Comment et quand est né le groupe ?
Grégoire Garrigues : Avant même de penser à un groupe, nous étions avec Robert Lloyd et Sonny Sharrock en 1993 dans le studio de Bill Laswell à New-York pour enregistrer un album et nous avons improvisé une pièce de 10mn de feedback en vu de l’intégrer à un morceau. Le résultat était tellement beau que c’est devenu un morceau à par entière qui a été baptisé « Tribute to Sun Ra ».
Le groupe a pris forme un peu par hasard en 1997 lors de l’enregistrement de titres qui sortiront 9 ans plus tard. J’avais commencé à enregistrer tout seul des parties de guitare et basse en feedback puis J’ai demandé à Iann Assuied de jouer de la batterie sur 2 titres, à Michel Guikovaty de composer des parties de piano pour un autre et Robert Lloyd est venu jouer sur « Catalyst on the List », résultat : The Cool Feedback Quartet naissait et un album « Dash My Mind » sortait en 2016 grâce à Thierry Los/3 Jeunes Tambours.
Qu’avez-vous fait depuis cette date ?
GG : De trop rares concerts, un album live et 2 autres albums studio, donc 4 albums ce qui n’est pas rien !
Comment caractériser la technique du Feedback ?
GG : Le feedback est assez simple à expliquer : prenons une guitare électrique, le son de l’instrument sort d’un ampli, ce son est repris par le micro de l’instrument et cela constitue une boucle sonore qui peut durer autant de temps que l’on veut.
Et pourquoi le feedback ?
Robert Lloyd : J’ai toujours été envouté et amoureux de la musique Pibroch des Highlands d’Ecosse (longues improvisations de cornemuse solo, très proche des ragas indiens). D’une façon ou d’une autre je voyais qu’il fallait que je m’introduise dans « cet univers la ». J’aimais beaucoup les expérimentations qui seraient qualifiées de « bruitiste »de nos jours de Pete Townshend, à sa grande période inspirée, mais ce ne fut qu’en voyant Jeff Beck, armé d’une Telecaster et d’un ampli vox AC30 en juin 65, plongé dans le feedback, que la révélation, comme Claudel à Notre-Dame, me submergea, JE SUIS CELA ET TELLE EST MA VOIE ! C’est comme si la fée Viviane et Merlin l’enchanteur me prenaient par la main et me disaient :« we’re with you, you are one of us, go for it , thIs is your duty ».
GG : Le feedback est vraiment unique, c’est un peu le souffle continu appliqué à la guitare. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas nécessaire de jouer fort pour avoir du feedback, mais quand il y a du volume, là c’est un plaisir unique, sentir tout vibrer, l’air, les amplis, le corps, tout ce qu’il y a autour, ca devient complètement fou ! Il suffit de voir Jimi Hendrix en action par exemple.
Qui compose le groupe aujourd’hui ?
GG : Depuis le premier concert en juin 2018 il y a Robert Lloyd-guitare, Jean-Bernard Lepape-batterie, Gilbert Artman-clarinette basse et batterie, Jac Berrocal-trompette, Morgan Lanoë-basse et au fil des autres concerts Laurent Lanouzière-basse, José Ortuno-guitare, Tullia Morand-saxophone, Pierre Mimran-saxophone, Didier Léglise-synthetiseur et Vincent Chavagnac-saxophone. Sur le nouvel album il y a Jérôme Pons-piano mais il n’a pas encore joué sur scène avec nous.
Grégoire, je sais que Laurent et Jean-Bernard jouent du rock depuis longtemps avec toi mais Tullia, Pierre et Jac qui venez d’autres univers musicaux, comment vous êtes-vous retrouvés à jouer dans ce groupe ?
Tillia Moran et Pierre Mimran : Grégoire est avant tout un ami. Il a une ouverture d’esprit par rapport à son style de musique, il vient du rock et il est curieux de découvrir et d’intégrer d’autres univers musicaux. Il nous a proposé de participer à l’enregistrement des 2 albums du Cool Feedback et cela nous a séduit. Ça a été une super expérience pour nous aussi bien humainement que musicalement !
Gilbert Artman : Depuis bien longtemps nous nous connaissons avec Robert, nous fréquentions les mêmes lieux et concerts. De temps en temps, nous nous retrouvions en fin de soirée chez les Lloyd où l’accueil était très chaleureux, et la discothèque remplie de petits bijoux et pour moi de découvertes. On y rencontrait des personnes et musiciens passionnants, c’était un lieu où se préparaient, avec Philippe Bone et Gilles Yéprémian, des actions et concerts avec des groupes comme : Half Human Band, Ricky Darling etc…
C’est sans doute lors d’une de ces réunions préparatoires du festival « Noisysson-Sec » que s’est révélé autour de Patrick Eudeline la première mouture du légendaire Asphalt Jungle, que Grégoire Garrigues rejoindra plus tard.
Et c’est en toute logique - après avoir réalisé le très beau disque de Robert Lloyd – qu’entouré de groovers bruitistes implacables, la palette s’augmentant d’une paire de saxophonistes amenant d’autres couleurs et donnant un autre espace, j’ai rejoint le groupe à leur invitation.
Merci à eux d’avoir bien voulu nous accueillir avec Jac ponctuellement dans cette aventure, et égrener notre éternel bien-être contrarié.
Jac Berrocal : On s’est retrouvé à jouer parce qu’on se connaît tous les 4 avec Gilbert et Robert, mais on ne vient pas tellement d’univers différents, j’écoute de la musique du moyen âge au métal le plus dur !
Et Grégoire a plein d’expériences presque communes avec moi notamment à travers Vince Taylor et Bobbie Clarke, on s’est réuni et ça a fusionné.
Est-ce un groupe ou un collectif ?
Laurent Lanouzière : Le CF est un collectif et un groupe à géométrie variable où chacun amène sa sensibilité, sa pierre à l’édifice, nous sculptons en concerts cette même pierre comme on pourrait tailler les facettes d’une pierre précieuse afin de la rendre étincelante, calibrée, unique. D’aller en chercher l’essence.
Tout réside dans les nuances, les moments suspendus, l’écoute, le positionnement, le silence et le bruit, la stupeur qui côtoie l’état de grâce et où chacun trouverait sa place.
Une expérience de partage de tourbillons d’ondes, de Feedbacks, de sons cristallins, de distorsions, de reverb... Music to blow your mind !
Jean-Bernard Lepape : C’est un groupe qui fonctionne comme un collectif. Chaque concert, jusqu’à présent, s’est déroulé avec une configuration différente de musiciens. Il est réjouissant de sentir le plaisir partagé de se réunir autour d’une matière sonore peu banale.
Comment caractériser le Cool Feedback musicalement ?
GG : Le plus simple serait de dire « Free-Form Music », ce n’est pas vraiment du Free-jazz ni de l’ambient ou de la musique expérimentale.
JBL : Mélange de Jazz, de rock mais ce n’est pas que ça, ni du Jazz-Rock, c’est du Free aussi, c’est pour ça que c’est très intéressant.
Comme le dit Grégoire Free-Form Music c’est très bien car dans cette musique il y a la liberté, il y a le Free.
Vous sortez un nouvel album « Free Spirit », il a été enregistré où et avec qui ?
GG : Il a été enregistré à Paris avec les musiciens cités plus haut sauf Vincent Chavagnac qui n’a joué qu’en concert.
Comment faites-vous pour enregistrer : est-ce que les cuivres répètent ensemble, les guitares aussi ?
GG : Pour cet album 3 morceaux ont été écrits avec les batteurs, Gilbert et Jean-Bernard, pour les autres musiciens j’ai préparé les bases que les musiciens ont écouté de leur côté puis lors de l’enregistrement ils savaient dans quel direction aller. Les répétitions n’ont lieu qu’avant les concerts.
Comment décririez-vous ce nouveau disque ?
GG : Il est dans la continuité du précédent, en y intégrant de nouveaux instruments (Dan Bao, mandoline, MS20) Gilbert Artman y joue cette fois de la batterie et Jérôme Pons y participe pour la première fois.
Comment se fait la composition ?
GG : Je commence toujours par trouver des accords au piano, puis je pense aux instruments qui vont y être intégrés, le tempo et la tonalité sont importants aussi, il faut en tenir compte pour certains instruments. J’enregistre ensuite des maquettes qui se transforment au fur et à mesure en morceaux.
On pourrait rapprocher le Cool Feedback de certaines musiques de jazz, est ce que l’improvisation joue un grand rôle ?
GG : Oui, le fait d’improviser est ce qui rapproche le plus le groupe du Jazz. Et pour cela il faut un support musical qui est fournit par les guitares en feedback et soutenu par la batterie.
JBL : Oui bien sûr, l’improvisation joue un grand rôle, elle a sa place, elle participe à la construction des morceaux.
C’est une musique que nous essayons de construire et qui est influencée par tellement d’autres musiques, les membres du groupe connaissent beaucoup de choses, c’est pour ça qu’ils arrivent à trouver des thèmes, des couleurs et à improviser ensemble et que ça fait un tout
PM : L’improvisation est fondamentale dans ce projet. Elle est essentielle et elle offre une très grande liberté que l’on retrouve dans le Free-jazz mais avec une esthétique plus classique dans les solos.
Comment cela se passe-t-il sur scène ?
GG : Le support musical est écrit et permet aux solistes d’improviser mais chacun le fait évoluer comme il le sent, moi j’indique les changements de thème, je fais un peu office de chef d’orchestre et avec Jean-Bernard principalement nous nous faisons des signes et tous les musiciens sont à l’écoute de ce que font les autres car il faut savoir s’arrêter au bon moment tous ensemble !
PM : Pour moi ce fut un grand plaisir de jouer sur scène avec le groupe. L’ouverture totale permet d’explorer des possibilités d’improvisation infinies.
JBL : Sur scène c’est l’écoute, c’est la magie. Quand on s’entend bien sur scène, quand la circulation du son dans le groupe se passe bien là c’est une magie, on le sent, il n’y a pas de recette à ça, c’est pour ça que j’emploie le mot magie, le son du groupe prend vraiment corps, il y a vraiment un son qui est là, et ça joue, et ça joue, et ça joue !
C’est étonnant de se réunir avec des gens comme Jean-Bernard qui est un magnifique batteur, tout le monde est à l’écoute des choses.
Quels sont vos projets ?
JBL : Trouver le tourneur et le circuit pour faire davantage de concerts.
GG : Oui c’est effectivement ce qui nous manque le plus, sortir des disques c’est bien mais le live est irremplaçable et cela nous manque.
Comment se procurer vos disques ?
GG : Par notre distributeur Kuroneko et notre label Milano Records.
Le mot de la fin !
GG : le feedback n’a pas de fin, c’est une matière vivante et immatérielle que l’on peut quand même modeler à l’envie.
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