Je suis Serge Fabre, chanteur, guitariste et harmoniciste du groupe Staretz.
Ça a commencé comment le groupe ?
En 2013, avec le bassiste actuel, Eric Baldini, et le guitariste de l’époque, Philippe Lombardi, on a décidé de fonder un groupe autours de notre passion pour le rock roll. Avec Philippe avec qui je jouais depuis 1987, on écoutait des artistes comme Buddy Holly, Eddie Cochran, Gene Vincent, les disques « Sun », les Cramps, du rock’n’roll, quoi. On est parti là-dessus mais on ne s’est pas calqué sur ça. On a créé notre propre son.
( Serge Fabre - Photo Franck Alix)
Beaucoup de gens vous décrivent comme un Garage’s Band alors que pour moi vous êtes beaucoup plus un groupe de rock classique
Complètement. Ce que l’on fait, n’a strictement rien à voir du « garage ». On aime la musique au sens large.
Staretz ça veut dire quoi ?
Dans la religion orthodoxe russe, ce mot désigne un sage. Il y a un chapitre entier qui est consacré à un « staretz » dans « les frères Karamazov » de Dostoïevski. Ceci dit, on a choisi ce nom uniquement pour sa sonorité.
C’est votre troisième album qui vient de paraitre sur ton label « Bang record ». Peux-tu nous en parler ?
Je jouais en 2008 dans un groupe qui s’appelait « les garçons sauvages ». On a enregistré un cd auto-produit et comme il fallait un nom pour un label on a choisi « Bang Records ». On ne pensait pas continuer.
On a décidé ensuite de rééditer le groupe dans lequel je jouais dans les années 80, « Dau Al Set ». Ca faisait deux disques. De fil en aiguille...
Philippe a décidé de se joindre à moi pour le label et on a réussi à éditer des artistes comme Bruce Joyner, Tav Falco … On a sorti comme ça, une quinzaine d’albums.
Vous avez produit Bruce Joyner et Tav Falco ?
Produit est un bien grand mot. Disons qu’on a financé leurs albums et qu’on s’est occupé du suivi de leur fabrication. On a ouvert pour Tav Falco à Barcelone, par exemple et ce sont de très bons souvenirs. Sur le label on a aussi beaucoup de disques de Memphis. Philippe avait des connexions là-bas.
Il y a aussi dans votre histoire un lieux très important : le studio Condorcet à Toulouse
On a eu la chance de rencontrer dès notre premier album Olivier Cussac qui gère le studio depuis quelques années. On a eu la possibilité de faire trois albums avec lui, là-bas. Le studio Condorcet c’est un studio qui date des années 60, il est mythique à Toulouse ne serait-ce que par son volume mais aussi parce qu’il contient de magnifiques instruments vintage. Il y a énormément de gens qui ont enregistré dans ce studio. Il suffit de taper « Studio Condorcet » sur Discogs pour s’en rendre compte : Lionel Hampton, Buddy Guy, Koko Taylor, Mickey Baker et j’en passe … C’est vraiment impressionnant. Quand j’étais gamin j’habitais juste à côté et jamais je n’aurais imaginé qu’il y ait eu autant de gens là-bas, notamment en blues. C’est un lieu magique, avec une atmosphère incroyable.
Mais ce studio va fermer ?
Oui, la mairie a décidé de raser et de rénover le quartier.
Autre question importante : Toulouse, votre ville ! Quel rôle a joué la ville pour vous ?
C’est notre ville, on est presque tous Toulousains de naissance ! Pour nous c’est viscéral ! Ça m’inspire dans mes chansons. C’est une histoire qui est en nous : il y a une ambiance spéciale ici. La vraie connexion musicale ici, c’est avec le blues. Il y a une longue tradition avec la musique noire depuis Nougaro. Backstage par exemple (groupe de Paul Personne Ndlr ), Daniel Antoine ou Fly and The Tox et j’en passe…. Il y a énormément de liens avec ce feeling dans cette ville, beaucoup plus qu’avec le rock en fait. D’aucuns l’appellent Brookyn sur Garonne. C’est une ville funky dans l’âme.
Il y a eu pas mal de changement dans le groupe ?
Oui, malheureusement nous avons perdu notre premier guitariste Philippe qui est décédé… Pablo, notre guitariste actuel, est arrivé pour deuxième album. Le batteur (Jacques Raffanel Ndlr )) est arrivé juste après ce disque.
(Staretz version 2019 - Droit réservé)
Vous avez beaucoup joué ?
Depuis 2013 on a fait deux ou trois concerts par mois, principalement dans la région mais on a joué aussi à Paris et dans pas mal de régions en France. Pour l’instant on, n’est pas encore allé à l’étranger.
Vous venez de sortir un nouvel album « From lead to gold » . Ce qui frappe en premier c’est la qualité de vos mélodies.
Merci, l’important pour nous c’est d’écrire des chansons. J’arrive avec une suite d’accord et le chant, et avec le groupe on travaille ensemble les arrangements. J’adore la country, Dylan, les Byrds et tous ces gens-là font des mélodies et moi j’adore ça. C’est notre manière de concevoir la musique.
Ton but ultime n’est-il pas d’écrire des chansons que les gens peuvent fredonner ?
Bien sûr mais aussi de faire danser les gens en concert. Ça, c’est notre côté rhythm and blues.
Votre album a beaucoup d’arrangements : vous ouvrez beaucoup sur pleins de styles, jazz, rythmn blues … On a l’impression que vous avez voulu faire rentrer de la musique noire dans la musique blanche ?
Qu’un blanc récupère à son compte la sexualité et la sensualité inhérente à la musique noire, c’est la définition même du rock and roll. C’est son ADN non ? (rires) On aime ça !
Votre musique est aussi marquée par une vision plus américaine que anglaise de la musique ?
Oui, parce que j’ai passé trois ans au Canada et ce séjour a considérablement changé ma vision de la musique. Je me suis ouvert à pleins de styles comme le folk, le gospel et surtout la country. Je suis un grand fan de vieille country et je n’aurais jamais compris les nuances de cette musique qui est souvent mal comprise ici, si je n’étais pas allé là-bas. J’ai essayé de mettre toutes ces influences dans notre son. Sans parler de la littérature américaine … Il faudrait passer des heures à évoquer certains écrivains. Tout ça a tout de même un peu plus de sève que de ce côté-ci de l’atlantique. C’est un pays fascinant, même aujourd’hui, ... plus que jamais.
(Pablo Acedo - Droit réservé)
C’est toi qui écrit les textes ?
Oui, j’essaie d’écrire des petites histoires à la manière des textes de la country avec des histoires et des personnages que je rencontre dans la vie. Par exemple, « Bitter Streets » parle d’un jeune type qui se prostitue et qui écrit une lettre à son père. « From Lead to gold » parle d’un gars qui se fait virer de son boulot et qui n’arrive pas à gérer sa prime de licenciement. « Almost Blind » c’est un pèlerin qui parcourt le pays pour évangéliser mais perd courage etc...
Ca va se passer comment sur scène ?
On joue normalement à quatre, mais en ce moment on fait quelques concerts avec tous les musiciens du disques. Loic Laporte au Sax, Olivier Cussac au claviers et Christian Séminor au congas. Le son est superbe comme ça, c’est le pieds.
(Staretz à la Dame de Canton le 18 Janvier 2019 - Photo Philippe Beranger)
Avec qui tu aimerais partager une scène ?
Tu peux mettre le verbe au passé… Franchement, mon rêve, ça aurait été de prendre la place de Little Steven au sein du E Street band aux alentours de 1975-1978 , juste une seule fois )))
Quels sont vos projets ?
La promotion du disque ! On va tourner, faire des concerts essayer d’aller toujours un peu plus loin… Les premiers retours du disque sont vraiment excellents. On est très content ! On a commencé à écrire quelques chansons pour la suite.
Vous faites des reprises sur scène ?
Très peu. On fait un morceau de Lee Dorsey « Ride your pony » et un classique du rockabilly de Johnny Burnette « Train kept a rollin’ » que l’on a un peu transformé à notre sauce. C’est tout.
Quel disque tu donnerais à un enfant ?
Du Doo Wop, c’est la musique de l’innocence même ! Les Marcels, les Coasters, Frankie Lymon and the Teenagers ou les Diamonds. C’est ce que je passais à mon fils, il adorait ça.