Je suis Red le chanteur et harmoniciste du groupe
T : Et moi Toma le bassiste.
Il y a qui d’autre dans le groupe ?
R : Jacker à la guitare, Guillermo à la batterie et Ben au piano.
(Shaggy Dogs en 2018 de gauche à droite Guillermo, Jacker, Red, Ben et Toma – Photo William Alix)
Ca commence quand les Shaggy Dogs ?
R : En 1998
T : Au siècle dernier quoi ! (rires)
R : A la base il y a moi, Jacker et Papi un batteur avec qui je jouais avant dans un groupe. On s’était bien pris la tête, on a voulu refaire un truc mais plus simple (rires). On a commencé comme un Tribute (hommage Ndlr ) à Doctor Feelgood (groupe mythique du pub-rock anglais Ndlr) !
Vous vous êtes formés comment ?
R : On allait tous au Plan : moi, Toma, Jacker : lui et moi on vient de l’Essonne.
Vous vous définissez comme un groupe de Pub-Rock, c’est quoi comme musique ?
T : C’est une contraction du rythm’n blues et du punk, même si ça a existé avant le punk !
R : C’est du rythm’n Blues écrit par des Blacks qui est joué de manière très électrique par des blancs ! C’est joué sur un fil électrique. Le modèle de cette musique, pour nous, c’est Doctor Feelgood. On a commencé comme ça, en faisant des reprises de ce groupe ! Bon, il faut se remettre dans l’époque : il n’y avait pas grand monde qui faisait ça, du moins à notre connaissance. Il n’y avait pas internet à outrance, on en avait pas connaissance en tout cas …. L’histoire a montré qu’on avait tort !
Pourtant la France passe pour être le pays des Garage bands et du Pub Rock ?
R : Tout à fait, il y a ici une longue tradition de ces groupes, ne serait-ce qu’avec Little Bob story.
Votre grosse influence c’est Doctor Feelgood ?
T : On ne renie pas non plus les Pirates et les Inmates (rires)
R : Tu peux rajouter Eddie and The Hot Rods, Ace, Dave Edmunds, Duck Deluxe …
T : On a joué d’ailleurs avec la plupart d’entre eux, sauf Ace et les Inmates.
Vous aimez des groupes américains ?
R : Les Senders, le J Geils Bands … C’est un peu la réponse américaine au Pub Rock anglais. Il y a du rythm’n blues là-dedans. C’est le lien entre tous ces groupes et franchement c’est différent quand c’est traité par un groupe anglais ou américain mais la base est la même !
Et en France ?
R : Le seul groupe que l’on aime vraiment, surtout Jacker le guitariste, c’est Bijou ! Il passait devant leur pavillon à Savigny sur Orge et il restait à les écouter.
C’est la musique la plus proche du rock’n roll originel : vous êtes dans la droite ligne des Rolling Stones ?
R : Oui, oui … Bon il faut bien un début donc on peut dire un peu ça.
Quand vous attaquez en 1998 vous vouliez juste être un groupe Tribute à Doctor Feelgood ?
R : Ouais : c’est une musique simple, généreuse, on ne se prend pas la tête, ça rentre directement dans la tête des gens. Quand tu rentres dans un pub et que tu vois un groupe de Pub-Rock, tu prends une bière, tu tapes du pied et tu te laisses directement emporté par l’histoire !
Pourtant Doctor Feelgood avait l’image d’un groupe qui tournait tout le temps, sans grand succès et qui bouffait du kilomètre ?
R : Pour un français peut être mais si tu croises un anglais il te dira le contraire : ils ont fait des hits, ils sont connus là-bas, c’est une vraie référence. Fin 70 en Grande Bretagne c’était énorme : ils faisaient des grosses salles !
Vous avez commencé par apparaitre sur une compilation hommage à Lee Brillaux (le chanteur de Doctor Feelgood Ndlr) en 1999 ?
T : Tu sais qu’il est mort le même jour que Kurt Cobain ! Sa disparition est complétement passée inaperçu, sauf Libération qui lui a rendu hommage ! Je suis arrivé dans le groupe juste après la compilation. Le label qui avait sorti le disque a proposé de sortir un album : on a répété et puis on est parti enregistrer dans un petit studio à Saint Ouen.
R : A l’époque le bassiste que l’on avait nous dépannait juste et moi je voulais jouer avec Toma. Il jouait dans un groupe de rythm’n blues et il ne voulait pas faire deux groupes. Je suis revenu plusieurs fois à la charge et puis finalement au bout de six mois il est venu.
J’ai vu que sur ce premier album il n’y avait que des reprises ?
R : Ouais, comme à l’époque on ne faisait que des reprises et bien c’est ce qu’on a fait !
Des reprises de qui ?
R : Des Pirates
T : Des Revillos, Sprinsteen (Fire Ndlr ), de Doctor Feelgood, J Geils Band… Ca partait dans tous les sens (rires). Mais on est dans le pays des étiquettes et franchement nous on se foutait (et on se fout toujours) des étiquettes.
R : Ce premier album en fait c’était pratiquement le set que l’on faisait sur scène : c’est un instantané du groupe à l’époque, de ce que on savait faire !
Vous n’avez pas été tenté de reprendre des français ou même juste de chanter en français ?
R : Franchement ça ne m’a jamais tenté, en plus je ne suis pas auteur et j’aurais une telle exigence que ce serait difficile pour moi. En anglais ça passe mieux.
T : Phonétiquement l’anglais colle bien avec ce que on fait, pourquoi changer ?
Vous avez beaucoup tourné ensuite ?
T : Ouais dans les bars et les pubs (Rires)
R : On a joué un peu partout mais à l’époque on avait un problème de batteurs : on en a eu cinq ou six et ça nous a ralenti. Mais c’est grâce à l’album que on est sorti de l’Ile de France. Pour l’anecdote la première fois que j’ai reçu un coup de téléphone de la province de gens qui voulaient nous faire venir,à côté de Lille, je n’y croyais pas. C’était pour un anniversaire, les 35 ans d’un type et ses potes lui offraient Shaggy Dogs comme cadeau. Tu imagines ? Pour nous c’était incroyable, il y avait des gens en province qui nous connaissaient et nous aimaient. Pour nous c’était incroyable !
(Shaggy Dogs en 2006 –Photo Dom SD)
La question que j’aurais dû poser depuis le début : d’où vient votre nom ?
R : A la base on voulait s’appeler Shaggy Dogs Story, ce qui voulait dire « histoires farfelues », bon mais ça faisait un peu Little Bob Story. On a viré le Story et comme on est tous très poilus (rires) Shaggy c’est ‘poilus’ et donc c’est un nom débile comme plein de noms …
Autre caractéristique : vous avez des super costards sur scène
T : C’est parce que on s’habille comme ça tous les jours (rires). Bon c’est important pour moi : quand on joue sur scène, c’est un vrai show et c’est super important la manière dont on s’habille, d’être un peu élégant. C’est respecter le public. Maintenant chacun fait ce qu’il veut mais nous on tient à arriver sur scène avec ce look. On fait ça depuis le début et franchement ça fait partie de notre ADN.
En 2006 il y aura un deuxième album ?
R : Oui il y avait encore des reprises et trois morceaux orignaux écrit par le groupe : une grande première ! Le truc important c’est qu’en 2006 on tombe enfin sur le bon batteur qui va nous accompagner un bon bout de temps : Patrice Vilate, El Professor ! Il avait beaucoup tourné en France et il voulait vraiment repartir sur la route et six mois après son arrivée on enregistre un live.
T : On a fait ça à Etampes dans un pub qui a fermé : c’était un super endroit !
Vous tournez dans quel genre de salles à l’époque ?
T : On faisait les Clubs, les bars et on commence à faire des premières parties : Feelgood bien sûr, mais aussi des gens comme les Pirates ou Wilko Johnson (premier guitariste de Doctor Feelgood Ndlr ).
R : Mais paradoxalement, on a peu joué à Paris à l’époque, juste les Combustibles (bar parisien mythique de la scène garage qui vient de fermer Ndlr ). C’est difficile pour les groupes comme nous de jouer à Paris, on était surtout en province.
Quand un groupe comme vous dit qu’il joue beaucoup : c’est combien de concerts par an ?
R : Entre 30, 40 ou 50… C’est un weekend sur deux sur la route. C’est fatiguant parce que il ne faut pas oublier que le lundi tu dois aller bosser et la semaine en plus tu répètes. A l’époque on avait des contrats à trois sets par soir de 45 minutes chacun. Mais nous, on ne sait pas jouer moins d’une heure et donc on débordait en y mettant beaucoup d’énergie. On s’est beaucoup abimé la santé à l’époque. On était crevés !
https://www.youtube.com/watch?v=ssKTQ6_jTAw
En 2008 nouvel album !
R : Oui j’écris un peu les textes mais franchement ce n’est pas mon truc ! J’ai demandé à des personnes de collaborer avec moi : Alex des Moonshiners, Jopeck des Sharpers, Lord tracy de Jesus Volt…
Pourquoi vous commencez à composer ?
R : Parce que les trois titres que on avait fait pour l’album précédent ils étaient pas mal et on s’est dit « pourquoi pas ? » et c’est plus valorisant pour nous. En plus, on a plein de supers musiciens dans le groupe : Jacker amène pleins de riffs vachement bien… On a envie de faire nos propres morceaux. On a enregistré en France et j’ai compris à ce moment-là que la qualité d’un disque en dehors des compositions c’est le talent du mec derrière la console. On a donc regardé les noms des types qui avaient bossé sur nos albums de références et qui étaient encore en vie !
T : Et pas trop cher (rires) !
R : On a regardé les albums des Inmates et on a vu le fameux Pat Collier.
T : Il avait également fait le « Ringolevio »de Little Bob Story, c’était aussi le bassiste des Vibrators …
R : Il avait fait un hit avec Katrina and the Waves ”Walking On Sunshine”. Il a réalisé notre mix mais pas la production.
Aujourd’hui vous êtes autonomes : vous sortez vos disques, vous êtes vos propres managers, vous avez votre camion … Vous faites tout, tout seul !
T : Oui et on y tient : on veut rester des artisans !
R : Le Do It Yourself (DIY) des punks est très important pour nous !
T : Maintenant on a des gens autours de nous qui nous aident pour les vidéos, le merchandising …
R : On tient d’ailleurs ici à remercier nos femmes qui nous voient partir sur la route tout le temps et qui doivent rester à la maison pour garder les enfants !
A chaque fois c’est sur quel label ?
T : On a notre label dans notre association : « First Offence Records » en hommage aux Inmates !
Vous avez été sensible à l’évolution musicale ? Parce que quand on vous écoute vous êtes restés fidèles à la musique de vos débuts, il n’y a pas trop de concessions ! Vous aimez ça le numérique ?
T : Personnellement j’écoute beaucoup de choses : de la musique Sénégalaise à la variété mais je reviens toujours à mes premiers amours : le rock’n roll !
R : en fait on n’a pas besoin toute la technologie actuelle, c’est vrai ! On arrive en studio et on envoie ! Mais techniquement c’est plus pratique, le numérique …
Au printemps 2009 vous partez jouer au Japon ?
T : On a monté une escroquerie (rires), ça fait neuf ans on peut le dire (rires). En 2009 on tournait beaucoup, les concerts se passaient bien mais personne ne voulait de nous sur les festivals. Red se démenait pour trouver des dates et on s’est dit : « on a l’asso, on va partir jouer au Japon » !
R : Un label Japonais avait sorti un nos titres, tiré de notre live, sur une compilation. Et puis sur internet je tombe sur un club qui s’appelle le « Club Doctor » avec la tête de Doctor Feelgood mais avec les yeux bridés (rires). J’ai ce club avant et le mec m’a dit qu’il pouvait nous faire jouer mais il ne nous payait pas mais pouvait prendre en charge nos billets et tout ça dans un anglais très … approximatif ! Je me pointe tout fier à la répétition avec mon mail et là le guitariste lit et me dit « en fait il ne paye pas et il nous paye pas le voyage ». Là l’affaire s’arrête mais ça reste dans un coin de notre tête. On croise un groupe de Pub Rock Italien qui avait été joué là-bas et qui nous dit que le mec du club peut nous monter des dates. Je branche des labels Japonais, un d’entre eux nous répond qu’il nous met sur une compilation. Bref le mec du club nous monte des dates avec un, petit, minimum garanti et on est partis.
T : On a vidé les poches de notre association pour se payer le voyage et l’hôtel et on a tout fait tout seuls.
R : On a eu aucune subvention et un groupe comme nous n’intéresse pas le bureau export. On n’avait pas de disques là-bas …. On a eu des prix intéressants pour le voyage parce que c’était en avril c’est tout !
Enorme ! Vous avez fait combien de concerts ?
R : Cinq concerts en cinq jours !
Ah ouais !
R : On est arrivés et le soir même on a joué : 36 heures sans dormir ! Le jour où on est arrivés, on a passé l’après-midi, au lieu de se reposer on a été choisir nos instruments parce que on n’avait pas de visa de travail et que si on nous voyait passer avec une guitare, ils pouvaient nous renvoyer en France directement. On a passé la douane et on a été accueillis par le taulier du club Feelgood qui nous reçoit à la Japonaise. Il nous a emmené directement dans ce local pour choisir nos instruments.
T : C’était un immeuble de sept étages avec un étage par instrument.
R : Un étage guitare, un étage basse, un étage batterie … Tu imagines le truc et nous en train de choisir nos instruments là-dedans ! Bref 36 heures sans dormir et on joue dans un concert avec cinq ou six groupes Japonais et nous au milieu. Le niveau des groupes étaient excellent, hyper pro.
T : En France tu commences la guitare, tu essayes de faire un concert ! Pas là-bas : tu montes sur scène quand tu sais vraiment jouer, sinon c’est la honte. Et partout c’est pareil : les ingénieurs du son, les lights, l’accueil … Tout est parfait !
R : Le dernier concert on l’a fait dans une soirée au club Feelgood organisée pour nous où nous avons joué à trois heures du matin. On s’est barrés du club pour prendre l’avion toujours sans dormir !
(Shaggy Dogs à Tokyo – Droit réservé)
Vous n’avez rien vu de Tokyo ?
R : Ah si, quand tu vas à Tokyo tu sais bien que tu ne vas y aller quinze fois. Donc le matin on se levait et on se promenait pour visiter tout les quartiers de la ville.
T : On marchait toute la journée …
R : Comme des bourrins avec des appareils photos, comme des touristes …
T : On a cherché des cartes postales pendant deux jours. On en a acheté cinquante et le dernier soir dans la loge du club on a écrit à tous les festivals et tous les journalistes qui nous ignoraient, avec ce texte : « Bon baiser de Tokyo » (rires) Et ça nous a payé le voyage parce que au retour on a eu plein de promo et là il y a eu plein de festivals.
Au retour du Japon le batteur vous quitte !
R : Il était déjà insomniaque mais en rentrant du Japon il n’en pouvait plus : on a tous mis un mois à s’en remettre. Il a honoré les dates qui étaient signées mais après il est parti. On fait quelques mois avec un batteur et puis on va jouer au Buis Blues Festival où nous rencontrons Laurent Bourdier qui va s’occuper de nos textes.
Développe !
R : C’est un prof d’anglais qui est aussi le biographe français de Stephen King ! C’est surtout un dingue de musique.
Pourquoi tu n’écris pas les textes ?
R : On fait la musique à quatre (cinq maintenant), c’est déjà beaucoup (rires), je suis un peu feignant et puis je ne le sens pas !