Pascal Perree alias Karels une histoire de Frakture rennaise et musicale !

mardi 23 mai 2017, par Franco Onweb

Il y a plusieurs semaines j’ai rencontré et publié une interview de Sergeî Papail de Frakture. Une rencontre magique qui m’a donné envie d’en savoir plus sur ce groupe de légende et aux vues des réactions suscitées par les commentaires, je n’étais pas vraiment seul ! J’ai donc décidé de demander aux acteurs de ce groupe qui dépasse totalement le strict cadre de la musique de s’exprimer !

Voici donc le témoignage de Pascal Perree alias Karels, personnage aussi discret que musicien efficace, une vraie mémoire vivante de cette scène Rennaise qui a marqué et que l’on ne cessera jamais de saluer. Plutôt que de répondre à des questions, Karels a préféré s’exprimer dans un texte ou il a pu évoquer toutes ses expériences de musicien. Voici le témoignage d’un musicien exigeant mais surtout d’un amoureux de la musique qui n’a jamais renié ses idéaux 

Je m’appelle Karels. Je suis musicien depuis mon enfance dans le sens où j’ai été très vite sensible aux vibrations émotionnelles que procure la musique. J’ai ressenti ensuite le besoin de l’exprimer en devenant guitariste.

Un beau jour au lycée, un camarade me dit que des potes à lui répètent dans le garage de ses parents tous les samedis après-midi. Il m’invite à venir les voir me recommandant pour le coup d’amener ma guitare et mon ampli. Je fais la connaissance de Sergeï qui tient aussi la guitare dans le groupe. Je me branche et c’est parti. Le courant si je peux dire passe bien entre nous tous et je suis intégré au groupe à l’issue de la répétition. L’aventure avec Sergeï commence donc en ce 29 novembre 1975.

Dans cette première formation, nous commençons notre apprentissage à faire des reprises et à se risquer parfois sur des compositions, il faut bien le reconnaître à ce stade peu convaincantes. Ce sont aussi les premiers concerts essentiellement destinés à animer des booms dans des MJC ou ce genre de structure. Cela dure un an et demi environ jusqu’à ce que l’année 1977 commence à résonner des assauts punks descendus en ligne droite de Grande Bretagne. Sergeï vient de faire une découverte sans précédent. A peine arrivé chez lui, il me déclame : « Ecoute ça ! ». Il pose un E.P. sur la platine, pose la pointe sur le vinyle et c’est l’explosion, une révélation : le God Save the Queen des Sex Pistols. Un véritable choc, une révolution musicale sans précédent. Avec l’été, j’ai la chance de me rendre au deuxième festival de Mont-de-Marsan et c’est là encore une belle claque pour moi. Cela confirme l’urgence du moment de monter un groupe. Sergeï et moi convenons d’un nom. Ce sera Fracture. Après deux premiers concerts avec des musiciens occasionnels dont Christian Dargelos à la basse, nous trouvons deux alter-ego avec Jack Duval à la guitare et Phil Rérolle à la batterie. Dans cette formule qui voit Sergeï endosser définitivement le rôle de chanteur-bassiste, on peut considérer que le premier véritable concert du groupe a lieu en première partie de Marquis de Sade à la MJC de la Paillette le 5 novembre 1977.

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(Frakture en concert salle de la cité le 13 janvier 1978, à gauche Sergeî Papail et Karels à droite - Droits réservés) 

Nos influences dans ces premiers moments ont bien sûr une forte tonalité punk avec les Sex Pistols, les Damned, les Ramones dont nous faisons quelques covers. Nous sommes aussi sensibles à ce qui se fait entendre dans l’hexagone comme Starshooter, Stinky Toys, ou Metal Urbain. Sur un plan plus large, il y a aussi Johnny Thunders qui prolonge avec ses Heartbreakers le son des New York Dolls, le style résolument mods des Jam, le pub-rock electrisé du Dr Feelgood avec son parallèle français, Little Bob Story. Tout ce paysage qui semble réinventer le rock en le défouraillant, avec en trame un monument presque inclassable, œuvre du groupe Television : l’album Marquee Moon, pépite magnifique et intemporelle. Personnellement et en tant que guitariste, mes inspirateurs que sont des gens comme Pete Townshend et Jimi Hendrix s’inscrivent totalement dans cette nouvelle mouvance musicale où radicalité sauvage et sensibilité se côtoient toujours. La force du Punk était d’avoir su réexposer des notions essentielles propres au rock qui s’étaient évanouies en chemin. Ainsi, tout redevenait urgent, puissant, organique. Tout devenait possible.

Je me souviens donc de cette première période de Fracture comme d’un moment de fulgurance. J’ai le sentiment de me trouver dans une sorte de catalyseur. Tout va très vite, se construit rapidement et sans effort particulier. C’est galvanisant autant qu’inspirant. Nous sommes jeunes, impatients. Après les premières répétitions, les concerts arrivent vite et même si les Transmusicales n’existent pas encore, nous nous retrouvons déjà à jouer à la Salle de la Cité. Localement, nous jouissons déjà d’une bonne visibilité avec Marquis de Sade comme chef de file. Tout cela en à peine six mois. Tout pourrait s’annoncer sous les meilleurs auspices mais l’implacable réalité du service militaire qui mobilise trois d’entre nous a raison du groupe. Sergeï, rescapé, rejoint naturellement Marquis de Sade.

 

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(Frakture en concert à la salle de la cité le 6 novembre 1979, Sergeî Papail et Karels - Photo Richard Dumas ) 

Au printemps 1979, quelques semaines suivant mon retour du service national, Sergeï me fait part de son souhait de reformer Fracture. Cela me surprend de prime abord, considérant qu’il a tout à perdre à quitter Marquis de Sade et j’essaie de le dissuader de ce projet dans un premier temps. Mais cela lui tient vraiment à cœur et nous décidons de repartir sur une base nouvelle, radicale, la formule du trio. Nous reprenons notre batteur, libéré lui aussi et commençons les répétitions sans attendre. Trois mois plus tard, nous sommes à l’affiche des premières Transmusicales à la Salle de la Cité au mois de juin. Je garde un super souvenir de cette période où nous jouions un répertoire punk au travers duquel commençait à se dessiner une identité avec nos compositions. A l’automne, nous reprenons notre formule à quatre originelle qui ouvre la période véritablement emblématique du groupe avec une identité marquée. Il est nécessaire pour cela de trouver la meilleure pertinence possible entre mes parties de guitare et celles de Jack. Il n’est parfois pas évident de faire cohabiter deux instruments identiques même si cela se pratique souvent. Je reconnais éprouver parfois de la difficulté pour me placer ; l’expérience du trio m’avait procuré une totale liberté d’expression. Cette période est quoiqu’il en soit excellent, en positionnant Fracture de belle manière du moins localement. Nous ouvrons pour Marquis de Sade sur quelques concerts régionaux. Cette période marque aussi nos premières expériences sérieuse de studio avec des sessions au Studio D.B. de Mélesse (albums Dantzig Twist de Marquis de Sade / Walking Shadows des Dogs entre autres) dont nous tirerons notre 1er 45 tours : Sans Visage suivi du titre Die Sackgasse pour la compilation Rock in Rennes. Entre-temps, le groupe change le « c » pour un « k » plus esthétique : Frakture. Le groupe s’arrête ensuite pour des raisons de divergences artistiques.

Nous sommes en 1981. Sergeï enclenche son projet solo. Il ne fait pas de bruit autour de cela. Accompagné des musiciens des Nus, il expose son univers par un somptueux concert à l’Espace de Rennes. C’est la première fois que je ne suis pas à ses côtés, et c’est très bien ainsi parce qu’il n’y a pas de ce fait de risque d’interférence. Il garde une liberté totale sur son concept. Deux ans plus tard, je serai de l’aventure en pointillés, le temps d’un enregistrement à Paris chez Bernard Szajner et du dernier concert aux Transmusicales 1984. Cela reste à mes yeux des moments importants et riches autour d’une expérience unique aux contours musicaux différents de ce que j’avais l’habitude de faire.

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(Frakture en 1982 - Karels au centre - Photo Richard Dumas) 

En revenant un peu en arrière, vers la fin de l’année 1981, Frakture décide de se reformer. Nous prenons un virage à 180 degrés pour revenir à nos racines punks du début. Pour ce faire, le groupe redevient un trio musical. Sergeï ne se consacre qu’au chant laissant à Jack le soin d’assurer la basse. Phil reste à la batterie et je redeviens seul guitariste. C’est explosif, ébouriffant. Nous sommes animés par l’envie de réexposer au grand jour ce punk-rock qui nous a fait exister et qui semble déjà s’étioler dans le paysage musical. Mais ce sont nos ultimes cartouches et au bout d’une année, le groupe disparaît faute de munitions. C’était inéluctable et ce dernier opus du groupe constituait une forme de suicide tacite.

Transmusicales 1982 : Frakture est prêt de s’éteindre, mais je contacte Jack et Phil pour un concert unique monté en dernière minute avec mon ami Richard Dumas. Le groupe qui s’appelle Dolce Vita s’adjoint aussi les services de Jean-Pierre Ghez à l’harmonica et les interventions au sax d’un certain Lol Coxhill présent sur le festival. Programmés en invités surprise à cette occasion, nous revisitons des reprises empruntées aux Doors, 13th Floor Elevator, Stooges, ou encore Damned. Cela reste encore à ma mémoire un moment fort d’une intensité comme il en existe rarement. La fée électrique était sur scène avec nous.Il faut noter à ce titre que nous avons été royalement servi ce soir-là par le talentueuxJean-Pierre Boyer du Studio D.B. aux manettes. 

En 1983, je suis contacté par Christophe Launay, chanteur de P.38 pour intégrer le gang suite au départ de leur guitariste Gil Riot. Je tiens la basse dans un premier temps puis la guitare. Ce groupe aux forts accents clashiens, contestataire est propre à renverser les montagnes et chaque concert est l’occasion de prendre la scène comme on monte à l’assaut.

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(Karels en concert en 1982 - Photo Richard Dumas) 

Automne 1984. Je suis depuis plusieurs mois sur la touche depuis la fin de P.38 quand je suis contacté par Patrick Chevalier. Il est en train de monter Les Beaux Ténébreux et me propose de tenir la guitare lead, dans un premier temps pour l’enregistrement d’une démo. Je suis séduit et décide de prolonger l’aventure avec eux. Et pendant un an, ce sont pas mal de concerts, avec parfois les galères qui émaillent aussi la vie d’un groupe de rock’n’roll. Lepoint d’orgue sera ce concert aux Transmusicales 1985, les dernières pour moi. Seul groupe local à l’affiche, nous avons la charge d’ouvrir la première soirée. Nous avons bien préparé notre affaire et seront récompensés au-delà de nos espérances par deux rappels. Malgré des succès d’estime, il est parfois difficile pour un groupe d’exister de par certaines divergences de point de vue. Les Beaux Ténébreux vont cesser rapidement ensuite d’exister, l’ami Patrick prenant le parti de tracer son chemin en solitaire avec talent. Commence pour moi une longue traversée du désert avec des tentatives anecdotiques de remonter un projet en rejouant avec les ex-Frakture Phil et Jack. Il y aura parfois quelques bons spots de concert mais le groupe souffre cruellement d’identité et n’est pas en mesure de trouver sa direction.

En 2003, je retrouve un peu par hasard Sergeï sur mon chemin. Plus de quinze ans que nous nous étions plus revus. A ce moment, le projet de réexposer quelque chose musicalement n’est pas dans l’air jusqu’au moment où en 2005, il est proposé à Sergeï de participer à la réalisation d’un Tribute sur les Dogs en hommage à Dominique Laboubée. Il nous apparaît inconcevable de laisser passer cette belle opportunité d’un hommage pour ce groupe emblématique du paysage musical français. Nous convenons très vite du titre à reprendre (Boy) et Frakture l’enregistre en trio avec Phil à la batterie. L’enregistrement terminé, nous évoquons la possibilité de réexposer durablement le groupe et de repartir sur de nouvelles bases. Pour cela, nous envisageons l’ajout d’un clavier plutôt que de revenir sur la formule à deux guitares, ce dont je ne voulais pas. Ert d’End of Data se manifeste tout de suite. Frakture ainsi recomposé peut se mettre à travailler et commencer à construire son nouveau répertoire. Peu à peu, une nouvelle couleur musicale se dessine. Ert se révèle un fabuleux arrangeur doublé d’un génial défourailleur d’idées. Si tant est que j’eus pu avoir quelques doutes quant à une cohabitation guitare-clavier que je n’avais jamais expérimentée, je suis très vite rassuré sur son efficacité. Frakture est de nouveau sur les rails.

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(Frakture version 2010, Karels premier à gauche - Photo Richard Dumas) 

La vie d’un groupe n’est pas toujours un long fleuve tranquille et Frakture ne fait pas exception à la règle. Sa cohésion aussi peut se révéler fragile si l’un des éléments perd pied. Cela se produit à terme avec Phil, notre batteur qui semble de moins en moins impliqué. Il freine la progression du groupe et nous sommes contraints de nous en séparer. Par chance et grâce à l’entremise de l’ami Jo Pinto Maia, Pierre Thomas nous rejointtrès vite. Mais il nous faut lui laisser le temps de s’approprier notre répertoire et d’y trouver la place pour s’exprimer. Et pour cela, plusieurs mois sont naturellement nécessaire. Et puis Ert nous quitte pour des raisons personnelles et légitimes et cela se fait à l’amiable. Il y a une décision à prendre pour la suite qui s’impose en fait en toute logique : nous décidons de poursuivre la route à trois. C’est le meilleur choix qui se justifie pleinement aujourd’hui.

Depuis la dernière séparation du groupe en 1982, il s’est écoulé 35 ans. Nous sommes en 2017, et en fin d’année Frakture fêtera ses 40 ans d’existence. C’est déjà une chance singulière d’exister toujours après tout ce temps. C’est d’ailleurs le cas pour d’autres, ce qui est rassurant et galvanisant aussi. Evidemment, notre univers a changé, notre musique s’est affinée en même temps qu’elle a gagné en enveloppe tout en gardant sa puissance originelle. L’expression est globalement moins radicale mais nous avons gagné en souplesse.

Ce que nous proposons devient plus mature à mon sens. Mais en aucune façon, nous nenous éloignons des fondements de base qui ont présidé à l’identité de notre musique. Nous proposons des choses plus mélodiques qui s’inscrivent naturellement dans l’élaboration des titres. Le prochain album en construction aura cette tonalité que l’on peut entendre sur le maxi E.P. que nous avons sorti en 2016. A cette différence que nous prenons le temps de le réaliser par séquences au fil du temps et des nouvelles compositions. Cela permet de prendre du recul sur ce qui est déjà mis en boîte et d’avoir la latitude d’enrichir ou modifier des détails. Dans cet esprit, nous souhaitons porter une attention particulière sur les arrangements ainsi que le meilleur soin à la production. Nous tenons à optimiser les possibilités que peuvent apporter des séances d’enregistrement en studio. Il s’agit en réalité d’enrichir les choses subtilement sans perdre de vue que le groupe est un trio, de ne pas dénaturer le travail et qu’à l’écoute finale, cela doit sonner comme tel. Il existe par ailleurs des exemples réussis de ce type de démarche. 

 

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(Karels en studio - Photo Géraldine Guyon) 

Sur scène, Frakture reste ce groupe frontal qu’il a toujours été, naturellement fidèle à ses fondements du début, organique et viscéral. Et la formule du trio est je pense ce qui lui con-vient le mieux. De toute façon, la limite du nombre conduit à une totale liberté pour chacunalliée à une implication de tous les instants. Je pense que nous ressentons cela très intensément sur scène et nous conduit naturellement à donner le meilleur de nous-mêmes. La musique du groupe a gagné en amplitude et cela est palpable à nos concerts.

Au fil du temps, j’ai eu l’occasion de jouer au sein de plusieurs formations. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, dans des styles différents. Toutes ces expériences réunies sont enrichissantes. Frakture est ma première vraie expérience de groupe. En cela, cela constitue quelque chose de particulier et au moment où s’est posé le postulat avec Sergeï de relancer la machine, cela ne faisait aucun doute. Parce que nous avons construit, fabriqué ce groupe et pour parachever le tout, nous croisons sur la route le meilleur alter-ego que nous puissions rencontrer en la personne de Pierre. Il porte en lui l’héritage de ce rock rennais pourrait-on dire dont nous sommes historiquement partie prenante dans son avènement. Alors, nous ne fixons pas de règle pour construire les choses comme nous le faisions délà à l’époque. Frakture représente à mes yeux cet univers propice à l’expérimentation, touty est possible.

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(Pochette du maxi vinyl de Frakture 2016 - de gauche à droite Pierre Thomas, Sergeî Papail et Karels - Photo Richard Dumas) 

Je garde de la vie du groupe de bons souvenirs dans sa globalité. Son existence est bien sûr truffée d’anecdotes et avec le temps j’en ai oublié certaines. Mais il en est une assez cocasse à mon esprit. Nous sommes en janvier 1978 et en ce soir du vendredi 13, Fracture est programmé à l’affiche d’une soirée de concert à la Salle de la Cité dans le cadre du festival de la Scène Ouverte. Cela pourrait s’apparenter à des Transmusicales avant l’heure. Phil, notre batteur est le premier d’entre nous a avoir depuis plus d’un mois rejoint les rangs du service militaire qu’il effectue à Senlis près de Paris. Pour avoir la possibilité d’assurer des concerts et palier à son absence, nous avons enrôlé avec nous un autre batteur. C’est Philippe de la Croix Herpin, alias Pinpin, qui derrière ses talents de saxophoniste se révèle aussi excellent derrière des fûts. Pour le concert de ce soir, il est bien sûr prévu de le faire avec Phil à la condition que ce dernier soit rentré pour sa permission de week-end dans les temps, qu’il n’ait pas raté son train. Il y a donc une inconnue et c’est pourquoi Pinpin est présent, se tenant prêt à jouer au cas où. La soirée et lancée, l’heure du concert approche, et Phil n’arrive pas. Le groupe qui nous précède dans l’ordre de passage est déjà sur scène que Phil débarque finalement dans les loges, quasi in-extremis. Il s’en est fallu de peu qu’il n’arrive à temps et la situation est margerinesque : à peine débarqué de la gare, c’est un fan du groupe en mobylette qui l’a reconnu et l’a invité illico-presto à monter derrière pour rejoindre poignée de gaz à fond la salle de la Cité. Il va se soi que même si Phil a pu assurer sa présence, il a bien sûr laissé sa place à Pinpin pour quelques morceaux en fin de concert dont une reprise des Sex Pistols : Problems. Complètement fan du groupe, c’est lui qui avait d’ailleurs suggéré de reprendre ce titre que nous garderons encore un moment au répertoire. Nous nous étions permis ce luxe, obligé du reste d’avoir deux batteurs, qui pour un soir se sont donnés le change. C’était le premier concert du groupe dans cette salle magique, le public était en nombre, on a allumé la mèche pour un gig explosif, quoi de plus grand pour notre bonheuren somme. Nous avions 20 ans à peine, avec un futur dont on disait déjà qu’il ne sentait pas bon, mais étions gonflés à bloc pour fabriquer un avenir à notre convenance, bousculer les règles et les codes.

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(Karels et Sergeî Papail en concert en 2015 - Photo Gilles Le Guen) 

Le temps a passé. Beaucoup d’espoirs se sont envolés en chemin et le ciel s’est souvent assombri. Je croyais en des torrents de bonheur et d’ivresse, et pour le moins glisser sur un fleuve tranquille, ce que la vie nous rappelle qu’elle n’est évidemment pas. Que l’on soit musicien ou pas. Il y a les tempêtes, les larmes mais aussi les précieux instants de ciel bleu, de calme. Et je suis toujours là, entourés de mes guitares et à jouer avec mes amis. Et avec eux, cette liberté d’aller cueillir des instants de bonheur comme j’ai pu le vivre l’année passée avec notre ami Tonio Marinescu avant qu’il ne s’en aille. C’était avec Gil Riot et son Blood Washed Band, autour de bons moments partagés tous ensemble. Juste le plaisir d’être réunis, parce qu’avec le temps on aspire à l’essentiel, on ressent plus l’évidence des choses essentielles et cela trouve aussi son expression dans le discours musical. Cela rejoint d’ailleurs une discussion que je tenais il y a quelques temps en compagnie de l’ami Pascal Trogoff, saxophoniste qui apporta aussi à un moment sa collaboration au sein de Frakture. Nous partagions cette idée d’avoir le souci d’aller à l’essentiel, d’éviter le réflexe facile du remplissage mais plutôt laisser de l’espace à la musique. J’aime parfois penser à cette idée fantasmatique qui serait de trouver une note, un son ultime qui constituerait une pièce musicale à elle seule comme l’expression de la note absolue en somme.