Ça a commencé comment ?
Par une belle anecdote : j’ai rencontré le guitariste qui est Péruvien, comme moi, à Nantes.
(Waykiki Boys en concert à leur début - Droit réservé)
A Nantes ?
Oui il y a une très grosse communauté Péruvienne à Nantes : c’est la deuxième plus importante communauté en France avec tous les bons et mauvais côté : les clichés avec la flute de Pan, ce genre de choses … Avec le guitariste nous avions des amis en commun et nous sommes donc devenus amis. On trainait là-bas dans les Jam-Sessions : on avait notre petit répertoire Latino. On est allé un soir dans un bar Irlandais et au moment de monter sur la scène, où il y avait une batterie, on entend le public qui commence à crier : « des latinos,ils vont jouer la bamba », ce genre de chose …. Là on était un peu blessé ! J’ai dit au guitariste : « au lieu de jouer notre répertoire Latino, on va chercher notre répertoire post punk, gothique, new Waves sud-américain et la Cumbia de la forêt amazonienne ». Il m’a répondu : « ok » et là on a mis tout le monde à genoux !
Comment cette musique est entrée dans ta vie et comment le rock est entré au Pérou : on imagine que il y a juste que la culture Nord-américaine qui a le droit de citer chez vous ?
Je suis né à Lima et j’habitais à Lima qui est une capitale donc on a tout : disque, musique. Depuis MTV le monde est le même que chez vous : on connaissait Cure, Inxs, REM… Par contre Lima était une capitale internationale dans les années 50 : tous les riches européens venaient chez nous et en 1960 il y a eu une dictature militaire de gauche a pris le pouvoir et ils ont dit « le Pérou aux péruviens ». Ils ont tout viré : les étrangers, le rock… Ils ont ramené les gens des montagnes dans la capitale qui sont arrivés avec leurs instruments traditionnels : flûtes, tambours et petits guitares. Comme ils voulaient s’intégrer à la jeunesse de Lima, qui jouait du rock, ils ont vendu leurs instruments pour s’acheter des instruments électriques.
Tu veux dire qu’il y a toujours eu une importante scène rock au Pérou ?
Enorme tu veux dire ! Mais les gens des montagnes ne savaient pas jouer du rock et donc ils ont commencé à jouer leurs airs traditionnels avec des instruments électriques. Ils ont électrifié la musique traditionnelle !
Comme le rock au début ?
Exactement mais la surf music était importante parce que le Pérou était un haut lieu du surf, les Beach Boys par exemple, ont chanté des chansons sur le Pérou. Un groupe est devenu très connu : Los Saicos. C’est considéré comme un des premier groupe garage de l’histoire : c’était très violent. Le mois dernier quand on a joué en Angleterre, « Démolition », leur morceau le plus connu les Anglais étaient étonnés et ravis. Une fois le chanteur des Wampas est venu nous voir pour nous demander « qu’est-ce c’est ce morceau ?
Vous l’avez enregistré ?
Pas encore, mais on fait tant qu’à faire on préfère créer notre musique en partant du surf et de la Cumbia qui est partout au Pérou : dans les marchés, dans les bus, à la radio, à la télé …
https://www.youtube.com/watch?v=9D-dC2BxOrs
Justement : c’est quoi la Cumbia ? On la connait en France mais mal : pour nous c’est une danse très chaloupée qui a été connu par Nescafé !
Bon, d’abord la version de Nescafé c’est la version Colombienne d’une Cumbia péruvienne. , plus électrique. La Cumbia a la base vient de la Colombie : c’est des rythmes africains que les esclaves ont apportés avec des rythmes un peu indiens. C’est devenu la Cumbia ! Sauf que au Pérou il y a eu ce phénomène avec les jeunes qui quittaient les montagnes pour faire cette musique et comme on ne savait pas comment l’appeler : c’est devenu la Cumbia aussi, mais Péruvienne !
Tu as grandis avec cette musique ?
Oui, même si j’ai commencé par jouer de la basse à Lima à 14 ans avec un groupe de punk.
Il y a encore une vraie scène musicale à Lima ?
Oui, mais l’âge d’or a étè les années 80. Il y a eu une guerre civile et doncil y a eu une oppression qui a déclenché un vrai un esprit de rébellion de la jeunesse. A la radio il y avait les groupes commerciaux et les groupes dans les clubs qui chantaient l’antisocial. Maintenant c’est devenu plus électro. Moi, comme beaucoup de péruviens, j’ai adoré le punk anglais de 77 avec les Clash et les Sex Pistols. On a toujours préféré les Anglais aux Américains (rires).
Mais toi comment tu arrives en France ?
Pour des raisons de famille : ils ont trouvé du travail et moi j’ai suivis. Je devais rester un an et cela fait 20 ans que je suis là (rires). J’ai eu un choc en arrivant : on nous vendait une musique et c’était une autre qui était là (rires). En même temps je suis d’abord arrivé en Haute Savoie (rires). Avant de partir au Pérou j’avais vu un groupe punk qui avait joué qu’avec des machines et cela m’avait étonné. Je me suis alors intéressé aux machines dès mon arrivé chez vous.
C’est pour ça que vous n’avez pas ce côté Amérique Latine avec tous les clichés, vous arrivez avec une culture à la fois moderne mais aussi vintage
En fait avec le guitariste en 2007 on s’est dit que dès que on serait dans la même ville on ferait un groupe avec des influences Surfs anciennes comme les Trashmen ou les Ventures ou le surf mexicain comme Los Acapulcos.
Mais le surf est une musique assez dure, on imagine que au Pérou vous avez une scène plus « chaude », plus « chaloupée », plus « dansante » ?
Eh bien non ! (rires) Le Pérou, par exemple, est une des plus grandes scène gothique, new wave au monde … C’est énorme ! Le péruvien aime le soleil mais il a un côté sombre aussi …
Donc vous avez commencé par jouer de la musique Surf ?
Oui mais on était que deux et rapidement on a tourné en rond ! on a gardé ce côté très rock et une rythmique Cumbia.
C’était en quelle année ?
Le premier concert a été en 2012 au Palais de la femme, en première partie d’un groupe prog de métal Péruvien qui tournait en Europe. Ça s’est très bien passé ! Et puis le guitariste est venu s’installer à Paris : on a décidé de faire le groupe. On a beaucoup répété et le 9 aout 2013 on a fait notre premier vrai concert.
(Waykiki Boys en concert - Droit réservé)
Pourquoi ce nom Waykiki Boys ?
C’est le nom d’une plage à Hawaï et au Pérou pour faire du surf.
Vous avez été à deux pendant combien de temps ?
Pendant un an et demi, après on a eu un bassiste Français.
Vous avez toujours eu cette imagerie très sud-américaine sur scène avec notamment les masques de catch ?
Les masques c’est bien : comme ça on ne me reconnait pas (rires) ! En fait au début je n’avais pas le masque, les gens trouvaient bien le groupe, le genre « sympa ». Un jour j’ai perdu un pari et j’ai dû porter un masque en concert. Les gens ont commencé alors à parler du « groupe avec le masque » et à nous chercher.
Pourquoi le masque ?
Cela nous a parmi de rentrer dans une mystique sud-américaine où nos ancêtres portaient le visage découpé de leur dernier adversaire pour prendre son énergie. Je sais c’est un peu glauque mais la tradition du masque dans le catch c’est culturel : « rappelle-toi de moi toute ta vie » et on est arrivé à ça à un moment donné.
https://www.youtube.com/watch?v=BubQ7gd3nMY
Mais il n’y a pas eu une mauvaises interprétation avec le public qui croyait que vous alliez jouer du « Compay Segundo » ?
Non, parce que avec les masques les gens ne savent pas que nous sommes péruviens. A nos premiers concerts sans les masques on nous demandait de jouer « la bamba ». Pour nous c’était un délit de visage !
Votre sons qui a été Surf, puis Cumbia maintenant vous mettez de l’électro ?
Oui nos influences ont évolués
Et vous avez joué partout ?
Oui on a beaucoup joué. Il y a des gens qui nous suivent ! On essaye d’avoir un gros public. Nous avons des codes de conduites : on arrive à l’heure, on joue carré et après on rencontre les musiciens, On va à l’efficacité.
Vous en vivez ?
Non, cela nous donne une liberté d’avoir un métier à côté. On n’est pas obligé de faire des reprises. J’ai tournée avec des grosses structures et j’ai beaucoup appris. Je sais ce que je veux faire. Je sais ce qu’il faut éviter : j’ai pris des notes et je relie régulièrement mes notes. on fait de tout : management, tournées, édition … On a travaillé pour notre premier disque avec le fils de François de Roubaix qui nous a beaucoup aidé. Maintenant on a signé avec Believe mais on est libre de contrat.
Il y a donc eu une progression musicale ?
Oui on a sorti un premier EP en 2016. Avant on avait fait des maquettes.
(Pochette du 1 er single des Waykiki Boys - Droit réservé)
Sur ce premier EP, il y a « London Cumbia » qui est devenu votre hymne : le titre a évolué musicalement ?
Oui, parce que on répète énormément : deux a trois fois par semaine et donc la musique évolue. On est très sérieux. Pour en revenir à ce premier EP on l’a fait à deux : c’était un cinq titres. Les batteries ont été enregistrées à Madrid avec un spécialiste de la batterie qui m’a trouvé des sons de fous ! Les guitares, les claviers et les voix à Paris et ça été masterisé à Londres.
Tu le qualifierais comment ?
Du « Surf tropical » ! Il y a un quand même un morceau sur l’Amazonie …
Suite à ce disque vous avez beaucoup tourné ?
Pas mal ! En fait on compte nos concerts, on en est à 148. On a joué un peu partout à Paris : le Supersonic, le Pop In, les Grands Voisins, FGO Barbara … A chaque fois ce sont les salles qui nous ont appelés. On a été aussi en Bretagne, à Nantes… A l’étranger à Londres où les gens chantaient les chansons.
https://www.youtube.com/watch?v=-hP_0xPME-0
Mais vous êtes reconnus par la communauté péruvienne en France ?
C’est très bizarre : nous sommes reconnus au Pérou mais ici la communauté péruvienne est très traditionaliste et donc trouve que ce que nous faisons est trop … moderne ! Nous avons un public Chilien, Mexicain ou encore Brésilien qui sont des pays plus ouverts. Pourtant il y a 27 000 péruviens à Paris. A Londres par contre c’était la première fois que la communauté se mobilisait. On a joué une fois pour la communauté à Paris pour un évènement de football et ça la fait !
Ce n’est pas trop fatiguant ces références perpétuelles au Pérou ?
Ca fait partie du deal (rires) ! On a joué par exemple une fois à la gare Saint Lazare pour le match France Pérou en coupe du monde : le Pérou a perdu et c’était horrible (rires) !
Mais vos clips et globalement vos visuels sont très vintages : qui les fait ?
C’est nous même sauf le dernier, fait par melody fonseca ,sinon on met en place notre imagerie en général.
Aujourd’hui vous avez deux nouveaux membres, vous êtes quatre ?
Oui, ce sont deux filles ! Elles sont là depuis un an et demi : Il y a aujourd’hui Lady Snake qui sort du conservatoire et qui faisait du jazz et Candy Killer qui joue des claviers, et elle chante, super bien d’ailleurs.
C’est là que vous avez rajouté l’électro ?
Oui, en fait quand on faisait du surf on avait du public, tout allait presque trop bien (rires). On a voulu relancer notre musique et secouer notre public : ça l’a fait.
On parle de votre deuxième EP sorti en 2018 ?
Il a été fait chez Alain Manoukian à Chamonix. La rumeur prétend qu’il voulait enregistrer un groupe tibétains et un groupe péruviens. Il a craqué sur nous mais on ne l’a vu que une ou deux fois. A chaque fois il était très gentil avec nous.
Mais il vous a signé ?
Non, mais il nous a tout donné gratuitement. On a pu utiliser son studio comme on voulait. Par exemple pour le premier EP on avait enregistré l’un après l’autre. Pour celui-là on a enregistré tous ensemble.
Quel a été l’accueil ?
Très bien !!!
Et l’album ?
C’est pour l’année prochaine j’espère. Il va être très fort ! On continue à évoluer
Donc vous avez une guitare surf, une rythmique Cumbia et des nappes électro et en plus vous avez du chant avec un batteur chanteur (rires) ?
Oui (rires), avant je faisais clavier, batterie et chant. On a essayé de trouver quelqu’un pour faire la batterie à ma place avec le rythme de la Cumbia et on a pas trouvé, donc je suis resté batteur chanteur. Ca fait encore une caractéristique pour laquelle les gens se rappellent du groupe.
Vous êtes donc presque un groupe « Tarantisnesque » ?
On nous le dit de plus en plus (rires) !
De quoi parlent les textes ?
D’amour, de plantes des chamans, du surf, des animaux de la forêt qui dansent ensemble dans la jungle (rires), des vrais morceaux de Cumbia. On reste dans des références très Sud-Américaine en faisant attention en restant dans la cuture populaire du Pérou. Le niveau culturel est plus développé que chez vous.
Donc vous êtes sur trois influences : Péruvienne pour le tropical , européenne pour l’électro et Etats Unies pour le surf : vous devez serrer la musique. Ça se passe comment sur scène ?
On travaille beaucoup, vraiment beaucoup et c’est toujours en place. Il n’y a pas de secret. On prépare par exemple un concert à Montreuil dans des conditions un peu spéciales . C’est un festival où nous avons pris le challenge de jouer sans électro, sans sampler : ils ont pas la sono pour, ce seront des conditions très rock.
D’ailleurs quel est ton meilleur souvenir de concert ?
A Douarnenez et à Saint Denis, à chaque fois sous un chapiteau. C’était l’hystérie !
https://www.youtube.com/watch?v=fGaluzfl9qM
Vous avez joué où à l’étranger ?
En Angleterre et c’est tout, bientôt la Belgique et l’Allemagne.
Mais vous avez croisé des artistes qui vous ont complimenté ?
Didier Wampas, bien sûr, Joe King Carrasco (chanteur texan très connu dans les années 80 Ndlr) : c’était un concert de fou. C’était un festival où nous avons joué après lui. Quand on est monté sur scène il restait une personne. On a commencé à faire notre concert comme d’habitude et là Carrasco qui repartait nous a entendu : lui et son groupe se sont assis par terre et ils nous ont écouté jusqu’au bout. Après il nous a demandé comment on faisait (rires)
Tu sais vers quelle évolutions musicales vous allez ?
On va aller encore dans l’électro surf mais avec des changements : avec de la folie. Il y aura des morceaux très dansants avec des rythmes incroyables. Notre ambition a toujours été de faire danser les gens : on est des latinos ! Le tropical est pratique pour ça. C’est une musique très populaire parce que on a pas besoins de danser à deux : il n’y a pas de pas codifiés. N’importe qui peut facilement danser contrairement à la Salsa.
Pourquoi ?
Parce que il fait tellement chaud que si un gars danse avec une fille, son copain déclenche aussitôt une bagarre.
Vous avez joué au Pérou ?
Non pas encore mais on a des invitations pour jouer là-bas, notamment dans la forêt amazonienne on va y aller !
Et après Montreuil le 19 mai ?
En avril on va à Toulouse pour un festival punk Gothic (rires). Après il y a d’autres concerts : on nous appelle parce que on a la réputation de faire danser les gens. Ca fait cliché je sais (rires).
Vous êtes une sorte de secret bien gardé : on peut espérer que vous allez bientôt dépasser le cercle des initiés ?
J’espère parce que le cercle s’agrandit : on est passé à la radio, on a eu de la presse… On se concentre peut être un peu trop sur la musique et moins sur la promotion. Par exemple en ce moment on crée un nouveau répertoire avec plus d’électro et de musique, donc on joue moins, on est moins présent.
Mais vous avez une part d’improvisation sur scène ?
Il y a des passages où on est libre, comme en jazz, mais après on se retrouve et on repart. Chez nous c’est très écrit, très structuré.
Vous enregistrez en ce moment ?
Oui deux titres chez un musicien électro qui va s’occuper du mixage. , on va voir le résultat.
Mais on peut imaginer que refassiez un morceau de rock surf assez dur ?
Oui, peut-être, je ne sais pas (rires). En fait notre plus grande influence ce sont les Beastie Boys dans leur façon de penser : ils peuvent faire du rock, du rap, du métal selon leurs envies…
Mais quel est ton regard sur ces groupes Français qui chantent en espagnol en essayant le côté Sud-américain ?
Cela m’a toujours paru bizarre notamment la Mano Négra qui chantait en espagnol et pas en sud-américains mais bon pour nous cela nous étonne … Il y a eu beaucoup de groupes qui ont fait ça, c’est bizarre !
Vous ne risquez pas de pencher trop vers le côté péruvien ?
Non, on ne respecte pas assez les codes de la musique péruvienne.
Quel disque tu donnerais à un enfant pour l’amener vers la musique ?
« Le pieds dans le plat » de Pascal Parisot.
Que veux-tu dire pour la fin ?
Nous voulons surprendre et continuer de grandir ! Il ne faut pas que les gens aient peur de nous à cause de nos masques. on ne mord pas..ou alors un peu ...
Waykiki Boys en concert :
18 mai a l’espace Angela Davis a Malakoff
25 mai au festival sur les pointes a Vitry
22 juin au port de Cergy sous le chapiteau de l’association dernier dragon
28 juin a la Pointe Lafayette, 230 rue Lafayette 75010 Paris