (rires)
L : C’est un mot qui nous a suivi sur toute la tournée et on en a fait un morceau tous les cinq puisque Mat a mis sa petite touche.
F : Et puis franchement phonétiquement « Cacciuco » ça claque !
Mat va souvent jouer avec vous ?
F : Ça dépend : il est très demandé. Ça dépendra de ses disponibilités mais il sera là à la « release party ».
On continue avec « La Cienega » ?
L : Au regard des titres de nos morceaux je me dis que c’est un album très international (rires).
F : C’est le nom du boulevard quand tu sors de l’aéroport à Los Angeles et le terme pour des zones un peu marécageuses en Amérique centrale. J’aimais bien le mot. C’est notre morceau avec trompette.
C’est vrai qu’il y aussi parfois, dans certains de vos morceaux, un côté Mexicain et d’Amérique latine
F : C’est le seul morceau qu’on avait déjà sorti sur un EP. On voulait vraiment le réenregistrer avec une trompette style « mariachi. »..
L : On adore Calexico , ce genre de groupes…
F : Sur ses disques Dick Dale joue de la trompette lui-même
L : C’est un morceau qui permet de souffler …
« Baron Double » : le slow de l’album !
F : On peut dire ça. C’est une composition aussi. On voulait faire une ambiance de films d’espionnage avec un côté un peu jazzy. C’est LE morceau qu’on a vraiment retourné dans tous les sens. A la base c’était un riff de Samy. C’était presque « Garage » ! On l’a beaucoup retourné, on a gardé quasiment une seule mesure de son riff et puis quand on a joué l’intro comme sur l’album, le reste est venu naturellement !
L : On a dû acheter des balais à Claude (le batteur Ndlr) pour ce morceau (rires) !
(Droits réservés)
On dirait une musique de dessin animés : « la Panthère rose » par exemple ?
F : il y a un peu de ça. Ambiance « spy movie sixties »... Le côté Henry Mancini. Je réécoutais beaucoup la BO d’ « Experiment In Terror » à ce moment-là d’ailleurs.
Justement vous n’avez pas peur de quitter le côté « surf », d’aller vers le rock garage ou même le rhythm’n’blues ?
F : Non, ça ne nous fait pas peur. il y a toujours eu des liens entre le rhythm & blues, le garage et la surf. « Cacciucco » par exemple il a un petit côté twist.
L : (rires) : Lorsqu’on était en résidence pour écrire l’album, ils m’ont demandé si j’avais pas une idée sous le coude, un petit riff rock’n’roll, et c’est ainsi qu’est sorti le gimmick de Cacciucco, plutôt bluesy à l’origine, pour finir en twist. C’est une de nos manières de naviguer entre différentes influences… Mais ça peut arriver que dans la construction d’un morceau ça déborde et que nous soyons obligés de revenir vers la « surf »…
F : Mais on essaye aussi, et assez souvent, d’élargir le spectre de la surf pour ouvrir un peu.
C’est une musique qui est très « balisée ». Vous n’avez pas peur de tourner en rond ?
F : C’est un vrai sujet, il ne faut pas se voiler la face… Je ne veux pas en tout cas qu’on fasse de la « surf » avec de la distorsion, beaucoup en font déjà et c’est pas trop mon truc … On verra après l’album quels chemins on prendra, mais pour l’instant voilà ce qu’on fait.
On restera dans l’esprit de la « surf » mais on essayera peut-être aussi d’ouvrir parfois, on ne s’interdit rien !
L : Il y a un côté de modernité dans notre musique. C’est peut-être dû à notre âge !? On va assez loin dans nos recherches mais on revient toujours vers la surf avec notamment la reverb !
On continue avec « Topanga » ?
F : C’est un lieu dans les montagnes derrière Hollywood ou en allant vers Malibu je sais plus ! Là encore c’est un nom sur lequel j’étais tombé en allant là-bas et sans trop chercher j’ai trouvé que ça sonnait bien. C’est un morceau avec une petite montée et ensuite ça bastonne.
« Catwoman Twang » ?
F : A part le petit miaulement de Louise le titre n’a rien à voir avec la musique (rires). Le riff peut peut-être évoquer Batman ‘66 ? Et encore je ne suis pas sûr… Faudrait demander à Anne. Le riff d’intro vient d’elle.
Et l’album se termine avec « Banzai Washout » ! C’est hyper rapide et énergique : c’est voulu d’avoir mis un morceau énervé au début et à la fin ?
F : Complétement, je voulais vraiment ça : commencer et finir sur un coup de poing. Comme ça tu as envie d’y revenir ! Il y a juste Samy qui avait un petit doute sur cet ordre de titres.
(Pochette de l’album des Wave Chargers - Droits réservés)
C’est un album assez court : 31 minutes
F : Ca ne servait à rien de faire plus long ! Sur scène on joue 45 minutes en général, on peut jouer plus mais on veut de l’efficacité un peu comme les Ramones. Les spectateurs en prennent plein la tronche et si ils en veulent plus, ils reviennent ! Et puis ça leur bouffe pas toute la soirée (rires) !
L : C’est vrai que les morceaux sont assez concis !
Vous en attendez quoi de ce disque ?
F : D’être riches et célèbres (rires) !
L : C’est une forme d’aboutissement pour nous !
F : L’idéal ce serait que ce disque nous présente auprès de gens qui ne nous connaissent pas et aussi fasse connaître cette musique. Le point important pour nous c’est que tous les gens qui ont écouté l’album ont tous un morceau préféré qui est différent ! J’imagine que ça signifie qu’il n’y a pas un morceau au-dessus ou en dessous des autres. C’est homogène et a priori de bonne tenue ! On espère aussi décrocher de bonnes dates.
Ce disque est assez attendu, vous en avez conscience ?
F : On voit que il y a une petite attente par les gens que l’on croise aux concerts et sur Facebook mais on sait que nous sommes dans une « niche ». Après c’est vrai que des fois on entend parler de nous par des circuits qu’on n’imaginerait pas, et ça, ça fait plutôt plaisir !
Votre musique est très cinématographique ?
F : Oui, on le sait, mais c’est le lot de toutes les musiques instrumentales je pense. Mais avant de se lancer dans le ciné on va déjà commencer par faire un clip.
Et les concerts ?
F : Il y a la « release party » le 12 décembre au Gibus avec les 10 Michels en première parties. Ça va être un belle grosse fête très intelligente ! Après en 2020 on va vers Lyon en février, on bosse sur des dates Bretonnes, un festival en Espagne, l’Angleterre en mai et d’autres pays… Tout n’est pas encore calé, mais si on se débrouille bien 2020 devrait être une bonne année en terme de concerts.
Il y a donc un réseau « surf » dans le monde ?
F : Oui un petit réseau mais actif.
L : Il se mélange parfois avec le Garage mais il est vraiment présent !
Vous êtes totalement indépendant ?
F : On s’auto-manage, on se produit, on cherche nos dates … Là on a une co-production avec le label « Green Cookie Records » pour l’album, un très bon label grec spécialisé dans ce genre musical.
Qu’est-ce que tu veux dire pour la fin ?
F : Ton coussin est très confortable !
En concert le 12 décembre au Gibus
https://www.yesgolive.com/thewavechargers/releaseparty