Marc, peux-tu nous préciser qui tu es pour nos lecteurs, et quel est ton parcours ?
Dans la bio me concernant, ils ont écrit « passager ». J’aime bien cette notion : on est tous des passagers, tous de passage. Pas très sage, parfois... Un parcours chaotique diraient certains, enfin, atypique, azimuté, je m’en rends compte de plus en plus et cette marginalisation que j’aimais bien autrefois commence à me peser avec le temps, et même à m’inquiéter. Mais c’est comme ça il faut faire avec.
Ça remonte à l’enfance ?
Tu sais, enfant, j’avais fini par penser que j’étais cinglé. Elvis m’a sauvé ! Exorcisme rock avec le sentiment d’échapper au déterminisme social promis. Ma situation n’a rien d’une exception, mais ça explique en partie pourquoi on n’a pas les clés d’emblée pour forcer sa chance. Faire un film, publier un roman, ça me paraissait déjà tellement... surprenant ! Il m’a fallu me battre pour dépasser l’idée que j’avais atteint le maximum que je puisse espérer. Comme dans ce film de Winterbottom, « Jude »(ndlr, inspiré d’une nouvelle de Thomas Hardy).
Tu as grandi à Paris
J’ai passé une partie de mon enfance à Paris, le reste ’en exil’ en province… ça a été une fêlure importante. Ensuite, j’ai voyagé pas mal, j’ai convoyé des voitures en Afrique pendant quelques années, pour payer mes études. C’était dans une autre vie. J’ai repris une fac de ciné, j’ai commencé par réaliser des films, une poignée, de courts métrages de fiction et puis les films avec Daniel. Ça n’a pas été simple. Rien ne l’a été… En parallèle, j’écrivais dans la presse underground. J’ai tout envoyé dinguer à la fin des années 90, je me suis rétabli, ça a pris un peu de temps et puis j’ai monté un groupe de rock poetik : Luze, avec Pascal Bricard ; on a joué pendant 8 ans dans Paris. J’ai publié un premier roman qui a eu un peu d’écho. On continue à en vendre, ce qui est gratifiant.
LUZE – Poussière (extrait)
Les peaux transparentes, en l’occurrence, qui est paru en 2003.
Oui ! Ensuite, j’ai publié une dizaine d’ouvrages, des nouvelles, des bios, des essais. Je bossais dans la presse pour vivre, mais avec internet j’ai progressivement perdu ces connexions. Ce qui fait que côté thunes, c’est pas brillant, et j’euphémise. L’endurance a ses limites.
Des projets d’écriture en cours ?
Je continue d’écrire. Un bouquin sur Elvis en septembre, et un nouveau roman qui est en lecture. Je prépare un recueil de textes inédits littéraires de Daniel et je m’échine à trouver un éditeur pour publier une nouvelle version des Décadents Français , un essai sur la littérature fin de siècle que j’ai publié en 2010, je crois.
Comment s’est faite la rencontre avec Daniel ?
Un soir de 1991, au métro Château-Rouge, comme il est dit dans le film. J’étais au Gibus, en mai 1990. À l’époque, Daniel avait déjà comme ça une aura sulfureuse rebelle dans laquelle je me reconnaissais. Le rock alternatif me faisait chier, j’étais dans un truc plus punk romantique, littéraire, plutôt extrême, un truc ultra urbain beautiful losers, etc. J’avais une vingtaine d’années ! Son concert a été un tel choc… l’accélération punk, je l’ai pris en pleine gueule. J’avais jamais vu ça c’était comme une projection de mon propre film intérieur, une matérialisation de ce que je fantasmais !
Très vite, le cinéma a pris donc le dessus ?
À l’époque, je venais d’entrer à Paris 8, section cinéma. C’était la seule fac dotée de matériel 16MM, la vidéo était encore analogique. On montait nos films sur table atlas. J’ai fabriqué un synopsis, j’ai tenté de joindre Daniel pour lui proposer, mais il avait disparu. Je l’ai cherché dans tout Paris, c’était une période étonnante où je marchais beaucoup et puis la connexion s’est faite par hasard. J’ai eu sa maman en ligne… j’aimais beaucoup cette femme que j’ai bien connu. Elle m’a dit que Daniel m’attendrait donc ce fameux samedi soir à Château-Rouge. Il a déboulé avec Georges Betzounis (ndlr Delaney Blue), les bras chargés d’albums.
Une éternité en un clin deuil. C’est par ce jeu de mots, révélateur de ton état d’esprit, je pense, que tu mets un point final à ces quatre années de travail qui ont donc été nécessaire afin de rassembler les pièces de la vie de Daniel Darc. À ce compteur, nous pourrions ajouter les vingt-trois années durant lesquelles tu as partagé la route de Daniel. 1990 – 2013. Une éternité. En mettant donc un point final à ce projet, est-ce que tu estimes que le temps du deuil est pour toi achevé ?
J’aime pas cette expression « travail de deuil ». Je la trouve obscène. Aberrante, quoique tout à fait appropriée dans cette époque pragmatique modérée. Parce que pour rester dans les expressions toutes faites, on dit bien que « tout travail mérite salaire », alors combien pour celui de deuil ? Ça se rémunère comment ce genre de choses ? Plus sérieusement, je n’arrive pas à dire le mot « mort » quand je parle de Daniel, je ne peux pas. Comme je l’ai déjà écrit, les orthodoxes, eux, disent « nés au ciel ». Daniel est né au ciel. Ça va dans le sens de mes propres croyances.
Ce fut pour toi une perte immense…
À part mes enfants, rien ne pouvait me faire plus de mal que cette perte. Ça a pris du temps, mais on avait atteint un point d’équilibre fraternel inoxydable. Daniel était certainement la personne dont j’étais le plus proche les dix dernières années. Son retour en grâce avait, ça peut paraître paradoxal, mais en fait c’est évident, aiguisé chez lui le sens de la fraternité. Elle s’était resserrée autour de Georges, de moi et de quelques autres envers qui il était devenu d’une fidélité sans faille. Réciproque. Alors il y a surtout une absence… poignante… atroce, quotidienne, un gouffre, qui ne regarde que moi, je veux pas faire chier les gens avec cette part manquante. De toute façon, à partir du moment où je le suis lancé dans ce film, il n’était pas question de me répandre, je savais que j’allais devoir dealer avec ça et gérer mes sentiments pour ne pas nous encombrer de pathos.
Tu n’en es pas à ton premier documentaire consacré à Daniel. Il y a d’abord eu Le garçon sauvage en 1993, puis le sublime Les enfants de la Blank en 1994, dont l’impact a hélas été des plus confidentiels. Ce qui n’est pas le cas pour Pieces of My Life . Cette fois le nom de Daniel sur un écran géant…
Comment te dire ? Je veux le nom de Daniel Darc en haut d’un ciné. Ce qui est paradoxal parce que quand avec Thierry Villeneuve on a commencé, je me moquais de tout ça. Le film va bien, il sort le 24 juillet. Les dés sont jetés. La suite, et c’est bien comme ça, va nous échapper à Thierry et à moi, même si on va accompagner le film autant que possible. Les retours positifs nous laissent espérer de belles choses, mais ça ne dépend plus trop de nous.
Un film hybride, inclassable, totalement libre. Au point qu’on pourrait presque réfuter le terme de « documentaire ». C’est ainsi que vous présentez ce projet. Maintenant qu’il est bouclé, tu persistes et tu signes dans ce sens ?
Absolument ! C’est un film avant tout, un film de cinéma. C’est un documentaire, un rockumentaire, un film d’auteur, un film d’amour, de frère... Tout ce que tu veux. C’est une « proposition cinéma » comme on dit, faite par deux fous de cinéma. Un film. Inclassable, incassable… Si on pouvait échapper à toute classification, ce serait bien. Un film inclassable, voire ’ inqualifiable ’… comme une conduite !
Quatre années tout de même pour en arriver à bout.
Oui. Et il se trouve qu’au cours de ces quatre années, ma vie a connu des changements majeurs pas forcément voulus, alors tu peux imaginer… le film, déjà difficile en soi, pour moi, s’est fait dans des conditions assez extrêmes et c’est pareil pour Thierry. Nos vies sont liées à ce film, viscéralement. Nous avons partagé lui et moi des moments pas toujours marrants, mais forts. Fondateurs !
Ne penses-tu pas, à la lumière de ce nouveau documentaire, que Les enfants de la Blank mériterait une seconde vie ?
Je ne sais pas si c’est une question de mérite, mais oui, j’aimerai bien... Le Garçon Sauvage et Les Enfants de la Blank sont des pierres angulaires. De ma vie. Dans le même temps, ces films ont eu un destin " ciné " avorté. Du coup, on m’en parle comme de quelque chose de fantasmatique (peut-être que ça devrait le rester), mais à l’origine, je t’assure que ça n’était pas l’intention.
Ces deux films ont initialement servi de point de départ à ton nouveau documentaire ?
Là encore c’est une longue histoire. Mon désir originel c’était bien le cinéma. En résumé, l’idée était de remonter entièrement les deux films, de les fondre, et de sortir LE film en salle, mais au terme de quatre années d’acharnement, ça n’a pas pu se faire, à cause de sombres histoires de prod, d’un timing peu favorable et au final de pas mal d’épuisement. Diffusés ou non, ces deux films existaient, j’ai fini par considérer que c’était l’essentiel. Sur le moment, le destin avorté de mon projet initial m’a affecté et a été pour beaucoup dans ma ’ décision ’ de mettre de côté la réalisation pour écrire. Au moins, là, je n’avais besoin que d’une machine à écrire, d’un ordi, et financement ou non, relation ou non, je pouvais travailler, même si l’image est toujours une obsession vivace en moi. Mais il y en entre le désir cinéma et son accomplissement un vrai gouffre… mes affinités en tant que réalisateur s’entend, tendent plus vers l’expérimental, l’underground que vers le cinéma d’exploitation. Je me sens plus proche d’une Maya Deren, d’un Kenneth Anger, Mekas que de n’importe quel cinéaste français, à l’exception de Patrick Bokanowski. Et aujourd’hui, il est vrai que le numérique nous affranchit pas mal des contraintes ordinaires, même si finalement l’économie globale reste onéreuse, mais c’est un autre sujet... Pour en revenir au Garçon Sauvage et aux Enfants de la Blank , sur le plan « artistique », ils sont pour moi comme des angles morts, mais au-delà, ils restent comme des pierres angulaires de ma vie. Mais leur réalisation étendue et tortueuse m’a offert deux (grands) frères : Daniel et Georges (Betzounis). Alors, il n’y a rien à regretter.
Tu as travaillé d’arrache-pied avec Thierry Villeneuve (réalisateur de vidéos et de documentaires musicaux) sur ce documentaire. Comment s’est fait le lien et quel a été son apport à ce projet ?
Je connais Thierry depuis le lycée, en province. J’avais oublié les conditions fun de notre première vraie rencontre. Ensuite, on s’est perdu de vue à Paris. Outre ses propres films, Thierry a monté très tôt une boite de production assez connue dans les années 90, Capharnaüm , qui a permis à pas mal de jeunes cinéastes de faire leurs débuts, ce qu’il fait qu’il baigne dans le « milieu » depuis un moment. Thierry a réalisé pas mal de films, dont le méconnu « Crachez vos souhaits » sur Louise Attaque qu’il a sorti en salle en 2002. Ensuite, il a travaillé pour Arte, des captations de concert, mais aussi des documentaires. Il se trouve qu’il travaillait avec Florence Levasseur comme chef op et que c’est avec Flo que j’ai fait tous mes films, directrice photo & chef op de mes films. Par son intermédiaire, on a donc commencé à se revoir. Et en 2004, quand Universal et Frédéric Lo m’ont demandé de réaliser le film « Rêve Cœur », qui devait accompagner la sortie de l’album Crève Cœur , j’ai immédiatement pensé à Thierry pour le monter avec moi. C’était notre première collaboration et j’ai adoré le travail et le résultat. Par la suite, Thierry a continué à faire des films, j’ai collaboré à deux d’entre eux de façon limitée en écrivant les textes.
Vos rôles respectifs n’ont pas été cloisonnés.
Même si j’entends parfois qu’il a apporté au film ’ le recul nécessaire ’, n’ayant pas de ‘ lien affectif avec Daniel ’, je le réfute : Thierry n’est pas l’élément modérateur, ce n’était ni son rôle, ni nôtre intention. D’abord parce que pas une seconde, je considère que ma proximité avec Daniel soit un handicap. Depuis quand ça le serait ? Qu’on ne me parle pas de proximité aveuglante. Je pense avoir la capacité de faire la part des choses dans un travail de ce genre. C’est une question d’intelligence, la vraie celle du cœur et là-dessus, je n’ai pas de leçon à recevoir. Donc, le rôle premier comme la place de Thierry n’avaient rien à voir avec ça, même si en certaines occasions il a pu intervenir de cette façon, évidemment. En fait, ce qui me semblait passionnant, c’était ce qu’il apportait, comme réalisateur, son propre talent, sa vision, son univers aussi, très musical… différent du mien. Thierry a une approche plus ’ rigoureuse ’ du cinéma, c’est un puriste. Moi, pour faire court, je suis moins attaché à ça, je m’en fous, je peux voir un film sur un timbre-poste (tout en sachant ce que ça perd, bien sûr) et surtout, crade ou non, audible ou moins, un plan s’il fait sens, je suis pour. En poussant un peu, j’aime les ’ imperfections ’, les images bancales. C’est l’une des clés de notre fonctionnement et de ce qui est dans ce film.
Tu peux nous donner un exemple de votre travail en commun ?
Eh bien, par exemple, j’avais ces images granuleuses pas très clean de Daniel en répétition à l’Entrepôt ; Thierry les contestait. On en a discuté, et il a fini par y adhérer. Pour ma part, j’avais des réserves sur la séquence en concert aux Vieilles charrues que je trouvais hyper clean. Trop. Mais au montage, son insertion était parfaite ; ça n’a rien à voir avec des compromis respectifs, c’est en réalité le résultat de la confrontation de nos univers respectifs, de leur collusion. C’est ce qui a fait le film. Puisqu’il était question d’un film à quatre mains, deux paires d’yeux..., je savais que je devais permettre à Thierry de s’impliquer vraiment, parce que bien sûr trouver sa place n’était pas évident de prime abord, en lui déléguant pas mal de choses. Même si j’aime ça, on a décidé que c’est lui qui, sur un plan justement purement technique, manipulerait les images. Il devait trouver sa place dans ce film non comme monteur, mais comme coréalisateur, et c’était un peu à moi à faire en sorte que ça se passe au-delà du choix artistique.
C’était important.
Non, c’était essentiel. En mixant nos idées, nos univers, nos sensibilités, nos divergences et convergences, lui et moi avions la conviction très tôt qu’on pouvait aboutir sur un film original, et quoiqu’il en soit loin des clichés du rockumentaire. Au passage, ce genre de film, c’était sans doute le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à Daniel, plutôt qu’une hagiographie. Tu sais on peut contester nos partis pris, tout ce qu’on veut, mais la moindre séquence, le moindre plan posé ici plutôt que là, le moindre son, a été le fruit d’une intense ’réflexion’. Chaque image gardée, chaque rush écarté, au prix parfois d’un vrai crève-cœur, l’était à l’issue d’échanges et d’essais incessants. Parce que tout en optant pour une forme éclatée, un montage disruptif non chronologique, on a exercé un contrôle terrible sur ce montage, comme si on tenait la bride à un cheval un peu fou pour lui donner sa direction. Derrière cet éclatement, il y a une réelle construction une cohérence interne, invisibilisée sciemment. Un peu comme ce procédé qui consiste en un collage de petites vignettes, lesquelles, avec un peu de recul compose le portrait d’un artiste. On a donc collé ’les pièces de ma vie’ pour faire le portrait de Daniel.
Tout dans cette vie est une question d’amitié. Je pense évidemment à celle que tu entretenais avec Daniel. Tu y mets beaucoup de pudeur, au point que de par cette proximité que vous aviez, tu te refuses à te lancer dans le moindre projet autobiographique. Le traitement par l’image est-il plus facile à gérer te concernant ?
Deux parties dans ta question. La pudeur. Ça a fait partie de moi : certaines choses entre Daniel et moi n’ont de sens que pour moi ou ses plus proches et je ne vois pas en quoi elles faisaient sens... Il y avait entre Daniel et moi une réelle gémellité en termes de sensibilité, comme un effet de miroirs, et je fais la part des choses entre mimétisme et ressemblances. J’en parle peu pour plein de raison, mais la profondeur de notre relation est complexe… ça allait de trucs puérils à des choses très fortes. La similitude de nos enfances difficiles, notre façon d’appréhender l’ennui, le rock bien sûr, la foi. Par pudeur, j’ai longtemps maintenu une forme de distance, mais sa présence dans des moments difficiles de ma vie, la circulation de nos influences mutuelles… il m’a bien entendu fait découvrir des milliards de trucs, mais c’était à double sens… m’a fait accepter ce lien. Tu vois, même là je deviens très télégraphique pour ne pas entrer dans le détail... Sur la question de la gestion par l’image, en ce qui concerne Daniel, oui, bien sûr c’était plus évident que l’écriture. Si je n’ai jamais fait de bio et n’en ferais jamais, j’ai quand même écrit sur Daniel quelques textes, notamment un chapitre dans Les rebelles du rock chez Camion Blanc, ou dans mon roman Les peaux transparentes . Avec les mots, tu peux creuser en voilant, dévoiler en creusant, suggérer ; ces nuances sont moins évidentes au cinéma : l’image montre. Elle donne à voir c’est plus binaire encore qu’on puisse en discuter. Ensuite, originellement, j’ai abordé Daniel via l’image : en flashant d’abord sur un clip, une pochette, La ville , le Gibus sur scène. Par la suite, il y a ce que j’ai filmé. Lui comme moi avions un rapport très prégnant aux images, à l’image, à celle qu’on renvoie et au reste.
L’écriture et le cinéma te sont donc deux mondes totalement différents ?
Mon premier court métrage, Blank Generation , était un film expérimental entre Anger et Warhol 90’s, ça racontait le seppuku d’un samouraï urbain sur fond de RAF de paysages et de violences urbaines. Ça n’aurait aucun intérêt littérairement. Je ne suis pas certain que mon écriture elle soit très cinématographique même si elle est imagée, ce sont deux moyens d’expression que j’utilise différemment je crois.
Le film que tu rêves de tourner. Il ressemblerait à quoi ?
Un film entier sans le moindre scénario. C’est d’ailleurs un peu ce qu’on a fait avec Piece s. Ecriture et cinéma ne sont pas forcément liés de mon point de vue. Le scénario peut s’écrire au tournage, dans l’instant et puis ensuite au montage.
Tu te démarques complètement de l’idée que l’on se fait d’un tournage classique ?
Ça implique une équipe, une infrastructure assez lourde et aussi une attitude de la part du réal que je ne suis pas certain d’avoir. Le réal est autant artiste que gestionnaire ; il doit être en capacité de diriger son équipe, et ça c’est un truc assez complexe. C’est une réalité assez éloignée du rêve cinéma. Et puis, longtemps la technique m’intéressait moyennement… encore que j’ai évolué là-dessus. J’ai raté comme il faut le virage numérique. Depuis quelques temps, je reprends contact avec tout ça ; je travaille sur un film autour de Godard avec Bagheera Poulin, dont 40 minutes sont montées, j’ai réalisé quelques clips dernièrement, notamment un que j’aime beaucoup pour Delaney Blue.
Delaney Blue Ophelia, extrait de l’album The Hurting Kind, 2018
réalisé par Marc Dufaud et Léandre Bizouarn
Dans le petit texte que tu as rédigé pour le livre Le saut de l’ange , tu précises que les nombreux ouvrages déjà parus et consacrés à Daniel Darc sont posés là comme des jalons en vue d’un travail futur. J’ai tendance à penser que « le livre » sur Daniel n’a pas encore été écrit. Est-ce que tu ne partagerais pas ce sentiment ?
Absolument ! Too much too soon... mais la vie de Daniel et sa personnalité sont difficiles à appréhender. Riche, totalement éclatée… la seule chose que je sache, c’est que je ne l’écrirai pas cette bio… jamais. Encore une fois, j’ai lu quelque part que j’étais trop proche pour ci ou ça, ce qui est faux… mais je n’en ai ni la nécessité ni l’envie.
Des remords, des regrets, tout étant désormais en boite ?
No remords no regrets… c’est ce qu’on dit, non ? – parce que Dylan nous l’a appris « Dont Look back » mais avec l’âge, ça se module ce genre de sentence. Évidemment qu’il y en a des regrets… mais il faut faire le tri, certains ne valent pas grand-chose. Bien plus de regrets que de remords. Aucun remords ! D’ailleurs, ’remords’, c’est une antinomie… re-mort ! On n’est pas mort à nouveau. Tu sais, il y a encore tous ces rushes on pourrait, why not, faire comme Hollywood un Piece of my life 2 ? Je le dis sous forme de boutade, mais je n’ai pas de souci avec ça. On me parle d’obsession, je réponds juste que je creuse simplement un sillon, le même encore et encore parce qu’il reste des choses à dire, à voir, et que ça n’exclut pas d’exploiter d’autres sillons. Si je n’avais que ça comme moyen d’expression, mais ce n’est pas le cas. Et d’ailleurs, que fait Kenneth Anger sinon monter et remontez sans cesse ses films ? Alors oui, il reste des rushes, notamment un concert à l’Entrepôt où Daniel et Georges avaient joué derrière une projection d’un film que j’avais réalisé pour l’occasion « White Trash », je ne sais pas… il y a peut-être là un autre film, une autre approche... Et puis, Pieces of My Life 2 , ça sonne pas mal non ?
Puce moment #4 bass fréquence, montage inédit Daniel Darc par Marc Dufaud
Contact : Facebook Daniel Darc, Pieces of my Life : https://www.facebook.com/DanielDarcPiecesO fMyLife/