Je m’appelle Christian Quermalet, je viens de Normandie, d’Equeurdreville (banlieue de Cherbourg), j’ai 49 ans et je suis musicien (entre autres !)
Comment tu découvres la musique ?
J’ai commencé par le piano classique à six ans sur les conseils de ma mère. Elle est musicienne à ses heures perdues. On écoutait beaucoup Chopin à la maison. J’ai commencé à l’école de musique de Cherbourg ou cela s’est moyennement bien passé. Ma mère m’a alors redirigé vers la personne qui lui avait appris la musique. Une dame assez âgée à l’époque, elle avait presque 90 ans, et qui m’a appris le solfège, les harmonies, le piano…
Tu commences comment à découvrir la pop, le rock ?
Assez rapidement, vers sept ans, ma mère m’a acheté « Oldies but Goldies », une compilation des Beatles. La première écoute fut une véritable révélation ! En CM2 je fais la connaissance d’un garçon qui est aussi fan des Beatles et on commence à échanger des titres, des informations et là je découvre pleins d’autres choses.
Tu rentres dans les Tétines Noires ?
Oui, quelques années plus tard, en 1985 après plusieurs expériences plus ou moins heureuses au sein de petits groupes locaux. C’était un groupe de Réville, à côté de Cherbourg. Le père du chanteur (Emmanuel Ndlr), Joël Hubaut (artiste contemporain, célèbre pour ses performances Ndlr) y avait son atelier. Quand je me suis joint à eux, le groupe existait depuis 1981, ils avaient commencé à 14 ans, en jouant dans des parcs à parcs à bébé.
(Christian Quermalet, à l’époque des Tetines Noires en 1987, Droit réservé)
Les Tétines Noires était un groupe New Wave, limite Batcave, alors que à l’époque la Normandie était très marquée par les Garage Bands, comme les Dogs, Fixed Up et Little Bob entre autres …
On avait peu de connexion avec ces gens-là (les scènes de Rouen, du Havre), comme avec celle de Rennes d’ailleurs qui n’était pas si loin et où il se passait aussi beaucoup choses : (Les Transmusicales, Marquis de Sade, Etienne Daho, etc…). Pour en revenir aux Tétines Noires, mon intégration s’est faite via William, le batteur avec lequel j’avais des amis en commun. Il m’avait vu jouer de la basse à une fête de la musique. Il venaient de se séparer de leur bassiste et cherchaient quelqu’un. En septembre 1985 je faisais donc ma première répétition avec eux. Pas peu fier !
Tu t’es senti à l’aise avec eux ?
Oui tout de suite. Ils n’étaient pas trop portés sur le rock, même s’ils aimaient les Sex Pistols et d’autres trucs dans le genre. Ils déstructuraient totalement la musique et y ajoutaient d’autres ambiances provenant du Body Art, des happenings, etc.... Ils étaient en opposition totale avec Cherbourg où la majorité des gens n’en jurait que par le rock 60’s (MC5, les Kinks …).
Vous aviez un son New Wave ?
Oui enfin, c’était aussi l’époque qui voulait ça. Mais nous faisions tout pour nous démarquer de cette scène New Wave en brouillant constamment les pistes ! Pour moi c’est un super souvenir cette expérience : on jouait dans les réseaux d’art contemporains, on essayait pleins de trucs, musicalement et visuellement. J’ai quitté le groupe juste avant le premier album en 1990, aucunement par désaccord artistique mais plutôt par envie d’explorer d’autres contrées musicales. Nous sommes toujours en contact aujourd’hui. C’est un immense plaisir de se recroiser. Je leur dois beaucoup !
(Les Tétines Noires 1987, Christian Quermalet à droite - Droit Réservé)
Tu pensais quoi du rock alternatif ?
Pas grand-chose de bon. Je trouvais tout ça un peu « bourrin franchouillard »… Les Stincky Toys, Métal Urbain, Kas Product, Taxi Girl, Orchestre Rouge, c’était ça ma scène musicale française !!
The Smiths ?
J’aimais bien le groupe. Mais je ne m’y suis vraiment intéressé qu’une fois en Angleterre. Morrissey est pour moi l’un des meilleurs paroliers existants. Quant à Johnny Marr, c’est un surdoué de la guitare, tout en élégance…
Tu quittes les Tétines Noires pour aller t’installer à Nantes ?
Oui, en 1989. Après trois ans de Beaux-arts à Caen et je suis parti à Nantes pour suivre quelqu’un…
Nantes était alors une ville en pleine transformation : plein de lieux dédiés à la culture venaient de voir le jour. Tout cela était très excitant.
Je passais tous mes weekends à Rennes ou je répétais avec Swam Julian Swam, un combo originaire de Cherbourg et qui avait été monté par Philippe Lebruman Timothée Zagula et Franck Dorange que je connaissais depuis quelques années ! C’était la grande époque de My Bloody Valentine et consort s… On essayait de faire cette « Noisy Pop » qui nous fascinait à l’époque.
(Christian Quermalet à Berlin Ouest en 1988 - Droit Réservé)
Swam Julian Swam va sortir un six titres ?
Oui à Rennes, en 1991. J’ai beaucoup aimé cette ville dans les années 80/90. J’ai de grands souvenirs de concerts là-bas dont une première partie du Gun Club avec les Tétines Noires ou Jeffrey Lee Pierce (chanteur du Gun Club Ndlr ) m’a demandé de lui prêter mes accessoires de scène… ! Ensuite, après deux ans passés dans le groupe, je suis parti pour Londres.
Il y a eu une interview super dans Rocksound à l’époque où tu racontais ta vie à Londres et comment tu avais envisagé The Married Monk ?
On vivait à Brixton. Ma copine étudiait à la St Martin School of Arts. Un jour elle me ramène un Nagra (vieux magnétophone à bandes Ndlr) et là je commence à maquetter quelques idées/titres que j’avais sous le coude. J’envoie tout ça à des labels Anglais et quelques labels Français dont Rosebud . Alan Gac (directeur de Rosebud Ndlr ) me répond un mois et demi après que ça lui plait et qu’il est partant pour un album. Je rentre et avec Philippe et Franck, deux anciens de Swam Julian Swam donc, on enregistre à Rennes le premier album du groupe.
(Married Monk en 1993, Christian Quermalet à gauche - Droit Résevé)
C’est l’album, « There’s a rub » qui va me marquer à sa sortie, un disque pleins de mélodies avec pleins d’acoustique
Merci ! Avec cet album on commence à tourner en France, notamment avec les Littles Rabbits et on va faire les Transmusicales en 1994 le même soir que Vic Chesnut et Beck.
(Married Monk en concert aux Transmusicales de Rennes en 1994 - Droit Réservé)
Tu étais proche des Little Rabbits ?
Quand j’étais à Nantes, je voyais tous les jours Gaétan (Châtaignier, ancien bassiste des Rabbits, aujourd’hui réalisateur de clips et de films Ndlr) , on était proche.
Tu écoutes quoi à l’époque ?
Jonathan Ritchman, Sonic Youth, Dinosaur Jr, My Bloody Valentine, Pavement, Fugazi…
Que des Américains à part My Bloody Valentine ?
C’est clair : j’ai été marqué par un certain son Américain, cela s’est ressenti sur le groupe !
Après il y a un maxi quatre titres et vous tournez beaucoup. A l’époque tu chantais et tu jouais de la guitare assis sur scène
Je ne sais pas trop pourquoi, c’est probablement lié au fait qu’il a fallu que je chante (alors qu’avant j’étais le bassiste, bien planqué dans son coin) ! Je n’assumais pas le fait de me produire comme chanteur devant un public. Ça va beaucoup mieux maintenant.
Tu es passé facilement de la basse au chant ?
Absolument pas. Cela a été un vrai cauchemar ! Avant de faire le premier album on a répété un mois, à Rennes, et pendant trois semaines on n’a fait que des instrumentaux. Cela commençait à devenir urgent mais je n’osais toujours pas chanter ! Un soir on est sortis et on nous avons bu comme des trous ! De retour à l’appartement je me suis dit : « allez je me lance ». On a enregistré la répétition avec un petit magnéto. Bon, le résultat de ce premier jet vocal était ignoble mais au moins j’avais réussis à franchir le pas ! Je n’ai jamais pris de cours de chant par la suite.
Tu joues de pleins d’instruments ?
Oui, ça m’amuse !
Je touche un peu à tout c’est vrai mais je ne suis « « spécialiste » d’aucun instrument en particulier !
Il y a le deuxième album qui arrive ?
Oui, à l’époque on a quitté Rennes pour Paris ou je bosse à l’IFOP ! En 1996 on sort the « Jim Side » un album enregistré à Bordeaux avec Jim Waters (producteur Américain qui a travaillé notamment avec Sonic Youth et Jon Spencer Ndlr ). On voulait continuer à faire de l’acoustique mais nous faire produire par quelqu’un venant d’un univers totalement différent. Jim était parfait pour ça.
Il détonne (Jim Waters) par rapport à ton image de compositeur de pop songs classieuses ?
Que l’on ne s’y trompe pas : c’est un type qui est un gros fan de toutes les musiques : de Berlioz aux Beatles ! On peut parler, avec lui, aussi bien de musique modale que d’opéras Italiens ou de Hardcore Américain. Sa culture musicale est très large. Nous nous sommes retrouvés dans son discours.
Tu as l’image d’ailleurs d’un grand mélodiste
(Silence), j’ai bien conscience que je cherche à faire des mélodies et que je suis sensible aux changements harmoniques. C’est souvent beaucoup trop dans le détail mais je ne me pose pas vraiment la question …
Vous commencez à tourner ?
On déménage à Paris, et là il y a un premier changement de personnel : on change de batteur et Stéphane Bodin (futur Bosco Ndlr), une connaissance des Beaux-arts de Nantes nous rejoint aux claviers et à la basse. Il va amener beaucoup de choses à notre son.
(Married Monk en 1996, de gauche à droite Philippe Lebruman, Stéphane Bodi n et Christian Quermalet - Droit réservé)
Tu t’intéresses à quoi à l’époque ?
Il y a quelqu’un qui va me marquer. C’est Mark E Smith, le leader de The Fall, un grand groupe ignoré des foules. Je les ai vu trois fois sur scène et à chaque fois il était insupportable avec ses musiciens mais le mec est vraiment fort !
Vous tournez beaucoup ?
Pas mal oui …