Peter : On a commencé le groupe en 2002. C’est le batteur qui nous a présenté. On s’est rapidement retrouvé à faire du garage punk, c’est-à-dire gueuler des insanités en anglais sur 4 accords. On a répété deux ans avant de commencer les concerts en 2004. On a sorti notre premier album à cette même période.
Monsieur Free : Il faut savoir que nous n’avons jamais progressé depuis cette époque. On ne progresse pas, afin de rester jeune et frais, c’est un petit secret de jouvence que nous livrons ici à tous : ne tombez JAMAIS dans le professionnalisme.
Peter : Je ne suis pas tout à fait d’accord, je trouve que tu pètes moins de cordes en concert. Et ça c’est un progrès.
Il y a qui dans le groupe ?
M : Jorge Bernstein à la batterie, et ce n’est pas moi, c’est le nom que je prends uniquement pour mes scénarios de BD, notamment pour « Fluide Glacial », Spirou ou les éditions Rouquemoute. J’ai en quelque sorte usurpé une fausse identité. Et donc, dans le groupe, je suis généralement à la guitare et au chant, et Peter à la basse.
P : Aucun rôle n’est fixe, moi par exemple je joue de la batterie sur un morceau du troisième album, et nous avons toujours partagé les voix. Le plus souvent monsieur free chante et joue de la guitare mais nous échangeons nos instruments, même en concert. On entend deux voix différentes sur nos albums, la sienne est plus rock et la mienne plus aigüe et plus fébrile.
M : Une voix qui dégage une sensualité troublante…
Mais c’est un groupe ou un collectif ?
P : C’est un groupe !
M : On est un trio mais on peut jouer à quatre, avec Rotor Jambreks qui nous enregistre. Il nous rejoint parfois. Il connaît d’ailleurs mieux nos morceaux que nous. C’est un peu une sorte de parrain pour nous.
Vous avez fait quoi depuis 2004 ?
M : Une centaine de concerts !
P : Essentiellement dans le Grand Ouest, mais on a aussi été dans le Périgord, à Poitiers et à Paris, dans des cafés concerts presque exclusivement. Mais c’est un peu anecdotique.
M : Mon rêve ce serait de jouer dans les PMU le dimanche matin.
Quelles sont vos influences ?
P : Nos premiers albums étaient initialement très rocks, dans une veine très Jon Spencer, No Means No, Jesus Lizard, Fugazi… Mais on a toujours gratouillé à la guitare sèche. On a accumulé des morceaux que nous avons voulu enregistrer dans une ambiance Folk Lo-Fi à la Lou Barlow, Low ou Pavement, des trucs un peu plus tranquilles. C’est ce que nous avons fait avec ce nouvel album.
J’ai vu des influences diverses : Nick Cave, Johnny Cash, Calexico mais surtout, et on doit régulièrement vous le sortir : Daniel Johnston !
P : Je connais mal Nick Cave et le reste oui, j’aime beaucoup.
M : Pavement, Johnston ce sont de vraies influences depuis nos années lycée.
Ce sont des références plutôt américaines : il n’y a pas trop d’influences anglaises dans votre musique ?
P : Pas tellement, c’est vrai pour nos influences de base mais bon, nous en écoutons quand même ! En fait, et je tiens à le signaler, j’écoute beaucoup de rock indé Français. La plupart des disques que j’achète sont Français d’ailleurs. Je suis un grand fan des Little Rabbits et French Cowboys que j’ai très souvent vus en concerts. J’aime beaucoup Kim qui vient de sortir un album sur « Super Apes », et avec qui nous avons enregistré un album d’ailleurs. Très concrètement je pense qu’un groupe comme les Black Keys n’a pas besoin de mon argent pour vivre et je préfère investir chez les groupes Français qui sont talentueux et qui font de la bonne musique. J’aime beaucoup Nursery par exemple, Mad Foxes, Dewaere, LANE …
Vous êtes incorporé à la scène nantaise et la scène pop ?
P : Pas vraiment… C’est moi qui suis responsable de ça et je ne suis pas très "people". Je ne sais pas trop faire ce genre de trucs, serrer des pinces d’une manière un peu hypocrite, tout ça…Je tiens par contre à citer le label « Khitybong », Aymeric que je croise de temps en temps et ses collègues font un super boulot ! C’est un des meilleurs labels français et je ne dis pas ça parce qu’ils sont nantais ! (rires) Mais globalement, non, on n’est pas tellement intégré. On l’a été à une époque mais bon, on n’a pas entretenu le réseau par manque de temps je pense.
M : Voilà, au-delà de nos problématiques de tempos, on doit faire face à des problèmes de temps…
Pourtant tous ceux qui vous ont découverts ont adoré !
P : Ah ? Super ! Merci ! Mais globalement, comme je te le disais l’autre jour, je ne suis pas super bon sur la promotion, je fais avec ce que j’ai, j’ai appris sur le tas ! Dès que j’ai un contact j’en profite mais franchement si cela ne tombe pas dans les bonnes mains au bon moment, on peut passer totalement à côté. On a quand même un disque qui a très bien marché : notre disque de rock Chrétien !
(Rires) Je connais mal !
P : En fait c’est le genre de projets que tu décides en fin de soirée, et qu’après tu regrettes (rires). On l’a enregistré à 5 avec Rotor Jambreks et Arnaud Le Gouëfflec. Une sorte d’exercice de style, à ne pas prendre au premier degré, mais pas non plus au deuxième car nous avons voulu éviter un pastiche trop facile. C’est un disque à écouter pile poil au 1,5 degré. On a tout de même réussi à passer sur France Culture à une heure de grande écoute et après ça, on a vendu des disques tous les jours pendant trois mois ! C’est notre seul disque qui a vraiment bien marché.
M : Je ne regrette absolument pas : c’est notre meilleur disque ! C’était complètement débile. Mais c’était super bien.
Vous sortez un nouvel album ?
P : Oui, on voulait faire quelque chose de plus calme, sans distorsion, et franchement on est content du résultat. On vient d’être contacté par un festival de Nantes qui nous propose de jouer en version acoustique l’album au mois de juin, en plein air. Ce serait vraiment super si cela pouvait se faire !
Votre album est d’ailleurs très acoustique ?
P : C’était un peu l’idée de base : pas une note de guitare électrique ! On voulait vraiment faire un album folk. Au final, il est assez mélancolique et un peu triste. Initialement, on avait prévu de l’enregistrer à 4 avec un ami de longue date, mais malheureusement il est mort avant l’enregistrement et cela a inévitablement eu un impact sur l’écriture et l’ambiance globale des morceaux… Il y a peu son fantôme sur le disque. Il lui est d’ailleurs dédié.
Vous restez surtout dans l’Ouest mais vous pourriez aller partout avec un disque pareil ?
P : Si tu le dis ! On pourrait peut-être mais en ce qui me concerne, il me faudrait plusieurs vies : une pour travailler et gagner des sous, une me faire plaisir et jouer de la musique, et enfin une m’occuper de mes enfants… Et peut-être un autre pour me reposer de tout ça…Mais dans l’absolu, ce serait chouette !
Vous existez depuis presque 20 ans mais vous êtes très discrets ?
M : D’abord il y a pleins de groupes qui existent ! Ensuite on a très peu de temps pour le groupe entre la famille et le boulot. Donc, on préfère jouer de la musique et manger de la raclette que de s’occuper de la promotion et tout ça.
Vous revendiquez le côté artisanal et DIY ?
P : Complètement.
M : C’est ce qui nous plait : tout faire nous-même !
P : A aucun moment il faut que cela devienne prise de tête ! C’est la base ! A force d’écrire des chansons on s’est dit que ce serait bien de les jouer en concert et de les enregistrer mais à nos débuts nous n’avions aucune, mais alors aucune ambition.
M : Par exemple, quand nous avons réussi à rembourser totalement un de nos albums, celui de rock Chrétien, on a été très étonné et même un peu mal en point : qu’est-ce qui nous arrive ? On…on… ne perd plus d’argent ?
On peut espérer vous voir chanter en Français ?
M : On l’a fait avec Arnaud Le Gouëfflec.
P : On a fait deux albums en Français avec Arnaud, « Mauve » et « Christian Rock Fièvre », l’album de rock chrétien. Et en ce moment on enregistre des morceaux sur commande pour des copains qui sont en Français. On est capable de le faire même si on préfère se cacher derrière l’anglais pour ne pas avoir à assumer les textes. Tout se complique quand on a un public anglophone, c’est peut-être un peu pour ça que nous ne tournons pas à l’étranger…
Vous avez un super clip !
P : Merci ! J’y ai passé toutes mes soirées du premier confinement. C’était la première fois que je faisais ça et je me suis aperçu au moment du montage que l’appareil s’était décalé au fur et à mesure des photos… il a fallu recadrer tous les clichés ! (rires) C’est juste un truc que nous avons fait avec mes enfants pour nous amuser. Ma fille m’a beaucoup aidé, notamment pour les vagues en Lego, c’était son idée (rires). C’est du pur DIY. Ça nous ressemble bien, c’est loin d’être parfait et si ça plait tant mieux, sinon tant pis !
Vous avez eu des retours sur l’album ?
P : Pas beaucoup, on a eu nos fidèles chroniqueurs, mille merci encore à eux, ils se reconnaîtront, et quelques nouveaux à qui l’album a plu. On a l’habitude de faire du rock garage, et là on a un peu déstabilisé notre fébrile « fan base ». Maintenant pour faire parler de nous il faudrait faire des concerts et pour en faire il faudrait déjà qu’on ait le droit ! Pour vendre des disques il faut vraiment faire des concerts, les chroniques même élogieuses dans un magazine national ne suffisent plus.
M : Il y a quelques années on a essayé de mettre en place une technique de vente forcée à prix libre et ça a bien marché.
Mais vous pourriez jouer dans des festivals et avoir plus de presse mais on a l’impression que vous êtes satisfait du produit « fini » et pas plus ?
P : On adore faire des concerts et si nous avions plus de temps, de chouettes propositions ou éventuellement, de glorieuses premières parties, ça nous ferait vraiment plaisir.
M : On nous a proposé il y a quelques années de passer sur de plus grandes scènes et franchement on s’en foutait. On est content de jouer devant quelques personnes un peu ivres qui passent un bon moment.
Vous revendiquez vraiment ce côté « on se fait plaisir » ?
P : Complètement, on a même refusé des concerts qui étaient un peu loin parce que c’était compliqué d’y aller : on ne veut pas se prendre la tête. On nous a proposé quelques festivals mais à chaque fois tu te retrouves avec des gens qui ont un égo surdimensionné, et nous ça nous fait chier. J’ai l’impression que nous ne sommes pas taillés pour jouer sur de grandes scènes. Le petit caf’conce, le type bourré qui gueule « à poil » avant de s’effondrer sur tes pédales de disto, le mec qui vient te voir à la fin du concert, chancelant, et qui te dis que le concert était génial avant de te gerber sur les pieds, ça, ça nous correspond plus ! Et ces anecdotes sont bien entendu réelles ! Nous ne sommes peut-être pas assez prétentieux pour de grosses scènes… Attention, on en a fait certaines, comme « Le Festival Invisible » à Brest. Là ce n’est pas pareil, c’est comme à la maison ! Moi je veux bien jouer plus et faire des festivals, mais à quel prix ?
M : On n’est pas capable d’être professionnels et c’est un danger, ne l’oublions pas (rires).
Pour vous, contrairement à certains, la musique c’est une récréation ?
P : Oui ! Et on le revendique. A un moment on a essayé d’avoir un peu plus d’ambition, donc on a fait plein de tremplins. Mais ras le bol du syndrome de Poulidor : on finissait toujours deuxième ! A l’arrivée on avait fait plein de concerts, plein de kilomètres pour rien ! On s’est aperçu que c’était plus cool de jouer dans le bar d’à côté où au moins on a une pizza et quatre bières, où les gens sont sympas et où on vend des disques. On a rencontré plein de gens super en faisant des concerts dans des petits bleds paumés de Bretagne, des passionnés, des gens adorables… Vraiment de supers souvenirs !
Vous allez évoluer musicalement ?
M : On aime bien changer et on fait plein de choses. On peut évoluer. Je peux vous le dire : attendez nous sur des reprises a capela de Barbara Streisand !
Ça c’est une grande idée !
P : C’est avec ce genre d’idées débiles qu’on se retrouve à faire un album de rock Chrétien. On a quand même des chansons en chantier avec Arnaud Le Gouëfflec et Rotor Jambreks pour le prochain album, il y en a même qui sont très années 80, limite Patrick Sébastien…
Et une reprise « Hard Core » de « Elle a les yeux révolvers » ?
M : J’adorerais !
P : Il faudrait que tu apprennes les accords !
M : Ça peut s’arranger !
Mais vous allez revenir à l’électrique ?
P : Oui, le prochain album devrait être assez bourrin, plus Jesus Lizard. On va aller vers quelque chose qui nous rappellera nos premières amours musicales ! Un exutoire, je crois que nous en avons tous besoin actuellement…
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