À la base, nous étions un groupe dans une école. On jouait dans les surboums, ce genre de choses. On était à Paris et puis pour notre dernière année d’étude, notre école a été délocalisée à Limoges. On est resté 6 mois là-bas et puis quand on est rentré on a décidé de faire des choses plus sérieuses.
Il y avait qui dans le groupe à l’époque ?
Bernard Lepesant à la guitare et au chant, Dominique Especel à la guitare, Berko à la batterie et moi à la basse.
C’était quoi vos influences à la base ?
Le groupe qui nous a vraiment influencés, Lepesant et moi, c’étaient les Flamin’ Groovies . On aimait aussi plein d’autres choses, mais nos « maitres à penser », c’étaient vraiment eux.
Ça a commencé quand exactement les Coronados ?
En 1981. Avant on a eu plein de noms comme Cathy et les Twistitis , mais le vrai groupe a commencé en juillet 1981.
Il vient d’où ce nom ?
C’est le nom d’une basse Fender. Un modèle très difficile à trouver et que pour ton information je n’ai jamais trouvé (rires). Ça devenait une obsession et on a eu une proposition pour un premier concert à Angers par les frères Sourices (Futur Thugs NDLR ) suite à une cassette démo qu’on leur avait envoyée. Comme il nous fallait un nom pour mettre sur les affiches et on a choisi les Coronados . En fait, c’est presque eux qui l’ont choisi (rires) et puis c’est resté.
Tout de suite vous commencez à jouer à Paris, mais aussi en province ?
Oui, on a beaucoup joué et on fait le premier 45t en juillet 82. Mais on a surtout beaucoup joué notamment dans les squats à Paris. Il faut se rappeler qu’à cette époque il y en avait beaucoup, mais alors beaucoup... On a joué aussi au « Gibus », au « Rose Bonbon » bien sûr… On a vraiment joué partout où c’était possible de jouer.
Il y a eu ce premier 45 : « Rien » ?
C’était la vision du groupe de l’époque ! Ce 45t, on l’a fait nous-mêmes, dans notre local. On a avait loué du matériel pour l’enregistrer. On était que tous les quatre. On s’est débrouillé tout seul et c’est un des premiers 45t autoproduit qui soit sorti à l’époque.
Et là, il y a un premier changement dans le groupe ?
Oui, Berko qui allait bosser en dehors de Paris ne pouvait pas rester avec nous parce qu’on jouait super souvent. C’est là que l’on rencontré Dilip qui a été présent jusqu’à la fin du groupe. C’est un super batteur et en fait, notre truc, à l’époque, c’était de jouer très vite. Il était parfait pour ça. Il jouait dans lesSpoons qui venaient de se séparer : on l’a essayé trois minutes et ça l’a fait tout de suite !
Vous commencez à tourner dans toute la France : vous faisiez comment ?
On avait une manageuse, Claire, qui était la copine et depuis la femme de Dominique Especel. Sans elle il n’y aurait jamais eu les Coronados . Comme tous les groupes, on était des branleurs pour ce genre de choses (rires). Elle était très sérieuse contrairement à beaucoup de managers. Elle a vraiment bien fait le boulot : le téléphone, les envois, la recherche de concerts… Si elle n’avait pas été là on aurait végété, comme plein de groupes.
Vos influences ont évolué à l’époque ?
En fait, Lepesant et moi, c’est-à-dire les deux qui écrivions les titres, on ne s’est jamais limité à un style : on écoutait pleins de choses, sans barrières de style ou de temps… On a forcément eu beaucoup d’influences.
Mais vous étiez « le fer de lance » des « Garage’s Band » parisien ?
Oui, je sais, mais on n’a jamais écouté plus de « garage » que ça ! À l’époque on jouait dans les squats avec des groupes punks purs et durs. La vague des « Garage’s Band », elle est arrivée après dans toute la France, mais nous on avait commencé bien avant.
Vous avez joué avec qui à l’époque ?
Tout le monde : Les Dogs , les Playboys , les Soucoupes Violentes , les Daltons …
Mais vous aviez passé un cap en termes de reconnaissance et de musique par rapport à tous ces groupes ?
Oui, grâce à nos influences, on n’a jamais cherché à creuser un sillon, on cherchait vraiment la diversité.
Mais vous jouiez vite et fort. C’était un peu… sauvage ?
Sauvage, c’est le terme (rires).
Et puis il y avait ce look très sobre en costume ?
On était comme on était ! Le look cela ne nous a jamais intéressés !
Vous n’avez jamais vécu du groupe ?
Non jamais et c’est tant mieux. On travaillait tous à côté. Cela nous permettait de faire n’importe quoi (rires). On pouvait vraiment faire les choses comme on le voulait. Moi, par exemple, j’étais prof…
En 1983, il y a eu un nouveau 45t, « Voix blanches et idées noires » où pour la première fois vous aviez un label ?
On est venu nous chercher et on fait ce 45t. Il ne nous a rien rapporté, bon il faut savoir que mis à part notre premier 45t, où tout nous revenait dans la poche, on n’a jamais gagné d’argent avec les disques. Mais bon, c’est comme ça !
Vous allez continuer à tourner et l’année suivante vous allez avoir enfin votre premier album ?
Oui, il s’appelait « N’importe quoi ». On l’a fait dans un studio à Clamart qui n’existe plus, avec Didier Lemarchand comme ingénieur du son. On a été plutôt content de l’album même s’il y a eu des problèmes de gravure. Il n’est pas trop daté je trouve. D’ailleurs il va être réédité en septembre en vinyle, comme tout le reste de discographie.
Comment va se passer cette réédition ?
Ce sera sur « Monotones Records », le label de Memphis Mao. Il commence par « Un lustre », puis « N’importe quoi » et un troisième disque avec les titres des compilations, les 45t…
Vous avez également joué à l’étranger ?
Oui, bien sûr : on a fait deux tournées en Suisse. On a joué aussi à Londres et à Dublin pour deux concerts : le premier était moyen, mais le deuxième c’est le meilleur concert que l’on n’ait jamais fait. On a dû arrêter avant la fin parce que les mecs cassaient tout (rires).
Vos concerts avaient une énergie incroyable ?
Oui, c’était très énergique (rires).
Mais à l’époque vous étiez les chefs de file du rock parisien ?
Oui, simplement parce que nous avions une manageuse qui était très sérieuse et travailleuse. On pouvait se concentrer sur la musique, ce qui n’était pas le cas des autres groupes : eux ils tenaient six mois.
Mais à la sortie de l’album il y a des départs ?
En 1985, à la fin d’une tournée, Dominique Especel est parti ! On ne sait toujours pas pourquoi et sa femme, notre manageuse, est partie avec lui. Ça a été dramatique : on était trois branleurs et on s’est retrouvé comme les branleurs des autres groupes. On a dû se débrouiller tout seul. Personne ne donnait cher de notre peau, tout le monde pensait qu’on allait se casser la gueule, mais on a tenu. On a continué et beaucoup tourner en France, on est même allé en Espagne…
Qui va se charger des affaires ?
Au début c’était nous trois et puis rapidement ça a été que moi et crois-moi, c’était un gros boulot.
C’était une décision de continuer en trio ?
Au début, on a cherché à le remplacer. On a presque essayé quelqu’un, c’était Stéphane des Soucoupes Violentes, qui était en rupture de son groupe à l’époque et que l’on aimait bien humainement. Il est venu à une répétition, on n’a même pas joué, juste discuté, et on s’est dit que cela ne le faisait pas.
Vous avez dû reconstruire un répertoire pour jouer en trio ?
Non, on a adapté nos titres et on s’est aperçu que cela fonctionnait très bien à trois. C’était même mieux ! On était plus libre, on pouvait se lâcher : on se connaissait tellement bien.
Mais à l’époque plein de groupes, qui se réclamaient de vous, étaient signés chez New Rose ?
Mais on a essayé ! On est allé les voir avec Didier Lemarchand pour le deuxième album, et franchement il n’avait pas l’air emballé, pourtant il nous a tout réédité chez Last Call ensuite (son label après New Rose, NDLR) .
Et puis arrive « Un lustre », qui est toujours considéré comme un album majeur !
Ça sonne bien, c’est vrai (rires). Il est sorti chez Musidisc grâce à Hervé Deplasse qui était un de nos fans. Je l’ai croisé au bar d’un concert, il m’a demandé de nos nouvelles et voilà on a signé.
La presse était dithyrambique sur ce disque !
Oui et pourtant il n’a pas marché ! C’était un disque très avant-gardiste. En même temps on n’a jamais fait ce que les gens attendaient de nous. Mais ça reste un très bon disque.
Cela a été quoi la suite ?
Hervé Deplasse est parti de chez Musidisc, on s’est fait virer presque aussitôt. Grâce à Christophe Lameignére qui bossait chez Pathé et qu’on avait connu comme manager de Bikini (groupe Mods parisien NDLR), on nous a proposé de maquetter dans le studio Pathé. On a fait trois titres avec lesquels j’ai essayé de démarcher, mais ça l’a pas fait. Ces titres sont sortis après sur la réédition de Last Call.
Et puis ?
On a jeté l’éponge ! En gros, je n’en pouvais plus : je portais tout à bout de bras. Les autres étaient redevenus les feignants qu’ils avaient toujours été. Je devais chercher les concerts, démarcher… Heureusement sur les deux dernières années du groupe on a eu Gérard Biot, qui manageait aussi la Souris Déglinguée, qui s’est occupé de nous. On a arrêté d’un commun accord ! Je tiens à préciser, et c’est très important, que nous sommes toujours des potes.
Mais ensuite, va monter le « mythe » des Coronados !
Je suis conscient qu’on a démystifié le truc et qu’on a permis à plein de gens de se lancer sur scène. Les Wampas par exemple, qui ont fait une reprise de nous, et bien ils ont commencé à jouer grâce à Lepesant qui leur a conseillé de monter un groupe plutôt que de passer leur temps à glander. Didier (Wampas Ndlr) est le premier à le reconnaitre.
Mais vous avez ouvert la voie ?
Oui, il y a peu de temps j’ai croisé les mecs de Jezebel Rock (Groupe de rockabilly Français NDLR ) qui m’ont dit que des mecs dans le sud se réclamaient encore de nous, c’est incroyable et ça fait plaisir.
Les Coronados ne se reformeront jamais ?
Non, c’est impossible ! On jouerait moins bien qu’à l’époque !
Quel est ton regard sur le groupe ?
Ça a été une grosse partie de ma vie… Ça a été la jeunesse qu’il fallait : on s’est vraiment éclaté, on ne s’est pas économisé.
Tu as des regrets par rapport au groupe ?
Non, aucun…
Remerciement à Thierry Lafayette