Wendy Pot, la métamorphose d’un groupe pour un premier album « Poppy Field »

lundi 2 décembre 2024, par Franco Onweb

Wendy Pot, quand j’ai reçu leur premier album « Poppy Field », j’ai adoré. Voilà des gens qui avaient parfaitement assimilé le meilleur de la pop anglaise tout en conservant une touche « personnelle » ! En regardant la pochette, je me suis aperçu que derrière ce patronyme se cachaient les musiciens de Grout/Grout, un groupe dont j’avais adoré l’album en 2019. A l’époque, j’avais longuement discuté avec Sylvain Grout, le leader, et rien ne laissait présager un tel changement.

Un nouveau nom, une nouvelle orientation musicale, un nouveau disque, tout me poussait à décrocher mon téléphone et à discuter avec Sylvain Grout, un artiste passionné et passionnant.

Il y a cinq ans tu sortais un album avec ton groupe Grout/Grout et aujourd’hui tu sors un nouveau disque sous le nom de Wendy Pot avec quelques-uns des musiciens de Grout/Grout. Que s’est-il passé ?

(Rires) C’est parti d’une restructuration du groupe. On s’est séparé de notre claviériste et on a dû trouver quelqu’un pour le remplacer. Dans notre nom on voulait quelque chose qui nous redéfinisse.

Wendy Pot, Sylvain Grout en haut à droite
Crédit : Mawi Maple

Tu es aussi prof aux Beaux-Arts, artiste plasticien…

Oui. Mais artiste plasticien bien moins actif en ce moment puisque la personne avec qui je travaille en tant qu’artiste est devenu le directeur de l’école des Beaux-Arts. Mon boss, quoi ! (rires). On a moins de temps.

Grout/Grout était un groupe qui avait comme influences les Beatles mais aussi Elliott Smith ou Wilco. Là, on a l’impression qu’avec Wendy Pot, vous avez traversé l’Atlantique pour aller en Angleterre.

Tu trouves que c’est plus anglais comme musique (rires) ? Elliott Smith est toujours une influence énorme pour moi. Ca se retrouve dans la chanson la plus acoustique de l’album, je pense. Pas sûr que sa musique soit si américaine que ça, d’ailleurs …Mais on peut surtout retrouver les Kinks que j’aime beaucoup…

Il y a un groupe que l’on retrouve beaucoup c’est Blur.

C’est étonnant parce qu’on me le dit beaucoup sur cet album. Il y a des choses qui sont infusées mais ce n’est absolument pas conscient. Je voulais vraiment rendre hommage aux Kinks sur certains points et à l’arrivée on me dit que ça ressemble à Blur… c’est étonnant !

Blur a beaucoup pris aux Kinks !

Oui, Blur a amené un côté électrique très prononcé. Je trouve que leur album « Parklife » est un bon résumé de la pop anglaise avec des influences comme Madness ou justement les Kinks donc ce n’est pas si étonnant que l’on retrouve chez nous quelques influences de Blur ! C’est une chaîne …

Dans « Bumping into you » on retrouve les Beatles ?

Oh oui ! J’avais envie de faire une citation de "Sexy Sadie". Chose que Radiohead avait faite avec "Karma Police". Idem sur « Play with me » où je voulais retrouver T Rex par exemple. J’aime bien jouer avec des modèles… C’est peut-être un truc de Beaux-Arts… On voit toujours plein de gens dans les musées qui font des copies de grands maîtres. Je fonctionne un peu de la même manière (rires).

C’est bizarre pour toi qui est un artiste complet. Je pensais que la création pure était ton objectif ?

Justement non, je pars du principe que c’est compliqué d’inventer quelque chose tout seul. Je pense qu’il n’y a pas d’inventions, il y a toujours quelque chose qui résulte d’un état, d’un passif, d’une obsession pour tel ou tel artiste et que c’est mieux de l’assumer. Je ne crois pas trop à la spontanéité ou alors c’est très rare et je ne prétends pas m’inscrire dedans.

Tu penses que le talent, c’est de savoir se servir de sa culture ?

Oui. De sa culture et de ses envies. L’envie d’entendre des choses qui sonnent d’une certaine manière parce que notre oreille et notre cerveau ce sont nourris d’un tas de précédents. Récemment, un des meilleurs morceaux que j’ai écrits est venu alors que je regardais un très bon documentaire sur Bowie (Moonage Daydream). Il m’est littéralement venu une mélodie, le temps de me lever de mon canapé pour aller chercher un truc à grignoter… Je pense que j’ai été imprégné pendant le documentaire. Au final, ça ne sonne pas comme du Bowie parce que j’y ai injecté d’autres trucs, mais je pense que c’est important d’être nourri pour savoir comment on veut entendre un morceau. On accumule des tas de modèles visuels ou sonores. Ce n’est pas pour rien que l’intelligence artificielle a autant d’écho maintenant. C’est une banque de données qui va remanier des choses préexistantes. On a fabriqué l’intelligence artificielle sur notre modèle et les artistes fonctionnent comme ça : c’est une forme de pillage (rires).

Wendy Pot
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Je ne te voyais pas intéressé par l’IA !

Je ne le suis pas mais ça me questionne parce que c’est quelque chose qui traverse le milieu dans lequel je travaille… tous les milieux, en fait … et je m’interroge beaucoup sur la fascination que l’on a de ça. Pour moi on a la même fascination pour les IA que l’on a sur la création. On est juste des filtres et on en a inventé un de plus…

Ça s’est passé quand le passage de Grout/Grout à Wendy Pot ?

C’était à la sortie du Covid en 2022 mais la plupart des morceaux de cet album étaient déjà là. On les avait travaillés et répétés avec Grout/Grout. On les a assimilés et poursuivis, notamment pour la scène en tant que Wendy Pot.

Les autres membres du groupe ont-ils tout de suite adhéré à ce nouveau projet ?

On n’a pas changé de nom tout de suite mais on a franchi une étape. On a changé de claviériste parce qu’on devenait plus exigeants. Il y a des passages que je voulais pouvoir entendre en studio comme sur scène. On a eu la chance d’être coachés lors d’un programme d’accompagnement artistique proposé par Paloma qui est une SMAC à Nîmes. Cet accompagnement se poursuit d’ailleurs, pour notre plus grand bonheur. Bref … et à partir de là les choses se sont un peu structurées et notamment l’idée de changer d’identité, donc de nom. Tout le monde était d’accord pour dire qu’avec l’arrivée de Pauline il y a eu un déclic qui justifiait plein de choses.

Vous avez commencé à jouer tout de suite en public ?

Oui, assez vite. Elle est arrivée en septembre et on avait un concert en décembre. C’est ce qui nous a bluffé chez elle : on l’a recrutée par petites annonces et quand elle est arrivée, on lui avait juste demandé de savoir jouer du piano. On voulait attendre un peu pour les voix mais quand elle est arrivée à la première répétition, elle connaissait toutes les parties piano et les parties vocales. Elle avait déjà tout bossé.

Est-ce que le public de Grout/Grout a adhéré ?

C’est dur à dire : on avait notre petit cercle … un public de fidèles. La plupart a suivi, d’autres non, mais concrètement, on repartait un peu de zéro. On a tenu au courant cette première sphère avec le changement de nom de nos pages sur les réseaux sociaux. Il a fallu que l’on se restructure mais beaucoup de choses étaient à reprendre depuis le début. Là, c’est la première fois que nous travaillons avec un label (LVP Records) et donc une promo (La Centrifugeuse), ce qui fait que le cercle s’élargit. Je pense qu’au final, nous avons gagné de nouveaux fans. Merde …Fans, ça me fait bizarre… de nouveaux curieux ?

Vous venez de Montpellier, je n’ai pas le souvenir qu’il y ait des groupes de pop dans votre ville.

C’est un peu compliqué : il y a plein de groupes ici mais il n’y a pas vraiment une scène. Montpellier a un passé électro, mais la pop ou le rock ne sont pas les mieux représentés. Il y a Dimoné & Kursed, My Favorite Horses … Rinocerôse. On connaît des groupes, il se passe des choses mais il n’y a pas vraiment de lien qui fédère tout ça, il manque une scène structurée contrairement à des villes comme Rennes par exemple.

Vous avez beaucoup joué ?

Non, on a surtout répété et fait évoluer les morceaux entre l’enregistrement et le Live. L’album a été très maturé avec des morceaux qui dataient du Covid. Les musiciens du groupe se sont adaptés et ont proposé des choses. Tout a été enregistré à droite et à gauche. C’était un peu notre inquiétude parce qu’on voulait que l’album ait malgré tout une vraie cohérence et quand la question du Live s’est posée, on a beaucoup répété, revisité les morceaux, gardé l’ossature, et de fait, la cohérence. Mais si la question porte sur des concerts, on n’a pas joué tant que ça.

En concert
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Pourquoi ce nom, Wendy Pot ?

C’est sujet à beaucoup de blagues. Il y a de la pure autocitation. Un titre de Grout/Grout qui s’appelait "Peter Pan & Wendy Pot" …, Dany, le bassiste dit que c’est le nom de sa grand-mère… Et moi j’ai envie de citer/détourner Hitchcock en disant que c’est la femme qui a inventé le Mc Guffin, cet appareil qui sert à chasser les lions des Highlands en Ecosse (rires général). Tu vas me dire « il n’y a pas de lions en Ecosse » et je te répondrai « Alors ça ne doit pas être elle … » (rires). En fait ça sonnait anglais et on s’est dit que c’était pas mal de donner le nom d’un personnage qui n’existait pas ! On espère que c’est la petite sœur de Jack …

On a l’impression que Grout/Grout était ton projet alors que là c’est vraiment un groupe !

C’est pour ça que ce changement de nom était important ! A titre personnel cela m’a libéré et permis de décoller cette identité de la mienne. Après j’ai la même implication…

Moins dictatorial.

J’espère (rires). Ce qui m’importe c’est que l’on fasse les choses à plusieurs et que ce ne soit pas en mon nom. On avait vraiment envie d’être un groupe.

Vous sortez un premier album « Poppy Field », ce qui veut dire « les champs de coquelicots ». Pourquoi ce nom ?

C’est ce petit moment magique, éphémère quand les coquelicots sont de sortie. Ça évoque quelque chose de léger et flamboyant en même temps. Je voulais quelque chose de printanier. On a envie de gambader dedans ! C’est mon côté Belle des Champs (rires) ! …ce sont aussi les premiers mots de l’album. Ça permet aussi de ramener le terme Pop dedans. Et ça renvoie aux pavots (rires), un truc un peu psyché.

Vous l’avez fait où et avec qui ?

Un peu chez moi, un peu chez Japy, le batteur, un peu aux Beaux-Arts dans l’atelier bois qui résonnait bien pour la basse et la batterie. C’est Patrick Matteis qui a mixé et il s’est beaucoup impliqué. On le connaissait parce que Japy joue avec lui dans le projet de Phil Pace. Et on a aussi eu beaucoup de chance parce qu’un titre (Red Balloons) a été mixé par Tony Halet, le guitariste de AstonVilla, qui, par ailleurs a un studio et qui nous a mixé ce titre parce qu’il en avait vraiment envie. Que du bonheur, quoi. Après quoi on est passé par Pieter de Wagter pour le mastering, qui non seulement travaille merveilleusement bien, rapidement mais qui en plus, compte tenu du pédigrée du monsieur (Stromae, entre autres) propose des tarifs plus qu’abordables !!!

Et tu as tout écrit et composé ?

Oui, j’ai cette fâcheuse tendance. Voilà pourquoi je suis toujours un peu dictatorial (rires). J’amène des chansons, les autres s’en emparent et l’élaboration se fait à plusieurs. C’est une pratique assez obsessionnelle je dirais … Et puis certaines fois, je vais un peu trop loin dans les prémaquettes que je propose aux autres. Il y a des intentions que je ressens très fort et ça peut être un peu énervant pour ceux qui ont envie de s’impliquer davantage dans l’élaboration de tel ou tel morceau. Alors parfois on rembobine un peu …

Avec Grout/Grout tu avais l’image d’un vrai artiste et on s’attendait à un nouvel album un peu fou avec un côté « arty ». Là, tu reviens avec un projet très posé et assez structuré. Que s’est-il passé ?

Je n’ai pas l’impression que Grout/Grout était aussi exubérant que ça ! Globalement, je suis assez sage (rires). Mais j’aime bien ce qui est fantasque. J’ai l’impression que cet album a quand même un côté un peu fantasque … Entre « In the blink of an eye » qui dépeint une meuf qui fracasse le crâne de son mec à coup de batte de baseball, « Whoopsidaisies » avec cette vieille duchesse « pompette » qui nous colle aux basques et « Your most devoted friend » dans lequel on se retrouve en tant que clébard amoureux dépendant qui agite « une queue qu’on lui a coupé » … dans ma tête, je me sens plus proche des Monty Pythons, Blake Edwards ou les frères Coen que de Claude Lelouch … mis à part « L’aventure, c’est l’aventure ». Bref … on verra pour le prochain film … heu disque… !

Wendy Pot
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Tu ne penses pas que le public a une mauvaise image de toi en pensant que tu es un artiste un peu fou alors que tu veux, avec le groupe, juste jouer de la musique et être musicien ?

C’est ça, pour moi tout doit être récréatif et je ne me pose pas ce genre de questions. J’ai envie de m’amuser. Je produis peut-être des choses plus exubérantes quand je vais dans le champ de l’art contemporain.

Est-ce que tu ne trouves pas qu’il y a dans la pop anglaise une extravagance qui te va assez bien ?

Chez les Anglais il y a un extrême conformisme qui permet par ailleurs une immense liberté. Quand je vais à Londres, je vois des choses excentriques mais aussi très conservatrices. Le vendredi au Pub, ton patron peut être bourré avec toi à en vomir dans le caniveau, mais le lundi il redevient ton patron. C’est un truc assez bizarre mais intéressant parce qu’il a à la fois un peu de décadence et aussi beaucoup de tenue, ce que nous n’avons pas en France. J’ai un pote qui venait du Vanuatu et qui me racontait les vieux anglais qui sirotaient leur whisky en costumes impeccables par 40 à l’ombre. Implosés, mais dignes …

Autre point : vous avez un label, LVP records, dont vous êtes une des premières signatures ?

On est ravis : c’est un label qui commence son histoire et nous faisons partie de l’aventure. On espère jouer notamment avec Dalton qui sont, comme nous, sur ce label. Le label nous sollicite en ce moment pour des vidéos et des choses comme ça, afin de nous placer sur des festivals. Je suis hyper content d’être sur ce label !

C’est vous qui les avez sollicités ?

On les avait contactés il y a un moment à leur tout début. On démarchait avec un titre et ils ne pouvaient pas encore nous signer. On s’est donc dit que nous allions, encore devoir nous débrouiller tout seul en montant un crowdfunding. Nous avions tout ficelé, la campagne de financement allait démarrer et … la veille exactement du lancement, coup de téléphone, arrêtez tout ! Pascal Collin de LVP nous a proposé de nous signer.

Vous allez jouer ?

Il faut que l’on trouve des concerts pour sortir de notre localité (rires). Le label cherche des dates à l’étranger, notamment en Allemagne et en Angleterre, mais ce serait bien d’aller jouer à Paris.

Et à Montpellier ?

On continue à jouer. Il y a encore des salles que nous n’avons pas faites. J’aimerais aussi aller à Toulouse ou Lyon. On va à Marseille en janvier.

Dans mon souvenir, tu n’étais pas un grand amateur de concerts.

Ça a bien changé ! Ça commence à me plaire de plus en plus. Avant je ne me sentais pas à l’aise maintenant je me sens plus détaché, notamment avec Pauline qui chante en lead quelques titres et que l’on chante aussi pas mal à deux. C’est important pour moi que les choses prennent forme à plusieurs. Ça aide à prendre du plaisir.

Est-ce qu’un jour on pourra entendre Wendy Pot en Français ?

Ce n’est pas exclu. J’ai essayé. Le label nous a un jour glissé un mot pour voir … parce que c’est plus simple pour la promo de chanter dans notre langue. Je peux écrire en français, ce qui me dérange c’est de chanter en français. Je n’ai pas de modèles français en fait. A partir de là j’ai du mal à faire le pas. J’ai deux chansons qui sont écrites en français. Peut-être que Pauline se sentirait plus de s’en emparer… voilà pourquoi ce n’est pas exclu !

Quels sont les retours de l’album ?

Ça se passe plutôt bien, on a eu de bonnes critiques et des passages en radio, dont Fip. J’ai aimé les critiques où les gens prennent position. Je suis intéressé par ces différentes grilles de lecture.

Sylvain Grout
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Tu sais vers où tu vas aller musicalement ?

Je ne sais pas si on va aller quelque part (rires). Je viens d’écrire deux nouveaux morceaux, dont un qui est très pop anglaise, et un autre qui peut rappeler un groupe dont j’étais très fan : Sparkelhorse dans la façon qu’avait Mark Linkous de tordre certains sons, d’amener des parasites.

Tu cherches peut-être un son plus rugueux, plus acoustique ?

Je fonctionne par vagues. Parfois j’ai envie de faire un truc très folk, je prends quelques notes qui feront peut-être un morceau plus tard. Une autre fois je me dis que j’aimerais bien me la jouer Timber Timbre ou du Tinderstick, des basses ciselées et des guitares tremolos … hop. Et puis je vais flasher sur l’ambiance BO de films seventies que je trouve dans le dernier Arctic Monkeys etc … Je ne suis pas très stable mais cyclique, je travaille par phase et donc je ne démordrais pas de mes obsessions !

Est-ce qu’un jour tu feras un album solo ?

Je ne sais pas. Ça me plairait de faire un truc très dépouillé : écrire un jour, enregistrer le lendemain et poster le jour suivant. Un truc rapide sans le côté promo et tout ça. Cela m’amuserait beaucoup.

Tu as travaillé sur le graphisme ?

Ben j’ai fait la pochette et je me suis occupé de la photo du groupe. On voulait ce côté « Cluedo » ou « Chapeaux melons et bottes de cuir ». C’est la commande que nous avons passée à la photographe. Mais j’aimerais faire d’autres photos …

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Est-ce que comme tout bon groupe de Montpellier vous allez faire une reprise de OTH ?

J’adorerais reprendre « Les révoltés du bloc B », un titre que j’aimais vraiment quand j’étais « gamin ». Ou « Le corsaire le grand coureur » des naufragés.

Le mot de la fin !
Delta SR… c’est la vieille console que j’ai juste sous les yeux qui s’appelle comme ça !

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